Quand la gauche essayait encore : Le récit inédit des nationalisations de 1981 et quelques leçons que l’on peut en tirer , livre ebook

icon

110

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2020

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

110

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2020

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

«Le projet de nationalisation des banques et de grandes entreprises stratégiques de l’économie nationale a été un moment de grande passion et de grande tension politique dans notre pays. Pendant neuf années, les nationalisations avaient alimenté le débat politique, et cette idée avait galvanisé les socialistes jusqu’à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Que quelques années après leur mise en application, elles aient été complètement balayées par les privatisations du gouvernement de Jacques Chirac avait de quoi susciter de fortes interrogations sur le processus même de ces nationalisations.»
Par un étonnant concours de circonstances, l’économiste et universitaire François Morin s’est trouvé engagé en 1981 au cabinet de Jean Le Garrec, secrétaire d’État chargé de l’«extension du secteur public», c’est-à-dire des nationalisations, dont celle des banques. S’appuyant sur ses archives personnelles et ses souvenirs, l’auteur raconte les coulisses de cet épisode extraordinaire de l’histoire récente de la France et s’interroge sur les raisons de l’échec de cette ambitieuse politique de socialisation du capital. Il démontre ainsi que les nationalisations de 1981 et leur échec ont encore beaucoup à nous apprendre, et que ces leçons pourraient nous permettre de réfléchir aujourd’hui aux voies d’une refondation démocratique radicale.
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

06 février 2020

Nombre de lectures

0

EAN13

9782895967934

Langue

Français

Conception graphique de la couverture: Jolin Masson
© Lux Éditeur, 2020
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 1 er  trimestre 2020
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-327-1
ISBN (pdf): 978-2-89596-982-2
ISBN (epub): 978-2-89596-793-4
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition.

Je ne sais pas s’il y a un «mur de l’argent», mais j’en connais beaucoup qui s’y sont cassé la tête.
François M ITTERRAND
Conférence de presse, septembre 1981
Seuls ceux qui exposent et s’exposent méritent le respect.
Henri B ARTOLI
Novembre 1974

INTRODUCTION
Pourquoi j’ai fendu l’armure!
Depuis de nombreuses années, j’avais le projet d’écrire un ouvrage sur les nationalisations du début des années 1980, moment très intense de l’histoire politique et économique française. J’ai eu en effet la chance de participer au cabinet de Jean Le Garrec, dès la nomination de ce dernier à titre de secrétaire d’État en juin 1981. Le premier ministre, Pierre Mauroy, l’avait chargé de l’«extension du secteur public», expression qui désignait, à l’époque, le projet d’expropriation de pans entiers de l’économie française, en vue de leur socialisation et de leur démocratisation. Ayant vécu de près ces événements et disposant de beaucoup d’archives, je savais que je pouvais évoquer des faits politiques importants qui, jusqu’ici, n’avaient pas été rendus publics. J’ai cependant retenu ma plume jusqu’à présent.
Je ne savais pas comment écrire sur cette période sans réveiller des plaies, longtemps vives dans la société française et qui m’avaient moi-même affecté. Le projet de nationalisation des banques et de grandes entreprises stratégiques de l’économie nationale a été un moment de grande passion et de grande tension politique dans notre pays, plus particulièrement au sein de la gauche alors au pouvoir. Ce projet se trouvait au cœur du programme politique de l’Union de la gauche, signé en 1972. Pendant neuf années, les nationalisations avaient alimenté le débat politique, et cette idée avait galvanisé les socialistes jusqu’à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Que quelques années après leur mise en application, elles aient été complètement balayées par les privatisations du gouvernement de droite de Jacques Chirac avait de quoi susciter de fortes interrogations sur le processus même de ces nationalisations. Avaient-elles été justes politiquement? Avaient-elles été efficaces sur le plan économique? Avaient-elles vraiment répondu à des attentes sociales? Méritaient-elles qu’on les évoque encore aujourd’hui?
Jusqu’à présent, aucune réponse valable n’a été apportée à ces questions. Or, je crois qu’il n’est pas trop tard pour chercher sincèrement à y répondre, car cela pourrait, j’en suis convaincu, aider à réfléchir aux logiques et aux contradictions qui traversent – tout en les minant – nos systèmes économiques depuis maintenant plusieurs décennies. Cette recherche, sait-on jamais, nous mettrait peut-être sur la piste de solutions nouvelles, meilleures que celles qui ont conduit aux échecs du passé. Dans cet ouvrage, je tenterai de démontrer comment certaines intuitions politiques profondément justes du Programme commun de 1972, puis du programme présidentiel de 1981, demeurent toujours actuelles. J’ai l’intime conviction qu’elles pourraient s’appliquer de nouveau, sous des formes très différentes, cela va de soi. Je pense en particulier aux propositions relatives à la démocratie économique, qui s’articulaient autour d’une question encore cruciale de nos jours: comment réformer en profondeur l’organisation des pouvoirs dans l’entreprise? Je pense également aux propositions qui touchaient au rôle de la finance et de la monnaie dans nos économies développées. La nationalisation des grandes banques s’appuyait sur un principe simple, et pourtant si souvent occulté: la création monétaire est une question éminemment démocratique, car elle est en soi un acte de souveraineté. Les questions de financement de l’économie, d’octroi du crédit, de disponibilité de la monnaie sont fondamentales dans une société libre. Et, oserais-je ajouter, elles le deviendront encore plus face à ce qu’exigera la nécessaire transition écologique.
Il faut évidemment éviter de répéter les erreurs commises au début des années 1980, notamment lors de la préparation et de la mise en œuvre du programme des nationalisations. Si les intuitions étaient bonnes, leur mise en œuvre ne l’a pas été nécessairement. Nous devons donc impérativement réfléchir à d’autres façons de procéder.
Mon hésitation à écrire sur cette période se fondait aussi sur des motifs plus personnels. Je suis, dans l’âme, un universitaire, et toutes mes publications jusqu’à présent, de ma thèse jusqu’à mes derniers ouvrages, ont relevé d’un style qu’on peut qualifier de «standard», où l’essentiel est d’avoir un regard critique et analytique sur les faits d’observation qui relèvent du savoir de l’économiste que je suis. Pour illustrer concrètement ce propos, je crois bien n’avoir jamais utilisé le pronom «je» dans une quelconque de mes publications, quel qu’ait été leur caractère souvent engagé!
Or, en 1981, du fait de mon travail antérieur comme universitaire, mais surtout de ma participation comme conseiller technique au cabinet de Jean Le Garrec, je me suis retrouvé subitement au cœur du pouvoir d’État, à œuvrer sur le dossier particulièrement explosif des nationalisations. Je n’étais donc pas un simple observateur ou un conseiller économique, j’endossais le rôle d’un acteur qui participait intimement au processus en cours. Était-il possible, dans ces conditions, d’écrire un texte sur cette période en conservant l’écriture «clinique» de l’universitaire, de celui qui se veut totalement rigoureux, scientifique et même détaché? Il me paraissait quasiment impossible de rester objectif, étant donné mon engagement personnel, même si de nombreuses personnes m’incitaient à raconter cette histoire. Ne pouvant me résoudre ni à évoquer cette période en faisant «comme si» je n’y avais pas pris part ni à parler en mon nom propre, je repoussais sans cesse le projet de ce livre.
Je dois au journaliste Benoît Collombat – et je l’en remercie vraiment ici – de m’avoir poussé à réaliser ce travail d’écriture d’un genre nouveau pour moi. Quand je l’ai rencontré, celui-ci avait l’ambition, parallèlement à son travail de grand reporter à France Inter, de réaliser une bande dessinée avec son ami et dessinateur Damien Cuvillier sur les politiques économiques de l’après-guerre et leurs différents points de bifurcation [1] . Le début du premier septennat de François Mitterrand faisait évidemment partie de son projet éditorial. Pour évoquer ce sujet, il avait souhaité en discuter avec moi et nous nous sommes rencontrés en novembre 2018. Il connaissait mes travaux ainsi que mon rôle dans les nationalisations. Sachant qu’il allait m’interroger sur cette période, et plus particulièrement sur ses éléments les plus saillants, j’ai progressivement franchi le pas et repris archives et souvenirs, ce qui m’a conduit à les réunir sous la forme de l’ouvrage que vous allez lire. Par là même, je me suis libéré du strict langage universitaire pour faire aussi place à la parole du citoyen engagé.
* *   *
Deux soucis sont au cœur de cet ouvrage et le découpent ainsi en deux parties sensiblement égales. Restituer d’abord et le plus précisément possible l’histoire des nationalisations dans leur phase préparatoire, alors que la gauche accédait au pouvoir en mai 1981. Ce récit relate des moments de très haute intensité politique, parfois dramatiques, ou encore d’autres totalement déroutants. Méconnu du grand public, il l’est également de la quasi-totalité de la classe politique de l’époque ainsi que des journalistes les plus aguerris, ceux qui suivaient le dossier au quotidien. Seule une toute petite poignée de ministres et de conseillers ont été au centre des délibérations politiques. On verra pourquoi et dans quelles conditions le secret fut gardé.
L’autre volet de ce livre tente de saisir les motivations politiques et idéologiques de ce vaste mouvement de transfert de propriété. Ici, c’est l’universitaire qui reprend la plume.
Ces transferts de propriété du privé vers le public se sont réalisés à un moment où, dans les autres pays développés, se diffusait, à contrario, un mouvement de dérégulation et de libéralisation (néolib&

Voir icon more
Alternate Text