64
pages
Français
Ebooks
2017
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
64
pages
Français
Ebooks
2017
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
06 février 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782304046571
Langue
Français
Publié par
Date de parution
06 février 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782304046571
Langue
Français
Le nouveau serment d Hippocrate
Le théâtre à la rencontre de la médecine
Marc Ychou
Éditions Le Manuscrit 2017
ISBN:9782304046571
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Table des matières
Préface : Le dernier acte
Acteur ou Médecin ?
Théâtre et médecine :genèse d’une rencontre interdisciplinaire
Médecins et malades faceaux mutations technologiques
La médecine dans le théâtre
Les ateliers théâtre et médecine
Le nouveau serment d’Hippocrateou les quarante aphorismes du médecin
Épilogue
Annexes
Postface : Professeur Jacques Bringer
Postface : Professeur Henri Pujol
In memorium Richard Mitou
Collègue et allié, en profonde affection.
Préface
Le dernier acte
Jean-Claude Carrière Écrivain, scénariste et metteur en scène
C’est un livre à lire sur ordonnance. Et qui pourrait être remboursé – sait-on jamais ? – par la Sécurité Sociale.
Un livre qui intrigue, qui dérange, qui apaise, qui soigne même – mais par une action particulière, qui ne semblait pas faite pour cet usage. Un livre qui montre que les rapports entre la « réalité » (souvent cruelle) et ce que nous appelons « le jeu » (pas toujours innocent) sont plus complexes, et plus raffinés, qu’on ne pourrait croire.
Voici en effet que le théâtre – la plus ancienne, peut-être, de nos préoccupations artistiques, et de nos « représentations » (au vrai sens du mot, « rendre présent ») – s’introduit dans nos hôpitaux, non plus simplement pour divertir, ce qui n’était déjà pas si mal, mais pour aider à la fois les médecins et les malades. Les premiers apprennent à parler, ou tout simplement à dire ; à dire les choses les plus graves, celles que chacun redoute d’entendre, de telle sorte qu’elles soient reçues comme un moment inévitable de la vie, et non pas comme le commencement de la mort.
À les dire avec franchise, mais avec intelligence, avec compassion, et même, si possible, avec une forme d’espoir.
Les autres peuvent apprendre à recevoir, comme s’il s’agissait d’un jeu, les informations les plus alarmantes, et ainsi ils se préparent de leur mieux, comme des acteurs pendant les répétitions d’une œuvre nouvelle – dont ils avaient entendu parler, mais qu’ils ne s’attendaient pas à devoir jouer si tôt. J’ai vu cela se produire avec ma mère, qui ne résista pas au troisième cancer, et avec ma fille aînée, qui se porte aujourd’hui très bien, dix ans après l’alerte.
Chacun de nous, dans sa famille ou parmi ses proches amis, a connu ces moments redoutés, où les paroles sont dites une fois pour toutes, où la grande ombre approche, où plus rien ne sera comme avant.
Et chacun de nous a dû répondre à la question qui n’a pas de réponse : Pourquoi moi ?
Dans ces moments, en effet, la réalité des choses et la manière de les dire se confondent. Nous savons tous comment la pièce se terminera, mais nous ne savons pas combien d’actes elle comporte encore.
Ni le malade, ni même le médecin (parfois) ne le savent. Mais ils doivent continuer à jouer ensemble, la main dans la main, les yeux dans les yeux, jusqu’au dernier baisser de rideau. On n’imagine pas un acteur s’arrêtant brusquement au milieu d’une représentation parce qu’il vient d’apprendre qu’il est mortellement atteint. Il le savait. Il s’y attendait. À lui maintenant d’adapter son jeu au nouveau délai.
Ainsi, le poor player dont parle Macbeth, le pauvre acteur « qui se pavane et se désole sur la scène, quand vient son tour, et puis qu’on n’entend plus », cette image théâtrale de la vie (car c’est de la vie qu’il s’agit) peut pénétrer au plus secret des lieux où nous nous battons, justement, pour ne pas la perdre. Ici, les malades, les médecins et les gens de théâtre accourus à la rescousse, peuvent se rencontrer – comme on va le voir – s’amuser, parler, travailler ensemble, assister à des guérisons peut-être, en tout cas partager, aussi longtemps que cela leur sera possible, le jeu de la vie et de la mort, celui auquel nous ne pouvons pas échapper.
Acteur ou Médecin ?
Professeur Marc Ychou Cancérologue
C’est la question qui tournait dans ma tête en attendant les résultats du concours de 1 re année de médecine. Je sortais de trois années de conservatoire d’art dramatique à Montpellier que j’avais menées en parallèle de mes études. Que serait-il advenu si j’avais échoué au concours d’entrée en médecine… ?
Je suis devenu médecin cancérologue et depuis treize ans Professeur de cancérologie à la faculté de Montpellier. Pendant ce long parcours médical et scientifique j’avais un peu enfoui ma passion du théâtre… jusqu’à la rencontre avec Serge Ouaknine, un soir d’été 2004. J’ai alors longuement échangé, avec cet artiste complet, mais aussi universitaire, sur les liens millénaires établis entre théâtre et médecine, et au fil de nos discussions, je me suis rendu compte que ma passion pour le théâtre était restée intacte, et que ces années de conservatoire m’avaient au fond accompagné tout au long de ma pratique médicale, en me donnant l’assurance, la qualité d’écoute, la présence et la faculté d’adaptation aux situations complexes de relations humaines si importantes dans le quotidien d’un médecin cancérologue.
J’ai par ailleurs expliqué à Serge toutes les situations difficiles d’annonce d’un premier cancer, ou encore plus d’une récidive d’un cancer déjà traité et les qualités proches de celles de l’acteur qu’il fallait développer pour répondre à l’angoisse, la colère, la résignation ou le déni que pouvaient nous renvoyer nos patients et leurs proches. Nous avons aussi évoqué le déficit de formation à la relation humaine des jeunes médecins, de plus en plus sélectionnés sur des bases très scientifiques en laissant trop souvent de côté lors du cursus médical ce que l’on appelait autrefois « les humanités ».
Nous avons ainsi élaboré ensemble, au cours de multiples rencontres ultérieures, ce projet un peu fou de mettre des cancérologues en situation d’acteurs sous le regard d’un metteur en scène, dans le but de les aider à humaniser leur relation aux malades et à leurs familles. J’ai décrit à Serge un certain nombre de scènes vécues :
Je lui ai parlé de cette adolescente de dix-huit ans atteinte d’une tumeur rare digestive avancée, accompagnée de sa mère qui m’intercepte dans le couloir (entre salle d’attente et bureau) pour me demander de la voir d’abord seule, puis la fille sort de la salle d’attente et me voit en conversation avec sa mère, dois-je faire rentrer la mère seule dans mon bureau et laisser la fille en salle d’attente, sous quel prétexte… ? Non, je décide en un quart de seconde d’inviter les deux femmes à venir comme prévu dans mon bureau pour la consultation, la mère me faisant des signes dans le dos de sa fille de ne pas lui dire… Il était manifeste que la parole ici était chargée d’interdit.
Je lui ai raconté aussi comment je m’assois parfois au bord du lit d’un malade en soins palliatifs, comment je lui prends la main pour établir un contact chaleureux, que le timbre de ma voix devient plus doux, plus grave, chuchotant presque. À ce moment précis, la chaleur humaine est plus fondamentale que l’énonciation d’un diagnostic ou d’une procédure médicale… Serge abonde dans mon sens en m’indiquant que dans sa formation tout avait été concentré sur l’éveil et la maîtrise de l’écoute et que le dialogue entre deux êtres peut passer par un simple geste. Il me fit remarquer que le silence n’est pas nécessairement la suspension des mots mais qu’un silence implicite peut toujours s’insinuer dans la parole, c’est ce qu’au théâtre on appelle le « sous-texte ».
Ainsi commença notre collaboration.
J’avais ici retrouvé le théâtre et j’ai compris qu’il allait m’aider à transmettre cette faculté d’écoute, d’adaptation à l’autre, cet équilibre délicat entre l’empathie et la distance clinique qui anime toute la relation médecin-malade.
Dans un premier temps, nous avons élaboré un programme de formation à destinée de médecins cancérologues, et préparé ensemble des mises en situations à partir de scènes réelles, dans lesquelles les médecins joueraient leur rôle face à des acteurs interprétant malades et famille. Ces médecins évolueront sous le regard aiguisé du metteur en scène qui les traitera