199
pages
Français
Ebooks
2015
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
199
pages
Français
Ebooks
2015
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
20 août 2015
Nombre de lectures
4
EAN13
9782764430385
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
7 Mo
Publié par
Date de parution
20 août 2015
Nombre de lectures
4
EAN13
9782764430385
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
7 Mo
Projet dirigé par Jacques Fortin, président, et Pierre Cayouette, conseiller littéraire et éditeur
Adjointe éditoriale : Raphaelle D’Amours
Conception de la grille intérieure : Julie Villemaire
Mise en pages : Interscript
Révision linguistique : Isabelle Pauzé
En couverture : Photomontage réalisé à partir d’images tirées de © Valentyn Volkov/shutterstock.com et archives personnelles de l’auteure
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Langlois, Lynn
Ma vie est une série bip
(Biographie)
ISBN 978-2-7644-3036-1 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3037-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3038-5 (ePub)
1. Langlois, Lynn. 2. Psychose maniacodépressive. 3. Santé mentale. 4. Maniacodépressifs- Québec (Province) - Biographies. I. Titre. II. Collection : Biographie(Éditions Québec Amérique).
RC516.L362 2015 616.89’50092 C2015-941551-9
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2015
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2015.
quebec-amerique.com
À madame Jocelyne Monty
Des erreurs, j’en ai fait. D’abord, je suis né. Première erreur !
Woody Allen
Préface de Nancy Huston
La follement courageuse
Pendant des siècles, en Occident, une armée d’hommes – moines, prêtres, théologiens – ont passé leur temps à débattre des articles de la foi chrétienne, à recopier des passages de la Bible, à asséner théories et anathèmes depuis leurs chaires hissées au-dessus de la foule de croyants, à défiler en pompe et cérémonie en déblatérant des insanités au sujet des mères vierges, du péché de la chair et tutti quanti . Tout cela a perdu beaucoup de sa présence et de sa puissance dans le monde contemporain, nonobstant les festivités autour du pape. On peut espérer voir réserver le même sort, d’ici quelques siècles, à l’armée des spécialistes agressifs de la santé mentale qui, un peu partout autour de nous, enchaînent colloques, congrès, publications et promotions, et assènent leurs certitudes depuis leurs chaires non plus religieuses mais universitaires. Les cheveux qu’ils coupent en quatre ne sont non plus l’immaculée conception ou le miracle de la transsubstantiation, mais la bipolarité de types 1, 2, 3 et 4, la dépression brève récurrente (DBR), le trouble affectif saisonnier (TAS)… et les molécules à prendre pour venir à bout de ces péchés new look afin de réintégrer un peu plus vite la course au paradis fiscal.
Raison et émotion, corps et âme, individu et société, chromosomes et expérience, art et folie. Ce qui angoisse les spécialistes, qu’ils soient théologiens ou psychiatres, c’est que les choses soient floues, mouvantes, changeantes et li ées, en interaction constante . Ce qui les rassure, c’est de les séparer. Alors ils séparent sec. Arrêtent le mouvement. Figent artificiellement. Analysent, distinguent, classifient, tranchent, étiquettent. Déclarent. Décident qui est sain et qui malade. Expliquent. Définissent. Excluent les contradictions.
« Comme si le suicidé, lui, ne voulait pas vivre », écrit Lynn Langlois qui, revenue de trois tentatives pour quitter ce bas monde, sait de quoi elle parle. Merci Lynn, merci de le dire et de le dire si bien merci. Voici un livre étonnant, un livre totalement unique, le livre d’une « sonneuse d’alarme », aussi courageuse dans le domaine de la psychiatrie contemporaine qu’Edward Snowden dans celui de la surveillance électronique.
J’ai lu très récemment de Joyce Carol Oates J’ai réussi à rester en vie , livre de 480 pages paru en 2009. Oates y raconte la mort de Raymond Smith, à qui elle avait été mariée quarante-sept ans durant, et l’impact très violent qu’a eu ce décès sur sa psyché. J’avais lu plusieurs critiques de ce livre avant de l’acheter, mais aucune n’incluait la phrase que je me suis murmuré à voix basse tout au long de ma lecture : Elle est folle . Non seulement JCO est clairement folle pendant l’année de son deuil, mais elle est folle d’une façon pour moi proche et reconnaissable, puisque c’est la mienne.
« On pourrait dire que je suis “bien” lorsque je suis plongée dans une tâche, écrit Lynn Langlois. Occupée à en perdre la conscience, à fuir les voix, le temps, le lieu. On dira que je suis excessive ou exigeante. » J’avais eu le même sentiment en lisant les journaux intimes tenus par JCO dans les années 70. Elle est folle. Comme moi mais en pire . J’ajouterai maintenant : Lynn aussi. Comme JCO et moi mais en pire . Seulement, de JCO et de moi, personne n’ose dire qu’on est folles parce qu’on fonctionne, on « performe », on produit.
La vérité c’est qu’on le fait… follement . Tout comme LL, pour ne pas se détester et se suicider on est obligées de rester hyper actives, de priver notre corps de sommeil et/ou de nourriture, de l’exciter avec tabacs et alcools, de l’assommer avec somnifères et anxiolytiques. En général on cache bien notre folie, et même quand on la montre clairement personne ne la relève parce que, tout de même, JCO a publié cent cinquante livres, moi une cinquantaine, nous sommes productives alors ça va, quoi ! « Elle est prolixe », disent-ils de nous – ne veulent-ils pas dire prolifique ? non, prolixe , ils pensent que nous produisons trop, alors que nous avons toujours l’impression, JCO et moi, de ne pas en faire assez, d’être paresseuses et immobiles, de trop dormir, de trop manger, et surtout de ne pas assez travailler. Trop occupées à quadriller le temps et à en optimiser l’utilisation, nous ne sentons pas le parfum des fleurs, n’entendons pas les cris des oiseaux, ne laissons pas nos yeux errer sur la beauté d’un coucher du soleil.
« L’hypomaniaque se fond dans le paysage de notre société hyper performante, écrit Lynn Langlois. La dépressive fait tache. » De Lynn on peut dire qu’elle est folle parce que, si ses high sont à peu près identiques aux nôtres, ils sont de courte durée, alors que ses down (quand la machine s’enraye, ralentit et cale) sont longs et fréquents. Moi j’oscille discrètement d’une position à l’autre ; quant à JCO elle semble avoir découvert le down pour la première fois à soixante-dix ans en raison de son deuil. Elle tombe des nues. Elle ne peut presque plus écrire, c’est paniquant ! Elle commence à entendre des voix qui la critiquent, l’attaquent, la narguent, la moquent, la poussent à se tuer. À la plus assassine, la plus impitoyable de ces voix elle donne le nom de basilic : serpent mythique dont le regard pétrifie et tue, comme celui de la Méduse. Je la connais depuis toujours, cette voix atroce, Lynn aussi, même si nous en avons d’autres.
« Mon ange antipoison tiendra tête à ce diable d’entourloupe. Et moi, entre les deux, j’en perds la boule. » Entre parenthèses, pourquoi personne n’a jamais eu l’idée de demander à la Méduse comment elle se sentait, avec tous ces serpents lui jaillissant du cerveau ? Les commentateurs s’en tiennent toujours à la vision du fils, c’est-à-dire l’épouvante de l’homme devant la mère châtrée/castratrice. Mais quand vous portez en vous-même et sur vous-même le regard pétrifiant ? quand la Gorgone c’est vous ?
Romain Gary, même syndrome. Ou Woody Allen (« Chaque fois que je prends l’ascenseur, faut que j’aie quelque chose à lire, sinon je suis suicidaire avant d’arriver à mon étage ! ») En fait je pense qu’on est nombreux, nous autres bipolaires de placard , et il est peut-être temps que nous fassions notre coming-out : hello hello, Joyce, hello Romain, hello Woody… À nous, sous prétexte qu’on réussissait, personne n’a osé poser le diagnostic bip. Mais ce n’était pas le vrai nous qui réussissait, n’est-ce pas ? Le vrai nous est celui qui méritait de mourir n’est-ce pas ? Ah, Romain ! tu ne t’es pas raté et si Joyce n’avait pas trouv