304
pages
Français
Ebooks
2021
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Publié par
Date de parution
12 janvier 2021
Nombre de lectures
3
EAN13
9782760643086
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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12 janvier 2021
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9782760643086
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ALEX GAGNON
Les métamorphoses de la grandeur
Imaginaire social et célébrité au Québec (de Louis Cyr à Dédé Fortin)
Les Presses de l’Université de Montréal
Mise en pages: Yolande Martel Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Les métamorphoses de la grandeur: imaginaire social et célébrité au Québec (de Louis Cyr à Dédé Fortin) / Alex Gagnon. Noms: Gagnon, Alex, 1988- auteur. Collections: Socius (Montréal, Québec) Description: Mention de collection: Socius | Comprend des références bibliographiques et un index. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200090534 | Canadiana (livre numérique) 20200090542 | ISBN 9782760643062 | ISBN 9782760643079 (PDF) | ISBN 9782760643086 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Renommée—Aspect social—Québec (Province) | RVM: Célébrités—Aspect social—Québec (Province) | RVM: Représentations sociales—Québec (Province) Classification: LCC FC2919.G32 2020 | CDD 305.5/209714—dc23 Dépôt légal: 4 e trimestre 2020 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2020< www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À ma fille, petite mais déjà grande écrivaine
Remerciements
Il serait long et difficile de dire tout le plaisir, renouvelé chaque jour et à chaque page, que j’ai trouvé dans l’écriture de ce livre, rempart contre un monde souvent si prosaïque où les joies du savoir, de l’étude et de la réflexion «inutiles» ont peu d’espace pour s’épanouir. De nombreuses personnes ont contribué à me permettre ce bonheur.
Comme tout travail intellectuel, cet ouvrage est rendu possible par des conditions matérielles. Sans l’appui du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), qui ont financé les deux postdoctorats dont ce livre est issu, ces Métamorphoses de la grandeur n’auraient jamais vu le jour; qu’ils en soient remerciés. Le personnel de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a offert de son temps pour faciliter mes fouilles dans les archives, dans les microfilms et dans les corpus numérisés; qu’il le soit également. Suzie Houde m’a plusieurs fois accueilli à la Maison de Radio-Canada, où elle m’a permis de fouiller à mon gré dans les archives télévisuelles du diffuseur public; qu’elle le soit aussi.
J’ai dépensé une énergie considérable à rassembler mes corpus et l’énorme documentation, éparpillée et parfois peu accessible, sur lesquels se fonde ce livre. Je tiens à remercier Louise Leblanc, Éric Henry, Sylvain Cormier, Marie-Josée Hudon, Bibliothèque et Archives Canada, le personnel de la chaîne Musimax et les maisons de production Pixcom, Sovimage, Attractions Images, Fair-Play et Datsit. Ces personnes et ces institutions m’ont allégé la tâche en me fournissant des documents ou en m’offrant leur aide; on ne peut malheureusement pas en dire autant de certains empires médiatiques locaux.
Plusieurs personnes m’ont accordé des entretiens et ont accepté de me fournir, en prenant la parole ou en livrant un témoignage, une documentation (histoire orale et informations sociologiques) d’autant plus précieuse qu’elle est unique et autrement inaccessible. Merci à Jimmy Bourgoing, à Lise Raymond et à Stéphan Gervais, anciens proches et amis d’André «Dédé» Fortin, pour leur temps et leur ouverture. Merci à Jo-Anne Sauvé-Taylor, qui m’a ouvert les portes de l’HOTEL10, à Montréal, et de la SUITE2116, cet espace consacré à la mémoire du défunt chanteur des Colocs. Je remercie également Pierre-Michel Gadoury et Benoît Gagné, qui m’ont chaleureusement accueilli à la Maison Louis-Cyr de Saint-Jean-de-Matha pour participer à mes recherches. Deux autres personnes méritent une reconnaissance particulière. Merci à Réal Fortin, frère aîné d’André Fortin et responsable de sa succession, qui a fait tout ce qu’il pouvait pour faciliter mon travail en me donnant libre accès à des documents privilégiés. Merci, enfin, au commandant Robert Piché, qui a accepté de me rencontrer et de livrer un témoignage sur son expérience de la célébrité. Peu de gens ont l’occasion – la chance ou la malchance, c’est selon – de se voir devenir de leur vivant, et sans anonymat, un objet d’étude; lui s’est prêté au jeu avec une rare générosité.
Comme tout livre, celui-ci a pu compter sur le soutien de quelques lecteurs (ou auditeurs) qui, à un moment ou un autre, ont accompagné son élaboration en le préparant à affronter le vrai public. Merci à Sylvano Santini et à Pascal Brissette, qui ont bien voulu lire et commenter quelques passages de mon manuscrit. Guillaume Pinson, Marie-Pier Luneau, Adrien Rannaud et la Ville de Sherbrooke m’ont offert l’occasion de «tester» devant public quelques parties de ce livre en m’invitant dans leur séminaire ou en m’insérant dans leur programmation culturelle; je les salue.
Cet ouvrage doit beaucoup aux Presses de l’Université de Montréal et à Benoît Melançon en particulier, qui m’a – à nouveau – ouvert sa collection en m’accordant une totale liberté intellectuelle et en me faisant bénéficier de sa lecture, bref en m’offrant un climat d’écriture idéal. Sa rigueur, son efficacité et sa disponibilité habituelles auront accompagné la réalisation de ce livre; merci trois fois.
L’écriture est solitude, mais on ne peut sans doute écrire – bien écrire – qu’entouré des siens. En ce sens, ce livre doit tout autant à la présence et aux encouragements indéfectibles de Stéphanie et de Météa, qui ont vu et suivi son évolution. Merci, encore et toujours.
Introduction
En 1758, l’Académie française réforme ses concours d’éloquence en leur donnant pour sujet unique «l’éloge des hommes célèbres de la nation 1 ». Dans un esprit républicain, le genre de discours né de cette transformation érige par cumul un panthéon national, que vient incarner en 1791 l’édifice massif, conçu comme un sanctuaire laïque par l’architecte Quatremère de Quincy, dont l’immense dôme surplombe le cinquième arrondissement de Paris. Initialement destiné à remplacer l’ancienne église Sainte-Geneviève, le bâtiment devient «Panthéon» pendant la Révolution française, converti en lieu «clos, sévère et grandiose 2 » digne d’accueillir et de fêter les «grands hommes». La fonction de l’éloge académique et de la panthéonisation est de payer une «dette» morale, celle que la nation, voire l’humanité, a contractée envers l’individu exceptionnel, dont l’apport et la valeur méritent dès lors d’être immortalisés par la «patrie reconnaissante 3 », comme le dit encore aujourd’hui le fronton de l’édifice parisien.
Le Panthéon est bien sûr une institution proprement française, mais ses ambivalences et son histoire mouvementée illustrent et résument en quelque sorte l’évolution générale de la «grandeur» dans les sociétés occidentales modernes. Le monument exprime d’abord l’émergence d’une sacralité spécifiquement laïque, née sur les ruines de l’ancienne, dont elle reprend en même temps la logique cultuelle. Détourné de sa fonction religieuse première, qu’il retrouvera périodiquement jusqu’à la mort de Victor Hugo en 1885, l’édifice redevient plusieurs fois une église catholique au cours du XIX e siècle, consacré alternativement, au gré des changements de régime, à la prière et à la mémoire des «grands hommes»; il offre en ce sens une image frappante de la superposition et du chevauchement des formes laïques et religieuses du culte, de l’admiration et de la grandeur. Le Panthéon traduit aussi à sa façon le caractère conflictuel de la gloire en régime démocratique. Dès son ouverture, les critères de glorification et la sélection des glorifiés suscitent le débat et l’embarras, la panthéonisation étant à la fois discutable et révocable (comme le montre la dépanthéonisation de Marat en 1795); l’édifice n’a jamais été un «lieu d’unanimité 4 ». S’il incarne les mutations modernes de la grandeur, c’est aussi parce que le culte qu’il symbolise rompt avec les formes plus anciennes de la renommée. Issue des Lumières, la notion de «grand homme» s’oppose, d’une part, à la notoriété aristocratique et royale, fondée sur le privilège de caste et sur la hiérarchie du lignage. Elle s’oppose aussi, d’autre part, au «héros» traditionnel, qui doit sa gloire à l’exploit militaire. Le «culte des grands hommes» substitue à ces avatars de la renommée une nouvelle forme de reconnaissance: il associe la grandeur, non plus à la distinction sociale inscrite dans les lois du sang ou à l’action d’éclat, mais à des vertus morales, intellectuelles et personnelles, déployées dans l’ensemble d’une œuvre ou d’un parcours de vie 5 .
Mais ce culte inédit se distingue en même temps d’une autre forme de grandeur, proprement moderne celle-là, avec laquelle il entretient une relation ambivalente: la «célébrité», qui s’affirme – le mot lui-même, sans être neuf, prend alors graduellement son sens actuel – et connaît un essor inédit vers le milieu du XVIII e siècle. Pour les penseurs des Lumières, grandeur et célébrité ne se confondent pas; certains définissent même la première contre la seconde. Au caractère arbitraire de la célébrité, qui s’attache aux êtres publiquement visibles (comme le sont déjà plusieurs comédiens), ils opposent le mérite substantiel du grand homme (parfois invisible mais toujours estimable), caractérisé par son «talent intellectuel et artistique» et par son «dévouement au bien public 6 ». Alors que la célébrité est une notoriété rapidement acquise et