Acculturation syncrétisme métissage créolisation Amérique, Océanie XVIe -XIXe s. , livre ebook

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Date de parution

01 mars 2008

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845869950

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Dossier dirigé par Philippe Delisle
Trimestriel Mars 2008
5
HRÉTIENNES C
Acculturation ISSIONS syncrétisme M métissage &créolisation
Amérique, Océanie e e XVI-XIXs.
La Société des Missions Évangéliques de Paris au Sénégal, 1863-1867 Les prêtresFidei Donum: l’exemple français Colonisation-Évangélisation : conclusions d’un colloque en Sorbonne In MemoriamLeny Lagerwerf Histoire
Histoire&Missions Chrétiennes
La revueHistoireChrétiennes& Missions est publiée par l’Association des chercheurs de la revue « Histoire et Missions Chrétiennes ». Président : Claude PRUDHOMME; Vice-président : Jean-François ZORN; secrétaire général : Paul COULON; trésorier : Philippe DELISLE. L’association est domiciliée 18 rue Chevreul 69362 LYONCedex 07, dans le cadre de l’équipe RESEA du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (UMR 5190). Avec le concours du Centre national du Livre. Rédaction :C Paul OULON; Philippe D(rédacteur en chef) ELISLE(rédacteur en chef adjoint) ; Catherine MARIN(chargée des recensions). Histoire& Missions Chrétiennesune revue à comité de lecture. Tous les est articles sont soumis à évaluation auprès de deux spécialistes en plus de la rédaction. Les manuscrits doivent parvenir de préférence en français. Des recommandations aux auteurs figurent dans chaque numéro. Comité de lecture : A. BARTC. B(Bordeaux 3) ; AZINB(Archives FMM, Roma, Italia) ; R. ONFILS (Archives S.J., France) ; P. BRASSEUR(Paris, EHESS) ; N. BUONASORTE(Modena e Reggio d’Emilia, Italia) ; G. BUTTURINI(Padova, Italia) ; C. de CASTELNAU L’ESTOILE(Paris X-Nanterre) ; J.-C. CEILLIER(Centre d’Histoire MAfr/PB, Lyon) ; L. CODIGNOLA(Genova, Italia) ; J. COMBY(Facultés catholiques, Lyon) ; M. CHEZA (UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; S. CURTIS(San Francisco State University, USA) ; D. DESLANDRES(Université de Montréal, Canada) ; É. DUFOURCQ(Institut catholique de Paris) ; P. ÈVE(Université de La Réunion) ; S. EYEZOO(Yaoundé I/ ENS, Cameroun) ; J. GADILLE(Lyon 3) ; D. GARDINIER(Marquette University, USA) ; B. HOURS(Lyon 3) ; Y. KRUMENACKERP. L(Lyon 3) ; ABURTHE-TOLRA (Sorbonne/Paris 5) ; C. LAUX(Bordeaux 3) ; O. LOLOM;(Archives OPM, Lyon) C. MARIN(Institut catholique de Paris/GRIEM) ; P. M. MARTIN(Indiana University, USA) ; A. MELLONI;(Istituto per le Scienze religiose, Bologna, Italia) G. MOUSSAY(Archives MEP, Paris) ; I. NDAYWEL(Université de Kinshasa, R. D. Congo) ; J.-M. NDI-OKALLA(Bonn, Allemagne ; Yaoundé, Cameroun) ; F. NOLAN (Centre d’Histoire MAfr/PB, Grande-Bretagne) ; I. PAGE(Archives MAfr/PB, Roma, Italia) ; J. PIROTTEP; G. (UCL/Louvain-La-Neuve, Belgique) IZZORUSSO (Roma/Chieti, Italia) ; C. PRUDHOMME(Lyon 2) ; C.-R. RATONGAVAO(Institut catholique d’Ambatoraka, Madagascar) ; B. RIGAL-CELLARD(Bordeaux 3) ; O. SAAÏDIA(IUFM/Strasbourg) ; O. SERVAIS(UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; A. SHORTER(Centre d’Histoire MAfr/PB, London, Grande-Bretagne) ; R. SIMONATO(Summaga di Portogruaro, Venezia, Italia) ; M. SOMÉ(Université de Ouagadougou, Burkina Faso) ; M. SPINDLER(Universités de Leyde et d’Utrecht, Pays-Bas ; Bordeaux) ; A. TRANVANTOANP. T(Lille) ; RICHET(Archives de la Société des Missions Africaines, Roma, Italia) ; M.-C. VARACHAUD(CNRS, Paris) ; G. VIEIRAZ; L. (Archives spiritaines, Chevilly-Larue) ERBINI(Lyon 2) ; J.-F. ZORN(Institut Protestant de Théologie, Montpellier). Coordonnées de la rédaction : Adresse postale: Éditions Karthala, 22-24 boulevard Arago, 75013 PARIS Tél.-Répondeur/Fax: 01.41.80.92.44 ;E-mail :<revue.hmc@dbmail.com> Maquette de couverture : Grafy’ Création. Maquette intérieure et mise en pages : Bärbel Mullbacher. ISSN : 1957-5246 le numéro : 18e
Paul COULON
Philippe DELISLE
Pierre RAGON
Nadine BELIGAND
Philippe DELISLE
Olivier SERVAIS
Claire LAUX
Céline BADIANE-LABRUNE
Olivier LANDRON
3
9 15
37
65
85
105
121
125
153
L i m i n a i r e
Sur un «gros mot» qui ne figure pas sur la couverture: inculturation
D o s s i e r
N° 5
M A R S 2 0 0 8
Acculturation, syncrétisme, métissage, créolisation : e e Amérique, OcéanieXVI-XIXsiècles
Introduction au Dossier Entre religion métisse et christianisme baroque: e e les catholicités mexicainesXVI-XVIIIsiècles
Des animaux, des hommes et des dieux: la figure du taureau et les Indiens de Nouvelle-Espagne Christianisation et sentiment religieux aux Antilles e françaises auXIXsiècle: assimilation, survivances africaines, créolisation? Identités amérindiennes et bricolage symbolique: le cas des missions jésuites auprès des Amérindiens e ojibwa auXIXsiècle Acculturation et syncrétisme: la rencontre des approches ethnologique et historique dans le cas océanien Résumés /Summariesdu dossier
V a r i a
La Société des Missions Évangéliques de Paris en Casamance (Sénégal), 1863-1867. Sédhiou, un laboratoire du protestantisme dans une colonie française? Les prêtresFidei Donum: l’exemple français
S O M M A I R E
Alois GREILER
Claude PRUDHOMME
Marc SPINDLER
François KAWAS
Stefaan MINNAERT
Jean-Pierre CHRÉTIEN
Jean GILIBERT
Lakétienkoia Étienne DAMOME
Gilles VANGRASDORF
Jean-Michel WASQUEZ
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177
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198
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C h r o n i q u e s
«Les débuts du catholicisme en Océanie»: conférence internationale de Suva, 2007, sur «Colin, les premiers Maristes et la fondation de l’Église catholique en Océanie» «Colonisation-Évangélisation: les relations entre les pouvoirs coloniaux, les pouvoirs locaux et les missions, des Grandes Découvertes à la décolonisation». Colloque en Sorbonne des 13-14-15 décembre 2007 In MemoriamLeny Lagerwerf (Delft 14-01-1935 / Leiden 12-11-2007)
L e c t u r e s
e e L’histoire des jésuites en Haïti auXVIIIetXIXsiècles (1704-1763/1953-1964) Ouvrage lu par Philippe Delisle Premier voyage de Mgr Hirth au Rwanda: novembre 1899-février 1900. Contribution à l’étude de la fondation de l’Église catholique au Rwanda Ouvrage lu par Paul Rutayisire Burundi 1972. Au bord des génocides Ouvrage lu par Alain Cazenave-Piarrot Un voyage sans retour. De l’Aubrac à la Nouvelle-Calédonie. Journal de Jean Gilibert (1818-1891) Ouvrage lu par Claire Laux Radios et religions en Afrique: information, communication et/ou prosélytisme? Analyse comparée des cas du Bénin, du Burkina-Faso, du Ghana et du Togo Thèse lue par le CEMIC La belle histoire des Missions étrangères, 1658-2008 Ouvrage lu par Catherine Marin Une cartographie missionnaire. L’Afrique de l’exploration à l’appropriation au nom du Christ et de la science (1870-années 1930) Thèse lue par Philippe Delisle
N° 5
M A R S 2 0 0 8 l i m i n a i r e
Sur un « gros mot » qui ne figure pas sur la couverture : inculturation
PA U L C O U L O N
VOIR LA LISTE DES«GROS MOTS» s’étalant sur la page de couver-À ture de ce cinquième numéro deHMC(au fait, nous avons un an: Bon anniversaire!), certains de nos lecteurs ont peut-être eu un léger mouvement de recul… Eh bien! poussons l’audace jusqu’à ajouter à cette liste un autre «gros mot», devenu tellement courant depuis une trentaine d’années qu’on risque de l’employer à tort et à travers: celui d’inculturation. Si Philippe Delisle introduit plus loin le dossier lui-même – qu’il a dirigé –, je voudrais faire état ici, à propos de l’inculturation du christianisme, de quelques considérations suggérées par l’actualité. Elles ont d’ailleurs un rapport très étroit avec la démarche même de notre revue, et avec le contenu de ce numéro dont il n’y a aucune raison d’avoir peur, même si l’élégant pas de deux entre l’histoire missionnaire et l’anthro-pologie demande parfois une attention un peu plus soutenue…
L e s j é s u i t e s e t l a m i s s i o n
De janvier à mars de cette année, la Compagnie de Jésus a tenu sa e 35 congrégation générale pour se donner un nouveau préposé général et redéfinir ses priorités apostoliques. Or il est intéressant de se rappeler que le motmissionau sens que nous lui donnons aujourd’hui quand nous parlons des «missions chrétiennes» – à savoir l’envoi à l’extérieur des pays traditionnellement chrétiens d’ouvriers apostoliques chargés d’annoncer le message évangélique et de fonder de nouvelles communau-tés chrétiennes – nous vient directement des jésuites: il se réfère, en effet, à «un des vœux prononcés par les jésuites […] levotum de missionibus,
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PA U L C O U L O N
4
1 la disponibilité à se laisser “envoyer en mission” par ses supérieurs »; de e e ce fait, on ne le trouve utilisé en ce sens qu’à partir desXVI-XVIIsiècles. Et «envoyés en mission», les jésuites le furent immédiatement: aussi bien dans les pays d’Europe passés à la Réforme que dans les terres nouvelles ajoutées au monde par les explorateurs et les conquistadores. Alors que la Compagnie est fondée en 1539, François Xavier est aux Indes orientales dès 1541 et meurt aux portes de la Chine en 1552. Certes, les jésuites ne furent ni les premiers ni les seuls – franciscains et dominicains sont nés bien avant –, mais plus que d’autres, ils seront auprès des chrétiens occidentaux les témoins queles autresexistent, qu’il y a d’autres façons d’être homme que celle du promontoire européen: «Notre monde vient d’en trouver un autre», écrit Montaigne. À travers leurs célèbresLettres édifiantes et curieuses, les jésuites font découvrir à l’Occident ce que l’on appelle aujourd’huiles culturesdu monde, cependant qu’eux-mêmes se font les ambassadeurs de la culture européenne dans les parties du monde où ils se rendent.
L e c h r i s t i a n i s m e e t l e s c u l t u r e s d u m o n d e
Même sans savoir comme nous le savons ce que sont les cultures, les croyants et les pratiquants de la mission chrétienne, depuis les origines, n’ont jamais fait autre chose que de rencontrer, d’affronter des univers culturels autres que le leur. Faut-il alors s’étonner que les sciences anthro-pologiques/ethnologiques dans leur intérêt même pour tout ce qui regarde les contacts et les interactions entre groupes humains se soient intéressées à ce qui s’est passé au cours des siècles dans les rencontres provoquées par la situation missionnaire chrétienne? Vu dans l’histoire et du point de vue des sciences humaines, dans la diffusion du christianisme parmi les peuples du monde – que ce soit au tout 2 début lorsqu’une secte juive constituée des disciples d’«un certain Jésus » 3 s’affronte à l’empire romain ou lors du grand siècle ibérique de la Monarchie catholique (1580-1640) qualifiée par Serge Gruzinski de «première mon-4 5 dialisation» , pour ne rien dire de la période contemporaine –, on se 1. Fritz LIENHARD, articleMission/Évangélisationdans J.-Y. LACOSTE,Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 1998, p. 744/b. 2. Au roi Agrippa, le gouverneur Festus parle d’«un certain Jésus qui est mort, mais que Paul prétendait toujours en vie» (Actes des Apôtres, 25: 19). 3.Cf. Paul VEYNE,Quand notre monde est devenu chrétien, Paris, Albin Michel, 2007, 322 p.; Maurice SACHOT,Quand le christianisme a changé le monde, Paris, Odile Jacob, 2007, 396 p. 4. Serge GRUNZINSKI,Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière, 2004, 479 p. (en poche: Point Histoire, Paris, Seuil, 2006). e e 5.Cf. Jean COMBY(sous la dir.),Diffusion et acculturation du christianisme (XIX-XXs.). Vingt-cinq ans de recherches missiologiques par le CREDIC [Centre de Recherches et d’Échanges sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme], Paris Karthala, 2005, 696 p.
S u r u n « g r o s m o t » q u i n e f i g u r e p a s s u r l a c o u v e r t u r e : i n c u l t u r a t i o n
trouve toujours en face de phénomènes d’acculturation, c’est-à-dire d’un «processus de changement culturel résultant de contacts entre des groupes 6 de cultures différentes ». À la veille de l’ouverture de la congrégation générale jésuite dont nous avons parlé, le préposé général démissionnaire de la Compagnie, le père Peter-Hans Kolvenbach, faisait ainsi le point sur la «mission» jésuite en Asie aujourd’hui:
«Lorsqu’un chrétien annonce la Bonne Nouvelle, il le fait dans la langue et la culture qui sont les siennes. Pour que son message puisse être reçu, il lui faut le traduire dans la langue et la culture de l’autre. Mais cela risque d’être une imposition si l’autre e ne participe pas activement dans cette transmission de la foi. Déjà auXVIsiècle, l’activité missionnaire en Chine était marquée par un grand respect mutuel entre les cultures qui se rencontraient. Le P. Matteo Ricci n’imposait pas ses convictions de chrétien, mais proposait l’Évangile aux aspirations religieuses de la Chine, faisant autant qu’il pouvait une lecture chinoise du mystère du Christ. Il y a aujourd’hui beaucoup de jésuites en Inde: ils doivent avoir le droit de reconnaître dans le visage du Christ les 7 traits de leur propre culture
Mais ces propos très clairs étaient précédés d’une remarque que nous avons gardée pour la fin, car elle introduit à un débat intéressant pour notre dossier: «Il y a quelques années, le cardinal Ratzinger introduisait le terme d’inter-culturation, pour remplacer celui d’inculturation, plus 8 habituel mais moins juste
L’ i n c u l t u ra t i o n o u l e p o i n t d e v u e t h é o l o g i q u e
Propos vraiment étonnants de la part du supérieur des jésuites, quand on sait que le motinculturationavait été en quelque sorte inventé par les e jésuites auXXsiècle pour exprimer non pas l’aspect simplement anthro-pologique de la rencontre missionnaire, mais son noyau dur d’un point de vuethéologique. C’est bien, d’ailleurs, ce qui ressort de la définition – la plus souvent citée – qu’en donnait le prédécesseur du père Kolvenbach à la tête de la Compagnie, le père Pedro Arrupe, dans uneLettre sur l’inculturationadressée à l’ensemble des jésuites (14 mai 1978):
«Le principe fondamental, toujours valable, est que l’inculturation est l’incarna-tion de la vie et du message chrétiens dans une aire culturelle concrète, en sorte que non
e 6. Madeleine GRAWITZ,Lexique des sciences socialeséd., 1988, article:, Paris, Dalloz, 4 acculturation. 7. Entretien recueilli par Isabelle de Gaulmyn,La Croix, lundi 7 janvier 2008, p. 3. 8.Ibidem.
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6
seulement l’expérience chrétienne s’exprime avec les éléments propres à la culture en question (ceci ne serait encore qu’une adaptation superficielle), mais aussi que cette même expérience devienne un principe d’inspiration, à la fois norme et force d’unifica-tion, qui transforme et recrée cette culture, étant ainsi à l’origine d’une nouvelle création. Il s’agit de l’expérience du peuple de Dieu inséré dans une aire culturelle déterminée, qui a assimilé les valeurs traditionnelles de sa culture, mais qui s’ouvre aussi aux autres cultures. Expérience donc d’une Église locale, discernant le passé et bâtissant l’avenir, 9 dans le moment présent
L’inculturation renvoie au mystère même de l’incarnation: le Christ doit naître dans une culture, comme autrefois le Verbe a pris chair à un moment donné dans une culture donnée à un moment donné de l’histoire. Et là aussi, c’est de l’Esprit Saint que tout provient, celui que Jean-Paul II 10 a appelé «le protagoniste de toute la mission ecclésiale ». Le jésuite indien Michaël Amaladoss se plaît à rappeler les trois média-tions historiques par lesquelles passent nécessairement tout processus d’annonce de l’Évangile. Il y a tout d’abord l’évangile tel qu’il est vécu et inculturé dans les missionnaires qui l’apportent. Il y a ensuite l’Évangile que ces missionnaires essaient de traduire dans la culture des gens auxquels ils s’adressent. Il y a enfin l’Évangile tel qu’il est reçu, vécu, interprété par les gens eux-mêmes qui le reçoivent dans leur culture. L’inculturation véritable se fait au troisième stade, à partir d’en-bas, comme réponse de la commu-nauté: la foi chrétienne nous fait tenir que c’est sous l’action de l’Esprit 11 Saint que se construit ce dialogue entre l’Évangile et une communauté . Faisant intervenir un principe de foi, le concept d’inculturationn’est donc pas un concept des sciences humaines. Pour ces dernières, ce que les chrétiens nommeront dans la foiinculturationne sera jamais qu’un phénomène d’acculturation, cette dernière n’étant dans le fond qu’«une dimension banale et constitutive de toutes les sociétés: le changement 12 culturel ».
9. Pedro ARRUPE,Écrits pour évangéliser, Paris, Desclée de Brouwer, 1985, p. 168-169. 10. JEAN-PAULII,Lettre encyclique sur la Mission du Christ Rédempteur, Redemptoris Missio (7 décembre 1990), n° 21, édition française: Paris, Le Cerf, 1991, p. 36. Encyclique à l’occasion du e XXVanniversaire du décret du concile Vatican II sur les missions,Ad gentes.Ou encore, du même Jean-Paul II, dans son encyclique sur l’Esprit Saint,Dominum et vivificantem(18 mai 1986) au n° 42: L’œuvre du salut «bien sûr, est confiée par Jésus à des hommes: aux apôtres, à l’Église. Toutefois, en ces hommes et par eux, l’Esprit Saint demeure le sujet transcendant de la réalisation de cette œuvre dans l’esprit de l’homme et dans l’histoire du monde». 11.Cf.Michaël AMALADOSS,À la rencontre des cultures. Comment conjuguer unité et pluralité dans les Églises?, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, 172 p. 12. J.-F. BARÉ, ArticleAcculturation, in P. BONTEet M. IZARD(dir.)Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie., Paris, P.U.F., 1992, p. 2.
S u r u n « g r o s m o t » q u i n e f i g u r e p a s s u r l a c o u v e r t u r e : i n c u l t u r a t i o n
On comprend alors tout l’intérêt qu’il y a à appliquer au processus missionnaire chrétien dans l’histoire les catégories des sciences anthro-pologiques: elles ne sondent pas les reins et les cœurs, elles ne se prononcent pas sur la foi comme don de Dieu – et en ce domaine la foi des simples peut dépasser la foi des théologiens –, mais elles se penchent sur ses condi-tionnements historiques, sur les modalités de l’acceptation, du refus ou des résistances mises en œuvre par les sociétés face à l’Évangile qui leur est proposé non pas directement par l’Esprit Saint mais par d’autres hommes, chrétiens, culturellement et historiquement situés. C’est de là que notre revue tire sa raison d’être et tout son intérêt, en se voulant observatoire de ce qui se passe entre les hommes lorsqu’un même Évangile – apparemment toujours le même mais que chaque groupe qui l’a reçu s’est en fait assimilé d’une façon à nulle autre pareille – se trouve proposé en des temps et en des lieux différents à d’autres groupes humains. Déjà l’apôtre Paul avait «théorisé» la diversité chrétienne dans l’unité d’une même foi dans sa première lettre aux Corinthiens, ayant lui-même expérimenté que déjà on n’était pas disciple de Jésus de la même façon à Jérusalem, à Antioche et à Corinthe:
«Il y a diversité de dons, mais c’est le même Esprit; diversité de ministères mais c’est le même Seigneur; divers modes d’action, mais c’est le même Dieu qui produit tout en tous. […] En effet, le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps: il en est de même du Christ.» (I Cor12: 4-6, 12.)
« To u t e r e l i g i o n e s t s y n c r é t i q u e »
Fort justement, Marc Augé fait remarquer que, du point de vue des sciences sociales (l’histoire, l’anthropologie, la sociologie), «toute religion est syncrétique en ce qu’elle a affaire à sa propre histoire, appelée par là même, d’une part, à répondre à de nouvelles demandes et à de nouvelles situations, d’autre part, à se situer incessamment par rapport à ses fonde-13 ments ou à ses arrière-plans mythiques ». Ce qui ne gêne nullement le théologien chrétien tenant dans la foi que l’Esprit de Dieu guide la commu-nauté Église dans son cheminement historique, assurant l’unité dans l’ab-sence d’uniformité inévitablement engendrée par la variété des cultures récipiendaires, en vertu de l’adage de la philosophie scolastiqueQuiquid recipitur ad modum recipientis recipitur: ce qui est reçu l’est en fonction de celui qui reçoit.
13. Marc AUGÉ, «Les “syncrétismes”»,Le grand atlas des religions,Paris, Encyclopædia Universalis, 1988, p. 130.
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PA U L C O U L O N
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D’où l’intérêt de la démarche de notre revue, illustrée par les études du Dossierde ce numéro, mais tout aussi bien par les contributions desVaria, desChroniqueset desLectures.On ne peut nier la diversité des situations de christianisationtraitées dans les pages qui suivent. Le Mexique de l’époque moderne étudié parPierre RagonetNadine Beligand, n’a pas vu arriver e l’Évangile auXVIsiècle tout à fait de la même manière que les villes de Grèce et de Macédoine visitées par Paul et ses compagnons, le bâton à la e main et fort démunis. Et qu’est devenu le christianisme auXIXsiècle dans les sociétés coloniales esclavagistes des Antilles françaises (Philippe Delisle)? Et qu’en a-t-il été à la même époque des sociétés océaniennes objets de rivalités non seulement coloniales mais également missionnaires (Claire Laux)? Où l’on voit également avecOlivier Servaiscomment un grand e chef Indien, dans le cadre des missions jésuites duXIXsiècle au Canada, puise dans sa propre pratique traditionnelle des rêves pour justifier sa conversion au christianisme et quitter cette même tradition… Et que nous dit du lien historique – concomitance, compromissions, compromis, etc. – entre colonisation et évangélisation, des Grandes Découvertes à la décolonisation, ce Colloque en Sorbonne de décembre 2007 à partir duquel Claude Prudhommeréfléchit pour nous? Dans tous ces cas de figure, du nouveau est apparu dans l’histoire: le christianisme a été changé, les cultures du monde ont été changées. Dans ce numéro, l’Afrique est moins présente, sinon par l’excellente étude deCéline Badiane-Labrunesur un essai non transformé des protes-tants en Casamance (Sénégal) et celle d’Olivier Landronsur l’encyclique Fidei donumde Pie XII motivée par la situation africaine. Aussi, terminons par les réflexions du jésuite anthropologue Éric de Rosny préfaçant un ouvrage de René Bureau sur «la sociologie de la conversion chez les Douala» du Cameroun:
«Les Africains entendent être chrétiens et demeurer africains! Mais de quelle manière? […] L’inculturation naît d’une tension entre deux fidélités: la fidélité au mes-sage évangélique transmis par les missionnaires, si incrusté dans leur culture d’origine qu’il est difficile de l’en dissocier, et la fidélité aux valeurs religieuses ancestrales. Cette tension entraîne, par la loi de la vie, l’effritement et bientôt la mort des deux cultures – aucune des deux n’est sauve – pour le prix d’une nouvelle naissance et – espérons-le – 14 d’une nouvelle culture. Mais il y a des morts stériles et des morts fécondes
P a u l C o u l o n Rédacteur en chef
14. René BUREAU,Le peuple du fleuve. Sociologie de la conversion chez les Douala, Paris, Karthala, 1996, p. 9-10.
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