Visionnaires et prophètes de l’Afrique contemporaine , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2009

EAN13

9782811102814

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

André Mary
Visionnaires et prophètes de l’Afrique contemporaine
Tradition initiatique, culture de la transe et charisme de délivrance
KARTHALA
VISIONNAIRES ET PROPHÈTES DE L’AFRIQUE CONTEMPORAINE
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture : Tableau du prophète Harris dans une Église harriste de Jacqueville (Côte d’Ivoire). Collection particulière.
Éditions KARTHALA, 2009 ISBN : 978-2-8111-0281-4
André Mary
Visionnaires et prophètes de l’Afrique contemporaine
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
INTRODUCTION
Expériences contemporaines de la religiosité africaine
Ce livre épouse un parcours de recherche qui m’a conduit, sur une vingtaine d’années, du Gabon à la Côte d’Ivoire en passant par le Bénin et quelques détours brésiliens, à fréquenter divers lieux de culte ou de pèlerinage, à rencontrer différentes formes de religiosité (initiatique, prophétique, pentecôtiste) qui ont contribué de façon décisive à renouveler le paysage religieux de l’Afrique d’aujourd’hui. Mon initiation aux religions africaines a été marquée par l’étude du Bwiti, un culte traditionnel du Sud Gabon devenu autour des années 1930, dans le milieu fang, un « culte syncrétique », selon l’expression consacrée par Georges Balandier, qui en a fait une figure religieuse alternative par rapport aux prophétismes congolais. Ce culte fondé sur l’expérience visionnaire des initiés s’inscrit dans un champ religieux et théra-peutique qui comporte d’autres cultes, dits de possession (Ombwiri, Mabandji), plus traditionnels ou traditionalistes. Trois révélations m’ont fait sortir de mon sommeil « bwitiste » au cours des années 1990. En premier lieu, la décou-verte d’une Église prophétique indépendante originaire du Bénin, l’Église du Christianisme Céleste. Inscrite dans la veine prophé-tique des célèbres Églises yoruba du Nigeria ditesaladura, cette Église s’est diffusée dès sa naissance dans les années 1950 simulta-nément au Nigeria et en Côte d’Ivoire, et s’est implantée en Afrique équatoriale depuis 1975 par le biais des migrants béninois. La contemporanéité de cette Église prophétique africaine avec les prophétismes et les syncrétismes de la période coloniale est évidente, même si les mondes culturels du Vodu béninois et du Bwiti gabonais sont bien éloignés. C’est la même année (1947) que se produit la vision inaugurale de cette génération de prophètes visionnaires : le prophète Samuel Bilewu Oschoffa, fondateur du Christianisme Céleste, et le prophète Ndong Obame Eya, l’initia-teur de l’Assumgha Ening (la vie a commencé), la principale
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branche du Bwiti fang. Mon travail sur l’expérience visionnaire des bwitistes m’a conduit à m’intéresser aux « célestes » et à cette autre Église prophétique qui pratique un ministère des vision-naires où se croisent de façon singulière les ressources de la culture prophétique de la Bible et les attentes de la consultation divinatoire traditionnelle du Fa. Ma deuxième découverte, cette fois un vrai « réveil », fut le mouvement collectif de conversion des initiés aux Églises de Réveil, une appellation courante au Congo ou au Gabon pour désigner les pentecôtismes. Durant l’été 1994, je retrouve une famille Eshira de longue connaissance, installée dans un quartier périphérique de Libreville et jusque là entièrement vouée au culte de possession du Mabandji, tout récemment convertie à l’Église de l’Alliance Chrétienne et aux Assemblées de Dieu. La mère qui était jusque là une des grandes « prêtresses » de ce culte des génies, disposant d’une influence dans tout le Sud Gabon, a encouragé tous ses enfants à « accepter Jésus ». Le temple du Mabandji et celui du Bwiti ont été purement et simplement rasés et tous les costumes et objets rituels impurs ont été confiés au pasteur pour qu’il les brûle. Un scénario qui est devenu classique dans toute l’Afrique équatoriale, dans les villages comme dans les quartiers, des années 1990. La déconvenue de l’ethnologue qui voit « son » terrain envahi et perturbé par les pasteurs n’est pas nouvelle. D’abord parce qu’elle répète ce qui a pu se jouer lors de l’effervescence collective des mouvements prophétiques de la période coloniale. En invitant à brûler les fétiches sur la place des villages, les prophètes contribuaient à la destruction de toute la statuaire et des masques traditionnels qui alimentent nos musées et mettaient en péril le patrimoine culturel de tout un peuple. Mais surtout l’ir-ruption des nouveaux pasteurs, comme celle des prophètes ou des missionnaires, impose un recadrage de la situation. La tradition des Réveils religieux d’origine protestante est en réalité, en Afrique comme ailleurs, une affaire de longue date qui remonte pour le Gabon et le Congo aux années 1930. Elle n’est pas sans rapport avec le fait que les missionnaires protestants (méthodistes, baptistes) ont un peu partout précédé les missions catholiques en « semant » l’esprit évangélique. Le témoignage d’un pasteur protestant, comme A. Perrier, faisant état d’un vaste Réveil obéissant aux caractéristiques des mouvements pentecôtistes dans les années 1935-1937 au Gabon, oblige à réinscrire dans la longue durée l’effervescence évangé-lique actuelle. D’autant plus que ces mouvements de Réveil se développent dans les années 1930, comme aujourd’hui, avec une
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étonnante simultanéité. Le mouvement des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, parti comme bien d’autres de Sierra Leone, fait écho au Réveil qui donne naissance aux Églises aladura du Nigeria, aussi bien qu’au mouvement revivaliste desbalokolede l’Afrique de l’Est (Ouganda, Kenya), lui-même issu de l’Afrique australe. Comme le confirme le rapprochement des récits de voca-tion des pasteurs convertis et des prophètes, la contemporanéité, relevée dans d’autres régions d’Afrique, de ces « Réveils » par rapport aux mouvements prophétiques, a été largement ignorée. Le mouvement de réveil inspiré par le pasteur Daniel Ndoundou, prophète et visionnaire, qui émerge en 1947 (une année décisive) au Congo Brazzaville, n’est pas sans rapport avec l’héritage de la mouvance kimbanguiste et la multiplication des vocations de ngunzaaffiliées à la figure fondatrice de Kimbangu. L’obsession protestante du contrôle des dérives « païennes » issues du télesco-page des voies de l’initiation et des manifestations de l’effusion de l’Esprit, en un mot le « discernement » des esprits, se révèle d’em-blée conforme en tous points aux tensions qui ont cours aujourd’hui même dans les pentecôtismes indigènes. La filiation entre ce Réveil des années 1930 et les Assemblées de Dieu du Gabon est parfaitement attestée et l’indigénisation des pasteurs a engendré une Église de Pentecôte nationale qui s’est répandu dans toute l’Afrique Équatoriale. Troisième révélation enfin, et un nouveau défi pour l’an-thropologue : l’arrivée intempestive et bruyante, dans les années 1990 des mouvements évangéliques et des Ministères d’inspiration américaine ou européenne, souvent relayés par les pasteurs-prophètes et les Églises néo-pentecôtistes du Nigeria et du Ghana, ou encore de la Corée et du Brésil. Le pasteur Marquez, représen-tant de l’Église Dieu est Amour (Deus e amor), une Église pente-côtiste d’origine brésilienne, s’installe au Gabon en 1995, une implantation concomitante d’une autre Église brésilienne, plus célèbre, celle de l’Église Universelle du Royaume de Dieu. Ces Églises se caractérisent par l’accent mis sur la délivrance des démons, « le brisement des liens de la malédiction », et des prati-ques d’exorcisme diffusées par les médias où le spectacle des transes de possession occupe une grande place. Mais dans cette globalisation accélérée des expériences religieuses, le malaise le plus fort pour un ethnologue du Bwiti, c’est de découvrir chez soi en Europe (en France ou en Belgique) et surtout sur le Net, ce Bwiti new-look ou New-Age, vendu par de jeunes « chamanes africains », soutenus par les ressources de quelques initiés blancs, sous forme de stages en Ardèche à l’adresse d’un public de consommateurs de voyage psychédélique,
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1 d’amateurs de psychanalyse à base d’eboga, ou d’anciens drogués en quête de thérapie de déconditionnement. Le Bwiti « authen-tique », encore plus que sa version syncrétique, est entré comme le Vodu dans le village global des offres exotiques de consommation spirituelle.
L’observatoire du Gabon – plaque tournante de l’Afrique équatoriale et carrefour de migrations – complété par des terrains d’enquête à Brazzaville, à Cotonou, à Abidjan ou à Imeko au Nigeria, en passant par Rio, m’aura permis de découvrir progressi-vement, à partir d’un même lieu de référence, et de terres de mission, l’émergence de mouvances entremêlées qui participent à la transnationalisation des formes de l’expérience religieuse. Dans l’itinéraire d’étapes et de renouvellements thématiques d’une recherche, ces mouvements religieux sont perçus et vécus comme relevant de vagues successives ou de mondes radicalement diffé-rents. Je n’arrive toujours pas à penser, malgré l’objectivité des dates, les bwitistes et les célestes, ou les « réveillés », comme « contemporains ». L’approche historique et savante d’un champ en terme de types de cultes (prophétiques ou syncrétiques) ou de générations de prophètes ou d’Églises (pentecôtisme historique et néo-pentecôtisme) se heurte néanmoins constamment à l’évidence d’un continuum. Il faut intégrer à la fois la répétition des scénarios historiques et la variation des contextes sociaux, comme l’illustre l’histoire des Réveils, ou les phénomènes d’osmose liés aux échanges entre prophétismes africains et pentecôtismes indigènes sur fond d’exclusions réciproques. Aujourd’hui la nouvelle donne est que ces offres religieuses cohabitent parfaitement sur le marché de la guérison divine dans un même quartier, parfois dans une même rue, au sein des capitales africaines. Lorsqu’un sujet gabonais malade, souffrant, a épuisé le diagnostic médical de l’hôpital et que la famille a conclu que le mal en question ne relevait pas d’une maladie des Blancs, la solution qui lui est proposée est traditionnellement de s’initier au Bwiti ou à l’Ombwiri pour « aller voir » ce qu’il en est de ce mal qui persiste. Le Bwiti « authentique » n’était pas là pour guérir et renvoyait sur ce point aux « cliniques » ou aux guérisseuses des cultes de posses-sion contrôlés par les femmes. Mais l’explosion du marché de la guérison spirituelle, autant que la mixité systématique des cultes,
1.ibogachez les Mitsogho,ebogachez les Fang, il s’agit de râpures extraites de la racine d’un même arbuste de la forêt équatoriale dont on consomme environ deux à trois assiettes lors de l’initiation et qui a des vertus halluci-nogènes.
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