Le Souverain moderne Le corps du pouvoir en Afrique centrale (Congo, Gabon) , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845866585

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Joseph Tonda
Le Souverain moderne
Le corps du pouvoir en Afrique centrale (Congo, Gabon)
KARTHALA
LE SOUVERAIN MODERNE
Collection « Hommes et Sociétés »
Conseil scientifique :Jean-François BAYART(CERI-CNRS) Jean-Pierre CHRÉTIEN(CRA-CNRS) Jean COPANS(Université Paris V) Georges COURADE(IRD) Alain DUBRESSON(Université Paris-X) Henry TOURNEUX(CNRS)
Directeur : Jean COPANS
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com
Couverture : Tableau de Benoît Arenaut, « Vers le sommet des âmes »,in Les peintres de l’estuaire, Karthala et Nicolas Bissek, 1999.
© Éditions Karthala, 2005 ISBN : 2-84586-658-5
Joseph Tonda
Le Souverain moderne
Le corps du pouvoir en Afrique centrale
(Congo, Gabon)
Éditions Karthala 22-24, bld Arago 75013 Paris
Cet ouvrage est publié avec le concours du Centre de recherches et d’études sociologiques (CRES), Libreville.
« L’argument de base de cette étude est qu’en postcolonie, le commandement entend s’instituer sur le mode d’un fétiche. » Achille Mbembe,De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 141.
« L’imaginaire éclaire (...) le phénomène politique sans doute du dedans parce qu’il en est constitutif... » Georges Balandier,Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, p. 14.
« Le miroir, madame ? demanda Poirot. Elle leva les yeux vers le mur. – Oui, la glace est brisée, vous voyez. C’est un symbole. Vous connaissez le poème de Tennyson ? Je le lisais déjà jeune fille sans en comprendre alors le sens ésotérique : Le miroir s’est fendu de part en part. La malédiction est sur moi ! s’écria la Dame de Shalot. La malédiction s’est abattue brusquement sur lui. Je crois que la plupart des vieilles familles sont frappées d’anathème... Le miroir s’est brisé, il a su qu’il était condamné. “La malédiction sur lui !” – Mais, madame, ce n’est pas une malédiction qui a brisé le miroir, c’est la balle ! Lady Chevenix-Gore répondit du même ton doux et imprécis. – C’est la même chose, en vérité... C’était le destin. » Agatha Christie,Le miroir du mort, Paris, Librairie des Champs-Élysées, 1961, p. 44.
INTRODUCTION
Violence de l’imaginaire, violence du fétichisme : principe du Souverain moderne
Une puissance hégémonique unique instruit et administre le rapport aux corps, aux choses et au pouvoir en Afrique centrale : leSouverain moderne.Elle est constituée à la fois par les fantasmes et les réalités, les esprits et les choses, les imaginaires et les matérialités constitutifs des puissances contemporaines en interaction du capitalisme, de l’État, du christianisme, du corps, de la science, de la technique, du livre et de la sorcellerie. Son principe est la violence de l’imaginaire, violence du féti-chisme. Cette violence qui s’exerce sur les corps et les imaginations au moyen d’images (icônes, symboles, indices), de gestes corporels, de mots, doit son efficience auxconsentements révoltéset auxconnivences para-doxalesde ces corps et imaginations. Ces consentements sont révoltés parce qu’ils se font sur la base d’une conscience des inégalités et des injustices, et ces connivences sont paradoxales parce qu’elles s’effectuent au moyen d’investissements fascinés dans les valeurs matérielles, notam-ment l’argent, les marchandises, le corps-sexe, opératrices d’inégalités et d’injustices, ainsi que dans les figures symboliques de ces valeurs, en particulier le Christ, le Saint-Esprit, le Diable et le Sorcier. Parce que le Souverain moderne n’est pas un Sujet, agissant de l’extérieur des indi-vidus et des groupes et qu’il agit à la fois de l’extérieur et de l’intérieur des individus, des groupes, des classes confrontés en permanence, de manière directe ou indirecte, à la logique des espaces de déshérence, espaces déshérités que sont les « camps », sa violence s’exerce par les sujets sociaux impliqués de manière discriminée ou inégalitaire dans ces processus contradictoires et paradoxaux de consentement et de conni-vence. C’est en cela que le Souverain moderne est unrapport social. Telle peut être énoncée, de manière abrupte, l’idée principale de ce livre. Cette idée contrarie les théories qui font valoir que les sujets sociaux afri-cains sont prisonniers de « la culture africaine », une culture qui les enfer-merait dans un « autisme identitaire » suicidaire, parce qu’elle serait radi-calement hétérogène à la mondialisation capitaliste et aux dérégulations
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LE SOUVERAIN MODERNE
qui la caractérisent. Pour nous, « la culture africaine » est armée, dans sa « résistance » contre « la culture dominante » ou « globale » en armes de toutes sortes fournies par cette dernière : fusils de tous calibres, religions universelles, mysticismes, valeurs marchandes, argent, corps. Les agents de la « culture africaine », fascinés par toutes cesarmesculturede la « dominante » ou « globale », s’investissent dans la « résistance » avec toutes les forces de l’activisme et de l’inertie. Voilà pourquoi l’idée soutenue ici suggère que les sujets sociaux constitués et armés par le Souverain moderne sont desagents doublesà la fois de « la culture afri-caine » et de la mondialisation capitaliste. A ce titre, ils utilisent l’uneet l’autre, de manièrepratique,tactique, et nonstratégique.
* * *
LeSouverain moderneest unepuissance, avons-nous dit. Une puis-sance qui instruit et administre la culture du corps et des choses dans la 1 danse (chapitre 2), en politique (chapitre 4), dans la séduction (chapitre 1), 2 dans le mariage (chapitre 5), dans la maladie , dans le deuil (chapitre 5), dans les guerres (chapitre 6). En d’autres termes, la puissance du Souve-rain moderne régit l’éducation et les mises en œuvre effectives des pra-tiques d’appropriation, de contrôle, de protection, de transformation, de transfiguration, d’accumulation, de collection et de cumul, ou, au contraire, 3 de consommation et de consumation (chapitre 5) des corps et des choses dans le monde contemporain africain. Par ses effets, la puissance du Souverain moderne fait des sociétés africaines, des sociétés travaillées par de puissants et irrésistibles courants de folies associant dans une même contemporanéité, dans les mêmes sociabilités et dans les mêmes temporalités rires et larmes, haines et amours, violences et jouissances, consommations et famines, déparentélisations et ethnisations, passions et indifférences, liaisons et déliaisons, choses et fantasmes, esprits et corps, et récapitule dans une même matrice de significations et de pratiques tour-ments, troubles et charmes (chapitre 1). A ce sujet, nous ferons valoir que la puissance du Souverain moderne est une puissance qui, comme l’ar-gent qui en est une composante fondamentale, « tourmente », « charme » et « trouble » les corps et les imaginations ; mieux, nous essaierons de montrer que cette puissance s’exerce par les tourments, les charmes et les troubles, dans tous les sens de ces mots (chapitre 1). En effet, comme Shakespeare décrivant l’argent, nous pouvons adresser à l’argent, puis-
1. On peut lire sur ce phénomène social, Abel Kouvouama, « Les rites populaires de séduction dans la société urbaine de Brazzaville »,Rupture, 5, nouvelle collection, Paris, Karthala, 2004, pp. 27-46. 2. Joseph Tonda,La guérison divine en Afrique centrale (Congo,Gabon), Paris, Karthala, 2002. 3. Sur cette notion, lire Georges Bataille,La part maudite, Paris, Minuit, 1967.
INTRODUCTION
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sance constitutive de la puissance du Souverain moderne, les mêmes paroles : « O toi, doux régicide, cher agent de divorce entre le fils et le père, brillant profanateur du lit le plus pur d’Hymen, vaillant Mars, séducteur toujours jeune, frais, délicat et aimé, toi dont la splendeur fait fondre la neige sacrée qui couvre le giron de Diane, toi dieu visible qui soudes ensemble les incompatibles et le fais se baiser, toi qui parles par toutes les bouches (...) et dans tous les sens, pierre de touche des cœurs, traite en rebelle l’humanité, ton esclave, et par ta vertu jette-la en des 4 querelles qui la détruisent, afin que les bêtes aient l’empire du monde » . Nous tenterons aussi de montrer que les espaces de prédilection de cette puissance sont des non-lieux lignagers que sont lescamps: « camps poli-tiques opposés », comme on dit en Afrique centrale, « camps de travail », qui sont simultanément des camps de territorialisation et d’intensification d’ethnicités consumatoires de corps et de choses, de violences sorcel-5 laires, messianiques, pentecôtistes comme les Brazzavilles noires étu-6 diées par Georges Balandier , qui sont aussi des « camps » militaires, des 7 villes garnisons , des camps d’immigrations et de réfugiés, qui rappellent 8 les camps de concentration et d’extermination . Bref, nous ferons valoir qu’il existe unelogique des camps, qui remonte à l’époque coloniale où le camp est synonyme deliberté, comme le prouve le fait que l’adminis-tration coloniale décorait « du nom pompeux de Liberté les villages où les 9 esclaves à son service sont astreints à la résidence » . De manière géné-rale, le camp consiste, dans les sociétés africaines contemporaines, en une 10 intensificationà la fois de laréalitéet dutravail de l’imagination (chapitres 2, 6). Laréalitéqu’intensifie le camp est celle que commande l’argent, composante fondamentale de la puissance du Souverain moderne, dont la recherche, par « tous les moyens », fait que l’« esprit mercantile
4. Shakespeare cité par Karl Marx,Manuscrits de 1844. Économie politique et philo-sophie, Paris, Éditions sociales, 1968, pp. 120-121. 5. Joseph Tonda, « La guerre dans le “Camp-Nord” au Congo-Brazzaville : ethnicité et ethos de la consommation/consumation »,Politique africaine, 72, décembre 1998, pp. 50-67 ; André Mary, « La violence symbolique de la Pentecôte gabonaise »,inCorten, A. et Mary, A. (eds),Imaginaires politiques et pentecôtisme. Afrique/Amérique, Paris, Karthala, 2001, pp. 143-163 ; Pius Ngandu Nkashama,Églises nouvelles et mouvements religieux Paris, Karthala, 1990. 6. Georges Balandier,Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, Presses de la fonda-re tion nationale des sciences politiques, 1985, p. 258 (1 édition 1955). Lire aussi sur la problématique du « camp de travail » la postface à l’édition de 1985 de ce livre rédigée par Jean Copans, « Une relecture actuelle », pp. 281-295. 7. Florence Bernault, « Archaïsme colonial, modernité sorcière et territorialisation du politique à Brazzaville, 1959-1995 »,Politique africaine, 72, décembre 1998, pp. 34-49. 8. Joseph Tonda, « La guerre dans le “Camp-Nord”... », art. cit. 9. Catherine Coquery-Vidrovitch,Le Congo au temps des grandes compagnies conces-sionnaires,1898-1930, Paris, Les réimpressions des Éditions de l’École des hautes études re en sciences sociales, 2001, p. 104 (1 édition 1972), tome 1. 10. Sur le paradigme du travail de l’imagination, Arjun Appadurai,Après le colonia-lisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 1996.
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