Noir lumière , livre ebook

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être soi être nous
être de tout ce qui nous lie dans ce que nous avons de racines et de branches
cèdre du chouf, baobab pétrifié, érable des neiges
nos bras levés au ciel tendus vers ces étoiles troublantes et solitaires
de notre sang d’être, de notre sève libre et consumée, écoulante et bulleuse, d’où éclosent à foison les plus belles nébuleuses

David Bouchet s’adresse à l’île de son enfance, Gorée, à la femme aimée, et au pays qui l’a vu grandir, enfant blanc dans un pays noir. Face à son corps, à sa mémoire et à ses doutes, le poète pose la question : me reconnaissez-vous ? Noir lumière est une ode aux voix racinées déracinées qui revendiquent l’utopie.
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Publié par

Date de parution

14 mars 2022

Nombre de lectures

11

EAN13

9782897128357

Langue

Français

Table des matières Couverture Page de titre Dédicace Prologue Épigraphe Gorée / Touchante Racinaire sans racine Bipolaire monochrome Remerciements Dans la collection poésie Copyright
Points de repère Couverture Page de titre Dédicace Prologue Épigraphe Gorée / Touchante Dans la collection poésie Copyright
Répertoire des pages Couverture 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 Couverture arrière

1260, rue Bélanger - bureau 201
Montréal, Québec H2S 1H9
Info@memoiredencrier.com
Memoiredencrier.com
Noir lumière
Du même auteur
Soleil (roman)
Chicoutimi, La Peuplade, 2015
David Bouchet s’adresse à l’île de son enfance, Gorée, à la femme aimée, et au pays qui l’a vu grandir, enfant blanc dans un pays noir. Face à son corps, à sa mémoire et à ses doutes, le poète pose la question : me reconnaissez-vous ? Noir lumière est une ode aux voix racinées déracinées qui revendiquent l’utopie.
Écrivain, poète et scénariste, David bouchet , né en France, vit à Gorée dès la petite enfance, puis à Fann-Hock, quartier melting-pot de Dakar. Son premier roman Soleil (La Peuplade, 2015) a connu un grand succès. David Bouchet est également le scénariste de deux films : La pirogue (2012), réalisation de Moussa Touré, et Wallay (2017), réalisation de Berni Goldblatt.
David bouchet
Noir lumière
à ma mère, Pierrette,
première à éclairer ma vie
pour Nafy, ma terre, mon éternelle
Prologue
Enfant, on m’appelait grand-père. Et cela faisait sourire ma mère. Plus que sourire même, fondre. Pourtant, je ne porte le prénom de personne, comme cela aurait dû être le cas pour que l’on m’appelle grand-père. Peutêtre avais-je hérité d’une racine dont j’ignore encore aujourd’hui le chemin et la profondeur. J’étais alors un petit grand-père à tête blonde et je faisais mes premiers pas sur une minuscule terre brune chargée de l’une des histoires de l’Histoire la plus sombre qui soit. Gorée, petite île ocre et nature, flottant entre l’azur et l’Atlantique, au large de Dakar.
Je ne savais rien de cette histoire maudite, de cette porte du voyage sans retour, rien de l’horreur et de la tragédie, rien de l’absurde ignominie et de l’extinction des Lumières qui faisait d’un passé pas si lointain, cette nuit sans fin que fut la traite négrière… Mais de ce rien-là, de cette ignorance du désastre, de cette insouciance éclairée, mes petits camarades et moi, dans les ruelles sableuses de l’île, tirions chaque jour le meilleur lait de la vie. Ni âge, ni couleur, ni race, ni nationalité, ni frontière, ni identité, il n’y avait que cette île et l’enfance posée dessus comme un papillon sur sa fleur.
Petit aïeul blanc sur la vieille roche noire, j’ai marché pieds nus les premières années de ma vie. En culotte de coton, la peau au soleil. Aux dires de ma mère, je quittais la maison vers cinq ou six heures le matin et ne revenais qu’à la tombée de la nuit. Elle ne s’en inquiétait jamais. Il faut bien une île pour élever un enfant… Je mangeais alors chez l’un ou l’autre de mes camarades, je siestais sur une natte, jouais sous le baobab de la place du marché, grimpais sur le muret de la plage ou sautais dans cette pirogue avachie sur le sable. Seules les hauteurs du Castel et de ses falaises nous étaient interdites. À mon retour, ma mère me trempait et me débarbouillait dans une bassine, dans laquelle je m’endormais avant même qu’elle ait eu le temps de m’essuyer. C’est ainsi que je passais mes plus belles journées dans les ruelles lumineuses de mon enfance insulaire.
Je me suis fondu dans le sable et dans la roche de cette île, j’en connaissais les moindres paysages, les terrains de jeux, les sources d’ombre, je fréquentais ses vendeuses de fruits, ses marchands de bonbons, son imam, son curé, ses musiciens, ses mendiants et j’y croisais, sidéré, des prisonniers-balayeurs qui erraient chaînes aux pieds. Tout petit, je me suis fondu dans la peau et dans le cœur de mes frères et sœurs d’île. Les premiers mots sortis de ma bouche étaient en wolof. Les premières émotions, en wolof, les premiers sacres, les premiers drames, les premières joies. Langage, sable, soleil, ocres, sueurs et saveurs faisaient en moi un mélange fondamental. Et de là certainement ont émané mes premières impressions poétiques.
…tank loxo nopp bakkan baat bët gémmiñ…
Les années suivantes ont été dakaroises, dans le quartier Fann-Hock, creuset multiethnique dans lequel j’ai forgé mon humanité, ma sénégalité. De belles tranches de vies, bouillonnantes de fraternités créatives, d’identités réinventées, d’intenses questionnements, avec, en trame de fond, le souffle toujours vif de la poésie et l’image scintillante d’une île, quelque part.
Je crois que les humains naissent tous poètes et que peu le demeurent. Très peu. Je me souviens qu’adolescent, comme un chapeau s’envole au vent, j’ai senti la poésie m’échapper. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir d’émotion pour tenter de la retenir. C’était un moment de rupture, une dissidence mystérieuse. Une fragmentation s’était opérée en moi. Je me suis subitement retrouvé submergé par un flot ininterrompu de questions sans réponses, alors que quelques mois auparavant, j’avais encore toutes les réponses, sans qu’aucune question ne m’eût été posée. Avec le recul, c’était, je crois bien, le signal que la femme venait de remplacer la poésie dans mes ordres de priorité.
Un de mes amis d’enfance de Gorée s’appelait Racine. J’ai perdu sa trace comme on peut perdre ses racines. Un autre s’appelait Zik. Il est mort en 1999.
Dee rekka wóor, comme dit l’adage wolof, la mort est la seule certitude.
Puis il y a eu cette lumière, au détour d’un recueil durement négocié sur un trottoir de l’avenue Blaise Diagne à Dakar. L’autre Blaise, Cendrars, en poseur de proses, y disait dans l’un de ses poèmes :
J’ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Cette phrase m’a littéralement ramené à la poésie et m’a rappelé, comme une petite clochette secouée dans la mémoire, que j’avais passé mon enfance dans les ruelles flottantes d’une île d’éternité, Gorée.
Aujourd’hui, il y a Montréal. Une île encore.
Les racines, l’enfance, l’île, on les prend, les glisse en poche et on voyage avec.
Jusque dans la profondeur des nuits.
Jusqu’au bout de la vie.
Ba abadan…
Yalna jàmm yàgg !
quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, - en une plage pour deux enfants fidèles, - en une maison musicale pour notre claire sympathie, - je vous trouverai
arthur rimbaud
tout ce qu’on fait dans la vie, même l’amour, on le fait dans le train express qui roule vers la mort
jean cocteau
une île m’attend
rodney saint-éloi

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