Le Goût du vin , livre ebook

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Après m’avoir accordé un long entretien, un vigneron-encaveur valaisan me raccompagne puis prend congé sur ces mots : « Il y en a qui sont là pour faire du vin, d’autres pour faire de l’argent. » Bien que lapidaire, cette formule résume bien les conflits de valeurs propres au monde du vin, des rivalités qui se traduisent inévitablement par des jeux de pouvoir. Au-delà des terroirs et des cépages, le goût du vin doit beaucoup aux choix politiques locaux, bien plus que ce que notre seul palais pourrait nous laisser penser. Les appellations de vin sont des ressources communes susceptibles de générer de nombreuses formes de valeurs, économiques bien sûr, mais également culturelles, symboliques et sensorielles. Dans cet ouvrage, l’auteur remonte le fil des jeux d’acteurs, des rapports de force et des mécanismes institutionnels à l’oeuvre dans les deux principaux cantons viticoles de Suisse (Vaud et Valais) ainsi que dans deux régions de Nouvelle-Zélande. Il propose des outils conceptuels novateurs qui ont la particularité d’accorder autant de place au goût et aux aspects symboliques du vin qu’à ses enjeux économiques. L’étude des cas de Féchy, du Lavaux, de Fully et de Chamoson en Suisse ainsi que celles des cas néo-zélandais (Marlborough et Central Otago) mettent en évidence les stratégies qu’adoptent les acteurs locaux pour différencier leur appellation et pour en obtenir les formes de valeurs qu’ils convoitent. L’analyse comparée permet en conclusion d’identifier les éléments généraux favorables au succès de l’action collective qui façonne les appellations de vin, ce qui amène l’auteur à proposer des pistes de recommandations à l’intention des acteurs suisses.

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Nombre de lectures

3

EAN13

9782889302314

Langue

Français

© Éditions Aphil-Presses universitaires suisses, 2018 Case Postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse
www.alphil.ch
Alphil Distribution commande@alphil.ch
ISBN papier 978-2-88930-192-8 ISBN epub 978-2-88930-231-4
Cet ouvrage a été publié grâce aux soutiens de la Société Académique Vaudoise et de l’IDHEAP.
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020.
Photographie de couverture : Calamin et Dézaley , Lavaux © Melaine-Noé Laesslé, 2018.
Responsable d’édition : Rachel Maeder
À Catharina, Margaux et Léonis, pour le soutien, la patience et pour tout le bonheur du monde. À Jacques Granges, d’un paradis à un autre, pour l’amour de la nature et du vin. À mes parents, pour un peu de tout ça, et puis pour la confiance.
«  Le nom de loup désigne tout ce qui est sauvage en lui, tout ce qu’il considère comme mauvais, dangereux, comme source de terreur pour les bourgeois. Cet homme qui croit pourtant être un artiste et posséder des sens délicats se montre ainsi incapable de voir qu’en dehors du loup, derrière sa façade, il est habité par bien d’autres êtres ; que les morsures douloureuses ne viennent pas toutes du loup ; qu’il y a aussi le renard, le dragon, le tigre, le singe et l’oiseau de paradis. Il est incapable de voir que cet univers, ce jardin paradisiaque, empli d’êtres gracieux et effrayants, grands et petits, puissants et fragiles, est entièrement écrasé et emprisonné par la fable du loup, à l’instar de l’homme véritable qui est écrasé et emprisonné par l’homme fictif, par le bourgeois.  » 1
1 . H ESSE  Hermann, Le Loup des steppes, Paris : Calmann-Lévy, 1996, p. 101.
R EMERCIEMENTS

C et ouvrage est tiré d’une thèse réalisée dans le cadre d’un projet de recherche financé par le FNS 1 , débuté en janvier 2011 et mené au sein de la chaire de Politiques publiques et durabilité de l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne. Une bourse de mobilité du Fonds national suisse (FNS), obtenue en 2014, m’a permis de prolonger la recherche par un séjour de douze mois en Nouvelle-Zélande, au sein de la Lincoln University ( Centre for viticulture & Oenology, Faculty of Commerce ) et de la University of Auckland ( School of Environment, Faculty of Science ).
L’élaboration du modèle conceptuel propre à cette thèse ainsi que les résultats empiriques ont été discutés régulièrement, notamment dans le cadre de séminaires de recherche organisés par la chaire sous la direction du professeur Peter Knoepfel. Je remercie tout particulièrement les participants à ces discussions pour leurs précieuses remarques et leurs conseils constructifs : le Dr. Stéphane Boisseaux, le Dr. Guillaume de Buren, le Dr. Rémi Schweizer, le Dr. Johann Dupuis, la Dr. Julie Pollard, Laurent Tippenhauer ainsi que le prof. Stéphane Nahrath, la prof. Géraldine Pflieger, le prof. Andras Ladner, et le prof. Jean-Philippe Leresche. Mes remerciements s’adressent également aux deux chercheurs qui m’ont invité et chaleureusement accueilli au sein de leur institut en Nouvelle-Zélande, Sharon Forbes à la Lincoln University et le prof. Nick Lewis à la University of Auckland .
Je remercie enfin toutes les personnes qui ont accepté de répondre à mes questions, qui m’ont ouvert l’accès à leurs archives ou la porte de leur bureau et m’ont fourni de précieuses sources écrites, autant en Suisse que durant mon séjour en Nouvelle-Zélande. Sans leur disponibilité ce travail n’aurait jamais pu voir le jour. Je remercie également toute l’équipe de l’éditeur Alphil, pour leurs conseils et pour tout le travail d’édition qui a permis de faire aboutir cet ouvrage.
Last but not least , mes remerciements s’adressent en particulier à Peter Knoepfel, qui m’a apporté tout son soutien et m’a accordé toute la liberté et la confiance nécessaire pour que je puisse réaliser la thèse qui a donné lieu à cet ouvrage. Si le goût du vin est omniprésent dans les questions qu’aborde ce travail, l’odeur familière et apaisante du tabac à pipe de Peter a elle aussi accompagné les heures passées au bureau et imprégné durablement tous les manuscrits qui ont précédé celui-ci.
1 .  Le patrimoine, une ressource renouvelable ? Construction, exploitation, entretien et labellisation des biens patrimoniaux en Suisse , Projet FNS 132225, requérants, Prof. Peter Knoepfel, Dr. Stéphane Boisseaux
P REMIÈRE PARTIE

«  Il y en a qui sont là pour faire du vin, d’autres pour faire de l’argent.  » Un vigneron-encaveur, Chamoson.
C HAPITRE 1 I NTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE

C ontribuer à la compréhension des mécanismes institutionnels qui permettent à une ressource commune de se former et d’engendrer une diversité de valeurs au bénéfice de ses usagers : tel est l’objet du présent ouvrage. En nous concentrant sur différentes appellations de vin, nous nous efforcerons d’expliquer à quelles conditions de telles ressources locales parviennent à produire de la valeur économique mais aussi des valeurs symboliques et gustatives qui leur sont propres. Notre recherche remontera le fil des jeux d’acteurs et des rapports de force qui aboutissent à la formation d’arrangements institutionnels spécifiques permettant à des appellations de vin de se différencier et ainsi de fonctionner comme ressources productives.
Les questions posées ici ne concernent pas uniquement le vin ou les appellations d’origine, mais s’adressent de façon transversale aux productions agricoles et patrimoniales. Notre intuition est qu’il s’agit de ressources communes, dont il conviendrait de préserver la durabilité. Alors que la logique de la privatisation des ressources ne montre aucun signe d’essoufflement, que les valeurs de la rationalité économique semblent gagner et dominer un nombre croissant de sphères de la société (recherche, santé, environnement, etc.), il apparaît plus que nécessaire de mettre en évidence à la fois d’éventuelles alternatives concrètes de valorisation des ressources communes et la diversité des formes d’exploitation et d’entretien de ces ressources que les usagers parviennent à élaborer.
Ce cheminement innovant nous a conduit à formuler la problématique et le questionnement dans le domaine plus spécifique des appellations de vin. Ce faisant, le raisonnement au cœur de ce travail reste tout entier dédié à la thématique des ressources communes et pose la question de leur capacité à satisfaire les besoins formulés par la communauté de leurs usagers. Par analogie, on pourrait également traiter de ressources touristiques, patrimoniales évidemment (bâti ou non), énergétiques ou encore biologiques (biodiversité). Les appellations de vin ne sont que l’une des voies d’accès aux questions abordées ici et qui concernent plus généralement la libéralisation des échanges agricoles et la mise en concurrence croissante des territoires.
En 2017, les négociations du cycle de Doha à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour l’extension du libre-échange dans le domaine agricole, sont au point mort. Or, le déblocage des négociations remettrait sur le devant de la scène les préoccupations (d’une partie) du monde politique et social concernant les modalités de survie des producteurs agricoles en Suisse ou l’origine et la qualité des biens en question. Le développement plus récent de projets d’accords de libre-échange régionaux (accord transpacifique [TPP] 1 , accord transatlantique [TAFTA] 2 ), préparés le plus à l’écart possible du débat public, est susceptible d’exercer un effet similaire. Notre objectif principal ici est double : que cet ouvrage soit à la fois stimulant pour nos pairs dans le monde de la recherche académique (objectif conceptuel) et utile aux acteurs (privés comme publics) du monde vitivinicole (objectif empirique).
Le vin est au carrefour de plusieurs dynamiques, parfois concurrentes et sujettes à de fortes rivalités. L’amélioration des techniques viticoles et vinicoles (Chiffoleau, 1998 ; Roger, 2010), la défense et la mise en valeur de savoir-faire traditionnels (Bérard & Marchenay, 2004 ; Domeniconi et al ., 2010), le développement des outils de la propriété intellectuelle, telles les marques et les indications géographiques, ou encore l’expansion d’un marché globalisé et de plus en plus concurrentiel (Banks & Overton, 2010 ; Hinnewinkel, 2010 ; Valceschini & Mazé, 2000) en constituent les traits les plus marquants. Dès lors, la problématique de cet ouvrage émerge au croisement de ces principales dynamiques.


1.1 G LOBALISATION ET ÉMERGENCE DU  N OUVEAU M ONDE 3
La dynamique principale demeure, depuis une vingtaine d’années, le processus de globalisation et la libéralisation des marchés agricoles dans le cadre des accords GATT/OMC de 1994. Ces accords ont consolidé, dans un cadre institutionnel international, le processus des réformes de libéralisation et de dérégulation promues par l’esprit néolibéral qui s’est épanoui durant les années 1980. Cette dynamique a eu un impact sur les politiques publiques, notamment agricoles, en renforçant la concurrence territoriale au niveau international (Brenner, 2004) et en exerçant une pression supplémentaire sur les productions locales.
Or, ces changements ne se sont pas imposés dans les États visés par l’ouverture croissante des marchés sans rencontrer la résistance des principaux acteurs concernés. En Suisse, l’abandon du protectionnisme agricole d’après-guerre, qui préservait les acteurs (nationaux ou régionaux) d’une exposition trop forte au jeu de la concurrence, n’est survenu qu’à l’issue de négociations hautement conflictuelles (Sciarini, 1994, 1995). En conséquence, l’élimination (progressive) des mesures protectionnistes en Suisse s’est vue « compensée » par la définition (constitutionnelle) d’un nouveau rôle accordé à l’agriculture, désormais multifonctionnelle, et par des mesures de soutien découplées de la production. Et pour cause, en l’absence de mesures

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