Figaro Littéraire du 19/12/2024 , magazine presse

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19 décembre 2024

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Français

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11 Mo

jeudi 19 décembre 2024LE FIGARO-N° 24983 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément-www.lefigaro.fr
spécial livres cadeaux Sherlock Holmes, Rimbaud, lucky luke, la poésie chinoise, stephen king, les reines de france, camus : notre sélection de 40 ouvrages â offrir ! Pages 1 À 8
REtoUVEz « E FIgào LIttÉàIE » lE 9 jànvIER d
NOël, UE LôUE IŝTôIE dossierDàŝ U LIVE PàŝŝIôàT, L’IŝTôIE OLIVIE GEôUILLEàU EMôTE àUx ŝôUCEŝ Eŝ IFFÉETEŝ CôUTUMEŝ LIÉEŝ À NôëL, U IVI EFàT àU ŝàPI ŝCITILLàT.PAGE 2
LACHRONIQUE d’Étienne de Montety n dirait le livre d’un en-fant qui joue à l’éditeur. Sur les premières pa-l«édduitemuOrê,mlea daauttee,uerramelelpagalpli»emêmtdédeéi ges, une plume consciencieuse a inscrit le nom de l’auteur, de e l’ouvrage à un homme tombé au champ d’honneur, René Dalize. En 1918, Apollinaire n’est plus un en-fant, il est même au crépuscule de sa vie (il mourra deux jours avant l’armistice). Il s’est démené quatre ans plus tôt pour obtenir la nationalité française et pouvoir s’engager. Au lieu de filer un amour heu-reux avec Louise de Coligny-Chatillon -qui sera Lou en littérature. Il a combattu, a été blessé. Il en mourra. Mais jusqu’au bout il sera acharné à écrire, à publier et surtout à composer un nouveau recueil poétique, fruit de ses in-tuitions et de ses trouvailles. Pour l’auteur desMamelles de Tirésias, il faut inlassablement chercher dans un ciel ignoré des étoiles nouvelles. L’en-
Apollinaire,
semble des centons apollinairiens s’inti-tule d’un mot qui est un néologisme :Cal-ligrammes,formé à partir de calligraphie et idéogrammes. Le mot est entré dans notre culture. Il en avait lui-même donné une définition :idéalisation de la« Une poésie vers-libriste et une précision typo-graphique à l’époque où la typographie termine brillamment sa carrière, à l’aurore des moyens nouveaux de production que sont le cinéma et le phonographe. »
jeu
d’épreuves
L’ouvrage que publient les Éditions des Saints-Pères est ce qu’on nomme en imprimerie un jeu d’épreuves : un pre-mier tirage où abondent coquilles et dé-fauts typographiques. À voir les correc-tions apportées Calligrammes par le poète, il est De Guillaume flagrant qu’il te-Apollinaire, nait autant aux Éditions mots qu’à leur des Saints-Pères, 224 p., 200 €.corps et à leur
place dans la composition du recueil. Tel vers, Apollinaire l’a prévu en forme de pyramide, tel autre de trombe d’eau ou de tour Eiffel. Il fait danser les mots. Pour un typographe habitué aux alexandrins réguliers de Coppée ou de Samain, quel chemin de croix ce dut être. Stylo en main, l’auteur corrige, écarte un texte, en réécrit un autre. Et il com-pose encore en rêvant, griffonne, dessi-ne, ici un soldat, là un cheval. Voyons plutôt. En déchiffrant ce long poème qui s’in-tituleLes Collines, on observe ratures et regrets, et même un changement de plu-me : l’a-t-il cassée dans son ardeur ? On découvre des vers auxquels Apollinaire a renoncé :« Ainsi fut le mercure à l’or »est remplacé parle calcul au problè-« Ainsi me ». Pour un poème intituléParis, son crayon gras a livré son verdict :« poème supprimé ». On le retrouvera dans un re-cueil posthume. Ici un poilu parle, avec sa rudesse, sa douleur et ses plaisanteries crues :« Bon sang de bois il s’est saoulé Et sans pinard et sans tacot Avec de l’eau Allo la truie », et autre calembours soldatesques. Mais il n’oublie jamais qu’il est marié à la plus pure poésie en des noces inédites :
« Le sol est blanc la nuit l’azure / Saigne la crucifixion / Tandis que saigne la blessu-re / Du soldat de Promissio.» Des années de romantisme avaient imprimé en nous l’image de l’aède jetant ses vers au vent, dans un pur jaillisse-ment.Poète, prends ton lut, etc. Ici, on le voit à son établi, et devant cette minutie, on en oublierait presque l’extraordinaire puissance de ces pages qui annoncent la fantaisie d’un Desnos. Oui, Apollinaire s’est, avant les sur-réalistes, emparé des mots et des inven-tions de son temps (l’avion), et avant que l’époque ne l’autorise, les a fondus en poésie. On vérifie une nouvelle fois ce qu’Aragon lui a pris. La parenté entre Marizibill(dans le recueilAlcools) etEst-ce ainsi que les hommes viventest éviden-te. On entend dans lesCalligrammesla magnifique musique de liberté qui carac-térisera l’homme duRoman inachevé. Vers libres, octosyllabes et autres for-mes composent ici un superbe récit poé-tique. On quitte Apollinaire sur ces der-niers mots, remaniés, et remaniés encore comme Villon l’aurait fait pour son testa-ment :«Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire / Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire / Ayez pitié de moi.»
ES SAINTS PÈRES S D
ALLIMARD ET EDITION S G
OUCHON/ LE FIGARO/EDITION S B
ALERY VOENNYY/STOCK.ADOBE.COM; FRANÇOI
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jEudi 19 dÉcEMbrE 2024le figaro LITTÉRAIRE
Dossier L’histoire des traditions de Noël et de leur signification, de la grotte de Bethléem à la cheminée du Père Noël. Passionnant.
AStRI E LàRInàt
Noël. Toute une histoire D’Olivier Grenouilleau, Cerf, 274 p., 24 €.
uelle idée lumineuse a eu l’historien Olivier Gre-nouilleau de s’intéresser versesQtraditions qui y sont attachées et à la fête de Noël, de ses origines à nos jours, pour tenter de démêler les di-leurs significations, selon les lieux et se-lon les époques, de la grotte de Bethléem à la cheminée du Père Noël. En lisant Noël. Toute une histoire, on découvre que nombre d’idées inexactes ou simplistes circulent à propos des rites de Noël, et c’est le grand mérite de cet essai histori-que joliment illustré que de faire la part des choses sans prétendre imposer d’ex-plications univoques. L’auteur, aussi sa-vant que modeste, s’appuie sur une épaisse bibliographie de livres d’histo-riens, de folkloristes, d’ethnologues et de psychanalystes. Mais il prévient dès l’in-troduction qu’il est impossible d’établir une généalogie certaine des coutumes liées à Noël, une fête qui décidément conserve un je-ne-sais-quoi de mysté-rieux, avec son cœur chrétien recouvert de merveilleux. Il y a certes des coutumes dont la sour-ce est connue. De quand date, par exem-ple, le célèbre cantique« Douce nuit, sainte nuit »-« Stille Nacht, heilige Nacht »en allemand - ? Il a été chanté pour la première fois dans la nuit de Noël 1818 près de Salzbourg. La même année exactement que notreest né le divin« Il e Enfant »! Car les Européens du XIX siè-cle, témoins de grands bouleversements, des révolutions politiques à la révolution industrielle, ressentirent le besoin de ra-nimer des traditions de Noël dont ils crai-gnaient qu’elles ne disparaissent dans la tourmente des temps modernes. En té-moigne le magnifique conte de Noël de Charles Dickens,A Christmas Carol, paru en 1843, qui lance un genre littéraire amené à faire florès, l’histoire de l’igno-ble Mr Scrooge, dont le cœur sec comme un caillou, au cours d’une nuit de Noël, va lentement s’ouvrir sous l’action d’un Esprit qui le transporte dans son passé et son avenir. Noël est»« le seul moment dans« le calendrier de l’année, où hommes et femmes semblent d’un commun accord ouvrir librement leurs cœurs longtemps fermés et traiter les gens qui leur sont infé-rieurs non en créatures d’une race diffé-rente marchant vers une autre destinée, mais comme leurs vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau », écrit Dickens.
L’âne et le bœuf Mais qu’en est-il du Père Noël dont cer-tains pensent un peu vite qu’il a été créé de toutes pièces par une campagne de publicité de Coca-Cola en 1931 ? Et la tradition des cadeaux ? Ces questions-là nécessitent de remonter loin dans le temps. Le livre commence par un inventaire des fêtes romaines qui préexistèrent au Noël chrétien dans les semaines suivant le solstice d’hiver, les Saturnales, la fête de Mithra, qui célébrait la naissance du Soleil le 25 décembre, les calendes de janvier, où l’on offrait des étrennes en accrochant du laurier sur sa porte. Mais l’auteur n’est pas convaincu par certai-nes théories selon lesquelles Noël devrait
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beaucoup à ces fêtes antiques :« Les rai-sons pour lesquelles les chrétiens ont fina-lement choisi d’adopter Noël n’ont pas grand-chose à voir avec l’existence d’autres fêtes, païennes, qu’il aurait fallu contrer ou remplacer ». Il rappelle qu’il a fallu attendre quatre siècles pour que la Nativité de Jésus devienne une grande fête du calendrier liturgique - l’Église primitive étant focalisée sur la Passion et la Résurrection. Il semblerait que ce soient des raisons théologiques, pour ar-rêter une hérésie qui voyait dans le bap-tême du Christ par Jean-Baptiste le mo-ment inaugural où Dieu l’adopte, que l’Église de Rome ait décidé de fêter la naissance de l’Enfant Dieu. Grenouilleau, dont la connaissance du christianisme est savante mais pas inti-me, montre d’ailleurs que la symbolique des mythes romains n’a rien à voir avec celle de la fête chrétienne, laquelle révo-lutionne la conception du don, du sacri-fice, de la lumière, et bouleverse la façon d’envisager l’enfant, souvent considéré comme une menace par les rois, dieux ou pères de l’Antiquité. Il cite à l’appui le Sermon 158de Pierre Chrysologue (406-450), inouï à cette époque :quelle« De barbarie la petite enfance ne triomphe-t-elle pas ! quelle brutalité n’adoucit-elle pas ! (…) Que n’exige-t-elle pas en fait d’amour ! quelle tendresse n’obtient-elle pas ! Cela, les pères le savent, les mères le ressentent, le cœur des hommes l’atteste. C’est donc ainsi qu’a voulu naître Celui qui a voulu être aimé et non faire peur. »
Le sapin et la bûche Et l’âne et le bœuf qui ne sont pas men-tionnés dans les Évangiles canoniques, d’où sortent-ils ? En tout cas, ils sont très tôt pris au sérieux, comme le montre un sermon d’Origène (185-253). Les crè-e ches, s’il a fallu attendre le XIX pour qu’elles se répandent au sein des foyers, e on en trouve dès le V siècle dans le chœur de certaines églises où des pou-pées incarnent les personnages de la Na-tivité. On invente ensuite les crèches vivantes, jouées par des fidèles (une tra-dition antérieure à François d’Assise, auquel on en attribue parfois la paterni-té). De là, on passe aux drames liturgi-ques, puis aux Mystères, toute une riche littérature théâtrale qui met en scène la e Nativité. À partir du XIII siècle, ces spectacles en langue vulgaire, très popu-laires, qui mêlaient le drame et le burles-que, le profane et le sacré, sont poussés hors des églises, renvoyés sur les parvis. e Au XVI , on essaie de les encadrer. Puis Louis XIV supprimera carrément les confréries qui les organisaient. Une autre tradition de Noël très vi-vante et durable au Moyen Âge, dont les rites furent codifiés par l’Église avant e d’être condamnée au XV par le concile de Bâle, voyait des jeunes gens aller de porte en porte à la campagne pour quê-ter des friandises. En ville, c’étaient des groupes de jeunes clercs déguisés et exubérants qui quémandaient de l’ar-gent dans les rues, promettant la béné-diction de Dieu aux généreux, et aux autres… (selon le même principe que le « trick or treat » de Halloween !). On était encore loin du cadeau de Noël, mais on y arrive, car, contrairement à ce
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Noël,Fêté sàcÈé Ou Fêté pOFàné ?
Saint Nicolas et le Père Noël apportent des présents aux enfants (Allemagne, vers 1910).
qu’on a pu dire, il n’a pas été inventé au e XIX par le capitalisme. e Ainsi, au XV siècle, à Fribourg-en-Brisgau, on emplissait de fruits et de su-creries l’arbre trônant dans une salle de l’hôpital du Saint-Esprit. Ses branches étaient secouées, et les malades ramas-saient ce qui tombait : un ancêtre de no-tre sapin de Noël ? Dans le même esprit, un manuscrit de l’hôpital de Strasbourg de 1412 indique que, pour Noël, il faut of-frir un grand pain d’épice ou deux petits à chaque lépreux. Des friandises mais aussi des jouets : dans le célèbreMystèred’Ar-noul et Simon Gréban, joué pour la pre-mière fois en 1450, un berger offre à l’en-fant Jésus, une« hochette très bien faite qui dira clic-clac à l’oreille »et un« beau calendrier de bois ». Et puis saint Nicolas surgit de la nuit… e vers le XVI siècle, on ne sait trop com-ment, ce saint très populaire pour ses mi-racles est pourvu, en terres réformées, d’une nouvelle fonction : il est supposé récompenser les enfants sages par des présents. Mais il n’est pas le seul ancêtre du Père Noël. En 1616, par exemple, Christmas, his masque, une comédie bur-lesque de Ben Johnson, ami et rival de Shakespeare, met en scène un Noël per-sonnifié, un vieillard à longue barbe, en pourpoint et chausses, portant un haut chapeau. Deux siècles plus tard, en 1823, Clement Clarke Moore, professeur d’hé-breu, écrira un texte qui devint fameux, The Night Before Christmas:« Dans toute la maison/ Nul être ne bougeait, pas même une souris/ Les chaussettes pendaient, près de la cheminée/ Espérant la venue du bon saint Nicolas… »Santa Klaus arrivera bientôt chez nous… Et la bûche ? Avant d’apparaître sur les tables bourgeoises, elle était brûlée dans les cheminées le 24 décembre selon des coutumes précises. En 1597, un jeune homme rédige une description circons-tanciée du rituel tel qu’il est pratiqué dans une ferme d’Uzès, un cérémonial délicieusement païen - on se souvient ici que païen a la même racine que paysan – accompagné de prières très chrétien-nes, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. « Ce sont sans doute les liens précoces entre le profane et le sacré, autour de l’En-fant Jésus, qui expliquent en partie la pé-rennité, jusqu’à nos jours, de la fête de Noël », note Grenouilleau. Noël a eu des e ennemis : en Angleterre, au XVI , les autorités protestantes tentent de l’éradi-quer. Les puritains en Amérique sont en-core plus intransigeants : dans le Massa-chusetts, en 1670, fêter Noël est passible d’amende. Avant la Première Guerre, les libres penseurs français s’y essaieront aussi, proposant de célébrer à la place « l’éternelle nativité de la pensée révolu-tionnaire ». Mais ces pisse-vinaigre se-ront balayés par les trêves et fraternisa-tions de Noël dans les tranchées de 1914 : ce miracle-là, si bouleversant, on ne le doit pas au Père Noël de Coca-Cola. Alors béni soit Noël encore en 2024 !
GIOO E Là UI OIRE DU 24 DécEmbRE
C’est fou comme cette nouvelle de Jean Giono titréeNoëldiffuse un fort parfum d’Un roi sans divertissement. Il faut dire que l’on retrouve Martial Langlois, le personnage principal du célèbre roman (dans la nouvelle, il est le capitaine de gendarmerie ; dans le roman, il était commandant de louveterie). Il est désenchanté, ambigu dans l’exercice de son métier et dans son rapport à la justice, peut-être note-t-on un peu plus d’autodérision, et par moments quelque chose de plus léger. Ici, la scène se déroule le 24 décembre (le titre original était d’ailleursLa Nuit du 24 décembre 1826), la bande du Beau François prépare-t-elle un coup ? On a aussi signalé au gendarme deux colporteurs trop jeunes et parlant philosophie pour être honnêtes. Et le matin du 24, un drôle de lascar se baladait :« Une barbe inconnue », observe le capitaine célibataire, qui, au lieu de se reposer en cette veille de Noël, reste aux aguets. «Je connais toutes les barbes à vingt lieues à la ronde. C’est mon métier. Celle-là était taillée à la française. Qui dit barbe à la française dit merlan, et qui dit merlan dit Toulon, Marseille ou à la rigueur Aix : ce ne sont pas nos coiffeurs campagnards qui peuvent réussir cette taille délicate », pense Langlois. Alors, il sort son sabre et ses «porte-
respect», sa façon à lui de nommer deux pistolets monstrueux. On le suit dans la nuit avec l’un de ses hommes, le vent empêche d’entendre, la nuit de voir. Giono raconte merveilleusement cette atmosphère d’ombre et d’errance, l’hiver à la montagne. L’âme de Langlois est saisie en quelques mots quand il affirme : « J’aurais dû me méfier, mais mon amour-propre fut touché Noël De Jean Giono,avant ma « Folio 3€ »,prudence.» 84 p.L’orgueil n’est pas bon conseiller. Langlois aime régler ses différends d’homme à homme sans faire appel à l’appareil policier, c’est une drôle de pensée pour un gendarme.Noëlest publié avec La Belle Hôtesse,extraits d’un recueil publié en 1960,Les Récits de la demi-brigade, composé de six nouvelles policières où l’on retrouve Langlois. De petits textes mais du grand Giono. Mohammed Aïssaoui
BUzzàI, Là NàIvIé E Là EàIO DE Là bOé
« Cette étrange atmosphère de joie, de repos, de poésie, de bonté (…). C’est le miracle de Noël, sur lequel on n’écrira jamais assez, tant il est beau et mystérieux. Mystérieux car une grande énigme reste irrésolue : si, ce jour-là, les hommes éprouvent tant de joie à être bons, s’ils se sentent tellement en paix avec eux-mêmes, pourquoi ne continuent-ils pas dans cette voie, pourquoi ne persévèrent-ils pas, pourquoi ne s’abandonnent-ils pas définitivement, après en avoir éprouvé les délices, à la tentation du bien ? »C’est ce qu’on peut lire dans le conteL’Étrange Phénomène de Noël,de Buzzati, écrit en 1954. Vingt ans auparavant, il avait commencé à écrire régulièrement des contes et des chroniques de Noël pour la presse, et ce jusqu’au début des années 1970. Robert Laffont a réuni une trentaine de ces textes aux tonalités diverses, mélancoliques, moralisantes, joyeuses, chantant la Nativité, et désormais disponibles en format poche. Parmi ceux-ci, on retiendra égalementStupidité des enfants,leConte de Noëldéjà présent dans le recueilPanique à la Scala, Grand ménage de Noël ou encoreÉtrange Noël,écrit en 1939 en Éthiopie, où il est envoyé spécial, un an avant la publication duDésert des Tartares.
Sommet absolu du recueil, où l’enchantement de la Nativité(« la plus grande date de l’histoire »)se fait sortilège :L’Étrange Noël de Mister Scrooge(1965), manière de suite d’Un chant de Noël (A Christmas Carol), de Dickens, où Buzzati fait revivre Scrooge plus d’un siècle après, protagoniste misanthrope voguant à bord d’un transatlantique Contes de Noëlparti de New et autres textesYork faisant cap sur De Dino Buzzati, traduit de l’italienl’Europe, écrit par Delphineau moment Gachet,où il achève Robert Laffont, son recueil «Pavillons Poche», de nouvelles 260 p., 9 €. Le K(1966). Un conte qui fait écho au conte maritimeCrèche dans le local 20, écrit en 1940, et qui nous renvoie à ce que déclarait l’exilé Thomas Mann dans ses messages de la BBC adressés aux Allemands pendant la guerre, à propos de« la fête de l’aube d’un jour nouveau du monde ».T. C.
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Là vîbànté hàpé du mOndé etour aux sources pourtor, richement et singulièrement il-Nicolasle maître Nicolas Bou-lustrée (tableaux, photos, dessins, vier, au moment où decroquis, fac-similés de manuscrits…), Bouvier testamentdroiteRque, cettement le pas à l’écrivain suisse, « boussole dans nos vies tran-pâles affidés tentent ded’après les choix originaux de Bouvier se mesurer, quelqueset de Plattner. Le tendre générations plus tard, Les pages les plus vibrantes sont sans au talent suprême ou d’emboîter mala- aucun doute celles consacrées à la musi-sans doute plus aventurier que voya-sitoires », lui qui goûtait aussi bien Fats poétiquegeur, plus imagier que photographe. Waller que Yehudi Menuhin. Illustra-Bouvier, celui pour qui voyager et dé- tion :« Tout ce qui est conscient au mon-de l’auteurcouvrir consistait àde est aussi une harpe qui vibre, en ma-« se mettre l’âme à l’envers », auteur d’un chef-d’œuvrejeur ou en mineur, dans l’encens et la de « L’Usageabsolu,L’Usage du monde, paru aprèspourpre ou dans les cris et le sang. » bien des déboires en 1963, suivi par du monde »Chronique japonaise, Le Poisson-scor-« Dernière douane » pionNicolas Bouvier a alors 64 ans, le corps, sa saison asiatique en enfer, et THIERRY CLERMO Journal d’Aran et d’autres lieuxpar les excès et les errances. Il pré-. usé En 1992, alors qu’il ne lui reste que six pare son dernier tour de piste, et nous petites années à vivre, il se confie dans annonce, à l’approche de la« dernière un documentaire intimiste signé Patri-douane »:« Elle m’invite à ouvrir l’œil, à cia Plattner :Le Hibou et la Baleine. Lesdresser l’oreille, à froncer le nez comme larmes aux yeux, il y évoquait la mélan-un lapin, à prendre au plus court, à ne colie douceâtre duQuatuor à cordesderien perdre de la cambrure des femmes, Debussy à qui il avait dédié sonl’odeur du chèvrefeuille, du fumet d’unPoisson- de scorpion. Dans la foulée, il écrit un petitgigot ou du chant du loriot. Cet état si ouvrage du même titre, articulé en unetransitoire qui est le nôtre me rend omni-dizaine de textes vagabonds, disant sesvore et attentif. » passions et ses hantises, feuillets ramas- Quarante ans plus tôt, en 1953, ce fut sés, consacrés à la musique, à ses ani- son premier grand départ, où il avala les maux totems, à sestutélaires »« amis kilomètres avec son ami Thierry Vernet que sont le hibou et la baleine, à son à bord d’une Fiat Topolino, pour un pé-« jumeau animal », un petit lémurien de riple de dix-huit mois qui les conduira Madagascar, à l’appel du nord de Jack de Genève à Kaboul en passant par les Le Hibou London, aux romans de Jules Verne, aux Balkans, l’Anatolie, l’Iran et le Pakistan, et la Baleine « rêves du corps »de rejoindre plus tard Ceylan,… avant De Nicolas Bouvier, Par bonheur, les Éditions Zoé vien-l’actuel Sri Lanka, où il connut« l’enva-Éditions Zoé, nent de republier ce curieux et plai-hissement de la raison par la déraison ». 112 p., 20 €. sant ouvrage, dans une édition collec-Et c’est ainsi que Bouvier est grand.
Les Éditions Zoé republient Le Hibou et la Baleine dans une édition collector, richement et singulièrement illustrée.
é O Z s n o i t i d é / o r a g i F e L / n o h c u o B s i o ç n a r François Bouchon/Le Figaro/éditions ZOé
DEŝ hOEŝ àU ŝERICE E EUR àyŝ Ils sont vingt-deux. Pas un de plus et pas temps qui courent, Isabelle Aristide-un de moins. Un cénacle, en quelque Hastir vient rappeler que Sully réussit à sorte, celui constitué par Jean-Christian assainir les finances publiques, au point Petitfils et qui réunit ces ministres ayant d’incarner un « mythe de l’âge d’or » tout simplement donné une stature au sortir des guerres de Religion. au pays. La liste a-t-elle été délicate Quant à l’« horizon européen » de Robert à élaborer ? En tout cas, les auteurs Schuman retracé par Jean-Pierre Rioux, amenés à travailler sous la direction il coïncide avec« un projet politique et de l’historien ne manquent pasmoral unique d’arguments. Les chapitres consacrésdans l’Histoire ». chacun à une figure, par ordre Parmi chronologique, sont vifs et leurs traits ces grands font mouche : quelques mots pour ministres dépeindre une personnalité avant qui ont fait de brosser des tournants et surtout la France, des engagements qui ont permis une surprise à l’histoire de s’écrire sous des cieux qui n’en est pas plus favorables. une : pas une À l’arrivée, ces quelque 400 pages femme ne surgit dessinent des trajectoires pour certaines à l’horizon. Un ultra-reconnaissables – comme le trio peu de diversité Les grands Richelieu-Mazarin-Colbert –, quandministreseût été la d’autres sont moins spontanémentqui ont faitbienvenue. identifiées – Guillaume de Nogaret,la FrancePour Simone Sous la direction Jacques Cœur, Michel de L’Hospital – Veil, Petitfils a de Jean-Christian et d’autres encore régulièrement citées décidé d’arrêter Petitfils, dans le débat public – Léon Blum, Pierre la composition Perrin, Mendès France. Dans son rôle de pilote, de sa liste à 400 p., 23 €. ce n’est pas la moindre qualité de Jean- 1974, à la mort Christian Petitfils que d’avoir identifié des de Georges Pompidou,« qui fut à la fois personnages qui se répondent, en dépitun grand premier ministre et un grand des caractéristiques de l’époque et de laprésident, qui porta le pays à un degré diversité des menaces. Tous bataillentde prospérité inégalé ».Est-ce à dire pour l’unité du pays, ce qui permet qu’auparavant on ne recense aucune de mesurer à quel point l’État français femme grand serviteur de l’État ? n’a jamais cessé d’être chahuté. Lequel Le débat est ouvert. manifeste le plus d’envergure ? Par lesfrédéric de monicault
PàIŝIRŝ ET éChéŝ « Faut-il brûler Sade ? »Un peu plus de soixante-dix ans après cette question posée par Simone de Beauvoir, l’œuvre du marquis reste un sujet brûlant. Il faut dire que ses récits ne sont pas à mettre entre toutes les mains. Napoléon lui-même prit la plume à propos deJuliette, qualifiant le livre de« plus abominable qu’ait enfanté l’imagination la plus dépravée ». À travers les siècles, Sade fut tantôt présenté comme un Le Marquis monstre de de Sade cruauté, un De Christian pornographe Lacombe, et délinquant Perrin, sexuel, 256 p., 25 €. tantôt comme un libertin enchaîné, un esprit libre et philosophe du plaisir. On compte parmi ses illustres défenseurs Nietzsche, Apollinaire, Breton, Man Ray. Qui était-il donc ? Un ouvrage se propose d’associer Sade à la philosophie des Lumières, à partir de documents conservés à la BnF, de ses textes, de gravures et de dessins. Aussi intéressant que troublant. Alice Develey
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le figaro LITTÉRAIREjEUdI 19 décEmBRE 2024
STEhE KIG, 20 OUEEŝ CUTEŝ àŝ UE OUEE TRàUCTIO
On ne présente plus l’écrivain américain, auteur dans les années 1970 de trois romans (Carrie,Salem,Shining), qui l’ont propulsé « maître de l’horreur » contemporaine, comme le furent en leur temps, H. P. Lovecraft et Edgar Allan Poe. Comme beaucoup d’écrivains américains, King, qui n’a jamais été considéré comme un styliste mais plutôt comme l’œil de l’Amérique, le témoin de son évolution et de ses errements, a souvent été traduit rapidement. Aujourd’hui, des éditeurs lancent de nouvelles traductions de certains de ses livres. Ainsi, après celle deShiningen 2023, les Éditions Lattès proposent le même procédé appliqué au recueil de nouvellesDanse macabre, paru aux États-Unis en 1978 et une première fois chez Lattès en 1993. Aux manettes de la nouvelle traduction, comme il le fut l’an dernier de celle de Shining, Jean Esch, cador de la profession, depuis quelques années en charge de King, principalement chez Albin Michel. Ce fort joli volume relié à la tranche mauve permet de constater à quel point l’auteur américain maîtrise l’art de la forme courte. La plupart des vingt nouvelles réunies dans le volume furent publiées dans des magazines. Certaines deviendront des romans.Jerusalem’s Lotsera
ÊTRE àOUREUX E PàRIŝ ET àORER NEW YOR
Qui veut jouer ? Entre Paris et New York, la guéguerre est ouverte. Cela ne date pas d’hier. Vahram Muratyan ne choisit pas. Impossible, quand on est né sur les bords de Seine et qu’on amis les pieds à Manhattan pour lapremière fois à 5 ans. Il lui a fallu trouver autre chose. Alors il compare, oppose les deux villes avec de sobres dessins, des couleurs franches. Sur la page de gauche, la française. Sur la droite, l’américaine. La méthode a du bon. Elle réjouit l’œil, provoque des sourires attendris. Il y a la baguette contre le bagel, le camembert contre lecheesecake. Prenez le café. Selon le té de l’océan, il se déguste dans une tasse en terrasse ou se sirote dans un gobelet en marchant. Les profils de CDG et de JFK se répondent (ils ont tous les deux donné leur nom à un roport). Leur coiffure rapproche Sonia Rykiel et Anna Wintour. On est macaron ou cupcake. On aime Depardieu ou De Niro, Truffaut ou Scorsese. Des icônes se tirent la bourre, Quasimodo avec Notre-Dame, King Kong au sommet de l’Empire State Building. Le menu se compose d’un croque-monsieur ou d’un hot-dog. Aznavour est l’équivalent de Sinatra. De Piaf et de Streisand, ne sont montrés que leurs
À VEIŝE àEC SOERŝ Il y a exactement vingt ans, Philippe Sollers (1936-2023) publiait dans une collection devenue fameuse alors dirigée par Jean-Claude Simoën unDictionnaire amoureux de Venisequi, depuis, est devenu un modèle du genre. Qui mieux que Sollers pouvait écrire de telles pages sur la Sérénissime? L’auteur deParadis la connaissait sur le bout des ongles. Il y posa la première fois ses valises en 1963, début d’une liaison voluptueuse, ininterrompue. Deux fois l’an, il s’y rendait accompagné de la dédicataire de ce dictionnaire, «La Grande Petite Jolie Belle Beauté», entendez la romancière Dominique Rolin. Sollers et Venise, toute une histoire. Sollers est Venise. La ville traverse la plupart de ses livres. L’encre bleu-noir de la lagune coulait dans son stylo à pompe Waterman. De la lettre A comme«Accademia»à la lettre Z comme«Zattere»,entrez dans cette somme par n’importe quelle porte, elle sera une fenêtre qui donnera sur un livre, un tableau, un paysage, un lieu mythique, une cachette, une page d’Histoire ou de musique. Voilà un érudit «clandestin» dans la plus touristique des destinations. Autant dire que tous les goûts - et parfois les dégoûts! (voire, par exemple, l’entrée «Debray Régis», le coup de griffe vaut le coup d’œil) ou encore l’entrée «Carnaval»- de Sollers sont concentrés dans ce dictionnaire. On y croise les célébrités qui ont marqué de leur génie la Cité des doges : Monteverdi, Vivaldi, Giorgione, Carpaccio, Titien, Tintoret,
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transformée enSalemetVagues nocturnesenLe Fléau. Ce volume est agrémenté d’une préface du romancier John D. MacDonald et surtout, d’un avant-propos de King dans lequel l’auteur disserte avec brio sur la peur. Pourquoi ce thème le fascine et nous fascine. C’est brillant, drôle et parfaitement danse macabre utile comme De Stephen King, nouvellesles postfaces de traduites deses romans l’anglaisqu’on lit en (États-Unis) priorité. par Jean Esch, Aux petits JC Lattès, soldats ou aux 412 p., 25,90 €. camions tueurs, on préférera la première nouvelle,Jerusalem’s lot, qui lorgne du côté de Hawthorne et deLa Maison aux sept pignons. Et prouve, s’il en était besoin, que lorsqu’il veut faire peur, King reste le maître absolu. bruno corty
yeux. Il y a les lunettes de Godard et celles de Woody Allen : ce sont les mêmes. Nous avons le Petit Prince, ils ont le Roi Lion. Idem pour Catherine et Marilyn, Joséphine et Liza. Le week-end, direction Deauville ou les Hamptons. Il s’agit de lire Proust ou Salinger, de se rendre à Roland Garros ou à l’US Open. paris Pompidou ou vs New York Guggenheim ? De Vahram se demandent Muratyan, les amateurs 10/18, d’art 285 p., 14,50 €. contemporain. Heureusement, Hidalgo ne figure nulle part. Drôle et snob, d’un charme fou, ce précieux volume constitue le meilleur des sésames, donne des envies d’ailleurs, permet de contempler ces métropoles d’un regard neuf. Tous ces menus détails résument deux civilisations. Cela n’a pas de prix (enfin, si : prière de consulter la ligne d’en dessous). éric neuhoff
Véronèse, Tiepolo (Sollers a un faible pour «l’ange» Tiepolo), Guardi, Goldoni, Casanova, etc. Et, bien entendu, les églises : Saint-Marc, San Zaccaria, Santa Maria Gloriosa dei Frari (ah, cette Assomptiondu Titien!, puis, juste à côté, la tombe de Monteverdi!), la Salute, San Trovaso, San Sebastiano ou encore les Gesuati, son église, comme il dit, puisqu’il logeait à deux pas de celle-ci, sur les Zattere, non loin de la Douane de mer. C’est ici, dans le sestiere de Dorsoduro, que le poète américain Ezra Dictionnaire Pound s’est amoureux éteint. Lire ou de Venise relire leCanto De Philippe Sollers édition collector,CXVII: «Le Plon,Paradis, voilà 480 p., 26 €.ce que j’ai tenté d’écrire/ Ne bouge pas/Laisse parler le vent/Le Paradis est là/Que les dieux pardonnent ce que j’ai fait/Que ceux que j’aime pardonnent ce que j’ai fait.» Inutile de vous dire qu’il est impensable de voir Venise sans avoir dans ses bagages ceDictionnaire amoureux. Et même si vous n’y allez pas, vous y serez. anthony palou
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jEUdI 19 décEmBRE 2024le figaro LITTÉRAIRE
Léŝ pàîîôŝ éôûÈéŝ û Côŝéàôîé RàçMàîôFF
« La conversation musicale est bien la seule qu’on puisse écouter aux portes sans risquer d’être indiscret. » Par chance, celles du Conservatoire Rachmaninoff sont riches en surprises. Erwan Barillot les a transcrites pour mieux retracer l’histoire de cette institution vieille de 100 ans, née de la volonté de préserver la culture russe à Paris, ce paradis perdu des réfugiés de la révolution d’octobre 1917. Formée sous l’impulsion d’anciens professeurs des conservatoires de Moscou et Saint-Pétersbourg, l’école de musique s’illustre par les noms prestigieux de ceux qui y enseignèrent, s’y produisirent ou la soutinrent : Prokofiev, Chaliapine, Glazounov, Koussevitzky, Lifar… C’est en mettant la main sur un siècle d’archives miraculeusement préservées qu’Arnaud Frilley, directeur du conservatoire et co-auteur de l’ouvrage, a permis de raconter les centaines de vies façonnées par ce véritable centre culturel. Entre autres, le célèbre destin des Gainsbourg : d’Olga à Charlotte, la prodigieuse famille y étudia. Mais aussi la tragique aventure du violoniste Michel Tagrine, mort pour la France en 1944, engagé à corps perdu dans la Résistance après avoir vu ses rêves
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brisés par une blessure à la main lors d’une fusillade. Ou encore l’énigmatique lien qui unissait le compositeur Piotr Kraczkiewicz à Eleanor Roosevelt, révélé par deux partitions dédicacées à l’attention de l’ex-première dame des États-Unis en 1946. De photos en documents inédits, les auteurs brossent d’une main Destins russes â Paris.experte le Un sicle auportrait d’un Conservatoireétablisse-Rachmaninoff, ment 1924-2024 singulier qui, D’Erwan Barillot apprend-on et Arnaud Frilley, dans Éditions des Syrtes, cet épais 420 p., 26 €. volume, fut secouru par Jacques Chirac en 1986. Et parviennent à faire vibrer le lecteur à la simple évocation du concerto de Scriabine ou d’un opéra de Tchaïkovski. « La musique est le raccourci de l’émotion », disait Tolstoï. Dorian Grelier
Aéç Pàŝôûéàû, é ôŝé éŝ Mîŝ L’histoire du rose est une histoire d’« incarnat ». Qui est donc né fascinante. On ne l’aurait jamais en premier, entre la fleur pensé avant de lire le dernier et la couleur ? Sans trop en révéler, ouvrage de Michel Pastoureau, disons que c’est à l’époque me mais c’est là le talent de l’historien, de M de Pompadour que le mot rendre un sujet à première vue banal « rose » a été adopté. Alors, le rose absolument incroyable. Près de envahit vingt-cinq ans après avoir commencé tout le e une série sur les couleurs (1), il ouvre XVIII siècle une nouvelle page avec une série et même dédiée aux demi-teintes. Le rose au-delà. serait-il seulement une nuance ? Il a le vent Pour la science, oui. Pour l’écrivain, en poupe, c’est différent. Et c’est pour cette porté par le raison qu’il faut lireRosecomme romantisme. Rose une enquête, un récit d’aventures L’expression De Michel avec son lot d’anecdotes qui nous « voir la vie Pastoureau, entraîne de la Grèce antique à nos en rose » Seuil, jours. D’abord, annonçons la couleur : est ainsi née 189 p., 39,90 €. le mot « rose » est très récent. Ni le quand la latin ni le grec ne possédaient de mot couleur était à la mode… et, très d’emploi courant pour le qualifier. logiquement, quand le courant Etroseuslittéraire est devenu has been, construit sur le nom ,est de la fleur(rosa),née une autre locution : « littératureest un faux ami qui désignait le rouge brillant ! à l’eau de rose ». Fascinant ? En vérité, l’être humain n’a fabriquéEt encore, nous n’avons conté là du rose qu’assez tardivement, aussiqu’une infime partie du livre. Quand le bien en peinture qu’en teinture.rose est-il devenu « genré » ? Est-ce la C’est seulement à compterfaute de Barbie ? Michel Pastoureau a e du XIV siècle, et grâce au duc Jeanencore frappé avec un ouvrage haut de Berry, oncle du roi Charles VI, queen couleur.Alice DEVELEY la mode de cette couleur s’est (1) Points publie un coffret répandue. On parlait alors des six couleurs, 61,20 €.
À NéW YôK é çôMpàGîé ’û Gûîé ôMMÈ Pàû Aûŝé
Au pied du sapin, on déposera volontiers le volume (à la couverture pop et pimpante illustrée par Bo Lundberg) proposé par Actes Sud. Revoici la fameuseTrilogie new-yorkaise,qui fit connaître Paul Auster en France à la fin des années 1980. On relira avec le même plaisir Cité de verre, Revenants etLa Chambre dérobée, traduits par Pierre Furlan. Le premier contenait déjà tout le talent du futur auteur de Moon Palaceet deBaumgartner. Lequel collait aux basques de ce Daniel Quinn signant chaque année des polars sous le pseudonyme de William Wilson. Un homme de 35 ans, solitaire depuis le décès de sa femme et son fils, qui déambule pendant des heures dans New York. Et commence à recevoir la nuit des appels provenant d’un inconnu cherchant à joindre un détective privé répondant au nom de Paul Auster afin de lui confier une enquête improbable… En chemin, on croise ici un carnet rouge, le pont de Brooklyn, des aventures et des aventuriers, la cité de Babylone. En se laissant enivrer par l’art du mystère, le sens du
flottement et le goût de l’étranger du bien réel Paul Auster. Un conteur aussi doué pour faire évoluer des personnages appelés Bleu, Blanc et Noir dansRevenants.Ou pour créer la figure de Fanshawe. L’ami d’enfance du narrateur de La Chambre dérobéequi reparaît en disparaissant, laissant derrière lui plusieurs romans dont l’ample et atypique Neverland. Les Trilogie enquêtes new-yorkaise de laTrilogie De Paul Auster, romans traduitsnew-de l’anglais (États-yorkaiseont Unis) par Pierreconservé Furlan, Actes Sud, intact leur 344 p., 22,50 €. pouvoir de fascination. Leur manière d’ouvrir la porte sur des labyrinthes profonds et vertigineux où l’on avance en écartant les yeux, bluffés par la façon dont Paul Auster détourne les codes du genre. Alexandre fillon
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Pas moins de 300films (ici,LaVie privée de Sherlock Holmes,de Billy Wilder) ou sériesont mis en scène le hérosde SirArthur Conan Doyle.
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ShéOck HOmés pus vîvànt qué jàmàîs n mai prochain, l’Anglaissans s’en cacher, du travail de ses policierArthur Conan Doyle en-prédécesseurs, l’Américain Edgar Al-trera dans la « Bibliothè-lan Poe, père du Chevalier Dupin, et L’intégraleque de la Pléiade »,le Français Émile Gaboriau, de l’en-ment,Eavec les histoires consacrées auepas son fort. Un trait de caractèr suivant de près H. P. Lo-quêteur Lecoq. Tout en laissant clai-des romansvecraft et Ray Bradbury.rement entendre que son personnage Une ouverture à la littérature de genreétait à cent coudées au-dessus des et des nouvellesqu’on ne peut que saluer chaleureuse-leurs. L’humilité n’était semble-t-il du plus célèbrepersonnage qui a fait sa gloire dans lepartagé avecHolmes ! monde entier : Sherlock Holmes ! Deux des détectivesvolumes avec des traductions nouvel-Un succès mal vécu les et un album.Malgré tout, Doyle aurait préféré, de paraît dansEn attendant cette alléchante sortie,loin, que ses romans historiques soient les passionnés du détective à casquet-plus appréciés que ses romans poli-une nouvellete, pipe et loupe à la main, quand ceciers. L’écrivain a si mal vécu le suc-n’est pas violon ou seringue, pourrontcès des histoires consacrées à Holmes traduction et en découvrir à la faveur des fêtes une en-et Watson qu’il a tenté, en vain, de treprise éditoriale aussi ambitieusetuer sa créature en 1891 dansLe Der-coffret. Un régal !avec non pas deux mais trois volumes nier Problème. La disparition, dans les de l’intégrale Holmes dans un coffretechutes du Reichenbach du sublim BRuNO CORTy de la collection « Litera », lancée il y adétective, avec son ennemi juré, le peu par l’éditeur Gallmeister. Là oùProfesseur Moriarty, a si peu été du Gallimard a mis à contribution troisgoût des lecteurs qu’ils jurèrent mor-traducteurs, Gallmeister a confié ledicus qu’à moins de ressusciter Hol-« canon holmésien » (quatre romansmes, Conan Doyle paierait le prix de sa et cinquante-six nouvelles parus entreCe que Stephen King a ra-trahison ! 1887 et 1927) au seul Pierre Bondil.conté peu ou prou dansMisery. Hol-Chez « Litera », c’est Matthieu Le-mes resurgira trois ans plus tard dan s tourneux qui présente ces près de troisLa Maison vide. mille pages précédées d’une utileLe succès des enquêtes de Holmes, chronologie.racontées par le fidèle Docteur Watson, Alors, que dire de plus sur Arthur ettrouve sa résonance dans le développe-sherlock e sa créature qu’on ne sache déjà ? Rap-siècle, des prati-ment, à la fin du XIX holmes peler peut-être que Conan Doyle aques policières en Angleterre comme D’Arthur Conan Doyle,mis en route cette série pour des rai-en France, où Bertillon crée alors le nouvelle traductionsons financières. Que le tout premierpremier laboratoire d’identité crimi-de l’anglaisHolmes,Une étude en rouge(1887),nelle. Et puis, en 1888, un certain Jack de Pierre Bondil, n’a pas été un succès fulgurant en An-l’Éventreur sévissait dans Londres. Le coffret 3 volumes, gleterre, mais n’a pas échappé auxcrime et le mystère ont toujours fasciné Gallmeister, Américains, qui publieront d’abordles foules. À ce jour, on compte pas loin «Litera», chez eux le deuxième,Le Signe desde 300 films et séries tirés de l’œuvre 2893 p., 126 €. quatre(1890). Que Doyle s’est inspiré,de Doyle.
U èŝ Gà àMôû Le 5 février 1300, dans l’église accolée au château provençal de sa famille, Delphine de Signe, 15 ans, va prendre pour époux Elzéar de Sabran, 13 ans. Trois ans plus tôt, lors de leurs fiançailles fêtées à la cour du roi de Naples, la jeune fille avait pourtant clamé haut et fort qu’elle refusait de se marier. Mais elle finit par céder et la voilà devant l’autel où elle découvre le visage de celui qui deviendra son bien-aimé. Le soir même, ils échangeaient Le secret une promesse de leur vie secrète qui De Paul de Sinety, ne sera Cerf, révélée qu’à 144 p., 15 €. leur mort… En cette époque violente, ce couple hors norme se distingua par sa façon brûlante de pratiquer le grand commandement évangélique. Il disait :« C’est la femme qui sauve l’homme. »Et elle :« Mon époux était le gardien de mon âme. »Puisant aux meilleures sources historiques, Paul de Sinety nous offre un très juste et beau récit de sainteté pas ordinaire. Astrid de Larminat
VôàGé àû bôû é à Mé é é ’éFé Après Amélie Nothomb avec son Alexander Selkirk, qui rappellera podcast sur le Japon devenu album leRobinson Crusoe(1719) de Daniel (Albin Michel), c’est au tour de Daniel Defoe. Et pour cause : le romancier Fiévet de voir sa sérieNaufragés. Unes’est inspiré des mésaventures de cet histoire vraiehomme qui s’est retrouvé seul (sans, diffusée en 26 épisodes sur France Inter, devenir un bel Vendredi !) sur l’île Mas à Tierra, dans album publié par Julliard. l’archipel Juan Fernandez, à l’ouest Au sommaire, huit aventures du Chili. Autre histoire édifiante : extraordinaires, huit récits de survie celle des incroyables mais vrais richement 80 esclaves illustrés et enrichis de cartes, malgaches peintures et dessins originaux abandonnés de Nicolas Vial et Aleksi Cavaillez. par des marins Du tristement célèbre massacre français après duBataviaen 1629 au naufrage le naufrage d’Alain Bombard en 1952, toute la de leur navire, gamme des émotions est ici réunie.L’Utile. Simon Leys a écrit un livre célèbre Sept réussirent surLes Naufragés du Bataviasurvivredans à naufragÉs. lequel il compare cette catastrophe pendant HISTOIRES VRAIES maritime, le naufrage, au large quinze ans sur De Daniel Fiévet, e de l’Australie, au début du XVII ,illustrationsl’île Tromelin, d’un paquebot lors de son voyaged’Aleksi Cavaillezau large de inaugural, au drame duTitanic.et Nicolas Vial,Madagascar ! Julliard-Mais comme le montre Daniel Fiévet, L’effroyable France Inter, dans le cas duBataviaodyssée des, les rescapés, 215 p., 34,90 €. près de 250, n’ont pas été secourus 150 naufragés par d’autres navires, mais se sont duRadeau de échoués sur un îlot désert.la Méduseau large de la Mauritanie Là, ils se sont retrouvés aux mains est connue. Tout comme celles d’un certain Jeronimus Cornelisz, de Shackleton dans l’Antarctique qui se révélera être un effroyable ou d’Alain Bombard en Atlantique. psychotique sanguinaire L’une et l’autre ont donné des livres qui massacrera 115 personnes, formidables. On relit pourtant ces soit deux fois plus que les victimes exploits surhumains avec un respect du naufrage ! total et une admiration non feinte. On lira aussi l’histoire de cetB. C.
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Everet
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