Prêtres et ouvriers Une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969 , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2004

EAN13

9782845865120

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

5 Mo

mps Te
Charles Suaud Nathalie Viet-Depaule Prêtres et ouvriers Une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969
gnes des Si
KARTHALA
PRÊTRES ET OUVRIERS
Signes des temps
Cette nouvelle collection veut consigner des témoignages d’acteurs du mou-vement missionnaire qui s’est déclenché et développé pendant ou après la Seconde Guerre mondiale (les prêtres-ouvriers, les chercheurs et les passeurs dans plusieurs domaines : théologiens, liturgistes, exégètes, scientifiques de diverses disciplines...). Mais ce qui était novateur hier l’est-il encore aujourd’hui ? Il suffit peut-être de rappeler que les signes des temps selon l’Évangile sont là pour discerner et comprendre non pas le temps qu’il faisait hier, mais celui qu’il fera demain. Les cieux ne sont-ils pas changeants et par conséquent jamais identiques ? La collectionSignes des Tempsa pour ambition de rester attentive, sans esprit de système, à la complexité du monde où pérégrine l’Église.
Titres parus: Bernard Gardey,La foi hors les murs. Grappillage de la Saint-Martin(mai 2001) Paul Anglade,Prêtre-ouvrier forgeron. Ce que c’est qu’obéir(mai 2001) Paul Collet,L’amour du Christ nous presse(avril 2002) Jean-Marie Marzio, Marie Barreau, Yvonne Besnard, Jean Olhagaray, Jean Desailly. Récits rassemblés par Nathalie Viet-Depaule,La Mission de Paris. Cinq prêtres-ouvriers insoumis témoignent(octobre 2002) Jeannette Dussartre-Chartreux,Destins croisés. Vivre et militer à Limoges (février 2004) Charles Suaud, Nathalie Viet-Depaule,Prêtres et ouvriers. Une double fidelité mise à l’épreuve 1944-1969(2004) Thierry Keck,Jeunesse de l’Église. Aux sources de la crise progressiste en France 1936-1955(2004) Guy Goureaux,Le Cercle Jean XXIII. Des catholiques en liberté, Nantes 1963-1980(2004)
Dans la collectionChrétiens en liberté Michel Lémonon,Laurent ou l’itinéraire d’un prêtre-ouvrier(février 2000)
Couverture: Le tableau figurant sur la page de couverture est l’œuvre de Jean-Marie Duchemin, prêtre et peintre amateur, aujourd’hui décédé. Il a été offert par l’auteur en 1967 à l’équipe des prêtres-ouvriers du Mans sous le titreL’usine. La toile s’articule autour d’un foyer central rougeoyant comme un four et rayonnant comme un volant en mouvement. Divers éléments évocateurs de la production industrielle gravitent harmonieusement autour : chaînes à godets, tuyauteries, cornues, engrenages… On va de l’intérieur à l’extérieur, de la lumière à l’obscurité, du dedans au dehors.
© Éditions KARTHALA2004 ISBN : 2-84586-512-0
Charles Suaud Nathalie Viet-Depaule
Prêtres et ouvriers Une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969
e 2 édition revue
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier vivement André Caudron, Joseph Creusen, Christiane Trimoulet et Marie-Chrisitine Zuber pour la précision de leur relecture du manuscrit.
Nous remercions particulièrement Lobster Films qui nous ont permis de constituer le cahier de photos de ce livre à partir du filmL’impossible choix des prêtres-ouvriers, documentaire de Robert Mugnerot et de François Garçon (2004). Nous remercions l’Ina Entreprise qui nous a aimablement autorisés à reproduire les photos 1-2-3-5-6-7-8, Ciné-archives pour les photos 9-10-11, Jean Perrot pour la photo 4 et Michel Rager pour les photos 12-13-14-15-16.
AC ACA ACI ACJF ACO BTP CAPMO CCE CE CEMO CFDT CFTC CGT CMR CPMI CSL ENPO FLN FNE FO FPA GREPO JAC(F) JEC JIC(F) JMC JOC(F) LAC(F) LOC(F) MAJO
SIGLES
Action catholique Assemblée des cardinaux et archevêques Action catholique des milieux indépendants Association catholique de la jeunesse française Action catholique ouvrière Bâtiments et Travaux publics Comité d’animation des pradosiens en monde ouvrier Comité central d’entreprise Comité d’entreprise Comité épiscopal pour la mission en monde ouvrier Confédération française démocratique du travail Confédération française des travailleurs chrétiens Confédération générale du travail Chrétiens dans le monde rural Commission pastorale des Missions de l’intérieur Confédération des syndicats libres Équipe nationale des prêtres-ouvriers Front de libération nationale en Algérie Fonds national de l’emploi Force ouvrière Formation professionnelle des adultes Groupe de réflexion des prêtres en pastorale ouvrière Jeunesse agricole chrétienne (féminine) Jeunesse étudiante chrétienne Jeunesse indépendante chrétienne (féminine) Jeunesse maritime chrétienne Jeunesse ouvrière chrétienne (féminine) Ligue agricole chrétienne (féminine) Ligue ouvrière chrétienne (féminine) Maison d’accueil des jeunes ouvriers
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MEP MDF MP MFR MNA MPF MRJC MTLD
OFM OFM cap OMI OP OQ OS PACT PAT PC PO PPMO PPTM PS SIF SJ SNMO STO UD UDMA USTM
PRÊTRES ET OUVRIERS
Missions étrangères de Paris Mission de France Mission de Paris Mouvement familial rural Mouvement national algérien Mouvement populaire des familles Mouvement rural de la jeunesse chrétienne Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie Ordre des Frères mineurs (franciscains) Ordre des Frères mineurs (capucins) Oblats de Marie immaculée Ordre des Frères prêcheurs (dominicains) Ouvrier qualifié Ouvrier spécialisé Propagande et action contre le taudis Prêtre au travail Parti communiste Prêtre-ouvrier Prêtre en proximité du monde ouvrier Prêtre de paroisse travaillant manuellement Parti socialiste Service Incroyance-Foi Societas Jesu (jésuites) Secrétariat national de la mission ouvrière Service du travail obligatoire Union départementale (pour les syndicats) Union démocratique du Manifeste algérien Union syndicale des travailleurs de la Métallurgie
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Le positionnement du livre
Issu d’un travail collectif, ce livre s’attache à croiser précisions histo-riques et analyse sociologique pour comprendre, pendant ses trente pre-mières années, un mouvement de prêtres – appelés « prêtres-ouvriers » – qui, à partir du milieu des années quarante, ont choisi ou accepté de quit-ter paroisses ou aumôneries, ces lieux notoires d’exercice du ministère sacerdotal, pour rejoindre le monde du travail.
Les prêtres-ouvriers, une innovation dans le catholicisme français
Bien que l’idée du travail manuel pour les prêtres apparaisse durant l’entre-deux-guerres comme moyen d’évangéliser les ouvriers, elle ne prend corps que sous forme de stages à la mine ou en usine. Des initiatives isolées, aux apparences marginales, attestent des signes avant-coureurs d’une nouvelle perspective missionnaire. Quelques rares jeunes prêtres, séminaristes ou scolastiques avaient convaincu leurs responsables de la 1 nécessité de leur démarche : ainsi Charlesà la mine àBoland* descend Seraing en Belgique (1921) après une double formation d’ingénieur et de 2 prêtre, Michel Lémonon* devient mineur de fond à Saint-Étienne (1935-1936) à la fin de ses années de philosophie au séminaire d’Issy-les-3 Moulineaux et Albert Bouche* cumule des stages à la mine de Charleroi, aux Halles de Paris et chez Renault à Billancourt pendant ses études au Saulchoir – pour ne nommer que ceux qui deviendront prêtres-ouvriers.
1. É. Poulat,Les prêtres-ouvriers. Naissance et fin, Le Cerf, 1999, p. 188-196. L’* renvoie à l’index à la fin du livre (voir p. 23). 2. Voir M. Lémonon,Laurent ou l’itinéraire d’un prêtre-ouvrier, Karthala, 2000. 3. Voir É. Bélouet, N. Viet-Depaule, « Albert Bouche ou l’itinéraire d’un frontalier », Les Cahiers de l’Atelier, 488, avril-juin 2000, p. 3-19.
8
PRÊTRES ET OUVRIERS
C’est à cause de la Seconde Guerre mondiale que des prêtres séculiers, des religieux et des séminaristes sont amenés à sortir des paroisses, des cou-vents ou des séminaires pour se mêler au « commun des mortels » dans des situations de captivité, de réquisition (STO) ou de déportation. Ces expé-riences et ces rencontres brisent bien des normes sociales et des convenances ecclésiastiques. Leur conscience de vivre de mêmes « communautés de des-tin » avec des lacs et leur découverte d’une culture ouvrière inconnue, sinon insoupçonnée, font prendre à ces hommes la mesure de la déchristianisation de la France et les incitent à reconsidérer les moyens d’action sacerdotale qui leur avaient été inculqués. Les lectures deLa France pays de mission ? 4 d’HenrietGodin* et d’Yvan Daniel* La Mission de Francede Louis 5 Augros* confortent leurs aspirations et les incitent à sortir des cadres reli-gieux traditionnels et des mouvements officiels de l’Église : si les ouvriers ne fréquentent pas les paroisses, c’est aux prêtres d’aller vers eux. Ce renversement d’attitude est généré par la conjonction de facteurs propres à l’immédiat après-guerre. Pour n’en retenir que quelques-uns, évoquons d’abord brièvement des données économiques : l’état de la société française qui se reconstruit après le choc de la guerre et le poids d’une classe ouvrière organisée qui porte alors les espoirs d’avenir pour de larges catégories de travailleurs : il faut en effet rappeler que les ouvriers 6 sont à cette époque la composante majoritaire de la population salariée . Indiquons ensuite quelques caractéristiques de l’espace religieux qui contribuent à donner place au mouvement missionnaire : les multiples ini-tiatives pour se soustraire aux contraintes du monde ecclésiastique, les débuts du progressisme chrétien qui fait de la classe ouvrière « une force en marche, porteuse de la civilisation nouvelle, de la civilisation de travail, de la civilisation de demain tant on est sûr de “l’avenir des prolétariats du 7 monde” », le renouveau théologique autour des Pères Chenu*, Congar* et 8 de Lubac* qui s’attachent à redéfinir la théologie de l’incarnation et la 9 place du laïcat ; en un mot une effervescence apostolique certaine .
4. Éditions de l’Abeille, 1943. 5.1941,Annales de sainte Thérèse de Lisieux, brochure préfacée par le cardinal Suhard, rééditée en 1945. 6. Voir annexe 2 à la fin du chapitre 2. 7. Y. Tranvouez,Catholiques et communistes. La crise du progressisme chrétien 1950-1955, Le Cerf, 2000, p. 214. 8. La théologie de l’incarnation a elle aussi opéré un déplacement à cause de la guerre. S’incarner pour les militants d’Action catholique d’avant-guerre consistait à « créer des insti-tutions chrétiennes ou à infléchir des institutions existantes dans le sens du christianisme » ; après la guerre, s’incarner c’est « se faire semblable à, c’est pour l’apôtre devenir homme parmi les hommes auxquels il est envoyé », devenir, en ce qui concerne les prêtres-ouvriers, ouvrier parmi les ouvriers. Voir B. Besret,Incarnation ou eschatologie. Contribution à l’histoire du vocabulaire religieux contemporain (1935-1955), Le Cerf 1964, p. 65. 9. É. Fouilloux,Les chrétiens français entre crise et libération 1937-1947, Le Seuil, 1997, p. 231-233.
• 1944-1954
LE POSITIONNEMENT DU LIVRE
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Au départ, il s’agit de prêtres, diocésains ou religieux (notamment jésuites, dominicains ou capucins), attentifs à la déchristianisation des milieux populaires et convaincus de l’existence d’un fossé entre l’Église et le monde ouvrier. Ils sont envoyés en mission non pas à titre expéri-mental, mais dans la perspective d’un engagement durable, voire total, « sans esprit de retour », par leur évêque ou par le supérieur de leur ordre qui les décharge de toute fonction paroissiale. Pas de méthode préconçue, aucune idée concernant l’éventualité d’un travail manuel, seules quelques consignes leur sont données à la session qui précède le démarrage de la Mission de Paris : rassembler des ouvriers, fonder des petites communau-tés et les animer pour planter l’Église en terre ouvrière. Il faut casser le « mur qui sépare l’Église de la masse. Ce mur, il faut l’abattre à tout prix 10 pour rendre au Christ les foules qui l’ont perdu . » Après bien des tâton-nements, leurs premières tentatives ne sont guère concluantes faute de véritables rencontres avec les ouvriers. Le passage au travail va alors progressivement s’imposer comme le moyen concret d’aller vers les ouvriers. Dès 1944, des prêtres franchissent, avec l’accord de leur évêque ou de leur supérieur, le seuil des usines ou des chantiers et se font embaucher comme ouvriers. Avec le choix du travail, les conditions semblent toutes réunies pour qu’un nouveau type sacerdotal soit inventé. Désignés dès lors sous le nom de prêtres-ouvriers, ces prêtres font le pari de vivre leur apostolat en « s’immergeant », en « s’enfouissant » dans le monde ouvrier – pour reprendre leur terminologie – et en adoptant les façons et manières de travailler, de militer, de vivre et d’habiter des ouvriers. Les accommodements qu’ils obtiennent avec, par exemple, l’abandon du port de la soutane et du jeûne eucharistique, l’introduction du français dans la liturgie, la célébration de messes courtes dites le soir dans une chambre, les libertés qu’ils prennent en fréquentant des cafés ou des restaurants populaires de quartier ou encore en participant à des asso-ciations de quartier (notamment la Confédération nationale des locataires) ne vont que renforcer la nouvelle image sacerdotale. Les premiers prêtres-ouvriers sont de simples manœuvres pour des raisons techniques (aucun apprentissage d’une qualification ouvrière) mais aussi spirituelles (partager le sort des plus démunis). Embauchés « incognito » dans de grandes usines (chez Renault par exemple) ou sur des chantiers de travaux publics, ils acceptent rapidement de se syndi-quer, choisissant la CGT qui représente, pour eux, le syndicat par excel-lence, car il rassemble le plus grand nombre d’adhérents ouvriers. Ils
10. Image que le cardinal Suhard a reprise lors de son jubilé,La Semaine religieuse de Paris, 18 décembre 1948, p. 1200-1201.
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