Insultes, injures et vannes En France et au Maghreb , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2008

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845868649

Langue

Français

Aline Tauzin (éd.)
Insultes, injures et vannes
En France et au Maghreb
INSULTES, INJURES ET VANNES
KARTHALAsur internet : http://www.karthala.com
Couverture : Tableau de Marcelin Minko Minzé, dansLes peintres de l’estuaire, N. Bissek, Karthala, 1999.
© Éditions Karthala, 2008 ISBN : 978-2-84586-864-9
Aline Tauzin (éd.)
Insultes, injures et vannes
En France et au Maghreb
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
« Nous-mêmes, à la naissance, on se donnait des noms d’oiseaux... mais pas de ces animaux domestiques qu’on met en cage et qui sont jolis, non ! Des animaux comme on en veut pas chez soi, autant dire une Arlésienne de reptiles. La laideur était en nous, la honte aussi. » 1 Magyd Cherfi
e Cet ouvrage rassemble les Actes de la X Journée d’études qui s’est tenue à Paris, à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, le 31 mai 2002, sous l’égide du Centre d’Étude et de Recherche sur l’Arabe maghrébin (CREAM). L’intitulé en étaitInsultes, injures et vannes. L’insulte, à suivre Norman Stillman, est « l’arme des faibles », celle, en l’occurrence, des Juifs marocains dont il analyse les propos. Cette caractéristique s’avère parfaite-ment applicable aux diverses sociétés que le recueil aborde, sociétés du Maghreb et des banlieues, d’« ici » et de « là-bas », pour reprendre les termes de la problématique du CREAM. Les pratiques que l’ensemble des contributions s’attache à étudier relèvent de la culture de la rue et elles concernent donc des groupes qui, en France, sont issus de
1. Magyd Cherfi,Livret de famille, Actes Sud, 2004, p. 9.
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INSULTES, INJURES ET VANNES
l’immigration, et d’autres, au Maghreb, que la sédentarisa-tion ou l’urbanisation ont rendus particulièrement vulné-rables. Mais une telle faiblesse, parce qu’elle implique un poids moindre des contraintes et des interdits fixés par la société, favorise l’expressivité et la créativité en matière de langage. Plusieurs contributions en portent témoignage, qu’elles s’attachent à des époques révolues ou à la période contemporaine. Dans le passé, l’insulte prenait souvent la forme de malédictions. Celui qui les proférait en appelait à Dieu pour satisfaire son propre désir : les maladies les plus graves, les désastres les plus absolus, et jusqu’à la mort, étaient alors souhaités à l’invectivé, pour peu que Dieu y consente. Elle faisait également appel à des proverbes, opérant ainsi un détour par la norme du groupe pour mieux dénoncer la déviance supposée d’un de ses membres. Plusieurs des textes rassemblés ici font état de ce mode particulier d’utilisation des proverbes, que certains auteurs considèrent comme spécifiquement « féminin ». Mais a-t-on véritablement à faire à un fait de structure ? Les opi-nions divergent. Ces insultes sont indirectes, elles procè-dent par allusions, et c’est du reste par ce terme qu’on les désigne en arabe. Pour Hadj Miliani, si les femmes les uti-lisent, de même que les malédictions, c’est parce qu’elles sont le lieu de « l’expression d’une intériorisation de l’en-fermement social. » Tandis que pour Dominique Caubet, que les femmes aient conservé cette pratique jusqu’à tout récemment ne signifie pas qu’elle leur a, de tous temps, été réservée. C’étaient, à ses yeux, les véritables insultes, dans le cadre très strict du contrôle de la parole à l’œuvre dans les sociétés traditionnelles. Voilà donc un point qui mérite-rait d’être approfondi dans des recherches ultérieures. L’insulte pouvait aussi bien être brève et se saisir d’un simple mot, au prix souvent d’une grossièreté tout à fait choquante pour la communauté. On en lira de nombreuses illustrations, essentiellement dans les contributions traitant du Maghreb, celles de Saïd Benjelloun, Hayat Bakhti, Nor-
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man Stillman, Hadj Miliani ou encore Dominique Caubet. On y assiste à la levée des interdits, en particulier autour des deux tabous majeurs de la sexualité et de la religion, dans des insultes dont la transitivité est sans doute le trait formel dominant. Les protagonistes s’y font face et la vio-lence physique est près d’éclater. La vanne, quant à elle, relève du jeu et, de ce fait, il se pourrait qu’elle soit un trait de la modernité. Un jeu fait d’ironie, de dérision et d’auto-dérision, qui suppose qu’une distance s’est marquée vis-à-vis des normes de la tradition, que ces dernières se sont relâchées. Il indique aussi qu’un « groupe d’âge autonome » s’est formé, dont Hadj Miliani nous dit qu’il rapproche ses membres du groupe des hommes tout en les détachant de celui des femmes. Selon Aline Tauzin, il marque l’émergence de la catégorie de l’adolescence, de son idée même, au sein de sociétés qui l’ignoraient auparavant. C’est un jeu destiné à faire passer le temps, comme le signalent Dominique Caubet et Aline Tauzin. Une pratique de l’entre soi, au sein d’une même classe d’âge et qui en renforce la cohésion, une pratique qui s’appuie sur la trans-gression langagière tout en se donnant les moyens d’empê-cher l’affrontement. Mais la frontière avec l’insulte demeure toujours fragile, le risque de dérapage vers l’empoignade ou les pleurs est bien là, ainsi qu’en témoigne une phrase prononcée par un des jeunes cités par Dominique Caubet, phrase qui a le statut de lapsus : « jamais ça dépasse le cadre de la bagarre ». Le jeu, a-t-on tendance à penser, implique deux acteurs, au moins, et eux seuls. Or le public qui les entoure intervient, de fait, de façon déterminante dans l’échange, dans l’évaluation des capacités de l’un ou de l’autre, mais aussi dans le choix des réparties, dans les stratégies verbales mises en place. C’est ce que s’attache à montrer Christelle Assef dans sa contribution. La pratique de la vanne, telle qu’elle peut s’observer en France, au sein de l’immigration, a souvent fait l’objet d’un questionnement quant à son origine. On a coutume
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INSULTES, INJURES ET VANNES
de la situer au Maghreb, alors même que la pratique ne s’y observe guère dans la tradition. Dominique Caubet, sui-vant en cela une observation faite par David Lepoutre, convoque l’Afrique sub-saharienne et la relation dite « à plaisanterie » qui s’y rencontre et qui fut abondamment analysée par les ethnologues. Pour sa part, Hadj Miliani souligne que les parlers des jeunes en milieu urbain ont encore été trop peu étudiés, au Maghreb, tandis qu’Aline Tauzin attribue l’apparition récente des échanges de vannes versifiées en Mauritanie à des évolutions internes à la société qu’elle observe. Là encore, le champ des investi-gations demeure vaste, l’hypothèse la plus vraisemblable étant celle d’un cheminement parallèle à l’œuvre dans diverses sociétés, hypothèse permettant de rendre compte de l’émergence concomitante de la pratique en des lieux éloignés les uns des autres. Par ailleurs, même si l’échange de vannes est un phéno-mène récent, il s’inscrit largement dans la continuité de formes anciennes. Ainsi, Hadj Miliani, parlant d’héritage et de réadaptation du capital symbolique, note que les jeunes Oranais font grand usage de l’allusion, reprenant la forme d’expression privilégiée par les femmes dans le passé, en la teintant d’ironie. Il voit, du reste, dans ce recours à la dérision et à l’auto-dérision une possible manière de réin-troduire le collectif dans l’injure individuelle. De même, en Mauritanie, plusieurs formes anciennes sont réutilisées dans la pratique du « sabotage », par les jeunes, tout comme des poèmes transgressifs issus des rituels traditionnels de mariage s’y trouvent recyclés, sans que les jeunes en con-naissent la provenance. Deux contributions, enfin, ont pour objet la « violence verbale » en France. Elles prennent donc appui sur quelque chose qui est de l’ordre d’une préoccupation sociale et, pour l’une d’elles, d’une demande, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un contrat signé avec la Délégation Interminis-térielle à la Ville. Isabelle Léglise et Marie Leroy font por-ter leur analyse sur les médiateurs de rue, et sur le senti-
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ment de « rupture générationnelle » qu’éprouvent ces der-niers au contact des jeunes que leur profession les amène à rencontrer. Elles soulignent plusieurs phénomènes interve-nus récemment. Celui du rajeunissement de la pratique des vannes – dès l’âge de huit ou neuf ans actuellement, alors que la génération des médiateurs y avait recours autour de la quinzième année. Celui, encore, de la désémantisation de nombre d’insultes, qui passent alors au statut de termes affectueux, un glissement qui ne manque pas de troubler les travailleurs sociaux. Elles s’interrogent sur ce qui fait l’insulte, de nos jours, qu’elles repèrent du côté de l’at-taque personnelle, celle qui porte sur des faits avérés et concernant l’entourage de l’insulté au moins autant que ce dernier, ainsi que des postures du corps, le regard et le tou-cher, qui sont vécus comme autant d’agressions. L’étude de Claudine Moïse, pour sa part, a pour objet la construction de cette violence verbale, ses modalités d’ins-tallation dans le processus d’échanges entre une ensei-gnante et certains de ses élèves. L’injure, formulée par l’élève, intervient, note l’auteur, en clôture, en phase ultime de ce qu’elle nomme la « montée en tension » de l’interac-tion. Et, s’attachant à définir son rôle, elle y voit non pas une attaque mais un moyen, pour l’élève, de « sauver la face », une réponse à ce qui est perçu par lui comme un enfermement dans une identité fantasmatique posée d’em-blée par l’enseignante. On le voit, les directions suivies par les différentes con-tributions sont multiples. Ces dernières constituent autant de jalons dans l’appréhension d’un vaste champ qui appelle d’autres explorations.
Aline TAUZIN
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