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Publié par
Nombre de lectures
8
EAN13
9782889304691
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
La Suisse est un pays multilingue. Qu’en est-il de sa population ? Toutes et tous bilingues ? Selon les chiffres que l’on consulte, on pourra croire que les plurilingues sont environ 18%... ou 64% !
Depuis le XIXe siècle, la Suisse mobilise la statistique pour gouverner les communautés linguistiques, voire pour mesurer – discrètement – l’intégration des populations (suisses comme étrangères). En tant qu’outil de gestion du plurilinguisme, la statistique est aujourd’hui encore régulièrement citée lors de débats politiques sensibles.
Dans une analyse fine des pratiques sociales et linguistiques, menée dans les coulisses de la statistique officielle, l’auteur explore les tensions et contradictions qui animent le processus de quantification. Il n’étudie pas la validité des chiffres, mais les idées sur les langues et dialectes, ainsi que leur impact sur les comportements d’acteurs et institutions qui agissent à différentes étapes de la production statistique.
On y rencontre des individus d’habitude invisibles : statisticien·ne·s, linguistes, chercheuses et chercheurs, responsables institutionnel·le·s, enquêtrices et enquêteurs-téléphonistes, répondant·e·s... Autant de locuteurs et locutrices qui se demandent s’ils sont monolingues, bilingues ou plurilingues, et cherchent à estimer la valeur symbolique ou matérielle de ces pratiques linguistiques.
Un ouvrage de sociolinguistique qui intéressera aussi bien les spécialistes des sciences humaines et sociales que toute personne s’interrogeant sur le rôle et la place des langues et dialectes dans la société.
Publié par
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8
EAN13
9782889304691
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2022
Rue du Tertre 10
2000 Neuchâtel
Suisse
www.alphil.ch
Alphil Diffusion
Commande@alphil.ch
DOI : 10.33055/ALPHIL.03209
ISBN papier : 978-2-88930-467-7
ISBN PDF : 978-2-88930-468-4
ISBN Epub : 978-2-88930-469-1
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
Illustration de couverture : Linguis...matique . Jean-Pierre Humbert, technique mixte (2022/1989)
Responsable d’édition : François Lapeyronie
Za Milku i Žan-Pjera
À Milka et Jean-Pierre
Remerciements
L a thèse de doctorat dont est issu ce livre est le fruit de plus de cinq années de rencontres et d’échanges passionnants. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation. Un immense merci à Alexandre Duchêne pour son suivi assidu. Par ses conseils, ses défis, son écoute, son soutien moral, son enthousiasme et son exigence intellectuelle, il a su créer les conditions propices aux analyses et à la rédaction de cette étude. Je tiens aussi à remercier Renata Coray avec qui j’ai eu le privilège de partager tout le travail ethnographique collectif au quotidien durant le projet de recherche. Je remercie chaleureusement les collaborateurs et collaboratrices de l’OFS (dont je ne peux malheureusement pas citer les noms, mais ils et elles se reconnaîtront) pour leurs précieux conseils, leur disponibilité et leur générosité. Je remercie aussi les employés et la direction de « l’Institut de recherche sociale » (SFI) pour leur accueil et leur collaboration. Un grand merci aux neuf experts et expertes anonymes qui ont pris le temps de me recevoir et de répondre à mes questions. Je remercie encore les dix collaboratrices et collaborateurs avec qui j’ai eu la chance de travailler durant différentes étapes du projet de recherche : Vera Prosdocimo, Julia Valle, Yohan Bühler, Barbla Etter, Bettina Blatter, Laura Hodel, Christopher Huguenin, Judith Berger, Mirjam Andexlinger et Francesco Screti.
Cette étude a bénéficié d’un soutien Doc.Mobility du Fonds national suisse de la recherche scientifique (n° 181377). Grâce à cette bourse, j’ai pu rédiger durant six mois la première version de ma thèse dans des conditions idéales à l’Universidad Autónoma de Madrid. Un grand merci à Luisa Martín Rojo pour son accueil exceptionnel à Madrid, notamment au sein du groupe MiRCO. Je remercie également Júlia Llompart, Jacqueline Urla et Jennifer Leeman pour nos échanges enrichissants. Merci aussi à l’Institut de plurilinguisme de Fribourg d’avoir aménagé des espaces pour la réalisation de la thèse. C’est en ces lieux que le plus gros du travail a été accompli et c’est aussi grâce au soutien moral et intellectuel de mes compagnon·ne·s de doctorat que j’ai tenu le cap. Je remercie tout particulièrement Zorana Sokolovska pour son support technique et moral du début à la fin. Je remercie également les sociolinguistes, linguistes et autres artistes satellitaires ou constitutifs de l’Institut. Merci aussi à Daniel Elmiger et Anita Thomas pour leur flexibilité et leur soutien à des moments spécifiques de cette thèse.
Les commentaires du jury ont contribué à améliorer la qualité du livre que vous tenez dans les mains. Mes sincères remerciements à Alexandre Duchêne, Luisa Martín Rojo et Bruno Maurer pour avoir lu et mis ma thèse à l’épreuve!
Un grand merci à ma chère relectrice et à mes chers relecteurs ! En plus de m’encourager, ils ont pris le temps de relire des chapitres : Alain Guerry, Tibère Schweizer, Alessio Christen, Emeline Beckmann et Yves Berset. Je remercie chaleureusement aussi les éditions Alphil pour l’excellent travail éditorial dans toutes les étapes de la production de ce livre.
Last but not least , je remercie mes parents pour leur soutien, leur bienveillance et leurs encouragements. Merci à mes frères, mes neveux et ma nièce ainsi que ma belle-famille du Tessin pour leur intérêt (et leur inquiétude ?) dans cette entreprise un peu folle de doctorat. L’expression de ma profonde gratitude va à Christine Reber pour sa patience, sa tendresse, son humour, sa perspicacité et son soutien inconditionnel, dans les meilleurs moments comme dans les pires. Merci aussi à Paul et Gabriel pour leur soutien moral et affectif… de jour comme de nuit.
Glossaire des abréviations
Acronymes concernant des éléments anonymisés dans la recherche
SFI A/B/C
nom fictif de l’institut de sondage ( S ozial f orschungs i nstitut). Les lettres renvoient à leur situation géographique dans une région linguistique : A = Suisse francophone, B = Suisse germanophone, C = Suisse italophone.
AE/AS
enquêteur/superviseur en Suisse romande (A)
BE/BS
enquêteur/superviseur en Suisse alémanique (B)
CE/CS
enquêteur/superviseur en Suisse italophone (C)
AVC/AC
vice-chef/chef en Suisse romande (A)
BVC/BC
vice-chef/chef en Suisse alémanique (B)
CVC/CC
vice-chef/chef en Suisse italophone (C)
PC/ZP/PT
personne cible/Zielperson/persona targa
Acronymes d’institutions publiques et d’éléments récurrents
BCMS
Bosniaque, croate, monténégrin, serbe
CATI
Computer-assisted telephone interview
CECR
Cadre européen commun de référence pour les langues
CORSTAT
Conférence suisse des offices régionaux de statistique
CSP
Centre scientifique de compétence sur le plurilinguisme
DFI
Département fédéral de l’Intérieur
ELRC
Enquête sur la langue, la religion et la culture
GA
Groupe d’accompagnement
ODM
Office fédéral des migrations
OFC
Office fédéral de la culture
OFIAMT
Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail
OFS
Office fédéral de la statistique
OLSI
Osservatorio linguistico della Svizzera italiana (Observatoire linguistique de la Suisse italienne)
PNR
Plan national de recherche
POL
Comité de pilotage
RFP
Recensement fédéral de la population
RS
Relevé structurel
SECO
Secrétariat d’État à l’économie
SEM
Secrétariat d’État aux migrations
USTAT
Office cantonal de la statistique du Tessin
Introduction
Pour une exploration des coulisses de la quantification des langues
1. Des nombres qui façonnent notre expérience de la réalité sociale et linguistique
Les nombres sont partout. Ils déterminent la manière dont nous voyons le monde, conditionnent nos opinions et nos comportements en société, au point que nous cherchons parfois à agir sur eux afin d’en moduler le sens ou les atours. En naviguant sur internet, on trouve ainsi des statistiques sur tout, même sur des phénomènes aussi subjectifs que le « bonheur ». Considérés comme des baromètres objectifs, comme le résultat d’instruments de mesure scientifiques capables de saisir tous les aspects de la société, les nombres sont arrangés sous forme de tableaux statistiques, de diagrammes, de cartes ou d’infographies colorées. Les données statistiques ont quelque chose de « séduisant », pour reprendre le terme utilisé par Merry (2016) ; elles permettent de représenter un phénomène de société souvent fort complexe en un instantané de nombres que tous comprennent plus ou moins facilement. Les mêmes qui les critiquent pour leur manque de finesse et leur reprochent de ne pas véritablement représenter la complexité de la réalité recourent tout de même aux nombres pour se faire une idée d’un sujet ou évaluer l’ampleur d’un problème, voire contester la valeur des données chiffrées à l’aide d’autres données. Derrière chaque statistique on trouve un raisonnement propre à ses consommateurs et à ses producteurs, mais aussi une volonté de transformer notre vision du monde et d’agir sur une réalité sociale, voire linguistique.
En Suisse, la statistique des langues est emblématique d’une certaine image de la nation. Depuis plus de 150 ans, la statistique officielle des langues parlées par la population est utilisée pour dessiner les contours des territoires linguistiques, comme sur la carte de 1881 (voir figure 1 ci-après). Malgré des variations graphiques plus ou moins importantes (Humbert, 2018), jusqu’en 2000, il est aisé d’identifier les territoires linguistiques et les zones frontières entre les locuteurs.