432
pages
Français
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2010
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Publié par
Date de parution
01 juin 2010
Nombre de lectures
0
EAN13
9782748373356
Langue
Français
Bien installée dans son univers professionnel, Myrtille voit sa vie se stabiliser de jour en jour quand, de but en blanc, son petit ami la quitte. Effondrée ? Oui ! Mais rapidement, la battante reprend le dessus : hors de question de se laisser abattre ! Car si Laurent est sorti de sa vie, Myrtille compte beaucoup sur son travail pour rebondir. Et quelle n’est pas sa surprise lorsque son patron lui propose un poste au Japon. La jeune femme saute sur l’occasion, convaincue qu’il s’agit-là d’un signe du destin l’encourageant à goûter à une vie nouvelle. À une vie pleine de surprises... qu’elle était bien loin d’imaginer !
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01 juin 2010
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0
EAN13
9782748373356
Langue
Français
Trop zen pour toi
Gilles Hanauer
Publibook
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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Trop zen pour toi
« Mon seul regret, c’est de n’avoir pas été un autre »
Woody Allen
1
Lorsque Laurent m’avait annoncé qu’il souhaitait faire une pause dans notre relation, mon corps s’était mis à ruisseler de larmes. Je prenais l’eau littéralement, et il me semblait ne pas pouvoir survivre un seul jour à ce désastre.
— Myrtille, tu es restée une gamine qui croit toujours en l’amour absolu. Pourtant, regarde ta mère, ce qu’elle a vécu…
Le mufle ! Mêler ma mère à notre dégringolade. Certes, ma mère détestait cordialement mon père, mais elle était restée trop lâche pour en tirer les conséquences et ficher le camp. Cependant, que je sache, il n’existe pas de filiation absolue à la réussite sentimentale. Du moins, c’est ce que j’avais en tête à cette époque.
Ce salopard de Laurent avait fait une trouvaille en employant ce terme diplomatique de « pause ».
– Myrtille, depuis quelque temps, il faut bien se l’avouer, nous ne savons plus nous retrouver. Ton boulot t’accapare comme jamais. Moi-même, je suis éreinté par mon incessant va-et-vient autour de la planète. Je te néglige, tu m’en veux, nous nous en voulons. Faisons une… pause et réfléchissons à nos… à nos… disons, projets d’avenir.
— Est-ce une forme politiquement correcte de dire adieu ? avais-je hoqueté entre deux sanglots.
Haussant les épaules sans dire un mot, il s’était dirigé droit vers la porte d’entrée. Ce rectangle clair, fermé en douceur, avait déclenché alors un tsunami.
Recroquevillée sur le lit, les mains serrées contre mon ventre, la tête dodelinant en tous sens, j’avais laissé éclater mon désespoir, alternant hurlements de fauve en train de crever et gémissements de désespoir absolu. Pourtant, au bout d’un moment, alors que je continuais à pleurer et à hurler, mon regard était tombé sur mon chat en train de me contempler, la tête drôlement penchée. Je lui avais lâché une grimace et aussitôt après avais éclaté de rire. Pilou avait sursauté nerveusement avant de se réfugier à plat ventre sous un fauteuil.
— Wouhaaaaa ! Oui, je suis folle ! Et pour toujours, Pilou ! Je te préviens. Myrtille, finie, kaput. Myrtille n’est plus ta maman. D’ailleurs, elle en a marre des mecs, homme ou chat. Chacun pour soi.
Et j’avais repiqué des deux dans ma douleur nauséeuse.
Voici cinq années que nous vivions ensemble. Un bonheur parfaitement rodé. Où, l’un et l’autre, nous nous étions efforcés de conserver intact notre désir de vivre ensemble, rejetant tout engagement de mariage, d’enfant et autres balivernes tue-l’amour. D’ailleurs, Laurent ne supportait pas les jacasseries infantiles. Il jetait des regards noirs aux mères de famille avec bébés osant voyager en première classe. Et, à part quelques guilis bienséants, il n’acceptait d’interface qu’avec des enfants ayant atteint un semblant d’âge de raison, c’est-à-dire la vingtaine d’années. Pourtant, à y réfléchir, ces autres vingt ans, ceux qui nous séparaient lui et moi, ils ne devaient sans doute rien au hasard.
Une pause, pour réfléchir…
On ne se remet jamais d’un tel râteau. C’est ma conviction. Une splendide plaie d’amour-propre à laquelle s’ajoutait une sorte de plaie d’abandon, celle d’une figure paternelle défaillante. Imparable.
Le lendemain, je vaquais à mon travail le visage lisse, je plaisantais – du bout des lèvres quand même – avec ma voisine de palier, je me disputais comme à l’accoutumée au téléphone avec ma mère, je me rendais au supermarché du coin profiter des promotions. Tandis, qu’à l’intérieur, j’étais détruite, le cerveau évaporé, les intestins en capilotade grave.
Une pause pour réfléchir…
Une vraie et belle idée de commercial, cette notion de pause. Laurent l’était chez MéGaGloB’S. C’est là que je l’avais rencontré après quelques péripéties, dont j’avais fait un livre, quatre ans plus tôt. Depuis, j’avais quitté la boîte.
Cette fameuse pause, dont il parlait, n’était, d’évidence, qu’un ticket pour la sortie définitive. Je m’en voulais de n’avoir pu lui répondre du tact au tac :
— Laurent ! Croirais-tu ça ? Tu me parles de pause, au moment même, exactement au moment, dirais-je, au moment précis, tu m’entends, où j’allais te faire la MÊME proposition de t’envoyer promener ! Incroyable, non ?…
— ….
— Quoi ? Tu ne le crois pas ? Dis que je suis une menteuse ! Bien entendu, « pause », ce n’est pas le mot exact que j’aurais prononcé, je ne suis pas goujate. Celui-là, il fallait le trouver. Ce n’est pas dans Marie-Claire qu’on te file des tuyaux pareils.
— …
— Quel mot aurais-je pu employer ? Je n’y ai pas réfléchi… J’aurais peut-être dit « faut que tu dégages, Ducon » ou « Ta tronche de commercial, j’l’ai assez vue ». Quelque chose d’approchant en tout cas.
Oui, cela m’aurait fait un bien fou. Une gorge qui crache le feu. La haine expulsée en un seul jet brûlant, pulvérisant cet être couard et indigne d’être… adulé. Oui, une dérive regrettable.
Mais, dépourvue du moindre sens de l’à-propos, je n’ai fait que pleurer misérablement. Nous les femmes, nous sommes facilement désarmées. Nous vivons dans les mots que nous avons entendus et crus. On s’y cramponne comme s’il s’agissait de rocs solides. Notre chimie n’est pas appropriée à l’errance sentimentale. Nous n’aimons pas voir la tiédeur de nos amours devenue, les ardeurs disparues, l’érotisme torride disparaître sous le tapis, alors, qu’avant, il se roulait dessus. Avant. Le grand mot. Cet « avant », dont on ne sait pas trop quand il s’est inscrit en ligne de démarcation dans notre cerveau. Ensuite, il n’y a plus que des avants et des après meurtriers. Juchée sur la plus haute marche d’un podium, on ne pouvait que descendre.
Je suis restée à dégueuler mon venin, là, en chien de fusil sur ce divan, surplombant un Pilou inquiet, jadis témoin muet des émois qui nous habitaient, moments si proches encore. Les images de mon corps enveloppant celui de Laurent me sautaient à répétition à la mémoire comme un DVD rayé.
C’était arrivé quatre jours auparavant.
Depuis, je ne l’avais ni revu, ni entendu. Une vraie pause. Mon lit m’avait servi de refuge. Quarante-huit heures d’abrutissement. À tourner des pages de magazines sans intérêt et à retourner les actes de ma vie. Lui toujours présent et moi, la tête en vrac.
Heureusement, nous étions le week-end et je n’avais pas eu besoin d’un mot d’excuse du toubib pour ma boîte. Autour de moi, sur le parquet brillant, les mouchoirs froissés composaient un champ de nénuphars blancs. Des nénuphars parfaitement immobiles, attendant d’être fichus à la poubelle, comme moi. Seul, de temps en temps, le chat risquait une papatte joueuse dépourvue d’entrain. De l’autre côté du lit, j’avais installé la machine Nespresso perchée sur un bouquin et je m’y abreuvais sans cesse au point qu’une tachycardie bienvenue menaçait mon cœur déjà ravagé. À ma connaissance, le premier suicide par caféine.
Le lundi, d’une voix mourante, j’avais averti Mac & Walter & Touch, de la gastro particulièrement sauvage et contagieuse ayant fondu sur moi. Personne n’avait insisté pour avoir des détails et me revoir rapidement.
Le mardi, j’entrai en analyse. Introspection, explication, indigestion. Dans analyse, il y a anal. Et soyons clairs, la plupart du temps, l’analyse se passait littéralement dans mes toilettes une grille vierge de mots croisés à mes pieds. La symbolique des maux croisés me plaisait. Pilou passait la tête de temps à autre dans l’entrebâillement de la porte. Interrogateur. Miaulant parfois, se frottant à mes jambes sans cesse. Il attendait, lui aussi.
En cette phase aiguë, ma propre histoire me semblait irréelle, comme un truc banal lu dans un magazine de filles. L’histoire de la gourde qui s’attache à un mec pas clair – ça se voit pourtant, non ? – et qui se prend une porte blindée dans la gueule alors qu’elle, l’idiote, reste sur son nuage d’amour. On prend même parti pour le type tellement cette fille navigue à côté de ses Nike. Les humains sont régis par les mêmes règles culturelles, chimiques, environnementales. Leurs histoires, de l’amour au crime, sont les mêmes, avec quelques variantes subalternes distillant un peu de sel. Évidemment, tout cela est connu, admis, vrai… sauf pour chacun de nous. D’évidence, mon amour pour Laurent n’est pas comme celui des autres. Nous avions fait si attention, nous étions tellement plus intelligents, plus avertis, plus…
À quel moment l’erreur de parallaxe infime s’est-elle glissée entre nous ? À quel moment, pensions-nous encore parler vrai alors que le cap de la désolation était franchi ? Vouloir sauver ce qui n’est pourtant déjà plus, n’est-ce pas une tentative inconsciente et légitime ?
Cinq ans plus tôt, Paris m’avait vu débarquer en son sein. J’étais appelée par mon premier job et, de fil en aiguille embrouillés, j’avais rencontré Laurent. L’homme mûr qu’il était ne pouvait que me protéger des dangers de la capitale et, tout naturellement, j’en étais tombée amoureuse.
Des dangers, dans cette ville, il y en avait une foultitude. À commencer par la dépression qui guettait les nouveaux arrivants. Prenez les Japonais débarquant à Paris comme touristes ou nouveaux résidants : ils attrapaient un mal que le professeur Hiroaki Ota, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, avait intitulé platement « Le syndrome de Paris ».
Dans leurs têtes, les Japonais ne sont pas préparés à un tel voyage. Les Japonais sont d’ailleurs pour nous d’ai