Grandir à Nima (Ghana) Les figures du travail dans un faubourg populaire d’Accra , livre ebook

icon

330

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2005

Écrit par

Publié par

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

330

pages

icon

Français

icon

Ebook

2005

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2005

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845866666

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Martin Verlet
Grandir à Nima (Ghana)
Les figures du travail dans un faubourg populaire d’Accra
IRD - KARTHALA
GRANDIR À NIMA, GHANA
Collection « Hommes et Sociétés »
Conseil scientifique: Jean-François BAYART(CERI-CNRS) Jean-Pierre CHRÉTIEN(CRA-CNRS) Jean COPANS(Université Paris-V) Georges COURADE(IRD) Alain DUBRESSON(Université Paris-X) Henry TOURNEUX(CNRS)
Directeur: Jean COPANS
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Illustration d’Othéo, inLes peintres de l’estuaire, Nicolas Bissek et Karthala, 1999.
¤IRD Éditions et KARTHALA, 2005 ISBN (IRD) : 2-7099-1552-9 ISBN (KARTHALA) : 2-84586-666-6
Martin Verlet
Grandir à Nima (Ghana)
Les figures du travail dans un faubourg populaire d’Accra
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
IRD 213, rue La Fayette 75010 Paris
Pour Maguy, ma femme ouvrière des jours et des rêves
NOTE LIMINAIRE
Je tiens tout d’abord à remercier ici les gens de Nima, hommes, femmes, enfants, tous ceux qui m’ont accueilli durant plusieurs années, parlé, écouté, et tant appris. Ils ont vraiment réussi à faire, pour moi, de Nima, « la terre heureuse ».
Ma reconnaissance va aussi à ceux qui, à l’IRD/ORSTOM, m’ont rendu possible cette recherche de terrain, en particulier Didier Spire, Roland Waast et Bernard Schlemmer. Elle va avant tout au professeur Pierre-Philippe Rey qui eut la patience d’accompagner ce travail, de l’éclairer de son expérience et de ses conseils. Mes remerciements vont aussi à Jean Copans qui a œuvré à l’édition de ce texte. Je tiens en outre à rendre un hommage particulier à Claude Meillassoux, qui fut mon maître de toujours.
Mais comment ne pas dédier cet ouvrage à celle qui en fut l’inspi-ratrice de tous les instants, ma femme Maguy. Sans elle, cet ouvrage n’eût jamais vu le jour. Cette mémoire des autres est aussi la sienne.
Introduction
Gentils enfants d’Aubervilliers Gentils enfants de prolétaires Gentils enfants de la misère Gentils enfants du monde entier Jacques Prévert
Ce livre a pour sujet la crise des unités domestiques, et la mise au travail des enfants, qui en est l’un des symptômes les plus manifestes. Le champ d’observation sera un quartier populaire d’Accra, Nima, qui, au cours des décennies passées, fut l’un des creusets de la classe ouvrière au Ghana. Sous l’effet des politiques d’ajustement structurel, qui furent conduites avec une singulière fermeté au Ghana, à partir d’avril 1983, sous la direction de Jerry Rawlings, le tissu social se délite ; le marché du travail se rétrécit ; par dizaines de milliers, des salariés se retrouvent au chômage, à la dérive, en situation de désaffiliation sociale. Conséquence directe de la dérèglementation du marché du travail, la dérégulation des unités domestiques s’aggrave, entraînant une redistribution des rôles et une redéfinition des activités économiques au sein des familles. À la suite du retrait de l’homme salarié, on assistera à la professionnalisation du travail des femmes, puis à la mise au travail, plus précoce, plus systé-matique, des enfants. Dans le temps court, c’est-à-dire les deux dernières décennies, l’exploitation du travail des enfants telle que nous l’observons à Nima coïncide avec l’application des programmes d’ajustement structurel, préconisés et pilotés par le FMI et la Banque mondiale, mis en œuvre par l’État ghanéen. Sur les classes laborieuses, l’ajustement se traduit d’abord par le recul du travail salarié, par la ruine des systèmes de protection sociale, par la dégradation des conditions de vie, par l’érosion des réseaux de solidarité primaires, par la vulnérabilité de masse. Dans la longue
8
GRANDIR ANIMA
e durée, laquelle correspond grossièrement auXXle phénomène siècle, s’inscrit plus amplement dans une triple trajectoire : celle des formes de la ville ; celle des métamorphoses du travail salarié ; celle enfin des vicissitudes des unités domestiques. Ces trois trajectoires s’entrecroisent, se mêlent, se confondent.
L’invention d’un terrain : Nima
La démarche de l’anthropologue s’apparente à celle de l’arpenteur de terrain. Il repère, il balise, il observe, s’entretient, se familiarise avec le quotidien, découvre, à travers l’Autre, les relations sociales qui se tissent au sein d’une communauté et qui inspirent sa culture singulière, déchiffre les rites et les symboles, donne un sens aux représentations et aux formes de l’imaginaire. Le terrain est aussi nécessaire à l’anthropologue que le serait le temps à l’historien ou l’espace au géographe. Le terrain n’est pas seulement le lieu physique où se conduira la recherche. Il est aussi, plus fondamentalement, une construction intellectuelle. Terrain de découverte, il détient un pouvoir heuristique propre. Ainsi l’invention du terrain fut-elle le préalable à cette recherche. Le terrain, en tant que lieu des observations, constituera le prisme à travers lequel sera scruté le véritable objet en question : les métamor-phoses du travail. Cet objet est la projection de deux trajectoires croisées : le retrait de l’homme salarié, conséquence de la crise de l’ajustement structurel et de la dérèglementation du marché du travail, d’une part ; l’exploitation du travail des enfants, résultant de la dérégulation domestique, d’autre part. Pourquoi ce choix de terrain ? Pourquoi Nima ? À proximité du centre administratif et commercial d’Accra, les faubourgs populaires de Nima et de Mamoobi se sont constitués historiquement, aux marges de la cité, comme une ville à part. Les formes de cette agglomération au sein de la ville se sont profondément modifiées dans le temps. D’une archéologie des formes de la ville, il ressort que trois sédimentations se sont cristal-lisées au fil des générations pour structurer les configurations urbaines que nous découvrons aujourd’hui : les mouvements migratoires ; les avatars du travail salarié ; la présence de l’islam. Les faubourgs jumeaux de Nima et de Mamoobi regroupaient, en 1970, 11 % de la population d’Accra. Ils comptent aujourd’hui 140 000 habitants. Nima, constitue, avec Kumasi et Tamale, l’un des principaux
INTRODUCTION
9
lieux de la présence de l’islam au Ghana. L’espace urbain est fortement contrasté. Deux pôles opposés symbolisent cette extrême différenciation 1 du tissu urbain : legutterqui représente la ruralité, la pauvreté, , l’exclusion ; Nima Highway, qui affiche une vitrine d’urbanisation, d’opulence, de modernité. Legutterles eaux usées de la, ce sont « misère », pour reprendre l’expression d’Eugène Dabit. Nima Highway, c’est l’intrusion, au sein du quartier populaire, de la ville étrangère. De toutes les empreintes qui ont façonné Nima dans sa genèse séculaire, la plus marquante fut, sans aucun doute, le travail migrant, son ascension, puis sa dévalorisation. Quartier populaire, le devenir de Nima se confond intimement avec le destin des classes laborieuses au Ghana. 2 Qualifier Nima dezongoc’est désigner, d’un seul mot, la ville à part, , étrangère à la ville, sa population de travailleurs migrants, l’empreinte de l’islam sur la vie sociale. Toutefois, ce choix de Nima comme terrain d’observation ne représentait-il pas une gageure ? L’écart séparant la figuration théorique du projet de recherche et la connaissance concrète du milieu était béant. Ville à part, Nima était réputé pour être un quartier rebelle, insaisissable. De plus, il fallut opérer sur trois registres différents : écouter le récit des enfants ; entendre la parole de leurs parents ; interroger les patrons et les maîtresses. Ces registres multiples exigèrent des approches distinctes, modulées. La patience de l’observateur, la durée de sa présence, son attention proche, sa disponibilité furent les gages de la familiarité avec les gens de Nima et de l’intelligence de leur devenir. À terrain singulier, approches particulières. La familiarité aide à affiner la problématique, à dessiner les perspectives. Le travail de l’arpenteur exige un regard plus rapproché. L’une des difficultés initiales vint de la combinaison de deux espaces de temps. Le temps long, sécu-laire, impose de se pencher sur les archives, de sonder la mémoire des vieux. Or l’histoire s’énonce au présent. Aussi, le temps court, celui de l’ajustement et de la débâcle du travail salarié, fut-il le référent per-manent, le véritable socle qui donna consistance au terrain. La dissonance des voix, la discordance des discours constituèrent une autre embûche. Libérer la parole de l’Autre, et plus particulièrement celle des opprimés, des humiliés, des offensés, celle du prolétaire déchu, de la femme laborieuse, celle de l’enfant travailleur. L’homme condamnait la 1. Pour les gens de Nima, le motgutterrenvoie immédiatement à l’égout à ciel ouvert, au cloaque, qui partage Nima de Mamoobi, puis, s’incurvant vers le Sud, sépare Nima de Lagos Town, le quartier voisin. 2. Unzongoest la section d’une ville où se regroupent les migrants venus du Nord, c’est-à-dire des zones soudanaises et sahéliennes. La population deszongo est composée majoritairement de musulmans.
Voir Alternate Text
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents
Alternate Text