Le Maghreb à l’épreuve des migrations subsahariennes Immigration sur émigration , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2009

EAN13

9782811101640

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Ali Bensaâd
Le Maghreb à l’épreuve des migrations subsahariennes
Immigration sur émigration
KARTHALA
LE MAGHREB À L’ÉPREUVE DES MIGRATIONS SUBSAHARIENNES
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :Camion transportant des migrants entre le Niger et la Libye,  à travers le désert du Ténéré. Photo Ali Bensaâd.
¤Éditions KARTHALA, 2009 ISBN : 978-2-8111-0164-0
SOUS LA DIRECTION DE Ali Bensaâd
Le Maghreb à l’épreuve des migrations subsahariennes
Immigration sur émigration
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
La préparation de cet ouvrage a été rendue possible grâce à une aide du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement). Sa publication aux éditions Karthala a bénéficié d’un concours de la Fondation Friedrich Ebert, Tunisie.
INTRODUCTION
Immigration sur émigration
Le Maghreb entre « rétrécissement » du monde et mutations socio-spatiales
* Ali BENSAÂD
 L’identité migratoire du Maghreb se modifie et se complexifie. À sa fonction traditionnelle d’espace d’émigration qui tend encore à se renforcer et qui continue à marquer fortement les structures démographiques et socio-économiques des pays de la région, s’ajoutent désormais celle d’espace d’immigration et, emboîtée à celle-ci, la fonction de transit.  Le Maghreb devient ainsi un espace migratoire multifonctionnel qui démultiplie et renouvelle les modalités de sa mise en connexion avec le monde et s’en trouve, en retour, bouleversé dans ses fondements socio-spatiaux. Dans ces traditionnelles terres d’émigration, l’émergence et l’affirmation de l’immigration est un des bouleversements les plus signi-fiants.  L’immigration est désormais un fait sociétal et spatial majeur au Maghreb. Majeur et inédit.  Inédit parce qu’il advient alors que cet espace continue non seulement à être un important émetteur de flux migratoires mais parce que l’émi-gration y prend une dimension dont l’importance ne cesse de s’amplifier (à l’image du Maroc qui a multiplié en onze ans par deux le nombre de ses émigrants qui représentent plus de 10 % de sa population) et parce que ses modalités ne cessent de se renouveler, y compris par des formes specta-
* IREMAM, Université de Provence.
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culaires comme l’illustrent le phénomène des « brûleurs de frontières » (« Harragas ») et son explosion récente en Algérie.  Mais il est aussi inédit parce que l’immigration n’obéit pas aux mêmes processus à l’origine de son émergence dans certains pays de la rive nord-méditerranéenne. Ces derniers ont connu le passage de l’émigration à l’immigration en même temps que les transitions démocratiques et les décollages économiques étaient menés à leur aboutissement, à l’image de l’Espagne, devenue première destination européenne.  Pourtant, que ce soit par les effectifs qui prennent une importance croissante, par la diversification de sa présence sur le champ économique qui investit même l’entrepreneuriat, par le débat qu’elle suscite au sein des « décideurs » et de la société, par son instrumentation dans des enjeux géopolitiques régionaux ou des luttes de pouvoir à l’intérieur des pays, cette immigration affirme sa présence aujourd’hui au Maghreb.  Et au-delà de l’importance de la dimension quantitative de sa présence, le phénomène de l’immigration modifie substantiellement les perspectives des problématiques sociétales et spatiales dans ces traditionnelles terres d’émigration. Il est une nouvelle donne qui interagit fortement avec l’espace et les sociétés du Maghreb. En les interpellant sur leurs fondements et en en éclairant les angles morts, il contribue à en précipiter les évolutions.
 Au-delà des spécificités de cet espace, l’émergence de cette immi-gration participe d’un mouvement global de reconfiguration migratoire qui touche les profils des migrants, les catégories et les formes de la circu-lation, la diversification des destinations et des itinéraires qui propulsent le Maghreb sur leur trajectoire.  La diversification des parcours migratoires et leur mondialisation sont le corollaire de la densification des échanges aux diverses échelles de l’espace mondial, y compris dans les périphéries. Elle est une consé-quence directe de l’intense transformation socio-spatiale des territoires, à toutes les échelles, aboutissant à une démultiplication des connexions et à une intensification des échanges et une « contraction du monde ». Les itinéraires qui se projettent sur une destination sont d’abord des liens qui se sont construits entre espaces à échelles diverses. Le passage de la frontière n’intervient pas comme une simple transgression extérieure mais il emprunte les vecteurs et les interstices que mettent à sa disposition ces connexions démultipliées.  Si la mobilité s’affirme de plus en plus comme un projet individuel, valorisé par du lien social, elle s’inscrit et se concrétise aussi et toujours dans les dynamiques socio-spatiales des territoires qui révèlent, stimulent et canalisent les mobilités.
INTRODUCTION
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 Ainsi les itinéraires des migrations transsahariennes ne sont pas seulement le produit de la réactivité des projets des migrants aux politiques migratoires répressives. En amont de leur émergence, il y a d’abord les transformations socio-spatiales, qui construisent des connexions, indépendamment des flux qui vont les investir, les valoriser ou même les détourner.  Les mobilités sont toujours en connexion avec les changements terri-toriaux qui les rendent possibles et les imposent comme un élément structurel. Aussi la tension qui entoure les mobilités aujourd’hui n’est pas seulement celle qui oppose le désir de mobilité légitime des migrants et la volonté régulatrice des États. C’est d’abord une tension entre la densifi-cation des connexions dans les différents espaces, leur mise en rapport directe et instantanée et le « malthusianisme spatial » qui résiste et qui bloque l’aboutissement et la consolidation de ces connexions par leur incarnation en la mobilité des hommes.  Si la conception du migrant comme sujet agissant, se réalisant par du lien social, permet de dépasser les visions mécanistes et « misérabilistes » des mobilités, les transformations territoriales, elles, les rendent inéluctables et nécessaires. Occulter ces transformations qui les portent et les imposent, c’est réduire les mobilités à une « subversion volontariste » qui peut, en retour, légitimer le désir de la contenir.
 Si, aujourd’hui, une part importante des flux migratoires finit par être captée par l’Europe et se trouve être tendue vers elle, ceux-ci ne sont pas tributaires de la seule attraction européenne.  La réactivation des circulations transsahariennes, aux lendemains des indépendances, a d’abord été le produit du développement et du rappro-chement, à travers le Sahara, entre la rive maghrébine et la rive sahélienne. Sous leurs diverses formes, migrations de travail et commerce informel notamment, ces circulations n’ont concerné, initialement, que le Sahara et en particulier les régions des pays pétroliers qui ont fonctionné comme un appel à l’échelle de tout cet espace. Mais, au-delà de celui-ci, ces flux tissent dorénavant leur trame jusqu’aux métropoles littorales dont les espaces sont affectés autant comme réceptacles d’une immigration que comme relais et porte sud de l’Europe. Produits du développement et de l’ouverture du Maghreb, à travers le Sahara, sur la rive sahélienne, ces flux marquent dorénavant le nouvel ancrage des espaces nationaux maghrébins et l’affermissement de leur jonction avec l’Afrique noire. Cet ancrage méridien n’a cessé de s’affirmer depuis les indépendances, à la mesure de leur développement, et révèle la profondeur historique et géostratégique africaine des pays du Maghreb. Cette dernière est bien
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illustrée par les différentes routes transsahariennes concurrentes que vient consolider le récent achèvement de la route transsaharienne atlantique. L’importance des flux d’échanges informels et l’explosion urbaine abou-tissent à l’émergence de places d’échanges et de transit qui, à l’image d’Agadez, de Sebha ou de Tamanrasset, constituent, démographiquement du moins, de véritables tours de Babel africaines. Mais les métropoles littorales, Alger, Oran, Rabat ou Tripoli ont également leurs « quartiers africains ». Un réseau dense et transnational déploie ainsi ses trames du Sahel à la Méditerranée.  Différentes circulations (commerçantes, de travail, de transit ou reli-gieuses) se croisent et se nourrissent et, par leur mouvement qui fait lien entre des relais, dessinent et structurent de nouveaux territoires. Par les flux qu’elles génèrent, elles pèsent sur les espaces régionaux et redonnent de l’importance aux axes méridiens porteurs des flux et aux villes qui se situent sur ces axes. Elles génèrent par ailleurs une « économie du voyage » qui nourrit l’économie de ces villes et en affecte les espaces. Mais, dans un contexte international d’assignation au Maghreb d’un rôle de barrage de rétention et de répression de ces flux, la question du devenir des supports spatiaux de ces flux se pose.
 Une nouvelle réalité sociétale émerge au Maghreb, celle de l’immi-gration. En y prenant corps, elle fait émerger un nouveau positionnement géopolitique des pays du Maghreb. Mais émerge également ainsi un nouvel objet scientifique : le Maghreb comme espace d’immigration. Interroger cette nouvelle réalité et ses significations mais aussi le terme lui-même d’immigration dans le contexte inhabituel qui est celui du Maghreb, tel est l’objectif de cet ouvrage.  Si cette immigration a commencé par concerner les régions saha-riennes où elle continue à être fortement présente, elle se diffuse aujour-d’hui jusqu’aux métropoles littorales du nord du Maghreb. Enfin, en se greffant sur une circulation euromaghrébine qu’elle amplifie, elle se projette dorénavant sur l’Europe, même si elle n’y aboutit pas souvent. En plus d’être un facteur de décuplement des flux, cette nouvelle projection place dorénavant le Maghreb au centre d’un dispositif relationnel qui, débordant le cadre traditionnel euromaghrébin, prend une dimension intercontinentale et pose la question des migrations vers et par le Maghreb comme un des enjeux des relations internationales. En même temps, elle dessine les prémices de nouvelles configurations géopolitiques dont l’émergence « par le bas » d’un espace eurafricain, dont ces circulations, malgré leur refoulement, sont la prémonition.
INTRODUCTION
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 Aussi, en plus de stimuler des mutations sociétales et spatiales dont il est nécessaire de mesurer les effets, ces migrations constituent un outil d’interrogation et d’analyse des mutations de l’espace maghrébin et des modalités de son insertion dans le processus de mondialisation, notamment dans sa projection comme « cordon sanitaire » de l’Europe.
 Combattues par les États ou au mieux reléguées dans l’informel, ces circulations sont prises en charge par les migrants eux-mêmes qui y réinvestissent leur expérience de mobilité et structurent des filières où, malgré leurs origines diverses, ils organisent la coopération autour de leurs complémentarités. Ces filières sont également investies par d’autres acteurs (commerçants, transporteurs, agents d’États, passeurs, etc.) qui s’y insèrent.  En empruntant des entrées et des interstices afin de se construire des points d’ancrage dans les sociétés d’accueil ou en se connectant aux populations locales pour greffer leur itinérance sur une circulation euro-maghrébine antérieure et éventuellement croiser leurs compétences dans la mobilité, migrants et sociétés locales entrent dans des rapports intenses de transaction. Les sociabilités mobilisées et produites sont donc des questions essentielles abordées par l’ouvrage.  Par effets croisés d’une circulation de travail et commerçante vers les régions sahariennes ou les métropoles du nord, ceux d’un transit par étape, ceux du durcissement de la politique européenne de répression qui rabat les migrants sur le Maghreb et enfin ceux d’un « effet de nasse » au Maghreb même, ce dernier se transforme, graduellement et de fait, en espace d’immigration.  Malgré le chômage endémique qui y sévit et les effets déstabilisant des plans d’ajustement structurels, les migrants africains investissent le marché de l’emploi. En dehors des régions sahariennes et de certaines niches marginales comme la récupération, ils intègrent, y compris au nord, des secteurs comme le BTP, les services et la confection ou la domesticité, diversifiant leur ancrage économique en l’élargissant même à l’entrepre-neuriat. Aussi l’ouvrage s’interroge sur les facteurs qui fondent leur inté-gration à ce marché, notamment par rapport aux travailleurs locaux, et sur les formes qu’elle prend notamment en termes de traitement et de conditions de travail.  Si aucune disposition légale ne prend en compte la réalité de l’instal-lation de ces migrants, dans les faits, l’attitude des autorités, oscillant entre tolérance et répression, est caractérisée par une ambiguïté qui en garantit la précarité et la réversibilité. L’interférence européenne, en vue de faire jouer aux pays maghrébins un rôle de rétention, a eu par contre pour effet
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