Les paysans de Mancang Chronique d’un village taiwanais , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845863644

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Cheng Ying avec la collaboration de Claude Aubert
Les paysans de Mancang Chronique d’un village taiwanais
INRA - KARTHALA
LES PAYSANS DE MANCANG CHRONIQUE D’UN VILLAGE TAIWANAIS
2
LES CHAMPS DU CACAO
Collection « Hommes et Sociétés »
Conseil scientifique :Jean-François BAYARD(CERI-CNRS) Jean-Pierre CHRÉTIEN(CRA-CNRS) jean COPANS(Université de Picardie) Georges COURADE(IRD) Alain DUBRESSON(Université Paris-X) Henry TOURNEUX(CNRS)
Directeur :Jean COPANS
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture : Séchage du riz (photo des auteurs)
© Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-364-0
CHENGYing avec la collaboration de Claude Aubert
Les paysans de Mancang Chronique d’un village taiwanais
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
INRA 147, rue de l’Université 75007 PARIS
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Avant-propos
Vingt ans ont passé depuis cet automne où je suis arrivée à Mancang, juchée sur la moto du jeune employé de mairie. Je cherchais alors un village où faire mon « terrain » pour la thèse que j’avais entreprise à Paris. D’emblée je fus séduite. Dans la plaine moite du Jianan, Mancang déployait ses larges maisons basses, aux lourds toits de tuiles rehaussés en leur faîte par une fine dentelle incurvée, entourant les cours carrées qui se succédaient de part et d’autre de la rue centrale. Ponctuant cette architec-ture horizontale, immobile sous le soleil de plomb de ce mois de septembre, de petits greniers ronds, blanchis à la chaux, surmontés de toits noirs et pointus, ajoutaient une touche de légèreté, d’ironie, à un village apparem-ment engourdi dans ses traditions. Que se cachait-il au fond des cours ? La vie des paysans de Mancang était-elle aussi simple et harmonieuse que leurs demeures empreintes d’un charme désuet ? Vingt ans ont passé. Il est temps sans doute de lever le voile sur les confidences que me firent, une année durant, les habitants, les habitantes surtout, de ce village où je compte encore quelques amies, auxquelles je rends visite depuis, chaque fois que les vacances me ramènent dans mon Taiwan natal. Confidences ? Bavardages plutôt, alors que je passais avec elles les longues journées monotones du désherbage dans les champs, ou partageais les soirées animées de rires et plaisanteries autour d’une tasse de thé. Ces bavardages, ces plaisanteries n’étaient pas destinés à être partagés avec d’autres que moi-même. Pourtant, chaque nuit, je les consignais dans le secret de ma chambre, en faisant la matière de cette chronique de la vie villageoise proposée dans cet ouvrage. Que mes amies me pardonnent si d’aventure elles se reconnaissent dans tel ou tel personnage de ce tableau que je donne de la vie à Mancang. Leurs histoires, leur histoire, leur appar-tiennent. Elles font aussi partie désormais d’une société qui, dans une cer-taine mesure, n’est plus, appartiennent à un passé, une mémoire collective qu’il nous faut maintenant restituer.
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LES PAYSANS DE MANCANG
Le Mancang aux maisons basses, aux petits greniers ronds a disparu. Rasées, les maisons ont fait place à des demeures à étage, à de petits immeubles fondant le village dans cette campagne urbanisée qui, du nord au sud de l’île, a envahi les vertes rizières d’une grisaille uniforme. Rasé le vieux « Temple céleste aux vents d’azur ». Les sombres feuillages des banians où il se cachait, en retrait du chemin et de son animation passante, ont été abattus et le macadam de la rue entoure maintenant le temple nou-veau qui montre ostensiblement son décor surchargé de volutes de ciment et de verroteries multicolores. Que reste-t-il du Mancang d’autrefois ? Il reste bien sûr les villageois. Mais Baihe, le chef du village à la si belle prestance qui m’accueillit le premier jour, est mort depuis longtemps. Mortes aussi beaucoup de ces personnes qui animent les chapitres qui suivent, et cer-taines de mes amies dont la voix, les commentaires me manquent à présent. Les autres ont vieilli, et je ne connais plus tous ces jeunes visages qui ont pris leur place. Mancang est encore bien là, vivant au travers des nouvelles géné-rations qui perpétuent les longues lignées familiales d’antan. Mais le décor a changé, les histoires ne sont plus les mêmes. Il est temps de figer dans les pages qui suivent le spectacle de cette société villageoise que je découvrais alors que, jeune citadine, je pénétrais pour la première fois ce monde qui m’était encore inconnu. Étrangère à ce monde, je l’étais doublement puisque j’étais accompa-gnée par mon Français de mari, lequel, fort heureusement, ne connaissant pas la langue locale (le « minnan hua »), se montra fort discret pendant tout mon séjour. Je fus d’emblée logée chez l’agriculteur « modèle » du coin, qui habitait évidemment hors du village. Il me fallut donc beaucoup de temps pour pénétrer cette communauté, plusieurs mois avant que les pay-sans ne m’interpellent plus par politesse d’un « Tu viens t’amuser ? » mais commencent à me parler. Ce que je découvrais alors, derrière ce paysage immobile des rizières et du village endormi, c’est un autre paysage, fait de visages peu à peu familiers, traversé de tensions, de passions, modelé sur des réseaux de finage, de parenté, d’amitiés patiemment construites et savamment cultivées, traversé de clivages, de haines débouchant parfois sur les plus extrêmes violences. C’est ce paysage là que je vais essayer de décrire, ce théâtre bien vivant où les stratégies personnelles se déploient sur fond de routines agricoles et de rites familiaux. Les travaux et les saisons, la famille, les cultes et les croyances, il me faudra bien en parler, mais ce sera pour laisser le plus vite possible la parole à leurs acteurs, m’effacer autant que possible derrière leurs propos. Bien sûr, je ne pourrai retranscrire ces propos mot à mot, tels qu’ils furent tenus dans l’instant et qu’il m’était impossible d’enregistrer. Passées au filtre de la mémoire, puis de la traduction, ces paroles paysannes perdront de leur relief, de leur verdeur, mais, je l’espère, ne seront pas tra-hies dans la relation que j’en fais. Pour autant il m’a fallu rassembler les bribes de conversation, recomposer un discours à plusieurs voix à partir de
AVANT-PROPOS
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ce qui n’étaient que les fragments décousus de phrases échangées, de menus souvenirs ou d’anecdotes racontés. Il en résulte un tableau construit de cette vie paysanne dont les plans successifs seront présentés dans les 1 chapitres qui suivent . Ce tableau témoignera bien sûr de ma subjectivité dans les sujets traités, dans les choix opérés. Toutefois, je me suis obligée à n’écarter aucun témoi-gnage infirmant l’idée que je pouvais me faire sur tel ou tel sujet, et, a for-tiori, sur telle ou telle personne. Dans les conflits que j’ai pu rencontrer, je me suis toujours efforcée de rapporter les versions antagonistes des dif-férentes parties. Comme je vivais moi-même à l’écart du village, je n’ai jamais été assimilée à l’une des deux factions, celle d’En-Bas et celle d’En-Haut, qui, autour de deux temples concurrents, se partageaient cette com-munauté. Mon statut « d’étrangère » était garant d’une certaine impartialité dans les conflits et les clivages. Mon statut de femme me mettait aussi en situation d’écouter toutes ces autres femmes que je fréquentais tous les jours dans leur vie quotidienne. S’il est un parti pris dont on pourra m’accu-ser, c’est peut-être de m’être faite plus attentive à toutes celles qui se sont ainsi confiées à moi, plus proches des contraintes banales de la vie fami-liale, des besoins des enfants, confrontées parfois aux brutalités des maris, que mêlées, comme les hommes, aux affaires publiques, aux problèmes de pouvoir. Construction de l’esprit tout autant que de l’écriture, cette chronique d’un village ordinaire de Taiwan se veut toutefois le reflet de ce que j’ai observé, l’écho de ce que j’ai entendu. Et il s’est dégagé des observations, des paroles notées au fil du temps, l’image d’un monde fort différent de ce que j’avais pu imaginer auparavant. Un monde fort peu idyllique, dur, où l’argent est compté sou à sou. Un monde où la gratuité du geste, la spon-tanéité de l’acte est l’exception. Un monde où l’individu doit s’insérer dans des réseaux sociaux faits de relations construites, où l’échange est réci-proque mais la contrainte souvent présente. Un monde attachant toutefois, comme les destinées des femmes rencontrées, montrant dans leur constance à accomplir leur travail harassant de tous les jours, leur courage à affronter le défi quotidien de s’occuper du mari, des enfants, mais aussi des travaux des champs comme des tâches domestiques, cette capacité d’endurance, cette résilience qui sont les traits dominants et souvent remarqués de la pay-sannerie chinoise. Dans ce monde contraint par les impératifs des travaux agricoles, comme par les obligations sociales qui gouvernent la communauté villa-geoise, la capacité des individus à développer leurs propres stratégies, à manipuler, arranger pour leurs fins personnelles les institutions, les us et
1. Une première version du texte qui suit a été ronéotée à l’INRA en 1984 et distribuée sous le titreLes greniers de Mancang, chronique d’un village taiwanais, aux collègues et amis intéressés.
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