Café blanc , livre ebook

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2020

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Élise, 37 ans, a franchi les étapes de sa vie dans l’ordre qu’elle s’était fixé : bonnes études, mariage heureux, deux enfants, mère et épouse attentive, professeur investie. Mais au fond d’elle-même sourd une énergie explosive. C’est la rencontre avec Joachim, pianiste de 18 ans son cadet, qui agit comme une étincelle. Elle avance alors en équilibre instable sur le fil de sa vie. Au gré des notes de ce jeune musicien, elle est prise dans un tournoiement troublant de l’esprit et du corps. En creux de cette histoire, elle écrit le récit de l’amour de Sophie et Thomas, miroir de sa trajectoire dont l’issue lui échappe.

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Publié par

Date de parution

17 décembre 2020

Nombre de lectures

1

EAN13

9782381533193

Langue

Français

Café blanc
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Clara Ballereau
Café blanc
Roman


« Je crois qu’il profita, pour son évasion, d’une migration d’oiseaux sauvages. »
Le Petit Prince


 
Je m’appelle Élise ou Lili, j’ai la tête dans les nuages. Toi, mon mari, Lou et Nine, nos filles. Toi, Lou et Nine vous me ramenez sur terre. La chute est parfois rude. Je voudrais pouvoir m’envoler... Lili, la tête dans les nuages, Lili bulle d’air qui s’envole. Je suis Lili ou Élise. Lili, la tête dans les nuages. Lili, bulle d’air. Je rêve devant mon écran blanc pendant que Côme, mon mari travaille sur son portable noir. Je passe un instant sur Facebook, relis les messages pour mes 37 ans le mois dernier, regarde quelques photos, quelques profils et efface tout sur le mien. Un ciel pour m’identifier. Plutôt vague. Je navigue les pieds dans l’espace, capturée par cette araignée.
Ma boîte de réception ouverte en permanence, je bénéficie des avantages du courrier instantané. Je réfléchis à tous ces échanges épistolaires qui circulent et s’effacent dans les entrelacs de la toile, légers comme des ballons envoyés dans le ciel... Google, une bibliothèque infinie à portée d’un clic, c’est magique. Je cherche une citation de Musset pour mes élèves, je tape les premiers mots : « La réalité n’est qu’une ombre » et la suite apparaît : « appelle imagination ou folie ce qui la divinise. »
Mes filles Lou, 6 ans et Nine, 3 ans dorment. Côme ce soir est à son cours de peinture modèle vivant comme tous les jeudis soir. Face à moi, une aquarelle attire mon regard. Des arbres qui ressemblent à des femmes désarticulées et gracieuses s’élancent vers le ciel où des trouées de lumière se mêlent aux nuages sombres. Dans le fond, tracées à l’encre, des maisons accolées et bancales semblent nous scruter de leurs fenêtres fermées pareilles à de petits yeux. J’ouvre le carton à dessins vert et commence à regarder un à un les dessins qui s’y trouvent. Des mains qui dansent ou des papillons qui volent. D’autres tableaux sont plus durs comme ces suites d’enfants indiens des bidonvilles. Au bout de notre lit à gauche se trouve le chevalet sur lequel est posé un portrait d’homme aux yeux suaves et pénétrants fait de nombreux coups de pinceau en pagaille. Un visage bleu nuit aux reflets violets, un regard à la fois doux, triste et interrogateur qui me fait passer de la veille au sommeil pendant plusieurs semaines. Il dit que le modèle était brésilien, un très bel homme. C’est le gardien de mon sommeil.
Quand Côme peint, il est souvent torse nu ou en débardeur. Sa peau est mate, les muscles du haut de ses épaules et de ses bras bougent imperceptiblement au gré de ses mouvements. Ni grand, ni petit, il a une silhouette harmonieuse et élégante. Il n’a pas beaucoup changé depuis notre rencontre. Mince, les cheveux châtains coupés courts et les yeux marron clair. Il n’exprime pas ses émotions par les mots et utilise souvent le second degré. Son sourire est éclatant.
Certains pensent me reconnaître dans les femmes de ses tableaux, mais ce n’est pas moi. J’ai rarement posé. Je me rappelle cependant l’impression de moments suspendus où le silence vibre tel un champ d’ondes électriques entre le peintre et le modèle. Contrainte à l’immobilité, sentir l’abandon et la puissance de tenir. Un désir désincarné. Le peintre prend son modèle.
Pendant longtemps, il n’a rien montré. Il est très critique et exigeant vis-à-vis de ce qu’il fait. J’aime la part d’imperfection et d’inachèvement de ses tableaux qui laisse de l’espace. Mais m’interrogent ces corps de femme qui ont des visages aux traits légèrement masculins, comme androgynes. Contre le pilier qui sépare le salon de la cuisine, est posé un dessin. De près, je ne vois que des coups de pinceaux à l’acrylique qui associent des couleurs de façon abstraite. Si je prends de la distance émerge une silhouette, un visage les yeux fermés, un corps replié sur lui-même, les bras entourant les genoux, comme si accablé il se protégeait ou apaisé il se rassemblait. Il en émane une impression d’harmonie. Cela me laisse songeuse. Une émotion passe. Puis Côme a repris le dessin et a rajouté du jaune, du vert du rouge et gâché la poésie. Je ne comprends pas qu’il revienne sur un tableau que j’ai aimé dès le premier coup d’œil. Lou a écouté et intégré, elle jauge de loin le dessin de Nine en le tenant à hauteur et déclare :
— Il est bien, il faut l’arrêter.
Elle le pose sur la table et inscrit méticuleusement le nom de Nine en lettres majuscules. Nine, elle, est passée à autre chose.
— Le pbépbé, dit-elle en pointant du doigt le petit cadre.
Les tableaux de Côme sont stockés çà et là, échappant parfois de peu à l’humidité. Il est rarement satisfait. Il oscille entre un sentiment de plénitude quand il a fait ce qu’il voulait et de vacuité s’il juge ne pas y être arrivé. Il envie les peintres aux œuvres plus accomplies. Il est vrai que c’est pour lui un passe-temps et non un engagement dans une vie d’artiste. Le premier qui m’a fait remarquer qu’il dessinait, c’était un visage d’homme princier et altier rapidement réalisé à la sanguine une journée de vacances à Nice. Il reste dans ma tête. Parfois, je m’arrête devant un dessin éclairé par la lumière du soleil et je suis touchée. Ainsi le contour d’une silhouette de femme tracé d’un seul trait de feutre rose foncé surgit comme une évidence de la feuille blanche. Délicat. Au bas du mur de la pièce qui me sert de bureau se trouve un tableau d’un bleu Klein sur lequel ressort la blancheur marbrée de pierre et de chair d’un modèle dessiné de façon classique à la manière des tableaux d’Ingres. Côme le déteste. Il l’enlève ou le remplace par un autre régulièrement et à chaque fois je le remets. Petit jeu sans mots entre nous. Je regarde rapidement ses esquisses. Une ligne blanche dessine le corps d’une femme sur un fond marron comme l’écorce d’un arbre. Un autre laisse apparaître un visage à travers l’entremêlement de traits à l’encre noire. D’autres montrent des corps de femmes déliés et colorés qui dansent. J’aime que ses tableaux soient en mouvement. Ils vivent. D’autres plus structurés, d’autres au pastel, si fragiles à conserver.
Souvent les dimanches d’hiver en fin d’après-midi quand il y a moins de monde avant la fermeture, nous allons à des expositions de peinture avec les filles. Elles sont habituées. Alors que Lou était en porte-bébé sur Côme, elle a essayé d’attraper un tableau à la fondation Dapper. Mais dans l’ensemble, elles se faisaient à ces promenades et quand elles ont grandi, elles s’asseyaient très concentrées avec un carnet à dessin. Nous restions le temps de leur patience. À une exposition de Titouan Lamazou au musée du Trocadéro, tout avait été prévu pour que les enfants ne s’ennuient pas. Petites tables pour dessiner et musique d’ambiance. Une femme seule sur une banquise blanche comme suspendue entre le ciel et la terre, en lévitation, avait particulièrement attiré mon attention. Elle semblait voler au-dessus de la réalité dans un monde improbable où le blanc du sol se confond avec le ciel. Le tableau blanc. Nastia présente et souriante sur un paysage de banquise. Le vide, l’espace à perte de vue, une tente de fortune dans le désert entouré de la nuit. À l’intérieur, les visages avenants d’une famille, éclairés par le faisceau d’une bougie. Dans l’immensité du désert, serrés les uns contre les autres, les hommes trouvent leur juste place dans l’univers.
— La chanson, elle est belle, mais elle est triste, me dit Lou, ma fille aînée de 6 ans.
— Pourquoi elle est triste ? C’

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