Techniques et savoirs des communautés rurales Approche ethnographique du développement , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845866895

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Olivier D’Hont
Techniques et savoirs des communautés rurales
Approche ethnographique du développement
KARTHALA
TECHNIQUES ET SAVOIRS
DES COMMUNAUTÉS RURALES
© Éditions KARTHALA2005 ISBN : 2-84586-689-5
Olivier D’Hont
Techniques et savoirs des communautés rurales
Approche ethnographique du développement
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
L’ethnographie, telle qu’elle est présentée ici, est une description, une mesure, de l’état de développement matériel d’une communauté rurale : l’ensemble exhaustif, structuré, de ses pratiques matérielles, ce que nous appelons lesystème techniquesous-tendu par des relations sociales, et la collection ordonnancée des objets dont elle fait usage, sa culture matérielle. Mon propos traite de ce que peut apporter l’ethnographie, discipline de l’anthropologie, à la connaissance de l’interface entre une communauté 1 rurale et son milieu, et entre celle-ci et son contexte englobant , en com-plément du savoir des naturalistes, des agronomes, des géographes et des socioéconomistes. Ce texte, sous la forme d’unvade-mecum, s’adresse aux agents impliqués dans la conception, le suivi et l’évaluation de projets –, 2 aux étudiants disposés à affronter un premier terrain d’étude à partir des nécessités et contingences matérielles de la vie quotidienne des populations –, aux archéologues du monde rural dont certaines des orien-tations du texte m’ont été inspirées par leur spécialité. Il reprend les élé-ments d’un document préparatoire à un séminaire pour un public de cadres de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, agronomes ou écono-mistes, en formation auprès d’une agence de développement. Ces éléments ont été revus et complétés pour donner le contenu d’un cours (1999-2002) de technologie comparée dans le cadre du DEA d’anthropologie du musée de l’Homme intitulé « Objets, environnement et sociétés ».
1. Ensemble des circonstances économiques, politiques et culturelles dans lesquelles s’insère un fait communautaire donné. 2. Les étudiants trouveront précisé le sens de certains termes spécialisés, marqués d’un astérisque, dans un glossaire en fin de texte. Les guillemets français indiquent des citations d’auteurs ou des expressions employées par des interviewés, les guillemets anglais simples indiquent un sens particulier du mot dans son contexte. Une collection ouverte de photographies illustrant les différents thèmes (référencées par page) est envisagée ; elle sera disponible sur le net.
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TECHNIQUES ET SAVOIRS DES COMMUNAUTÉS RURALES
Près de quatre milliards d’humains, plus de la moitié de l’humanité, pour vivre dépendent en grande partie directement des ressources natu-3 relles de leur proche environnement, ce qui les qualifie de ruraux . 4 Les trois-quarts des 800 millions de personnes victimes de sous-nutrition dans le monde sont des ruraux. « Dans 57 pays en développement, en 1990, plus de la moitié de toutes les exploitations avaient moins d’un hec-tare, pas assez pour nourrir la famille rurale moyenne de quatre à six 5 enfants ». Les prévisions sont de 55 % d’urbains dans le monde en 2015, pourcentage en hausse (30 % en 1950, 47 % en 2002) mais, en valeur absolue, le nombre de ruraux continuera à croître pendant une ou deux décennies. L’exploitation d’une portion de territoire restera l’unique alter-6 native pour de nombreuses populations modestes . Le passage de la ruralité à l’urbanité au sens non résidentiel mais exis-tentiel de ces termes, n’est pas un processus irréversible. Les situations de crise peuvent s’accompagner d’une inversion du processus. Ce fut le cas dans l’ex-Union soviétique où la multiplication des jardins potagers a per-mis à plusieurs millions de personnes du secteur non agricole (y compris les employés des centres de recherche) de surmonter la suspension des 7 rémunérations au milieu des années quatre-vingt-dix . En cette même époque de transition vers l’économie de marché, les mineurs de Roumanie, lors de leur marche insurrectionnelle sur la capitale, deman-daient un lopin de terre en compensation de la suppression de leur emploi. Dans le monde, 600 millions de personnes recensées comme urbains 8 seraient engagées dans des activités agricoles intra et périurbaines . Le nombre de ces ‘urbains ruralisés’ dans une majeure partie de l’Europe centrale et orientale, devrait croître avec le vieillissement de populations qui ne bénéficient pas de pension de retraite suffisante. Il pourrait en être de même d’ici une quinzaine d’années dans d’autres régions du monde à
3. Pour l’ethnographe, le fait de résider à la campagne ne suffit pas à qualifier un ménage de rural. 4. Voir PNUD, 2001,Rapport mondial sur le développement humain. En proportion, on serait passé de 37 % de la population mondiale en 1969, à 17 % de nos jours. Sur les e grandes famines de la seconde partie du XIX siècle, suivies à chaque fois d’une poussée coloniale avec la création d’une hiérarchie entre nations, on consultera M. Davis, 2003, Génocides tropicaux – Catastrophes naturelles et famines coloniales – Aux origines du sous-développement. 5. 75 % des ressources mondiales approvisionnerait la consommation urbaine conden-sée sur 2,5 % des terres. 20 % de la population mondiale consommerait 90 % des biens produits, voir PNUE, 2002,The Global Environment Outlook. 6. Dans la plus part des pays les moins avancés, le secteur agricole fournit plus de 50 % des emplois contre moins de 5 % dans les pays développés. 7. Autour de Saint-Pétersbourg, 500.000 ha seraient cultivés par 2 M d’urbains, voir O. Moldakov, 2000, « The Urban Farmers of Saint Petersburg ». 8. VoirUrban agriculture magazine, 2001.
INTRODUCTION
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leur tour touchées par le vieillissement de populations urbaines en situa-9 tion de précarité . Principalement à Madagascar, en Mauritanie, en Syrie, au Soudan et en Espagne, il m’a été donné l’occasion d’observer le monde rural, de prendre connaissance de nombreux rapports préliminaires et rapports d’évaluation de projets de développement agricoles, pastoraux, forestiers, de pêche artisanale, et de consulter des documents plus généraux relatifs aux politiques de développement rural. La contribution de l’ethnographie à ce type d’étude y était le plus souvent modeste, voire absente. Cela pour de multiples raisons. En premier lieu il y a sans doute une méconnaissance de ce que cette discipline peut apporter (contenu et limites), ce qui justifie ce texte. Par ailleurs, il existe généralement une méfiance réciproque entre l’anthropologue, avant tout soucieux de la prise en compte des intérêts des populations locales, et les promoteurs de projets ne faisant pas toujours grand cas de l’opinion et des savoirs de ces populations, voire de leurs intérêts bien que la satisfaction d’une communauté supérieure (nationale) puisse être moralement acceptable (être autosuffisant en céréale par exemple). L’insuccès de très nombreux projets en regard des objectifs annoncés et des moyens engagés, n’a pas contribué à atténuer cette pré-vention à leur égard de la part de nombreux collègues. Les chercheurs français ont principalement travaillé sur l’Afrique, or beaucoup pensent 10 que là où l’État est inefficace et corrompu , où les ONG sont des créations 11 opportunistes pour capter des fonds , aucun projet de développement n’a 12 de chance raisonnable de réussite , ce qui n’exonère pas les agences spé-cialisées de leur part de responsabilité dans l’échec des politiques de déve-loppement. Nos collègues anglo-saxons ont pu observer plus fréquemment 13 14 des situations sans doute moins désespérantes au Brésil , au Sri Lanka, au Bangladesh, dans certains États indiens, etc. Un autre ordre de difficultés tient à la nature même de l’intervention de l’ethnographe dans le cadre d’un projet de développement. Observant une communauté, il cherche à comprendre la cohérence supposée des pra-tiques matérielles et des comportements des individus, en relation avec
9. En 2050, la proportion de la population mondiale de plus de 60 ans devrait être de 21 % (2 milliards) contre 10 % aujourd’hui (600 millions), voir discours d’ouverture du e secrétaire général de l’ONU lors de la 2 assemblée mondiale sur le vieillissement, Madrid, 2002. 10. Voir J.-F. Bayart, 1989,L’État en Afrique, ainsi que J. Adda et M.-Q. Smouts, 1989,La France face au Sud, le miroir brisé. 11. Voir J. Tendler, 2000, « Why are Social Funds so Popular ». 12. Voir J.-P. Olivier de Sardan, 1999, « A Moral Economy of Corruption in Africa ». 13. Voir G. Hunter, 1969,Modernizing Peasant Societies : a Comparative Study in Asia and Africa. 14. Voir J. Tendler, 1997,Good Gouvernement in the Tropics.
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TECHNIQUES ET SAVOIRS DES COMMUNAUTÉS RURALES
des contraintes qu’ils identifient et subissent. Du fait de ce positionne-ment ‘du dedans’ il ne peut exclure l’institution mandante, le plus souvent une administration ou une agence d’aide au développement, de l’ensemble des objets sociaux de son champ de recherche, comme génératrice d’une contrainte ressentie ou appréhendée, or cette dernière attend généralement de lui un savoir fonctionnel ‘extrinsèque’ au contexte qui le génère, ne 15 mettant en question ni « la structure de la délivrance de l’aide » ni celle de la production et de la communication de la connaissance, comme ce serait le cas pour des sciences de la nature ‘idéalisées’. Enfin, comme beaucoup de chercheurs en sciences sociales, bien des anthropologues « sont sceptiques sur la possibilité de parvenir à une transformation du monde social par une meilleure connaissance des 16 mécanismes qui le gouvernent » . Toutes ces raisons expliquent en partie cette exclusion consentie de ma discipline. Elle est particulièrement forte en France, et il n’est que de comparer la proportion d’anthropologues à celle des socioéconomistes alliés aux agronomes, au sein de la Banque mondiale et au sein de l’Agence Française de Développement, entre ONG anglo-saxonnes et ONG françaises, pour apprécier les choix différents en matière d’éventail des compétences mobilisées au service du développement. Plus pragmatique, la recherche anglo-saxonne est moins marquée par 17 cette défiance à l’égard de l’anthropologie appliquée , mais cette dernière semble tendre vers une pratique d’intervention (social engineering), ce, au détriment de la recherchestricto sensu. Depuis une décennie, les conditions d’un nouvel essai de collaboration sont-elles en passe d’être réunies ? En 1987, le rapport Brundtland intitulé « Notre avenir commun », rédigé pour la commission mondiale sur l’environnement et le développe-ment, a popularisé sous l’expression « développement durable » la néces-sité de rechercher des formes de développement qui garantissent la dispo-18 nibilité des ressources aux générations futures. Ce concept introduisait principalement des limites d’exploitation des ressources. Après la
15. L’expression est empruntée à J.-P. Jacob (s. la dir.), 2000,Sciences sociales et coopération en Afrique : les rendez-vous manqués, p. 13. 16. Nous reprenons ici les termes employés par J. Bouveresse dans un article du Mondedu 31/1/02, à l’occasion de la disparition de P. Bourdieu qui, lui, semblait y croire. 17. Bien des anthropologues français pourraient faire leur l’aphorisme prêté à Pasteur : « Il n’y a pas de recherche appliquée, il n’y a que des applications de la recherche ». Voir sur ce thème J.-F. Baré (éd.), 1995,Les applications de l’Anthropologie. Un essai de réflexion collective depuis la France, ainsi que J.-P. Olivier de Sardan, 1997, Anthropologie et développement. 18. Cet oximoron à été énoncé initialement au sommet de Stockholm en 1972, peu après la publication retentissante (catastrophiste) du « Club de Rome » sur « les limites de la croissance ».
INTRODUCTION
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conférence de Rio sur l’environnement en 1992, le concept de développe-ment durable a évolué avec un rééquilibrage entre nécessités écologiques et préoccupations culturelles. Le patrimoine culturel (paysages, savoir-faire et techniques préindustrielles) est de plus en plus perçu comme une 19 20 ressource, au sens ancien et commun du terme, patrimoine qui pour 21 être conservé comme référence dynamique pour une humanité à venir , nécessite des conditions de milieu et un cadre de développement appro-prié. Le développement n’est plus envisagé uniquement comme le résul-tat attendu de transferts de techniques et de représentations (de l’individu, du travail, de la valeur marchande des biens et des services, de normes 22 juridiques), en bref une occidentalisation et/ou une modernisation du monde, mais comme une dynamique propre à chaque société confrontée à la mondialisation sans renoncement à son identité, de fait volontairement distinctive. Les prémices d’une telle conception sont énoncées dans le rapport de 1995 pour la commission sur la culture et le développement, intitulé « Notre diversité créatrice ». Ces considérations environnementales suivies de celles relatives aux populations locales (exigence d’une consultation et d’une participation) 23 formulées très explicitement dans lesoperational directivesdonnées dès 1990-1991 par la Banque mondiale à ses agents, généralement reprises plus après par les autres grands bailleurs de fonds publics, conduisent à faire une large place à des études pluridisciplinaires réunies autour d’une approche globalisante. S’agit-il d’une réflexion véritablement nouvelle sur l’approche du développement rural ? La Banque mondiale donne-t-elle à ses projets une éthique à même d’équilibrer son exigence d’une ‘bonne gouvernance’ de la part des États ‘bénéficiaires’ de son action, et pour se prémunir vis-à-vis de la critique des opinions publiques des pays pour-24 voyeurs de fonds , devenues très dubitatives sur l’efficacité de l’aide au
e 19. Deresorce: secours (XVI ). 20. Moyens dont peut disposer une communauté. L’ethnographe donne un sens plus précis à ce terme, voir chapitre 2. 21. Progrès matériel mais aussi spirituel, conservant des traces de l’origine des grandes interrogations métaphysiques et des représentations du monde. 22. Selon Samuel Huntington, L’Égypte et l’Afrique se distingueraient du reste de la planète en étant actuellement engagées dans un processus de «cultural Westernisation without technical modernisation» (souligné par l’auteur). Par ailleurs, si les deux termes du processus sont étroitement liés, à mesure que la modernisation progresse les cultures réagiraient et l’on observerait une phase où la «modernization promotes de-Westernisation and the resurgence of indigenous culture» au niveau sociétal et individuel, voir S. Huntington, 1996,The Clash of Civilisation and the Remaking of World Order, p. 75-76. 23. Voir « Environmental assessment » et lesoperational directivesn° 430, « Involuntary resettlement », juin 1990, et n° 420, « Indigenous peoples », septembre 1991, figurant dansthe World Bank operational manuel. 24. Selon la Banque mondiale, l’aide publique au développement aurait diminué de 29 % en dix ans.
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