État, individus et réseaux dans les migrations africaines , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2004

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845865961

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Luc Sindjoun
État, individus et réseaux dans les migrations africaines
KARTHALA
ÉTAT, INDIVIDUS ET DANS LES MIGRATIONS
RÉSEAUX AFRICAINES
Ce dictionnaire est publié avec le concours de l¿Agence intergouvernementale de la Francophonie
Les noms de lieux ou de personnes et leurs orthographes, les jugements de valeurs sur les hommes et les faits, les opinions, constatations, interprétations et conclusions exprimées dans cet ouvrage sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l¿Agence inter-gouvernementale de la Francophonie ou des pairs qui en sont membres. Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n¿impliquent de la part de l¿Agence, aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites. L¿Agence ne garantit pas l¿exactitude des données figurant dans la présente publication et n¿accepte aucune responsabilité quant aux conséquences de leur utilisation.
Éditions KARTHALA, 2004 ISBN : 2-84586-596-1
SOUS LA DIRECTION DE Luc Sindjoun
État, individus et réseaux dans les migrations africaines
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Éléments et des
INTRODUCTION
d’analyse relationnelle transactions entre État
des migrations et individu
Luc SINDJOUN
L’une des plus grandes réussites symboliques et pratiques de l’État est constituée par l’imposition et l’acceptation de la sédentarité ou de l’identification rigide ou flexible à un point d’ancrage comme normes d’appréciation du groupe et des individus. Suivant l’entendement classique de la science politique, plus précisément des relations internationales, sans sédentarité de la population, il n’existe pas d’État en tant que groupement permanent. La notion d’État est consub-stantiellement liée à l’idéologie de la clôture définie en termes de circonscription d’un territoire, de détermination d’une population. Il n’y a pas d’État sans projet de fixation d’une population dans un cadre territorial précis. L’État en tant que domination institutionnalisée (Weber, 1995, I : 291-296) va de pair avec l’institutionnalisation d’une collectivité humaine par et dans la sédentarité notamment. En fait, l’État comme projet de sédentarité n’a jamais totalement réussi tant les dynamiques migratoires sont une donnée constante de la vie des groupes et des individus. L’idéologie du droit naturel telle qu’elle apparaît dans l’œuvre de Grotius délégitime l’État dans son entreprise de contrôle du mouvement des personnes (voir à ce propos la contribution de Léopold Donfack Sokeng) ; l’idéalisation de l’Afrique précoloniale, sous la forme de continent de migrations et de liberté d’aller et venir, fonde le rejet de l’État postcolonial : celui-ci est présenté comme une institution importée incompatible avec les cultures de nomadisme et de cosmopolitisme (voir, à ce propos, les contributions de Patrice Bigombe Logo et de André-Marie Yinda Yinda). Toutefois, il reste que si l’on convient avec Max Weber que l’État est un groupement permanent, alors il faut envisager sérieusement l’hypothèse non seulement de la sédentarité, mais aussi de
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LES MIGRATIONS AFRICAINES
l’identité. Tout « groupement permanent » tend (difficilement) à persévérer dans son être ; dans le cas d’espèce, cela implique non seulement la sédentarité en particulier, mais le rapport à l’autre en général : d’où le contrôle des entrées et des sorties du territoire comme modalité de préservation et de manifestation d’une identité imaginaire (voir, à ce propos, la contribution de Pascal Déjoli Mbogning). L’imaginaire sédentaire de l’État est en « crise » ; cette crise est aggravée par la globalisation (Appadurai, 2001). En fait, l’État comme institution de mise à distance de l’autre, de séparation eux/nous, a toujours été défié par les migrations. Les mouvements clandestins de personnes contribuent à mettre en échec, dans une certaine mesure, l’État dans son rêve de « surveiller » les frontières, de « punir » les migrants hors la loi. Les migrations affectent l’État-nation comme mythe de légitimation de l’État contemporain ; en effet, elles renforcent l’hétérogénéité de la population et brouillent les repères de distinction eux/nous : l’État comme marqueur identitaire est déstabilisé car les cultures de l’autre s’ancrent dans le cadre national (voir, à ce propos, les contributions de Mathias Éric Owona Nguini, Blaise-Jacques Nkene et Yves Alexandre Chouala). Ce qui, dans la doxa postmoderne (Appadurai, 2001) est valable pour le monde en général l’est aussi pour l’Afrique en particulier. Ici, au discours de la crise de l’imaginaire sédentaire de l’État s’ajoute la tradition de mise en forme de l’échec de l’État en Afrique (Badie, 1992 ; Sindjoun, 2002a). Les recherches proposées dans cet ouvrage se fondent sur une approche compréhensive et réaliste des États africains à l’épreuve des migrations. Dans le cadre du GRAPS (Groupe de recherches administratives politiques et sociales), il a semblé important de rompre avec les dichotomies instituées : d’un côté le nationalisme, de l’autre le cosmopolitisme ; d’un côté le réalisme, de l’autre le transnationalisme. Commençons par évoquer une évidence qui relève de l’observation : l’État en tant que projet de fixation de la population n’exclut pas le mouvement des personnes. Les migrants, forcés ou volontaires, demeurent rattachés, dans une certaine mesure, à leur État d’origine par diverses modalités telles que l’identité nationale ou ethnique, la socialisation « nationale » dans les réseaux des semblables, les catégories de perception dans l’État d’accueil ou d’installation. En d’autres termes, le mouvement des personnes n’implique pas la fin du primordialisme constitué par la relation subjective ou imaginaire à l’État d’origine. Dans le même ordre d’idées, la revendication ou l’exaltation du rattachement à un point idéalisé comme étant un point fixe n’est pas incompatible avec le cosmopolitisme ; c’est notamment le cas des migrants igbo au Cameroun qui sont à la fois individualistes et communautaristes, localistes, nationalistes et cosmopolites en fonction des circonstances et des intérêts en présence (voir, à ce sujet, lire la contribution de Blaise Nkene). Cet ouvrage est fondé sur l’hypothèse d’un continuum
INTRODUCTION
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dynamique entre sédentarité et nomadisme, entre individualisme et communautarisme, entre localisme, nationalisme et cosmopolitisme. À partir des cas des migrations dans le golfe de Guinée, nous montrons que l’hypothèse de re-territorialisation des groupes immigrés doit être prise au sérieux dans le cadre d’une sociologie compréhensive, réaliste et réflexive de l’État et de la circulation des personnes (Sindjoun, 1999). Étant entendu que l’enjeu de connaissance n’est pas de passer de la pulsion « statocide » du discours de A. Appadurai (2001) sur les migrations, version « statolâtre » de l’analyse du mouvement des personnes. Nos recherches antérieures nous ont amené à constater que la littérature dominante (Sindjoun, 2002a et 2002b) avait minoré l’État en Afrique comme fabricant d’images, de discours faisant sens aux yeux de ses ressortissants et comme pôle d’investissement de sentiments, de rêves. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de renouer avec une vision fétichiste d’État, mais d’appréhender les effets du fétichisme d’État dans le cadre des migrations sans préjudice des logiques individuelles et communautaristes. À partir d’une sociologie compréhensive, réaliste et réflexive, les travaux de notre équipe de recherche font ressortir, de manière fine et complexe, la double interaction migrations-États, migrations-individus.
L’interaction
migrations-États
On ne peut pas valablement envisager une sociologie des migrations contemporaines en Afrique sans prendre en considération l’État comme cadre effectif ou virtuel d’organisation de l’espace. Que le contrôle étatique des entrées et des sorties du territoire soit effectif ou pas, toujours est-il que c’est par rapport aux catégories officielles d’appréciation que les migrations font sens suivant qu’elles sont légitimes ou clandestines. Bien plus, c’est parce qu’il y a un découpage étatique de l’espace que la migration devient significative en tant que déplacement d’un point x vers un point y. À cet effet, la contribution de Lydie Ella Meye est particulièrement intéressante ; elle montre comment en dépit du transnationalisme communautaire en termes de partage de la culture pahouine entre le Gabon, le Cameroun et la Guinée-Équatoriale (voir aussi la contribution de Louis-Marie M. Nkoum-Me-Ntseny), la frontière institue une véritable distance psychologique culturelle et symbolique entre les populations. C’est l’illustration de l’État comme institution de mise à distance, de dramatisation de la migration légitime ou clandestine (Wilson et Donnan, 1998). Le rapport de la migration à l’État est problématique.
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LES MIGRATIONS AFRICAINES
Le discours à la mode dans le domaine de l’étude des migrations va dans le sens de « la fin de l’État », « la fin des territoires » (Badie, 1995). Les migrations sont présentées comme participant de l’illustration patente de l’érosion de la souveraineté territoriale de l’État. C’est une thèse qui s’appuie sur des faits probants à l’échelle du golfe de Guinée. – Les migrations du Nigeria vers le Cameroun (contribution de Blaise Nkene), du Cameroun vers le Gabon et la Guinée-Équatoriale (voir les contributions de Louis-Marie M. Nkoum-Me-Ntseny, Yves Alexandre Chouala et Lydie Ella Meye) sont en partie marquées du sceau de la clandestinité, de l’illégalité. Elles révèlent la porosité des frontières du fait de la faible présence de l’État et de la corruption des agents en charge de l’émigration et de l’immigration. En fait, les migrations clandestines en tant que flux transnationaux ne renvoient pas exclusivement au franchissement illégal de la frontière sans être vu ou repéré par les agents officiels (c’est-à-dire à des pratiques de contournement de l’État à travers la dissimulation) ; elles sont aussi constituées par les logiques d’instrumentalisation patrimoniale des agents de l’État en poste aux frontières. Dès lors que ceux-ci sont corrompus, il en découle une patrimonialisation de la souveraineté territoriale. – Les migrations « contraintes » renvoient à une figure particulière de migrants, celle des réfugiés (voir la contribution de Martin D. Ebolo). Elles constituent un véritable défi à l’État d’origine. Dans cet ouvrage, à partir de l’exemple des réfugiés hutu du Rwanda et du Burundi installés au Cameroun, il apparaît que le déplacement massif des populations fuyant leur pays du fait de leur origine ethnique « hutu » remet en cause, dans une certaine mesure, la légitimité de l’État du Rwanda et du Burundi, la prétention des dirigeants à représenter une communauté nationale. C’est la crise du rapport d’identification entre l’État et la population des nationaux. Dans la plupart des cas, comme le montre Martin D. Ebolo, l’entrée des réfugiés rwandais et burundais s’effectue au Cameroun de manière clandestine. Leur présence est subie ou tolérée par l’État d’accueil. Elle échappe aux catégories classiques de la communauté interétatique telles que établies par le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). En effet, l’attribution de l’identité de réfugié aux Rwandais et Burundais installés au Cameroun n’est pas monopolisée par le HCR ; d’autres acteurs tels que l’Église catholique, les organisations non gouvernementales interviennent et créent par là même une multiplicité des sources de recensement des réfugiés. – Les migrations transcommunautaires des Pygmées baka et aka du Cameroun, de la République centrafricaine et du Congo relèvent d’une logique des populations nomades ayant une culture de l’espace qui transgresse les frontières des États. Ici, la notion
INTRODUCTION
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classique de transcendantalisme, généralement utilisée pour marquer le contournement des frontières étatiques, ne semble pas pertinente ; car le transnationalisme suppose, au départ, la séparation des entités étatiques : or, dans le cas d’espèce, les Pygmées semblent, dans une large mesure, ignorer l’existence des États, la démarcation des frontières (voir, à ce sujet, la contribution de Patrice Bigombe Logo).
La présence et le rôle de l’État dans les dynamiques migratoires sont des dimensions qui ressortent de la plupart des articles de l’ouvrage. En fait, il faut repenser le concept du flux transnational généralement utilisé pour rendre compte des migrations (Risse-Kappen, 1995 : 7-13). La mise en forme dichotomique des relations internationales tend généralement à opposer l’État aux acteurs transnationaux en droite ligne du débat réalisme-idéalisme (Crawford, 2000 ; Sindjoun, 2001b : 31-50). C’est un dualisme qui n’a pas plus de fécondité heuristique que la dichotomie « État-société civile ». Le principal mérite du paradigme transnational est de faire ressortir le rôle des acteurs non étatiques, la relativité de la souveraineté étatique (Risse-Kappen, 1995). Toutefois, en vue d’une analyse concrète de la réalité, il importe de saisir l’interdépendance entre État et acteurs transnationaux dans les relations internationales (Krasner, 1995 : 257-279). D’où l’intérêt du recours à une sociologie relationnelle des migrations pour comprendre le rôle de l’État. – L’État, tout en s’affirmant dans sa vocation sédentaire comme entité géopolitique située, contrôle le mouvement. La migration, dans la double dimension des entrées et des sorties du territoire est l’objet d’une politique publique nationale et communautaire ou interétatique (voir les contributions de Pascal Déjoli Mbogning, Yves Alexandre Chouala, Léopold Donfack Sokeng et Lydie Ella Meye). Même si on peut douter de la capacité des États du Cameroun, du Gabon, de la Guinée-Équatoriale à contrôler leurs frontières à maîtriser les flux migratoires, toujours est-il qu’ils parviennent à instituer les cadres à partir desquels les migrations sont jugées suivant qu’elles sont légitimes ou non. Ces cadres produisent des effets concrets dans la vie du migrant suivant qu’il est clandestin ou non. De même, il est intéressant de souligner l’importance du rite étatique du passage officiel de la frontière : la mise à distance du migrant par les agents de la police des frontières, l’autorisation ou le refus de sortir du territoire ou d’y entrer (voir les contributions de Lydie Ella Meye et de Pascal D. Mbogning). Le passage de la frontière est organisé sous la forme d’un rituel de dramatisation de la sortie du territoire ou de l’entrée dans le territoire. Comme c’est généralement le cas dans tout rituel, la lenteur, la répétition et la solennité mettent à l’épreuve la patience et l’humilité. C’est cette expérience que Kumar qualifie de
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