Expériences du genre , livre ebook

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Intimités, marginalités, travail et migration
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Publié par

Date de parution

01 janvier 2013

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811109356

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

M. P. Anglade, L. Bouasria, M. Cheikh F. Debarre, V. Manry et C. Schmoll (éd.)
Expériences du genre
Intimités, marginalités, travail et migration
LE FENNEC  KARTHALA
EXPÉRIENCES DU GENRE
Visitez nos sites www.karthala.com et www.lefennec.com
Couverture : Dessin de Marie-Pierre Anglade
© Éditions KARTHALA et LE FENNEC, 2013 ISBN (KARTHALA) : 978-2-8111-0935-6 ISBN (LE FENNEC) : 978-9954-1-6761-8
M. P. Anglade, L. Bouasria, M. Cheikh, F. Debarre, V. Manry et C. Schmoll (éd.)
Expériences du genre
Intimités, marginalités, travail et migration
Éditions Karthala 22-24 boulevard Arago 75013 PARIS
Éditions Le Fennec 89b, Boulevard d’Anfa 20060 CASABLANCA
INTRODUCTION
Les aléas du genre
Conflits, négociations, recompositions
LeilaBOUASRIAet Mériam CHEIKH
Du 30 septembre au 2 octobre 2009, l’Université Paris-Diderot accueillait dans ses murs un colloque intitulé « Genre en mouvement. Conflits, négociations, recompositions », organisé par l’équipe 1 FEMMAGH. Cet ouvrage reprend les grandes lignes des débats qui l’ont traversé. Le colloque avait pour objectif d’engager la réflexion autour de la réorganisation des rapports de genre dans le contexte des mutations économiques, sociales et culturelles contemporaines. L’examen de la redéfinition des rôles, des statuts et des positions sociales des femmes et, dans une moindre mesure, des hommes ainsi que de l’agencement et de la fabrique des féminités et masculinités nous engage à repenser les cadres d’analyse du genre. Dans cette perspective, la recomposition des statuts et des identités sexuelles ne peut être pensée sous la seule forme d’une évolution linéaire : en ce sens, les déplacements qui s’opèrent par rapport aux normes ne se limitent pas à des remises en question défini-tives mais relèvent aussi de réinterprétations et de repositionnements.
1. Cette équipe, composée de six jeunes chercheures, s’est constituée en 2006 autour de Michel Peraldi, directeur du Centre Jacques Berque en sciences humaines et sociales (CJB) à Rabat, au Maroc, dans le but de répondre à l’appel d’offre de l’ANR sur le thème « Conflits, guerre(s), violence ». Leur réponse « Mobilités sociales des femmes au Maroc : conflits, négociations et nouveaux rapports sociaux » fut retenue et portée par le Laboratoire méditer-ranéen de sociologie (LAMES), à l’Université de Provence, le Centre Jacques Berque (CJB) et le Centre marocain des sciences sociales (CM2S) de l’Université Hassan II Aïn Chock à Casablanca, au Maroc.
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EXPÉRIENCES DU GENRE
Afin de rendre compte de ces questions et de leurs éclairages concep-tuels, les textes rassemblés ici s’inscrivent dans des directions aussi diverses que celles des recompositions des rapports familiaux; des formes sociales et des espaces des violences ; des mobilités et circulations ; de la citoyenneté, de la participation et des mobilisations politiques ; du travail, de la sphère économique et du marché de l’emploi ; ou encore, des identités sexuelles. Ils relèvent d’une pluralité d’ancrages théoriques, disciplinaires et géographiques. La diversité en termes de perspective fait ressortir d’autant plus clairement le pouvoir du genre, en tant que principe organisateur de la société dans son ensemble (Revillard, Verdalle, 2006), à interpeller toutes les sciences sociales et à remettre en question plusieurs concepts clés (espace, individualisation, travail, famille, conflits, etc.). Les différentes postures théoriques adoptées ainsi que la diversité thématique et spatiale des terrains choisis permettent de contrebalancer certains courants de pensées tout en rappelant leur inévitable ancrage spatio-temporel. Les expériences objectivées par le recueil de témoignages et l’observation – la méthodologie adoptée par l’ensemble des auteurs – sont ici replacées dans leurs contextes d’énon-ciation et ne prétendent à aucune généralisation. Autrement dit, il est primordial de les considérer comme des expériences uniques parmi d’autres qui contribuent à éclaircir notre compréhension des modèles genrés, toujours situés dans une époque, un lieu, une classe sociale (Delphy, 2001 ; Vuilleet al., 2009).
Autonomie,statu quo:et mobilités une interrogation sur la norme sociale
Les travaux présentés questionnent certaines visions du changement ordinairement acceptées, et notamment celle d’une évolution linéaire des sociétés contemporaines vers une émancipation croissante des femmes. Les changements sociaux envisagés dans les contributions ne produisent pas nécessairement une résorption des inégalités entre les sexes et l’asymétrie de départ entre les femmes et les hommes, entre féminin et masculin, persiste souvent, même si elle connaît des changements et une redéfinition. De même que persiste l’idée d’une naturalité des rôles sexués. Le combat conceptuel, qui a été mené pour que la construction sociale des rôles féminins et masculins soit acceptée et intégrée comme arrière-fond de compréhension des inégalités entre les sexes, n’endigue pas la prégnance – métamorphosée – de cette naturalité. Cette posture, soulignons-le, n’est pas réservée à des espaces culturellement situés mais est également présente dans des pays européens tels que la France ou l’Espagne ainsi que le montrent respectivement Emmanuelle Zolesio et Juana Moreno Nieto. Ce préjugé de naturalité qui avance que les femmes
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seraient naturellement prédisposées à certaines tâches ou fonctions apparaît à plusieurs endroits des trajectoires féminines exposées sous les termes, par exemple, de réintégration des rôles traditionnels. Que signifie cette « réintégration » ? Préjuge-t-elle d’un « retour » ou de stratégies ? Si nous sommes face à des stratégies, celles-ci sont-elles toujours synonymes d’autonomisation ? Enfin, si elles démontrent une certaine capacité d’agir féminin, doit-on pour autant faire de cetteagency le synonyme de l’émancipation ou bien celle-ci serait-elle un mouvement où l’action se concrétise toujours au sein de la structure patriarcale ? Cette interrogation sur l’idée de la linéarité du changement a permis de réfléchir sur certaines analogies entre idéologie progressiste et émanci-pation féminine (Merieme Yafout), ou encore entre adhésion féminine dans des associations et rupture avec les normes (Yasmine Berriane), ou bien encore entre identité professionnelle et identité sexuelle (Emmanuelle Zolesio). Cette interrogation ne préjuge pas de la vacuité de telles correspondances mais de leur portée non universelle. Ainsi, ailleurs et au même moment, elles s’établissent avec acuité et montrent combien, par exemple, la constitution d’une culture de la participation citoyenne au féminin crée du changement. Ce changement se lit dans le renforcement des capacités des femmes dans un contexte d’entrée sur le marché du travail globalisé et précaire (Kamala Marius-Gnaou). Il se manifeste dans l’expérience-exploration urbaine via la migration (Juana Moreno Nieto) ou la revendication sociale collective (Charlotte Pujol) qui fournissent des ressources et créent des compétences inédites, provoquant ainsi des alternatives à la projection de soi. Certaines pratiques de femmes envisagées en termes de subversion, de stratégies d’autonomie ou d’agency, lorsqu’elles s’éloignent des normes, sont parfois corrigées, rectifiées mais aussi cachées, dissimulées par le secret et le mensonge. Ainsi, les femmes s’octroient une marge de manœuvre leur permettant de mettre entre parenthèses un renversement et de maintenir l’ordre, mais aussi de résorber la charge agressive ressentie face à de tels renversements. En bref, la norme nécessite une attention renouvelée qui ne la définit pas seulement comme oppressante et en opposition à des pratiques et représentations à contre-courant, mais qui prend aussi en compte son utilisation dans les trajectoires et les réalisa-tions des unes et des autres. Les expériences rapportées par Jérôme Courduriès ouvrent autant de questionnements sur la construction et la performance des identités sexuelles, sur la pertinence de continuer à parler « d’identités sexuelles» alors que celles-ci sont perpétuellement recomposées voire dissoutes dans les interactions. Les rôles traditionnellement assignés à chacun selon le genre dans un couple hétérosexuel sont remis en question dès lors que les hommes en couple doivent prendre en charge des tâches
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EXPÉRIENCES DU GENRE
à connotation féminine. Ce processus de négociation de rôles dans le cadre d’un couple homosexuel devient, de ce fait, un terrain fertile ou les masculinités en recomposition se prêtent à l’analyse. Cela dit, l’analyse des représentations relatives au genre au sein d’un couple d’hommes remet en question le postulat liant, de manière systé-matique, la division des tâches domestiques ainsi que les discours qui l’accompagnent, à l’appartenance à deux sexes physiologiques dans un couple hétérosexuel. Dit autrement, la persistance d’une assignation différentielle des tâches, même dans un couple composé de deux hommes, met en lumière le genre en tant que « propriété collective » où se reflètent les mécanismes sociaux qui régissent les effets de la variable sexe différemment selon les contextes. En bref, le féminin et le masculin se construisent continuellement dans le cadre de négociations entre, d’une part, les dispositions acquises qui, certes, influencent fortement les représentations relatives au genre et, d’autre part, les injonctions liées à une organisation spécifique relative à la mise en acte d’une conju-galité homosexuelle par exemple. De ce point de vue, il est important d’amorcer l’analyse à partir de plusieurs unités d’observation, tout en évitant de les considérer comme des lieux précurseurs de changements ou les derniers bastions des normes dites traditionnelles.
Au-delà des dichotomies et des rigidités conceptuelles
Les auteurs de cet ouvrage prennent leurs distances quant aux processus de catégorisation binaire. La variété des situations sociales décrites constitue un avantage de choix dans cette entreprise, qu’il s’agisse des modes d’organisation formels et officiels des femmes dans la sphère publique (associations, partis politiques…), des modes d’intervention et d’appropriation d’espaces qui pourraient être qualifiés d’interstitiels, d’informels ou de difficilement décelables en raison du caractère « non officiel » et « légitime » des activités qui s’y déroulent (actions collectives, consommation communautaire, prise de drogue), ou encore de lieux de production d’un discours jurisprudentiel statuant sur des pratiques sexuelles transgressives (tels qu’exposés par Sandra Houot, avec la pratique de lafatwa). Les descriptions nuancées proposées par les contributeurs de l’ouvrage favorisent la mise en évidence des lieux d’interpellation des normes et des éléments qui préjugent de leur fragilité, et font apparaître les ressorts des négociations qui les caractérisent. On pourra donc apprécier, dans les articles édités ici, la finesse d’ethnographies scrutant au plus près les réalités sociales dans leur complexité, s’éloignant ainsi des oppositions duales – entre sujet et objet ; public et privé ; subordination et autonomie, Nord et Sud… qui structurent encore trop fortement le regard sur les
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femmes, et notamment celles du Tiers-monde. Non seulement celles-ci ne peuvent plus être vues comme un tout homogène (Mohanty, 2003), mais leurs vies, leurs pratiques, leurs réalités contextualisées mettent également en relief l’asymétrie des positions sociales de chacune, tout autant que l’asymétrie de leurs résistances. Déconstruire les schémas de réflexion binaire permet de décliner, à différents degrés, l’affranchissement, le contournement et la transgression de la norme. Dans l’article de Sandra Houot, la «fatwa» en tant que « lieu d’interpellation de normes culturelles » offre l’occasion d’une remise en question de la norme dans un cadre « hétérocentré » jugéa prioririgide et immuable. Par safatwa, le mufti (jurisconsulte) contourne ce qui constitue de prime abord une règle intangible (l’hétérosexualité) afin de répondre à la spécificité d’une situation délicate, tout en préservant l’intégration sociale de l’individu transgresseur, garante du maintien de l’ordre social (quitte à ce que soit autorisé le changement de sexe dans le cas d’un individu de sexe masculin se sentant de genre féminin). En ce sens, l’inévitable axiome de la porosité des limites catégorielles s’impose au regard et à l’analyse. Cette prise en compte rappelle qu’il existe une diversité de modèles de négociations des normes. Ces modèles ne renvoient pas à une pluralité de modes d’organisation ou d’univers sociaux mais plutôt à la multiplicité des dispositions (selon le contexte) qui caractérisent l’individu. Un individu qu’il convient de considérer comme « pluriel » et dont l’ensemble des pratiques est irréductible à « un principe générateur » (Lahire, 2005). La pluridisciplinarité et la diversité des sujets a permis de conserver l’une de nos préoccupations transversales consistant à croiser les questionnements portant sur les institutions de la famille et du travail. Par exemple, concernant la famille, certaines contributions ont mentionné son instabilité ainsi que la production ou reproduction en son sein des inégalités de positions renforcées par l’atténuation ou l’inexistence d’une solidarité pourtant estimée comme allant de soi (naturelle) parce que familiale (Zelizer, 2010). Quant au travail, nous remarquons que l’action associative « par le haut », créant un collectif féminin, ne converge pas forcément vers une action collective solidaire cherchant l’amélioration de conditions professionnelles précaires. Ici, la solidarité a à voir étroi-tement avec le déploiement et les métamorphoses de l’individualisation et de l’individualisme travaillés autant que travaillant les métropoles. Enfin, parce que de nombreuses contributions concernent des pays dits en développement, elles questionnent la pertinence et la légitimité de concepts culturalistes territorialisant des aspects de la vie sociale des femmes, qu’il convient au contraire de déterritorialiser en étant au plus près des contextes indépendamment d’un espace d’appartenance nationale ou religieuse (Abu-Lughod, 1991 ; Ferrié, 1991).
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