Audit de la situation des finances publiques Introduction L’étendue et les limites de la mission qui nous a été confiée sont clairement définies par la lettre du Premier Ministre du 16 mai 2002 : « Vous procéderez à une analyse des écarts entre les évaluations arrêtées lors de l’élaboration du dernier programme pluriannuel des finances publiques, la loi de finances pour 2002 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et les estimations qu’il est possible aujourd’hui d’opérer. Vos évaluations porteront sur l’ensemble des administrations publiques ». Compte tenu des points communs entre les conditions de cet audit et celui que nous avions réalisé en 1997 – évaluation à mi-année de l’année en cours et très bref délai imparti – il nous a paru opportun de reprendre, dans ses grandes lignes, la méthode que nous avions utilisée il y a cinq ans. A mi-année, les comptes ne sont évidemment pas disponibles et les quelques mois déjà connus ne fournissent qu’une base d’observation limitée. Nous avons donc, pour l’essentiel, rassemblé, confronté et rapproché les prévisions disponibles, en cherchant à vérifier leur vraisemblance en les comparant aux données déjà observées ou en les soumettant à la critique d’experts. De même, nous avons adopté les conventions et les cadres comptables de la comptabilité nationale tels qu’ils sont définis par Eurostat afin que l’appréciation de la situation de notre pays puisse être directement rapprochée des engagements pris à l’égard ...
Audit de la situation des finances publiquesIntroductionLétendue et les limites de la mission qui nous a été confiée sont clairement définiespar la lettre du Premier Ministre du 16 mai 2002 : « Vous procéderez à une analyse des écartsentre les évaluations arrêtées lors de lélaboration du dernier programme pluriannuel desfinances publiques, la loi de finances pour 2002 et la loi de financement de la sécurité socialepour 2002 et les estimations quil est possible aujourdhui dopérer. Vos évaluations porterontsur lensemble des administrations publiques ».Compte tenu des points communs entre les conditions de cet audit et celui que nousavions réalisé en 1997 évaluation à mi-année de lannée en cours et très bref délai imparti il nous a paru opportun de reprendre, dans ses grandes lignes, la méthode que nous avionsutilisée il y a cinq ans. A mi-année, les comptes ne sont évidemment pas disponibles et lesquelques mois déjà connus ne fournissent quune base dobservation limitée. Nous avonsdonc, pour lessentiel, rassemblé, confronté et rapproché les prévisions disponibles, encherchant à vérifier leur vraisemblance en les comparant aux données déjà observées ou en lessoumettant à la critique dexperts.De même, nous avons adopté les conventions et les cadres comptables de lacomptabilité nationale tels quils sont définis par Eurostat afin que lappréciation de lasituation de notre pays puisse être directement rapprochée des engagements pris à légard delUnion européenne. En outre, toutes nos estimations sont faites à législation constante. Ellesnintègrent donc aucune des mesures annoncées par le nouveau gouvernement, quel quen soitle degré de certitude.Afin de forger notre opinion, nous avons recueilli auprès des administrationsintéressées du Ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, et des Ministères encharge des affaires sociales les renseignements détaillés et nombreux dont elles disposaient, etquelles ont bien voulu mettre rapidement et complètement à notre disposition.En revanche, nous navons pu disposer que de la note de conjoncture de lINSEEpubliée en mars dernier, la date de la prochaine publication coïncidant avec celle de la remisede cet audit. Pour fixer nos hypothèses macroéconomiques, nous nous sommes donc appuyéssur le consensus des économistes de la place. Ceux-ci prévoient généralement une reprise dela conjoncture, dabord modeste au premier semestre de 2002 puis plus affirmée au second,cette croissance étant supposée se poursuivre durant les deux années suivantes. Linstabilitépolitique internationale frappe sans doute cette estimation dune particulière fragilité. Ellenen demeure pas moins le seul instrument dorientation disponible et elle garde une assezbonne vraisemblance.Enfin, il importe de souligner que ce travail aurait été impossible sans le concoursprêté par lInspection générale des finances, la Cour des Comptes et lInspection générale desaffaires sociales grâce à qui nous devons davoir pu bénéficier du concours efficace et dévoué1duneéquipeparticulièrementcompétente.Quelletrouveicitousnosremerciements.1 Mme Valérie Champagne, MM. Serge Bayard et Guillaume Dureau de lInspection générale des finances,MM. François Ecalle et Vincent Feller de la Cour des Comptes et M. Jean-François Chadelat de lInspectiongénérale des affaires sociales.1
Audit de la situation des finances publiquesLes développements suivants concerneront dans lordre lEtat et les Organismesdadministration centrale, les Organismes de sécurité sociale, les Collectivités locales. Nousprésenterons ensuite quelques informations sur les tendances à luvre au-delà de 2002 etnotre conclusion générale.LEtatA la date déchéance de notre travail, le rapport de la Cour des Comptes relatif àlexécution budgétaire 2001 nétait pas encore disponible, nous avons donc travaillé sur labase de lexécution budgétaire présentée par le gouvernement.La méthodeAnticiper lexécution budgétaire 2002 pose, pour commencer, deux problèmes deméthode.En premier lieu, malgré les progrès réalisés dans le suivi hebdomadaire et mensuel delexécution, linformation disponible, pour lannée en cours à cette période de lannée, estclairement insuffisante pour donner une estimation fiable du solde à mi-année, solde quilfaudrait encore extrapoler à lannée entière. Il est donc nécessaire de travailler à partir deprévisions couvrant lexécution de lannée entière, tout en tenant compte des informationspartielles, mais observées, relatives à lexécution des premiers mois.En second lieu, nous avons travaillé « à législation constante », ce qui signifie quenous ne tenons pas compte de leffet des décisions de politique économique que pourraitprendre le nouveau gouvernement2. En particulier, nous ne tenons pas compte des effetspossibles déventuels programmes déconomies budgétaires qui pourraient corriger un déficitjugé excessif, nous limitant à supposer que, lors de lexécution budgétaire, la recherche de telsprogrammes est dintensité « normale » : on les trouve en effet dans toute exécutionbudgétaire habituelle. La liste nous en a été fournie par la direction du Budget. Nous avonsvérifié que ces mesures ont bien la nature de celles qui correspondent aux règles usuelles delexécution, sans aucunement marquer une inflexion de tendance qui traduirait unemodification de la volonté des gouvernants. Ces mesures sont complétées par une évaluationstatistique des occasions déconomies dont lopportunité se présentera au cours du secondsemestre de 2002 et qui, de ce fait, ne sont pas encore connues. Nous avons vérifié lavraisemblance de leur ampleur.La mise en uvreUne fois tranchées ces questions de méthode, il reste le principal : estimer les écartsapparaissant entre les évaluations de la loi de finances initiale, arrêtées à lautomne dernier etla situation prévisible au 31 décembre 2002. Ces estimations imposent de prendre en comptetrois types de corrections. En premier lieu, les hypothèses macroéconomiques qui ont servi de cadre à lapréparation de la loi de finances, fixées en août 2001, sont évidemment à modifier.Lhypothèse de croissance du PIB est plus faible, celle de linflation légèrement plus forte, lacroissance de la masse salariale a été revue à la baisse, la situation de lemploi et du chômageest moins favorable. Tout ceci conduit à rectifier un grand nombre de recettes et de dépensesqui sont déterminées par la situation macro-économique : cest ce que nous avons fait. Le2 Par exception, nous avons cependant intégré les décisions du 19 juin dernier concernant lUNEDIC.2
Audit de la situation des finances publiquestableau suivant rappelle les principales hypothèses utilisées pour préparer la loi de finances etles valeurs nouvelles que nous avons retenues.Les principales hypothèses macroéconomiques utilisées :croissance prévue, 2002 sur 2001, en %LoidefinancesinitialeAudit (consensus des économistes)LePIBenvolume2,51,3Lesprixàlaconsommation1,51,7Lamassesalarialeprivée5,03,9Lemploisalarié1,70,9En second lieu, lannée 2001 est aujourdhui considérée comme connue, bien quelexécution nen soit pas encore vérifiée par la Cour des Comptes. Cette connaissance permetde réévaluer les postes de la loi de finances 2002 partout où cette évaluation résulte delapplication à 2001 dun taux de croissance prévisible, ou encore lorsque la connaissance delannée de base permet de mieux évaluer les soldes à régler sur lannée suivante, voire lorsquecette connaissance détermine complètement les opérations de lannée 2002 : cas desdividendes par exemple. Cest aussi ce que nous avons fait.En dernier lieu, à cette date de lannée, des informations diverses sont déjà disponiblessur lexécution budgétaire proprement dite : les recettes fiscales sont connues sur les cinqpremiers mois et le suivi de la dépense a commencé. Il est alors possible dutiliser cesinformations pour améliorer les prévisions tant des montants des recettes que de lintensité dela dépense et de ses éventuels dérapages.Les recettes fiscalesLors de la préparation de la loi de finances (LFI), elles avaient été évaluées à250,4 Md, valeur en cohérence avec le déficit budgétaire de lEtat fixé en LFI à 30,4 Md.En février dernier, au terme de la traditionnelle « réunion darbitrage » au cours de laquelleles directions compétentes du ministère des finances confrontent leurs prévisions, elles ont étérectifiées en baisse de 3,6 Md. Depuis lors, lobservation des rentrées fiscales durant lespremiers mois de 2002 a fourni des informations desquelles il est difficile de dégager unetendance. Cest pourquoi, après un examen très minutieux de ce dossier, nous avons fixé notreévaluation de lécart attendu sur les recettes fiscales par rapport à la prévision de la LFI, dansune fourchette, large, de moins 3,7 à moins 5,4 Md, limpôt sur les sociétés (IS) justifiant àlui seul plus dun milliard de lenvergure de cette fourchette.La prévision dévolution des recettes fiscales sest révélée, en effet, particulièrementdifficile en raison de circonstances particulières.Comme on le sait, ladministration fiscale a connu, fin 2001, quelques perturbationsinformatiques, source de décalages dans le recouvrement de limpôt, notamment de limpôtsur le revenu. Dautre part, lindéniable progrès que constitue la création de la direction desgrandes entreprises au sein de la direction générale des impôts induit une perturbation, limitéedans le temps mais réelle, qui modifie, par exemple, les rythmes des remboursements de TVAet dimputation des recettes. Enfin, le renversement favorable de conjoncture observé audébut de 2002 génère, entre les directions du ministère des finances, des différencesdappréciation sur le rythme du recouvrement de limpôt, dont lincidence est forte sur lerésultat final.Lincertitude est particulièrement élevée en ce qui concerne lIS (il pèse unequarantaine de Md), car la détermination de la masse imposable obéit non seulement à la3
Audit de la situation des finances publiquesconjoncture de lannée antérieure, mais encore à de nombreux facteurs de prise en comptedélicate, comme les anticipations et la politique spécifiques de lentreprise notamment. Dansce domaine de la prévision, les surprises bonnes ou mauvaises sont fréquentes. Or, enlespèce, le risque est aggravé dun effet de calendrier : léchéance de notre audit fin juin nous empêche de disposer des recouvrements de ce même mois, alors que ces recouvrementsconstitueront les premières données réellement significatives du futur versement global delIS 2002. Ces données seront disponibles à la mi-juillet.Bien que large, la fourchette retenue ne nous met pas à labri dune surprise ; noussommes conscients de ce que notre appréciation du besoin de financement de lEtat sentrouve fragilisée.Les recettes non fiscalesDe nombreux aléas dexécution sont inhérents à ce type de recettes par essencevolatiles car elles peuvent varier sous leffet dune très grande diversité de causes. Parmielles, les dividendes versés à lEtat par les entreprises publiques sont déterminants. A cettepériode de lannée, on dispose, heureusement, dune information presque complèteconcernant ces montants. Cest pourquoi nous avons rectifié en baisse, toujours par rapport àla LFI, les recettes non fiscales dans une fourchette étroite de moins 2,8 à moins 3,3 Md.Cette révision tient compte du report de 2002 à 2003 du versement par lUNEDIC à LEtat de1,2 Md au titre de la « clarification financière ».Les dépensesSuivre lexécution budgétaire des dépenses de lEtat pour tenter den anticiperlaboutissement annuel constitue lune des responsabilités principales de la direction duBudget au ministère des finances. Il était, à lévidence, hors de nos capacités de procéder à cesuivi de façon autonome et concurrente aux travaux du Budget. Cest pourquoi nous noussommes fait communiquer la liste des divergences significatives que les premiers mois delexécution permettent de repérer ou de prévoir par rapport aux crédits évalués en LFI, defaçon à juger, au cas par cas, de la vraisemblance et de lampleur des écarts en train de secréer. Nous avons procédé de même pour les économies identifiées ou statistiquementprévisibles.Cet exercice fait apparaître un indéniable dérapage de la dépense ; cest un pointmarquant de notre audit. Ce dérapage nous semble pouvoir être attribué à plusieurs causes.En premier lieu, la croissance plus lente que prévu en LFI génère des difficultéssociales, notamment en matière demploi ce qui entraîne un surcroît de dépenses apparaissantau premier chef dans les organismes spécifiquement en charge, mais qui finissent aussi paraffecter lEtat. Par ailleurs, les dépenses daide à lemploi, à lemploi des jeunes notamment, àla charge de lEtat sont plus élevées que prévu. En second lieu, la charge pleine afférente auxdispositifs sociaux nouveaux, comme la couverture maladie universelle, napparaît que peu àpeu dans son ampleur réelle. Les coûts induits par le passage aux 35 heures sont, eux aussi, enpasse dexcéder la prévision. Lensemble de ces circonstances provoque une pesée diffuse surles dépenses de lEtat.Il sy ajoute enfin un phénomène propre à lexécution budgétaire. Dans de nombreuxministères, les années récentes ont vu saccumuler une masse importante de crédits reportésqui atteint, fin 2001, près dun point de PIB. Cette accumulation a été la plus marquée en2000. Tout indique que, après que son gonflement a facilité lexécution des annéesantérieures, ce surplomb commence à dégrader lexécution 2002. En sens inverse, nos4
Audit de la situation des finances publiquesinvestigations ne nous conduisent pas à penser que des reports de charges plus significatifsque dhabitude auraient eu lieu en 2001. De même, rien de ce que nous avons examiné dans le3rythmedesengagementsnepermetdepenserquelinstructionde«gelrépublicain»donnéele 25 février dernier par la Ministre du Budget naurait pas été mise en uvre.Au total, nous évaluons le dérapage brut de lensemble tous budgets de la dépense2002 à un montant compris entre 10,3 et 10,8 Md. Parallèlement, nous chiffrons à environ3,4 Md les économies réalisables, ce qui conduit à un dérapage net compris entre 6,9 et7,4 Md, dont 5,0 Md au titre du seul budget général.Le déficit de lEtatCompte tenu des évaluations de recettes présentées plus haut, du dérapage de ladépense et des prélèvements sur recettes moins élevés que prévu denviron 1,9 Md en raisonde la réduction des prélèvements au profit de lUnion européenne, le déficit du budget delEtat, en comptabilité budgétaire, passerait des 30,4 Md prévus en LFI à un montantcompris entre 41,9 Md et 44,6 Md.Pour obtenir la valeur du déficit de lEtat en comptabilité nationale, selon la définitiondu traité de Maastricht, il convient dopérer divers retraitements : passage dune comptabilitéde caisse à une comptabilité en droits constatés, éliminations des recettes de privatisation etdautres opérations de nature financière. Nous évaluons à moins 3,9 Md la valeur de la clé depassage entre les deux modes de comptabilisation.Finalement, nous évaluons le déficit de lEtat pour 2002, en comptabilité nationale, àune valeur comprise entre 45,8 Md et 48,5 Md, soit entremoins 3,0 et moins 3,2 points dePIB, à comparer au chiffre de moins 2,4 points de PIB retenu lors de lélaboration de la Loi definances.Les Organismes divers dadministration centrale (ODAC)Ces organismes sont des entités très diverses qui concourent à la mise en uvre delaction publique. Ce sont, pour la plupart, des établissements publics sans activité marchandeou dont lactivité marchande est faible, de sorte que la part des revenus tirés de cette activiténatteint pas la moitié du total. Il en existe plusieurs centaines ; nous en avons surtoutexaminé quatre parmi les plus importants : la Caisse damortissement de la dette sociale, leFonds de financement de la couverture maladie universelle, le Fonds de réserve des retraiteset la structure de cantonnement des anciens actifs du Crédit lyonnais (EPFR). Pour les autres,nous nous sommes rangés à lavis des experts qui sattendent à ce que leur solde globalévolue peu entre 2001 et 2002.Nous évaluons la capacité de financement de ces organismes à un montant comprisentre 9,3 et 9,5 Md, soit environ plus 0,6 point de PIB.Cet excédent très élevé sexplique, pour une part substantielle, par le classement enODAC du Fonds de réserve des retraites, alors que ce Fonds faisait auparavant partie desadministrations de sécurité sociale. Il compte à lui seul pour 5,5 Md dans notre évaluationcar il bénéficie, notamment, du produit de la vente dune licence UMTS, des excédents de la3 Les années où un changement de gouvernement est prévisible, la tradition républicaine veut que chaqueministre nengage les crédits de son ministère quà proportion du temps où il en sera responsable.5
Audit de la situation des finances publiquesCNAV et du produit de certaines privatisations. En contrepartie, le déficit de lEtat, encomptabilité nationale, est creusé : en effet labondement de ce fonds par le produit desprivatisations augmente dautant les dépenses de lEtat alors que le produit des privatisationsest exclu du champ des recettes publiques au sens de Maastricht.Notons encore que Charbonnages de France pourrait prochainement quitter le secteurdes entreprises pour celui des ODAC en raison du tarissement des ressources quil tire de sonactivité marchande. Son déficit et sa dette augmenteraient le besoin de financement et la dettedes administrations publiques car le déficit actuel est couvert par des dotations en capital qui,classées en opérations financières par la comptabilité nationale, ne sont pas comptabiliséesdans le déficit public au sens de Maastricht.Les administrations de sécurité sociale (ASSO)En comptabilité nationale, ce sous-ensemble des administrations publiques regroupetrois catégories dentités : celles qui entrent dans le champ dapplication de la loi definancement de la sécurité sociale (Régime Général et régimes spéciaux des salariés, régimesdes non salariés), les régimes complémentaires de retraites, les autres organismes de sécuritésociale, desquels le plus important est lUNEDIC. Pour le passé, les comptes établis par cesentités sont centralisés et retraités selon les règles de la comptabilité nationale par lINSEE.Ces comptes sont disponibles jusquà lannée 2001 inclus ; pour le champ de la loi definancement, ils ont été audités par la Cour des Comptes jusquà lannée 2000. Pour lannée2002, nous avons disposé de prévisions couvrant les trois Caisses du Régime Général, établiespar la direction de la sécurité sociale selon les règles utilisées par la Commission des comptesde la sécurité sociale, de prévisions couvrant lensemble du champ des ASSO établies par ladirection de la prévision selon les règles de la comptabilité nationale, enfin de prévisionsspécifiques établies par certains des organismes du champ selon les règles de leur plancomptable.La méthodePour établir notre diagnostic, nous avons confronté entre elles les diverses hypothèsesde dépenses que comportaient ces prévisions pour les adapter à notre propre diagnostic, lesdeux points essentiels concernant lévolution des dépenses de santé (lONDAM) et lasituation de lemploi. Puis nous avons harmonisé cet ensemble de données prévisionnelles enrecalculant les recettes des organismes conformément aux hypothèses macro-économiquesque nous avons retenues pour lensemble de lexercice. Nous avons, enfin, mis ces donnéesen cohérence entre elles et avec celles concernant lexécution du Budget 2002 : en effet, lesorganismes sociaux échangent entre eux un grand nombre de flux financiers, et dautres fluxnombreux circulent entre les comptes de lEtat et ceux de ces organismes. Nous avons tenucompte du reclassement en ODAC du Fonds de réserve des retraites, ce qui représente undéplacement en défaveur du secteur des ASSO de près de 0,4 point de PIB.Lexactitude de notre diagnostic dépend crucialement de la vérification dune doublecohérence. En premier lieu, celle entre les comptes individuels de chaque organisme concernéet la situation macro-économique générale : les ressources de chaque organisme doivent êtremises en cohérence avec les hypothèses économiques qui servent de cadre à lexercice, lesdépenses avec les évolutions globales retenues, notamment celles qui concernent lONDAMet lemploi. La seconde cohérence concerne légalité des transferts reçus et versés entrelensemble de ces comptes et ceux de lEtat. Assurer la première permet de limiter le risqueglobal derreur à celui qui résulte de lincertitude que comporte toute prévision macro-6
Audit de la situation des finances publiqueséconomique. Cest ce que nous avons fait. Assurer la seconde pourrait sembler aller de soimais se heurte à une difficulté particulière : lillisibilité croissante des comptes sociaux.Une complexité excessiveLe problème nest pas récent : les comptes sociaux ont toujours été complexes ; mais ilsaggrave. Aux multiples régimes existants sajoute linflation dans la création des « fonds »les plus divers ; trop souvent, il est créé un fonds là où une simple ligne de comptabilitéanalytique suffirait. En outre, la réforme du financement de la sécurité sociale a conduit, pourune part importante, à substituer aux cotisations, clairement affectées aux régimes, desressources de nature fiscale. Mais les règles de luniversalité budgétaire nont pas été adoptéespour autant. Les impôts sont affectés, et ils le sont par fraction ; les régimes bénéficiaires deces affectations le sont selon un ordre de priorité fixé à lavance et dans la limite de ce qui estnécessaire à leur équilibre, ce qui implique des déversements en cascade de chaque régime dela liste vers celui de la priorité suivante ; la gestion de ces flux se fait par acomptesprévisionnels suivis de régularisations parfois tardives ; lenregistrement des flux obéit à desrègles différentes selon quil sagit de lEtat ou dun organisme social de sorte quune mêmesomme peut ne pas être comptabilisée sur la même année par celui qui la paye et celui qui lareçoit ; lensemble est fixé par la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de financesmais géré par de simples arrêtés ministériels de sorte que la prévision des comptes dunorganisme se réduit parfois à la prévision de la date de sortie de larrêté le concernant ; enfin,ces règles changent substantiellement tous les ans.Lobscurité de cet inextricable dédale pose un problème général defficacité publique.Pour ce qui concernait le champ plus particulier de notre mission, nous avons cherché àcontourner cet obstacle en vérifiant la cohérence interne de notre diagnostic par grandesmasses, sans toujours nous attacher à établir des prévisions analytiques précises organismepar organisme. Nous avons, ce faisant, perdu pour partie linformation individuelle que nousaurions pu recueillir en consultant chacun de ces organismes, mais gagné, nous lespérons, surla cohérence de lensemble. Bien entendu, nous avons examiné individuellement les plusimportants des organismes sociaux.Les évaluationsPar rapport à la loi de financement de la sécurité sociale 2002 et à la partie sociale dela loi de finances initiale 2002, les écarts les plus importants concernent lobjectif national dedépenses dassurance maladie (ONDAM), les recettes assises sur la masse salariale privée etle coût du chômage.Une nouvelle fois, lONDAM a été sous estimé dans la loi de financement pour 2002.Au vu de la tendance passée et des données centralisées par la CNAMTS, qui couvrent lescinq premiers mois de cette année, il paraît raisonnable de passer de lobjecti4fde3,8%votélautomne dernier à une croissance de 6,0 %, correspondant à un accroissement des dépensesdenviron 2,9 Md. Ce dépassement porte sur les soins de ville : honoraires et prescriptionsdevraient augmenter de 7,4 % au lieu des 3 % de lobjectif. Ce dépassement sentenad vanttoute prise en compte des effets des accords récents portant, notamment, le prix de laconsultation à 20 . Nous navons pas intégré ces effets pour deux raisons : pour plusieursprofessions, les discussions sont toujours en cours et nous ne disposons pas des éléments quipermettraient danalyser la plausibilité des plans déconomie inclus dans ces accords.4 En droits constatés7
Audit de la situation des finances publiquesLes dépenses hospitalières se sont, jusquà présent, développées conformément à leurobjectif voté. Cet objectif avait été élargi pour prendre en compte le coût des recrutementsdestinés à compenser le passage aux 35 heures. Il est difficile de déterminer, à mi-année, sicette enveloppe supplémentaire est effectivement consacrée aux recrutements ou permet dedesserrer un peu lensemble de la contrainte financière pesant sur les hôpitaux. Dans notrefourchette évaluative pour 2002, nous avons retenu un léger dépassement de la dotationglobale hospitalière, ce qui viendrait augmenter les charges de lassurance maladie.Si ce risque est limité en 2002, la tendance est inquiétante. Le risque de report decharges saggrave ; la pénurie en personnel de soins rend problématiques les recrutementsprévus, à moins quils ne sopèrent au détriment des cliniques privées ; lexpansion desdépenses de santé qui se manifeste librement dans le secteur des soins de ville se traduit, àlhôpital, par lalourdissement prévisionnel des plans de modernisation. Le coût croissant desmédicaments nouveaux sobserve à lhôpital comme à la ville.La loi de financement 2002 retenait le même environnement macro-économique quecelui servant de base à la loi de finances initiale 2002. Le consensus des économistes conduit,aujourdhui, à revoir sensiblement à la baisse par rapport à août 2001 la croissance de lamasse salariale privée et, par conséquent, celle des cotisations et CSG assises sur cette masse.Cette croissance passerait des 5,0 % prévus à 3,9 %, correspondant à une détérioration globaledes comptes sociaux de lordre de 2,9 Md. Enfin, bien que la reprise soit maintenant encours selon le consensus des économistes, la situation du marché du travail sest davantagedégradée quil nétait escompté lautomne dernier. LUNEDIC a donc revu ses dépenses 2002sensiblement à la hausse. Après avoir examiné ces révisions, nous avons tenu compte desprévisions les plus récentes de cet organisme, sans cependant les suivre complètement, ainsique des décisions du 19 juin visant à réduire son déficit.Le déficit des ASSOCompte tenu des révisions portant sur les hypothèses de cadrage et des informationsspécifiques disponibles, nous retenons pour le Régime Général une situation plus dégradéeque ce nétait le cas dans la loi de financement : le déficit densemble serait compris entre3,5 Md et 3,9 Md en comptabilité nationale, la fourchette visant à prendre en compte lesincertitudes de multiples natures qui affectent ces prévisions. Dans la comptabilité desCaisses, le déficit correspondant serait de 2,0 à 2,4 Md. La dégradation est principalementimputable à la CNAMTS, hors accidents du travail. La CNAF reste en excédent. La CNAVverse, en 2002, au Fonds de réserve des retraites lexcédent de 1,5 Md qui solde les comptesde 2001, ce qui met cette caisse en léger déficit selon la présentation en comptabilité nationalepour 2002.Nous avons ensuite appliqué la même méthode de révision aux régimesdindemnisation du chômage, UNEDIC et AGS, dont nous évaluons le déficit entre 1,9 Mdet 2,1 Md ; aux fonds spéciaux, notamment FOREC, FSV, FAPA, FCAATA, FCATA, dontle déficit sétablirait entre 0,9 Md et 1,4 Md ; aux régimes complémentaires, AGIRC,ARRCO, IRCANTEC, AGFF, qui feraient apparaître un excédent de lordre de 6,3 Md ;enfin nous avons vérifié que les régimes indépendants et particuliers ainsi que les organismesdivers dadministration sociale, catégorie de la comptabilité nationale essentiellementconstituée des hôpitaux, restaient très proches de léquilibre.Au total, nous évaluons le déficit des administrations sociales en 2002, selon lesdéfinitions de la comptabilité nationale, à un montant compris entre zéro et 1,1 Md, soitmoins 0,1 point de PIB.8
Audit de la situation des finances publiquesLes administrations publiques locales (APUL)En comptabilité nationale, ce quatrième sous-ensemble des administrations regroupeles régions, les départements et les communes, ainsi que les nouvelles entitésintercommunales. Pour le passé, les comptes de ces unités sont regroupés et retraités par laComptabilité Publique et mis en forme par lINSEE. En prévision, leur nombre très élevéinterdit, à lévidence, toute approche analytique. Ainsi, pour 2002, nous avons examiné, trèsglobalement, les grandes tendances afin de les confronter aux prévisions fournies parlAdministration. Nous avons comparé ces prévisions à celles établies par un grandétablissement financier spécialisé pour aboutir, finalement, à une estimation de la contributiondes administrations publiques locales au déficit public au sens de Maastricht. Cette contribution réduit le déficit public car les ressources des collectivitésterritoriales ressources fiscales, autres ressources propres (comme les ventes de biens etservices par exemple) et transferts en provenance de lEtat sont supérieures à lensemble desdépenses courantes et dinvestissement : globalement, les collectivités territoriales, prisescomme un tout, se désendettent. En 2002, lestimation de cet excédent de ressources nécessitedexaminer plus particulièrement quatre points : les ressources fiscales prévisibles, leffet dupassage aux 35 heures sur le coût des rémunérations, laccroissement des dépenses socialesliées à la prise en charge de la dépendance, enfin le cycle de linvestissement.Les informations qui remontent du terrain local laissent penser quun légerrenforcement de la pression fiscale est possible, après la pause enregistrée en 2001 : lescollectivités territoriales savent quelles devront faire face, dans le moyen terme, à unalourdissement de leurs charges, notamment celles relatives aux dépenses sociales et auxinvestissements environnementaux, et elles sy prépareraient par avance afin de lisser leursprélèvements fiscaux futurs.Pour les personnels des administrations locales, la nouvelle durée légale du travail esteffective depuis le 1er janvier 2002. Chaque situation locale est spécifique, particulièrementdans les petites communes où la nouvelle règle sapplique à de faibles effectifs, de sorte quela prévision du rythme de la montée en charge de la mesure et de son effet global sur lescharges de personnel est spécialement incertaine. Cependant, une accélération de la croissancedes rémunérations, après celle déjà enregistrée en 2001 semble probable.Le coût de lallocation personnalisée dautonomie (APA), pour la fraction prise encharge par les départements, pourrait savérer plus lourd quil navait été initialement prévu :sur les premiers mois de 2002, on observe une croissance très vive du nombre des personnesdéposant leur dossier dinscription.Reste leffet déterminant du cycle de linvestissement. Une observation constantemontre que ce cycle est dû au rythme des élections municipales : à chaque nouveau mandat,léquipe élue réalise ses projets sur la durée de la mandature. Se succèdent ainsi une phasedinvestissement faible correspondant à la mise en place des projets, puis une phase fortecorrespondant à leur réalisation effective. Lannée 2002 devrait correspondre au point bas dece cycle de six ans.Compte tenu de lensemble de ces éléments, les comptes des administrations publiqueslocales devraient continuer à réduire le déficit global des administrations. Nous avons inscritcette contribution dans une fourchette que nous reconnaissons être très approximative : selonque laccroissement des charges dépenses sociales, charges de personnel et dépenses9
Audit de la situation des finances publiqueslenivnirvoenstniessmeemnteanltesetparselraaihtaouussenodnescroemceptetensséfispcaarleus,nlamcoianpdarceitédédveelfionpapnecmeemnetntcydcelsiqAuePUdeLserait comprise entre 1,8 Md et 2,2 Md, soitplus 0,1 point de PIB.Lensemble des administrations publiquesCes résultats sont regroupés dans le tableau densemble suivant. Ces données incluentune recette exceptionnelle de 612 M correspondant à la vente dune licence UMTS, soit0,041 point de PIB.L (eUnd séigfince it ddéesisgnaed unmidénfiicsitt r; a utniosingsne p+ udbésliigqneu uenseexncéd2e0nt0)2BornebasseBornehaute(ECtaotmptabilitéBudgétaire)-41,9-44,6Clé-3,9-3,9Etat-45,8-48,5(ComptabilitéNationale)(-3,037)(-3,216)ODAC(++0,96,350)(++0,96,137)ASSO(-00,,0000)(-0-,10,713)APUL+2,2+1,8(+0,146)(+0,119)Total APU(--23,24,611)(--23,58,553)En Md et, entre parenthèses, en points de PIBPIB : 1 508 MdCes résultats sont à replacer dans lévolution historique rappelée dans le tableausuivant :Evolution des déficits publics 1990 2002(en points de PIB)ETAT-1 29,910-1 19,991-1 39,932-1 49,993-1 49,984-1 49,915-1 39,976-1 39,967-1 39,908-1 29,959-2 20,040-202,031-203,002b-203,022hODAC+0,1+0,10,00,0+0,1-0,50,0+0,7+0,1+0,3+0,4+0,4+0,6+0,6ASSO+0,1-0,2-0,4-0,9-0,5-0,7-0,4-0,4-0,1+0,3+0,5+0,30,0-0,1APUL-0,3-0,4-0,5-0,2-0,2-0,2+0,1+0,2+0,3+0,3+0,2+0,2+0,1+0,1APU-2,1-2,4-4,2-6,0-5,5-5,5-4,1-3,0-2,7-1,6-1,3-1,4-2,3-2,6( 2002b : borne basse ; 2002h : borne haute ; du fait des arrondis, la somme peut différer du total APU)01
Audit de la situation des finances publiquesLes évolutions au-delà de 2002La méthode appliquée à la révision des comptes de 2002 ne pouvait être étendue auxannées ultérieures : les lois de finances et de financement 2003 ne seront disponibles quàlautomne prochain et nous ne disposons pas des moyens qui permettraient de critiquer lesrésultats des exercices de prévisions macro-économiques existants, ou de les reconstruire,opérations qui constitueraient le préalable nécessaire à une prévision autonome de léquilibredes finances publiques dans le moyen terme.Cependant, afin dapporter notre contribution conformément aux termes de notrelettre de mission à lappréciation des possibilités de réalisation du programme pluriannuel,nous tenons à citer trois points qui nous semblent importants.Le premier concerne la dynamique du déséquilibre que nous venons dévaluer pour.2002Durant la période de vive croissance des années 1998 à 2001, lextraordinairedynamisme des rentrées fiscales a permis la mise en place dune politique publique visant àprolonger cette phase de croissance grâce à des baisses de prélèvements obligatoiresimportantes : elles sont chiffrées à deux points de PIB dans le rapport économique, social etfinancier de la LFI 2002, avec un effet se prolongeant sur 2002 à hauteur de 0,4 point de PIB ;nous évaluons leur valeur discrétionnaire ex ante à 1,5 points de PIB environ hors,notamment, compensation des 35 heures et baisses de cotisations UNEDIC. Cette politique apermis de soutenir avec succès la croissance du PIB, notamment par la croissance du revenudisponible des ménages et donc de la consommation, plaçant la France en meilleure situationque la moyenne de lEurope. Lemploi a sûrement bénéficié de ce supplément de croissance etles dépenses liées au chômage en ont été réduites. La contrepartie de cette politique est denous faire débuter la phase nouvelle qui souvre avec un déficit public plus lourd quon auraitpu lescompter. Selon lordre de grandeur souvent retenu en macro-économie, ce supplémentserait ex post denviron les deux tiers de sa valeurex ante, soit approximativement un point dePIB. Quant à la compensation du coût des 35 heures, nous ne disposons pas détudespermettant dapprécier leffeetx post sur le déficit public, faute de mesure précise de leursconséquences sur lemploi. Une meilleure croissance porte de meilleures recettes ; mais du côté de la dépense, lesréformes sociales réalisées 35 heures, CMU, prise en charge de la dépendance nont pasencore, en 2002, porté leurs pleins effets notamment pour ce qui concerne les coûts. Le coûtde la dépendance, notamment, apparaît plus élevé que prévu, sans que lon sache précisémentcomment il se répartira entre les administrations publiques concernées.Telles sont les caractéristiques et la dynamique du point de départ du programmepluriannuel.Le second point concerne la maîtrise des dépenses de santé.Depuis 1997, la loi de financement de la sécurité sociale fixe, chaque année, lemontant maximum des dépenses de santé autorisées : cest lONDAM. Avec la loi definancement 2002, nous disposons désormais dune expérience de cinq années : le tableausuivant fait apparaître lampleur de léchec de cette tentative de régulation.11