Le droit et le service public au miroir de l’anthropologie , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845864030

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Michel Alliot
Le droit et le service public au miroir de l’anthropologie
Textes choisis et édités par Camille Kuyu
KARTHALA
LE DROIT ET LE SERVICE PUBLIC AU MIROIR DE L’ANTHROPOLOGIE
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Tableau de Mambengui Tondo, inLes peintres du fleuve, Karthala et Nicolas Bissek, 2001.
Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-403-5
Michel Alliot
Recteur honoraire de l’Académie de Versailles Professeur émérite à l’Université Paris 1-Panthéon / Sorbonne
Le droit et le service public au miroir de l’anthropologie
Textes choisis et édités par Camille Kuyu
Épilogue par Étienne Le Roy
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Ouvrage publié avec le concours financier de l’Académie Africaine de Théorie du Droit
AVANTPROPOS
Le Recteur Michel Alliot est assurément un des maîtres les plus répu tés de son temps, et de la Sorbonne. Depuis un demisiècle, il a marqué des générations de juristes, historiens et anthropologues du droit, dexpression française, par la profondeur unique de sa pensée et de ses intuitions, et leur a légué un héritage scientifique qui ne cesse dalimenter leurs recherches. Rares sont les travaux de recherche doctorale en Droits africains qui ne font pas de la pensée de ce « maître » une parole dévangile, au point de blesser sa modestie. Combien de fois ne laton pas entendu conseiller à des impétrants, lors de soutenances de thèse, de sefforcer à prendre un peu dindépendance par rapport aux « maîtres » ?
Une bonne partie de luvre de Michel Alliot a été réunie dans un recueil disponible au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris. Mais, si des membres de ce laboratoire et quelques «happy few» y trouvent quoti diennement des fruits dédification, la faible diffusion de ce recueil prive de nombreux autres chercheurs à travers le monde dune mine de connaissances nécessaires à la recherche dune théorie du droit africain, et à la com préhension des logiques juridiques à luvre dans des sociétés différentes. Notre intention première était déditer seulement les textes déjà réunis dans ce recueil et leur assurer ainsi non seulement une diffusion plus large, mais aussi une lisibilité plus grande. Mais, il nous a paru par la suite impor tant dintégrer dautres textes, notamment ceux qui abordent des questions contemporaines comme les Droits de lhomme, la violence en Occident et / ou lémergence de nouveaux modèles de sociabilité en Afrique. Louvrage na pourtant aucune prétention à lexhaustivité. Car, dans sa longue et riche carrière scientifique, le Recteur Michel Alliot a écrit de très nombreux tex tes, et retrouver toutes ses communications à des colloques auxquels il a participé aux quatre coins de la planète est une mission impossible. Les textes et communications publiés ici ont été écrits et / ou présentés à des colloques entre 1953 et 2003. Mais, ils demeurent tous actuels. Même les textes les plus anciens procurent le même plaisir quaux jours lointains où ils furent écrits. Ils ont résisté à lusure du temps. Cest ce plaisir que nous voulons partager et faire partager en assurant à cet héritage scientifi que la plus large diffusion possible.
Le Recteur Alliot aborde dans son uvre abondante des thématiques dif férentes. Elles concernent aussi bien le Droit en Occident, que les cultures juridiques non européennes. Mais, lessentiel de luvre nous invite à la recherche dune théorie du droit africain. En effet, au lendemain des indé pendances, le Droit africain a été pensé à partir de logiques exogènes, par des juristes occidentaux et / ou occidentalisés. Après avoir suscité de lespoir
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comme « Droit du développement », son inadaptation est aujourdhui fla grante. Doù lidée de le repenser. Luvre du Recteur Alliot nous donne des outils conceptuels nécessaires à cette entreprise. DansLa Méditerranée et le Droit, lauteur montre quil ny a pas une mais de multiples façons de penser le monde et de se penser dans le monde et quà chacune delles correspond une façon de penser le droit.DansGenèse et permanence des traditions juridiques, lauteur iden tifie le droit avec le contrôle social dactes ressentis comme susceptibles de mettre en péril la vie du groupe. Michel Alliot nous apprend aussi que le droit cest dabord ce que font les acteurs, et non seulement ce qui est contenu dans des textes et des manuels. DansLAnthropologie juridique et le Droit des manuels, lauteur reproche aux juristes occidentaux de jeter sur les sociétés occidentales un regard de Professeur de Droit, et de rapporter au seul Droit officiel de leur pays aussi bien la réalité de ce pays que celle des autres. Ce double repro che sadresse aussi aux juristes non occidentaux élevés dans le sérail des Facultés de Droit. Pour lauteur, larbre du Droit officiel des manuels cache la forêt des phénomènes juridiques dont il nest quune partie. Les historiens nous apprennent que le passé est nécessaire pour com prendre le présent et prévoir le futur. Aussi, pour repenser un Droit pour lAfrique contemporaine, le Recteur Michel Alliot nous invite, dansCe que repenser les droits africains veut dire,à revisiter les droits originelle ment africains. Comprendre le réel juridique des sociétés africaines et des sociétés occidentales modernes grâce à une anthropologie du détour est finalement ce que nous avons retenu de lensemble de luvre de notre maître : le fonctionnement de lÉtat, celui du Droit et des institutions en Occident et ailleurs, lillusion des transferts du Droit des sociétés occi dentales vers des sociétés africaines, les violences urbaines en Occident, la question de lémergence dun nouveau droit en Afrique, la problématique des Droits de lhomme sont autant de questions parmi beaucoup dautres que lauteur a abordées en anthropologue, dans les différents textes publiés dans cet ouvrage.
Nous aimerions clore cet avantpropos en rendant un vibrant hommage à tous ceux qui nous ont encouragé dans cette entreprise. Nos remercie ments sadressent dabord au Professeur Étienne Le Roy, Directeur du DEA dÉtudes Africaines et du Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris, qui a considérablement contribué à la conception et lélaboration de louvrage quil a clos dun épilogue que le lecteur appréciera. Nous som mes également reconnaissant envers tous les éditeurs qui nous ont autori sé à publier des textes dont la plupart ne sont pas encore tombés dans le domaine public.
Camille KUYUMwissa Enseignant à luniversité Paris 1, Président de lAcadémie Africaine de Théorie du Droit.
INTRODUCTION
* PEUTON DEVENIR ANTHROPOLOGUE ?
Lanthropologie, cest la science de lhomme, cest la science des indi vidus et des sociétés. Estil possible darriver à faire la somme des expé riences humaines pour pouvoir dire ce quest lhomme ? Ce serait cela, être anthropologue. Et si cest cela, peuton devenir anthropologue ?
Je nai dautre réponse que la mienne, celle de ma vie. Et ma vie, cest une vie de hasards. Estce le hasard qui me donne des coups de pouce ou moi qui lui en donne ? Je ne sais pas ; mais cest une vie de hasards.
Jétais mathématicien à lorigine, cestàdire juste avant la guerre, lorsque jai passé mon baccalauréat de mathématiques, pour aller vers Polytechnique ou Normale Supérieure ; mais comme jétais trop jeune pour les concours, jai dû occuper le temps et jai étudié provisoirement les lettres classiques (à Henri IV, en khâgne). La Résistance et la déportation mayant empêché de revenir aux mathématiques, jai donc, après la guerre, poursuivi mes études de lettres, puis jai fait du droit parce que javais entendu dire sur le boulevard SaintMichel que tout imbécile est capable de faire du droit ; je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? ».
Jai rencontré, en Bretagne, un maître de lhistoire du droit, qui sappe lait Gabriel Le Bras. Il ma dit : « Vous êtes helléniste et vous voulez faire de lhistoire du droit, faites donc une thèse sur lhistoire du droit grec ! Nous manquons justement dun historien du droit de la Grèce ancienne.» Pourquoi pas ? Cest le hasard. Et jai fait une thèse sur « La naissance de la pensée juridique en Grèce ». Cest tout un programme. Cela na lair de rien, mais quand on dit « la naissance de la pensée juridique en Grèce », ça veut dire quelque chose, ça veut dire quon est néodarwinien. Lhypo thèse, cest quil y a une pensée juridique, que nous en connaissons, nous, e lessentiel dans notre société organisée selon la rationalité du XVIII siècle, bien claire, bien alignée, bien rigide, mais que, pour arriver à cette trans parence et à cette raison, il a fallu des siècles et des siècles et que tout ça avait commencé avec les Grecs dont lunique intérêt était précisément de préparer notre venue au monde. Cétait un programme néodarwinien.
*Conférence à lAssociation « Le corps à vivre », Paris, 23 fév. 2001.
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Nous, nous avons la précision, la simplicité, lunité, la rationalité, la transpa rence, la publicité dans notre droit, tout ça avait commencé à apparaître un e tout petit peu au V siècle avant J.C. et je devais retracer cette naissance.
Il se trouve que mon maître en études grecques, qui sappelait Louis Gernet, a eu un certain nombre de disciples : un des plus connus aujour dhui est JeanPierre Vernant. Quelques décennies plus tard, ces disciples ont pensé quil serait intéressant détudier dautres pensées que la pensée grecque, pour les rapprocher, les comparer, voir si elles séclairaient lune lautre. Ils lont fait avec un certain nombre de gens qui se sont illustrés dans lUniversité. Ils ont travaillé ensemble en vue dune publication collective ; et, finalement, ils se sont disputés, parce que nont été jugés dignes de la publication collective que ce qui touchait les Grecs ou les Romains, cestàdire ceux quon pouvait considérer comme nos ancêtres ; mais le droit chinois, le droit islamique et dautres, les droits indiens dAmérique ou africains dAfrique noire ont été considérés comme indi gnes de figurer à côté de ceux de nos ancêtres grecs et romains !
À la même époque, engagé dans la recherche des ressorts du droit dAfrique noire, jallais subir le même dédain de la part de mes collègues juristes des universités françaises : pouvaiton sérieusement rapprocher, comparer et éclairer lun par lautre des droits aussi différents quun droit africain et le nôtre ?
Mais revenons à mes études de droit. Jai passé lagrégation dhistoire du droit et jai été nommé à Caen. Plutôt que daller à Caen un ou deux jours par semaine pour ne rien découvrir de neuf, jai demandé à enseigner à létranger. Cela nétait pas possible ; on ma dit : « Mais vous pourriez aller dans un territoire administré par la France. Choisissez ». À tout hasard, jai répondu : « Le Maroc ! ». Jai dû me ressouvenir de mes lectu res denfance et penser à Lyautey. Quinze jours plus tard, le fonctionnaire du Ministère qui soccupait de moi ma rappelé pour me dire : « Nous navons pas besoin dun historien du droit au Maroc, il en faudrait un à Dakar. Si vous accepter Dakar, on vous donne le Maroc aussi ». Cétait bizarre : 3 500 kilomètres davion au temps des avions à hélices, mais comme il a ajouté : « Ferezvous vos cours de début de semaine au Maroc et de fin de semaine à Dakar, ou linverse ? », jai compris que la géogra phie nétait pas la même vue de Paris ou vécue en avion.
Jai accepté les deux et cest ainsi que jai commencé à enseigner le droit en Afrique noire et au Maroc, avant de le faire à Madagascar. Jenseignais le droit romain à Dakar, parce que les étudiants suivaient exactement le même programme quà Paris. Et je me souviens quà un de mes premiers cours sur la très ancienne famille romaine, jai vu un doigt qui se levait, dans le fond de lamphithéâtre : « Quy atil ? » [] « Mon sieur le Professeur, cest comme ça chez moi ! ». Alors, je lui ai dit : « Monsieur ChokiAbilogoum  cétait son nom  faites le cours ! ». Il a fait
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le cours. Cétait intéressant. Effectivement, cétait tout à fait comparable aux Romains. Tout cela aurait dû mancrer dans lidée quil y a une seule ligne de développement des sociétés qui passe par un stade primitif, que ce soit lancienne Grèce, lancienne Rome, et disons lAfrique tradition nelle de lOuest. Jétais confirmé dans lidée que les autres nexistent pas : ce que nous appelons les autres, ce sont des embryons de nousmêmes, mais en tant que tels ils nont pas doriginalité.
Toutefois, je mennuyais un peu à rencontrer des êtres me ressemblant à Dakar : une très bonne société coloniale française, mais vraiment trop sem blable à moi, et une bonne société africaine, mais tout à fait européanisée. Je me suis dit : « il faut tout de même aller voir autre chose ». Je suis allé minstaller à cent kilomètres au sudest de Dakar, chez les Sérères, société qui mintéressait, parce que la génération la plus âgée était animiste, la génération suivante était musulmane et la génération daprès commençait à être chrétienne. Ce qui mintéressait aussi, cest que je pouvais trouver des villages où personne ne parlait français. Évidemment, on ne comprend un peuple que si on parle sa langue ; on ne parle sa langue que sil ne parle pas la vôtre ; donc je suis allé chez les Sérères doù je revenais, deux jours par semaine, à Dakar. Jai pu baragouiner un peu le Sérère, quelques langues comme le Wolof, le Poular, le Diola, langue de Casamance, et je me suis intéressé aussi aux Dogons du Mali, parce que tout le monde sest intéressé à eux, à un moment ou à un autre. Et puis progressivement, jai eu un choc. Il est probable que je me trouvais dans la situation décrite par Saint Thomas  je ne me compare pas à lui  quand il écrivait : « Ce nest pas moi qui découvre la vérité, cest la vérité qui sempare de moi. » Par un double choc, elle sest emparée de moi. Il y eut dabord le choc de lautre, celui des Sérères et de ceux que jétudiais, puis un choc en retour.
Commençons par le choc de lautre : ce qui ma sidéré, cétait dabord que lautre était possible, cestàdire un autre qui ne soit pas le départ de nousmême. Cétait ensuite que lautre était logique, même avec des bases différentes des nôtres. Je prends deux exemples rapidement.
Nous, nous concevons une famille comme structurée par lhérédité qui passe par des hommes et par des femmes. Nous avons deux parents, qua tre grandsparents, huit arrièregrandsparents, etc. La plupart des peuples africains ont une autre idée de la transmission de la parenté ou de celle de la vie : ou bien seules les femmes transmettent la vie et les hommes ne sont que des déclencheurs de sa transmission ; ou bien seuls les hommes trans mettent la vie et les femmes ne sont que des réceptacles, pour « couver », si je puis dire, la vie qui se développe pendant quelque neuf mois. Du même coup, les uns ont des familles qui sont patrilinéaires et les autres ont des familles qui sont matrilinéaires. Sauf rares exceptions  les Sérères en sont peutêtre une, dailleurs , cest lun ou cest lautre. Si la famille est patrilinéaire, de la même famille, il y a le père  mais pas la mère ,
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