L'invention du Cap-Vert , livre ebook

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Comment est née la société insulaire du Cap-Vert ? Cette question, longtemps restée en suspens en raison d’une vision du passé confisquée par l’ancienne métropole, Lisbonne, trouve ici sa réponse. Le défi consiste à articuler les approches anthropologiques et historiques à travers trois périodes (xve-xvie siècles, du xviie siècle à 1980 et de 1980 à nos jours) afin de tirer les faits de l’oubli et comprendre les interactions entre courtiers luso-africains, esclaves et Portugais. Si la rencontre entre la culture des maîtres et celles des esclaves est inégale, cette minutieuse enquête nous révèle que, finalement, c’est le catholicisme qui s’est créolisé, engendrant une société profondément originale.

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Publié par

Date de parution

04 novembre 2022

Nombre de lectures

1

EAN13

9782902039333

Langue

Français

À la lectrice, au lecteur
Maurice Godelier
Médaille d’or du CNRS
Prix de l’Académie française
L’anthropologie est la seule science sociale qui impose aux chercheurs de s’immerger de façon prolongée dans les modes de vie et de pensée d’une autre société que la leur et dont ils n’avaient jamais eu l’expérience dans leur existence. Peu à peu, l’anthropologue, s’il a réussi à nouer des liens d’amitié et de travail avec ceux qui l’avaient accueilli parmi eux, découvre et comprend leurs façons de penser et d’agir, et peut alors en témoigner parmi nous. Ce n’est pas seulement de leur temps présent qu’il va témoigner, car une grande part de l’identité d’une société est faite d’un passé toujours présent et de récits, de moments de gloire ou de blessure, à vif dans la mémoire.
Dans le monde où nous vivons, et où l’hégémonie séculière de l’Occident est en train de disparaître, mais n’est pas oubliée de ceux qui l’ont subie, où des puissances nouvelles revendiquent de continuer à se moderniser sans plus s’occidentaliser, la connaissance de ce que font et sont les sociétés autres que les nôtres, est plus que jamais importante et doit être partagée par les jeunes générations.
C’est pour ces raisons que l’initiative de créer une nouvelle maison d’édition, Dépaysage, et de la consacrer en priorité à la publication d’ouvrages d’anthropologie est à la fois une entreprise courageuse et importante. On n’en saura jamais assez sur les autres, et grâce à eux, sur nous-mêmes.


 
 
Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Marie-Laure Jouanno — conception graphique ; réalisation et adaptation de l’illustration de couverture Éric Levillayer — correction © Olivier Mazoué — logotypes Toutes les photographies de cet ouvrage sont de Pierre-Joseph Laurent (tous droits réservés)
Pour la réalisation de ce livre, les éditions Dépaysage ont reçu le soutien financier du Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et de la Fondation universitaire de Belgique. Qu’ils en soient ici vivement remerciés.
Édité par © Éditions Dépaysage, 2022
ISBN (papier) : 978-2-902039-32-6 ISBN (epub) : 978-2-902039-33-3
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er  juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


Pierre-Joseph Laurent
L’invention du Cap-Vert
De la créolisation



É necessário compreender o processo identitário cabo-verdiano e a sua ligação com o processo de crioulização « Il est nécessaire de comprendre le processus identitaire capverdien et son lien avec le processus de créolisation » — Mário Lúcio Sousa, ancien ministre de la Culture du Cap-Vert.


Remerciements
J’esquissais les pistes d’un troisième ouvrage sur la parenté lorsque Maurice Godelier, avec qui j’évoquais ce projet, m’a soufflé que ma familiarité avec le Cap-Vert et la religiosité populaire méritait que je m’y penche sérieusement. Dans la foulée, il me mit en contact avec Amaury Levillayer qui lançait les éditions Dépaysage, avec l’intention audacieuse, mais combien cruciale, de publier les anthropologues qui témoignent du monde d’aujourd’hui. Je me suis hasardé à lui proposer une esquisse encore floue d’un ouvrage consacré à l’« invention de la société capverdienne » à partir de la transformation des formes de la religiosité. Il l’accepta. La confiance d’emblée accordée, le travail en tandem qui en découla avec un éditeur érudit, anthropologue, attentif et attentionné, me stimula. À tous les deux, je suis reconnaissant pour cette judicieuse proposition, les encouragements et les soutiens dès l’amorce de ce livre.
Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans, en amont, l’intervention du Crédit de recherche (CDR) du Fonds de la recherche scientifique (FNRS) belge. Par sa souplesse et son attention à la spécificité de chaque discipline, ce fonds a rendu possible, durant des années, mes recherches ethnographiques au Cap-Vert et a facilité leur maturation. Je dois également au Laboratoire d’anthropologie prospective (LAAP) de l’Université catholique de Louvain, à mes collègues anthropologues qui y travaillent, Anne-Marie, Frédéric, Jacinthe, Julie, Olivier, et aux chercheurs et aux doctorants qui le fréquentent, de m’avoir fourni un cadre de travail dynamique, même à distance lors de la pandémie de la Covid-19. Chaque vendredi matin, profitant d’une écoute mutuelle bienveillante, les chercheurs peuvent y présenter leurs avancées. Cette ambiance de travail revigore, notamment dans les périodes de découragement, d’hésitation ; elle m’a poussé vers l’autre rive, celle de la construction malgré les incertitudes.
Le Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et la Fondation universitaire de Belgique ont subsidié l’édition de cet ouvrage. Pour instruire le dossier, des évaluateurs externes, anonymes sont sollicités. Les avis sont ensuite transmis aux auteurs, autant de lecteurs dont j’ignore l’identité et que je remercie pour leurs stimulantes lectures et suggestions.
La première version de cet ouvrage, des intuitions ethnographiques surtout, une ébauche longue, besogneuse, hésitante, répétitive a bénéficié de relectures attentives, critiques. Elle a ainsi été enrichie des commentaires de trois spécialistes. Philippe Chanson, de l’Université de Genève, anthropologue et théologien, m’a poussé à clarifier ma conception trop approximative de la créolisation et, à partir des travaux pointus qu’il a menés dans les Caraïbes, dans un dialogue à distance, il m’a poussé à détailler la spécificité de ce processus pour le Cap-Vert. Sans concession, fort d’une complicité de deux décennies, Cláudio Furtado, de l’Université du Cap-Vert et de l’Université fédérale de Salvador de Bahia au Brésil, socio-anthropologue capverdien renommé, m’a poussé dans mes derniers retranchements, débusquant et questionnant les conséquences épistémologiques de ma position de chercheur européen dans mes formulations maladroites, conscientes et inconscientes, distillées çà et là dans le manuscrit, à propos de la créolisation, des esclaves et des lançados , surtout. Anaïs Ménard, du Max Planck Institute for Social Anthropologie, affectée un temps au LAAP de l’UCLouvain, spécialiste de la Sierra Leone, a pointé pour moi les liens étroits entre la créolisation de la façade atlantique d’Afrique de l’Ouest et le Cap-Vert. Tous les trois m’ont retourné un manuscrit couvert de notes, de questions, de suggestions ; je leur dois de m’être remis au travail. Un partage d’intuitions et d’idées entre scientifiques, une science en train de se faire, pétrie de multiples influences, une chance rare dont je mesure la portée puisqu’une partie de ce manuscrit est aussi la leur, par l’intégration de leurs questionnements aux miens. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma plus profonde et sincère gratitude.
Je remercie chaleureusement Justine Masseaux, Mike Singleton et Anne-Marie Vuillemenot, qui m’ont gratifié de lectures attentives, débusquant les redites, les approximations, les manques de contextualisation, les erreurs bibliographiques. Leur temps précieux consacré à me lire a contribué à la rédaction de la version définitive de ce livre. Ne ménageant pas sa peine, Cláudio Furtado a relu les versions successives de ce texte, suscitant des échanges intellectuels passionnés et stimulants, à distance ou chez lui à Praia, notamment à propos de certaines de mes traductions de la langue créole du Cap-Vert vers le français ou le portugais.
Mon épouse Danielle Bastien, psychologue, psychanalyste, chercheuse et autrice, complice au long cours de mes terrains ethnographiques en Afrique, par nos échanges théoriques sans concession, à chaque étape de la formulation de ce travail, m’a fait part de ses idées, associations et intuitions. Efficace et stimulante dans sa compréhension de la quête de l’anthropologue lorsque, après des années, celui-ci reste fasciné par son terrain et absorbé par son écriture, c’est avec un bonheur renouvelé que je lui adresse mes remerciements pour son accompagnement rythmé par la tolérance et nos vies en partage.
Malgré la pandémie et le travail à distance dans les périodes de confinement, je tiens à remercier à nouveau le LAAP pour m’avoir donné, à deux reprises, la possibilité d’exposer les points cruciaux d’un travail en chantier, notamment à l’occasion de l’invitation de Wilson Trajano Filho de l’Université fédérale de Brasilia, spécialiste brésilien de la créolisation en Guinée-Bissau. Dans le cadre du séminaire, intitulé La pensée métisse face à la mondialisation : difficile et urgente exigence , Jean Furtos, psychiatre des hôpitaux honoraire, et François Laplantine, de l’Université Lyon 2, m’ont permis d’exposer et de débattre des lignes de force de cet ouvrage. L’Université du Cap-Vert (UNI/CV), lors du colloque international de novembre 2021, organisé à Praia sous le thème de Ciências sociais e disrupções globais (« Sciences sociales et bouleversement global ») , m’a proposé de prononcer la conférence inaugurale intitulée Um longo processo de crioulização : À invenção de Cabo Verde (« Un long processus de créolisation : l’invention du Cap-Vert ») , me donnant ainsi l’occasion de tester devant un public averti les principaux arguments de ce livre.


Introduction
Je me souviens de mon premier voyage au Cap-Vert, en novembre 2003. Comme pour me rassurer, j’avais embarqué de Dakar, au Sénégal. Le jour tombait rapidement sous ces latitudes, mais se dirigeant vers l’ouest, l’avion offrit aux rares passagers un éternel coucher de soleil qui, en une heure, dans une lumière orangée marquant la mémoire, nous a conduits à Praia. Il y

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