UN DEMI-SIÈCLE D’AFRICANISME AFRICAIN Terrains, acteurs et enjeux des sciences sociales en Afrique indépendante , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2010

EAN13

9782811104047

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

UN DEMI-SIÈCLE D’AFRICANISME AFRICAIN
Terrains, acteurs et enjeux des sciences sociales en Afrique indépendante
Collection Disputatio
dirigée par Jean-Pierre Chrétien
KARTHALA sur internet : http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
© Éditions KARTHALA, 2010 ISBN : 978-2-8111-0404-7
Jean Copans
Un demi-siècle d’africanisme africain Terrains, acteurs et enjeux des sciences sociales en Afrique indépendante
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
En mémoire de Richard Turner (1941-1978) et de mon ami David Webster (1945-1989), sociologue et anthropologue sud-africains, assassinés par l’État de l’apartheid
INTRODUCTION
Du nationalisme anti-colonial au mandarinat américain en passant par la consultance pour le développement
Les cheminements ambigus des africanismes africains
Cet ouvrage n’est ni afropessimiste, malgré sa tonalité plutôt critique, ni politiquement correct, du style « l’ami » bienveillant de l’Afrique (comme le sont un grand nombre d’ouvrages de circonstance parus depuis le début de l’année). C’est un ouvrage d’intervention qui prend prétexte des com-mémorations du Cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique noire pour mettre en perspective l’actualité d’une sociologie de la connaissance des études africaines en sciences sociales, que l’auteur déve-loppe depuis maintenant quarante ans, et surtout la nécessité 1 impérieuse de son africanisation . Il ne fait aucun doute pour nous qu’en un peu plus d’un demi-siècle les sciences sociales africaines n’ont pas encore réussi à atteindre le seuil critique d’une autonomie intellectuelle pleine et entière, d’une auto-
1. Mon premier article sur la question, « Pour une histoire et une sociologie des études africaines », publié dans le n°43 desCahiers d’études africainesen 1971, est le fruit d’un cours dispensé à l’université de Paris X-Nanterre en 1970-71. Il a été repris dans mon recueilCritiques et politiques de l’anthropologie(1974: 81-110). 5
nomie qui soit avant toute chose le reflet de la diversité de toutes les Afriques et non le parler ventriloque d’un panafri-canisme imaginaire, afrocentré ou développementaliste. Ce recueil n’est ni une anthologie ni une synthèse de tous mes écrits sur la question et encore moins un état des lieux des études et réflexions, africaines comme internationales, portant sur l’africanisme depuis ses origines coloniales jusqu’à ses dérives postcoloniales actuelles. Un essai,La longue marche de la modernité africaine,avait déjà consti-tué, il y a vingt ans (1990), une première mise au point, à la fois personnelle et générale et ce recueil le complète partiel-lement. Certes une certaine déception irrigue ces pages ; la déception face à ce que je pourrais appeler une involution sournoise des études africanistes africaines. Malgré leur mondialisation, les sociétés africaines vivent encore dans des espaces-temps d’échelle socio-spatiale et de profondeur temporelle très contrastés et surtout très multi-ples et variés. L’expression même d‘études africaines, bien que critiquée (y compris par nos soins) depuis près d’un demi-siècle, véhicule encore l’idée et l’image d’une entité africaine globale, sinon unique, du moins relativement homogène. À l’exception d’une petite minorité de cher-cheurs en sciences sociales et historiques, l’ensemble de l’opinion africaine dont certains de nos collègues et la plu-part de nos étudiants, sans parler des communautés afro-américaines ou immigrées africaines installées en Occident, continue à généraliser ses expériences personnelles et sociales, locales ou nationales, en tout état de cause particu-lières et spécifiques, comme étant africaines, comme rele-vant par nature d’une culture et d’une mentalité africaine 2 aussi bien hypothétique qu’imaginaire .
2. Achille Mbembe et Ibrahima Thioub ont chacun de leur côté insisté dans leurs interventions à propos du Cinquantenaire sur le nécessaire retour sur soi des acteurs africains pour changer l’ordre africain des choses (2010 et 2010b).
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Les revendications militantes d’une indépendance politique, historique et culturelle n’ont pas véritablement débouché sur des alternatives académiques et scientifiques crédibles en matière de sciences sociales au sens strict du terme. Certes il existe, sans doute aucun, des philosophes, des historiens, des sociologues et même des économistes dignes de ce nom, mais ce qu’on pourrait désigner du terme d’écoles de pensée ou de tradition analytique originale est bien plus rare et ce notamment en sociologie, science politique et ethnologie-anthropologie. Ce jugement, que d’aucuns pourraient trouver sévère, se vérifie dès que l’on quitte le champ de bibliogra-phies individuelles et que l’on se penche sur les tendances, les réflexes et les habitus tant des domaines d’enquête empi-3 riques que des concepts ou des théories à portée universelle . Il existe évidemment plusieurs façons de poser cette question : celle qui se fonde sur le rôle des dépendances internationales et notamment néo-coloniales (des anciennes métropoles coloniales), celle qui privilégie les pays du Sud comme champ naturel des sociétés périphériques (en se comparant avec les pays d’Amérique latine ou d’Asie notamment) et enfin celle qui se contente d’une perspective nationale au niveau de la cinquantaine d’États africains indé-pendants aujourd’hui. C’est cette dernière démarche que j’ai adoptée depuis plus d’un quart de siècle en découvrant sur place à Nairobi au Kenya, à la suite d’une immersion perma-nente de quatre ans en Afrique orientale et australe, que les Afriques non francophones n’avaient rien à voir avec celles
3. Il semble toujours aller de soi, du moins implicitement, que le subs-trat conceptuel de l’Occident définisse les paradigmes africains. Et qui dit Occident dit français dans les pays francophones et américain dans les pays anglophones. Quelle ne fut pas la « surprise » d’un collègue nigérian lors d’une conférence donnée à Ibadan en 1999 de s’apercevoir que les grandes traditions sociologiques françaises étaient relativement autochtones et qu’il y avait donc plus qu’une tradition (sous-entendue américaine) dans cette discipline. Qu’il n’y avait, non plus, de tradition véritablement nigériane ne semblait pas l’inquiéter, par ailleurs, autant que moi.
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qui m’étaient plus familières en Afrique occidentale franco-phone. Cette familiarisation avec une « autre » littérature scienti-fique tant au niveau des domaines d’étude que des cadres référentiels et documentaires, m’avait conduit à rédiger plu-sieurs textes, autant pour informer les africanistes franco-phones (africains et européens) que pour participer aux débats et discussions nationales en cours au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique ou encore en Afrique du Sud (Copans, 1986 ; 1999). L’ignorance réciproque profonde des deux (ou même trois) côtés des barrières linguistiques des autres traditions africanistes m’a conforté dans le sentiment de l’existence d’une ghettoïsation nationale et régionale des études africanistes africaines, tout à fait préjudiciable au pro-jet d’une véritable libération intellectuelle à l’égard des modes opératoires occidentaux, dominants de fait. C’est pourquoi il m’a semblé utile, à la suite du rapport d’étape qu’étaitLa longue marche..., de vérifier la portée de cette hypothèse nationale à propos du Sénégal dont je sui-vais toute la production depuis déjà plus d’un quart de siè-cle (1991). L’efficacité de cette démarche a pu être confir-mée dix ans plus tard lors de ma collaboration éditoriale à la grande trilogie dirigée par Momar Coumba Diop (2002a, 2002b et 2004a). Mais ce champ de réverbérations natio-nales s’est progressivement banalisé, si je m’en tiens aux conclusions de mon troisième volet analytique présenté sous une forme très succincte dans cet ouvrage. Pour deux rai-sons qui renvoient au titre de notre introduction: l’ethno-nationalisme quasi fondateur des deux premières généra-tions de chercheurs africains a perdu ses repères panafri-cains, ce qui à première vue n’est pas une mauvaise chose au vu de l’évolution perverse de certaines traditions natio-nales comme en Côte d’Ivoire, au Kenya, ou bien entendu en Afrique du Sud pendant la longue durée de tout le ving-tième siècle.Cette perte de repères (j’emploie cette expres-
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sion faute de mieux) a été largement provoqué par trois phé-nomènes, plus ou moins concomitants et articulés dialecti-quement à l’échelle du continent tout entier. Le premier phénomène est évidemment la déliquescence du secteur de l’enseignement supérieur public (université et recherche), liée à l’amenuisement des budgets, avec ou sans ajustement structurel, et à la démission des États en matière d’indépendance intellectuelle. La situation n’est peut-être pas tout à fait catastrophique dans nos disciplines mais n’ou-blions pas tout d’abord que les États africains se trouvent totalement exclus, à l’échelle internationale, de la recherche fondamentale en matière de sciences de la vie, de la matière 4 et de l’ingénierie . La « bonne santé » des populations afri-caines en matière de recherche médicale, agronomique, vété-rinaire ou encore des technologies de l’habitat ou de la com-munication, dépend totalement des recherches étrangères. Il faut en effet relativiser les urgences tant au niveau des financements que des réorientations disciplinaires et méthodo-logiques. On peut concevoir sans mauvaise conscience que l’avenir des Afriques ne dépend que très marginalement de l’autonomie et de la dynamique nationale en matière de sciences humaines, sociales et historiques. Mais évoquer les échelles budgétaires tout à fait différentes entre ce secteur disci-plinaire et celui des sciences dites « dures » (de 1 à 1000 peut-être ?) ne signifie pas pour autant que nos disciplines peuvent s’accommoder des formes « soft » de dépendance budgétaire
4. Les grands instituts internationaux et les grands programmes de recherche internationaux, très présents sur le continent africain, sont largement composés de chercheurs africains très compétents mais leurs programmes sont décidés et financés ailleurs : c’est comme si en France l’ANR était japo-naise ou aux États-Unis la NSF chinoise ! Toute une équipe dirigée par le sociologue Roland Waast de l’IRD a établi un état des lieux de la recherche africaine (Afrique du Nord comprise), pays par pays, au cours des années 1990. Voir sa synthèse de 2002 ainsi que les sites de l’IRD et du MAE (DGCID). Lire, pour le Nigeria, la contribution de Y. Lebeau (2003). Voir éga-lement la position du vice-recteur de l’AUF, Bonaventure Mvé-Ondo (2010).
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