Abrano : Tome 2 , livre ebook

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L’Ombre a frappé à la porte du Royaume. Heureusement, Abrano et l’armée orestoran ont su repousser les Morts-Vivants au-delà des frontières. Mais quels autres plans l’ennemi peut-il bien avoir en réserve ? Les Géants et les Fées devinent, eux aussi, la menace qui s’avance sur l’Agaleor. Une alliance entre les Trois Peuples semble inévitable.
Abrano découvrira bien vite que la quête dans laquelle il s’est plongé est plus vaste qu’il ne le croyait.
Le Livre de Fravonte lui révélera le lourd passé des Géants, et en quoi ce passé continue de les hanter, constituant un grave péril pour les Royaumes Libres. Même s’il a déjà affronté de nombreux dangers, le véritable défi se trouve sans aucun doute à l’avant de son destin.
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Date de parution

03 septembre 2021

Nombre de lectures

16

EAN13

9782925009986

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

CHAPITRE 1
LE LIVRE DE FAVRONTE

Je me réveille, la tête aussi claire et le corps aussi revigoré qu’après un bon sommeil dans mon lit douillet de la clairière, au retour d’une longue chasse. Je quitte les couvertures et m’étire longuement. Je revêts les habits du Général et sors de ma tente. La nuit est toujours aussi épaisse dans les basses terres de l’Artale, mais au nord-est, au-dessus des hauts murs de la Porte des Gorges, s’étend une vaste lumière orangée : l’incendie que j’ai provoqué fait rage dans le col. Un nuage dense de fumée s’élève par-dessus la forêt comme un immense rideau embrasé, tournant à un noir fuligineux à mesure qu’il se fond dans l’obscurité des hauteurs. Heureusement, le vent du sud nous garde à l’abri de ses retombées, sans quoi le campement serait sûrement arrosé d’une pluie de cendre.
Deux petites silhouettes s’approchent de moi. Je reconnais aussitôt les Fées, Véatile et Filavanel.
― Maître Abrano ! chante Véatile. Nous guettions votre sortie. Vous avez eu bon sommeil ? 
― Oui ! réponds-je en souriant. Un sommeil dont je n’avais pas joui depuis longtemps.
― Le danger est en aval, maintenant. Du moins, c’est ce que l’on peut croire ; mais nous allons nous en assurer bientôt.
― En aval… Ne voulez-vous pas dire que la menace est derrière nous ?
― C’est cela ! dit Filavanel en riant. Les choses viennent à nous dans le Grand Cours, depuis l’amont, et elles s’éloignent vers l’aval. 
― Je n’avais jamais vu la chose de cette manière ! dis-je. Chez nous, nous figurons plutôt que le temps est comme une rivière que l’on descend.
― Ce n’est pas une façon moins juste de le voir, seulement différente ! répond Véatile.
― Vous avez reçu un nouveau nom chez les nôtres, en tous cas, dit Filavanel. On vous surnomme déjà Daomeste, ce qui veut dire « Semeur de Feu ». Ce nom longe déjà les montagnes et gagnera l’oreille de nos sentinelles en Artaland ; il traverse également le Volimdiale et fera écho en Arimareva. 
Je baisse la tête, honteux.
― Je suis navré, dis-je. L’incendie va ravager toute la forêt à l’est des Gorges ! Je ne doute pas que ce soit une catastrophe à vos yeux.
― Ce qui pousse peut repousser, répond Véatile. La forêt de l’Artale dépérit depuis longtemps. Et il n’y a plus d’animaux qui vivent en ces lieux depuis quelques soleils déjà. Quand le danger sera définitivement écarté de ces terres, les Fées en prendront soin avec plaisir. Soyez sans crainte, Daomeste. 
Je ris, à la fois de soulagement, et parce que ce nouveau nom me surprend.
― La liste de mes surnoms va devenir, j’en ai peur, de plus en plus longue avant que je ne me retire des affaires du Royaume ! plaisanté-je, non sans y trouver un soupçon de vérité. Au rythme où je les gagne, il faudra bientôt une journée entière pour les décliner tous. 
― C’est ce qui arrive aux gens de grands noms ! répond Véatile en riant. Car pour nous, noms et destins sont liés ; par le passé, le présent et l’avenir. Mais on ne chantera pas tous vos noms chaque fois que l’on s’adressera à vous : seulement quand la sagesse nous murmurera de le faire.
Je sors alors de ma poche l’adimat qu’il m’a prêtée et la lui tend.
― Vous m’avez confié ceci ; je vous la rends.
Il prend la pierre dans sa petite main et l’enfouie dans un pli de son manteau.
― Je vous remercie ! dit-il.
Du coin de l’œil, j’aperçois la silhouette lourde et imposante d’Orolmis qui vient vers nous.
― Vous avez fait de beaux rêves, Gouverneur Abrano ?
― Aucun, réponds-je. Et c’est ce qui m’a fait du bien.
― Pouvons-nous maintenant nous entretenir sur ce qui s’est passé sur le Chemin-du-Précipice ? Vous m’avez promis des explications à votre réveil.
― Oui, je m’en souviens, dis-je. Mais avant toute chose, je dois vous dire : bien que je sois effectivement Gouverneur de Taradan, il conviendra mieux que vous m’appeliez Général quand nos rapports seront produits au sein de l’Armée. C’est surtout en ma qualité de Général, et non de Gouverneur, que je suis venu en Artale.
― Comme vous voudrez, répond-il froidement. Alors, Général, seriez-vous disposé à me faire part de votre version des faits quant à ce qui est survenu dans les cols de l’Artale ? J’ai entendu bien des choses de la bouche de mes hommes, mais j’aimerais vous entendre, à présent. Et il nous reste à établir les plans pour la suite. On ne sait pas encore grand-chose des dernières décisions de l’ennemi. Tout porte à croire qu’il retirera ses forces de la région, mais il faudra nous en assurer.
― Là-dessus, je suis d’accord avec vous, dis-je. 
J’invite le Capitaine et les Fées dans mes quartiers. Je ne décris pas en détail tout ce que j’ai vécu entre le moment où j’ai quitté le site de l’éboulement dans les Gorges et mon retour au campement après le déclenchement de l’incendie. Après tout, je n’ai aucun compte à rendre au Capitaine Orolmis. Mais je vois par ses hochements de tête que mon histoire s’accorde à ce qu’il a déjà entendu de la part de ses troupes.
― Ainsi, vous avez bel et bien déclenché le feu de façon délibérée, conclut-il. Jamais on n’aura connu pareille catastrophe dans tout le Royaume. Je dois dire que je n’approuve pas votre choix.
Je pousse un rire chargé d’ironie.
― Je n’ai guère besoin de votre approbation, Capitaine, réponds-je. J’ai fait ce que j’ai pu avec ce que j’avais. Il faudra m’expliquer pourquoi le nombre de nos ennemis a décuplé entre mon départ de la Cité et mon arrivée dans les Gorges.
― L’ennemi est capable de bien des artifices, lance Orolmis. Ne tombons pas dans le piège de nous disputer à ce sujet.
― Eh bien, fais-je en soupirant, j’aimerais seulement que vous appliquiez votre sagesse à l’ensemble de la situation, et non sur les seuls points qui vous siéent. Pouvons-nous, par pitié, cesser de nous reprocher une chose et une autre, et parler, entre hommes d’autorité, des mesures à prendre pour le proche avenir ?
Nous établissons en fin de compte une grande battue à l’ouest des Gorges. À l’est, inutile d’entreprendre la moindre recherche. L’incendie, poussé par le vent du sud, continuera de s’étendre vers le Galitol, bloquant le passage aussi bien aux forces du Royaume qu’à l’envahisseur. Les éclaireurs, Humains comme Fées, poussent loin au nord, au-delà de la ligne des montagnes. Ils ne trouvent que de petits groupes dispersés de Morts-Vivants, errant à l’orée de la Forêt Noire ou remontant péniblement l’Alelasc.
― Qu’ils se lamentent ou non à leur Maître de leur défaite ne changera rien pour nous, m’a préalablement expliqué Véatile. L’Ombre a bien des espions pour l’informer de ce qui se passe aux frontières de votre Royaume.
Aussi ai-je donné l’ordre de ne pas engager le combat avec les ennemis que l’on trouverait durant la battue, sinon pour se défendre d’une attaque soudaine. Mais il n’arrive rien de la sorte : l’ennemi est tout occupé à regagner son lointain territoire.
Aux premières heures du lendemain, soit le vingt et unième jour du mois, le gros de l’Armée lève le camp pour se rendre à Brastudan, la grande forteresse du Gamrit. À regret, je dois faire mes adieux à mes nouveaux amis.
― Entre Faélan, nous nous disons léita , « à la prochaine fois », dit Véatile. Nous n’avons pas besoin du mot adieu, puisque le Grand Cours ne nous amène pas la vieillesse. Il est donc peu probable que nous ne nous revoyions jamais ! Mais avec la guerre qui sévit, peut-être qu’un nouveau mot deviendra nécessaire. Pour l’instant, nous disons léitalsa , « au revoir, peut-être », ce qui se rapproche le plus de vos adieux.
― Léitalsa , alors, réponds-je, ce qui fait rire les Fées. Ce fut une joie inespérée que de rencontrer votre gent : le mystère qui vous entoure planait depuis longtemps en mon esprit. Je dois dire que je ne me sens que plus intrigué à votre égard. J’espère bien en apprendre davantage sur vous. Je ressens en votre compagnie une paix que je ne connaissais pas. Elle me manquera certainement.
― Je vois un long cours devant vous, Daomeste, dit Filavanel. Je ne serais pas surprise qu’en amont il croise encore des nôtres. Pour ma part, je suis heureuse que nos cours se soient rencontrés. Vous me semblez posséder ce que les Estan ont de mieux en eux.
Seules les compagnies qui, voilà quelques jours, sont venues en renforts de Brastudan resteront en Artale. Les autres, lasses de garder la région depuis le Crépuscule, retourneront enfin au Gamrit. Mes propres compagnies les accompagneront : nous séjournerons un moment à la forteresse. À voir l’air renfrogné que prend le Capitaine Orolmis quand je lui en fais la nouvelle, je constate qu’il ne s’y attendait pas, et que cela ne fait guère son affaire. Il croyait sans doute que mes hommes et moi allions regagner la Cité dès que nous en aurions fini avec les Morts-Vivants.
― Nous ne resterons que quelques jours, précisé-je au Capitaine. Cependant, je compte laisser quelques centaines d’hommes à votre disposition à la place forte. Cela, au cas où l’ennemi se manifesterait de nouveau dans un proche avenir. Les renforts de la Cité sont arrivés juste à temps, et en cela, la fortune fut de notre côté ; mais je ne m’y fierais pas une seconde fois.
― Comme bon vous semble, Général, répond-il de la voix la plus détachée possible. Mais il faudra loger et nourrir ces hommes. Le Gamrit devra-t-il payer tout leur entretien ?
― Je ferai en sorte que la Cité dédommage le Gamrit pour son bon service, dis-je.
L’Armée Orestoran laisse derrière elle le campement et l’imposante entrée des Gorges. Les messagers dépêchés pour avertir Brastudan de notre arrivée prochaine nous distancent rapidement, disparaissant dans les hauteurs devant nous. Le chemin grimpe doucement vers l’ouest et les montagnes, de sorte que, en regardant vers l’arrière, nous pouvons mieux voir les hautes terres de l’est, et l’étendue de l’incendie. Le spectacle me coupe le souffle. C’est une ligne orange déchirant l’obscurité de

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