LES PENTECÔTISTES DU BURKINA FASO MARIAGE, POUVOIR ET GUÉRISON , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2009

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811102715

Langue

Français

LES PENTECÔTISTES DU BURKINA FASO MARIAGE, POUVOIR ET GUÉRISON
KARTHALA sur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture: Culte pentecôtiste la nuit à Ouagadougou (Z.S.Beybson,peintureàlhuilede1,8m0x1m,2001)
© IRD Éditions et KARTHALA, 2009 ISBN (IRD) : 978-2-7099-1511-1 ISBN (KARTHALA) : 978-2-8111-0271-5
Pierre-Joseph Laurent
Les pentecôtistes du Burkina Faso Mariage, pouvoir et guérison
Avant-propos à la nouvelle édition
IRD 44, bd de Dunkerque 13572 Marseille Cedex 2
Karthala 22-24, bd Arago 75013 Paris
Pour Danielle
Avant-propos à la nouvelle édition
Ce livre, dont la première édition date de 2003, a été qualifié par certains commentateurs de première monographie en langue française consacrée au pentecôtisme en Afrique. Il a suscité questions, remarques et commentaires. Jai eu opportunité dy répondre. Depuis cette date, dautres ouvrages sont sortis et complètent ce travail pionnier. Cette seconde édition me donne lopportunité de synthétiser les réponses appor-tées mais éparpillées dans différents écrits. Elles sont rassemblées autour de trois thèmes : 1) le contexte demlaodernité insécurisé;e2) les deux formes principales de la conversion au pentecôtisme au Burkina Faso ; 3) le rôle des Assemblées de Dieu du Burkina Faso dans la diffusion du 1 pentecôtisme sur le continent africain. Ce livre repose sur lobservation dans la longue durée (débutée en 1985) dun groupe de paysans mossi (avec lesquels jentretiens toujours des contacts). Ils ont littéralement inventé le développement au village. Ils avaient vingt ans en 1970 et atteignent aujourdhui lâge où, dans ces
1. La préface et lavant-propos à cette seconde édition sinspire des articles suivants qui ont été largement revisités pour loccasion. Pour le premier thème : « Eléments pour une socio-anthropologie de la défiance. Linhumain et lhumain, esquisse dune compa-raison à partir de la société mossi du Burkina Faso »L,eisncliniques de la précarit(édir. Furtos J.,) Paris, Plon, 2008 ; Entre ville et campagne : le big man local ou la « gestion coupdÉtat»delespacepubliPc,olitiqueafricaine,n°80,déc.2000,pp.169-181;le second : Loffre de guérison des Assemblées de Dieu du Burkina Faso. Un bricolage en traindesefaireentrelasociétémythiqueetlamodernitéglobaleitshéne.ographiques.or,g Numéro14octobre2007[enlignhet]t.p://www.ethnographiques.or;g/TheProcessof Bricolage Between Mythic Societies and Global Modernity : Conversion to the Assembly ofGodFaithinBurkinaFaso,SocialCompas,s2005,vol.52(3),pp.309-323.;letroi-sième : Dossier autour dun livre : les pentecôtismes au Burkina Faso par Joël Noret, Sandra Fancello et Frédéric Moens, suivi de « En guise réponse : les Assemblées de Dieu du Burkina Faso et la transnationalité de pentecôtismCeiv»il,isation, vol. LI, n°1-2, pp. 171-223, 2004 ; Le travail missionnaire des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, in Fourchard,L.,Mary,A.,Otayek,R.E,ntreprisesreligieusestransnationalesenAfriquede lOuest,R., Paris, Karthala, 2005, pp. 89-110.
V
I
LES PENTECÔTISTES DU BURKINA FASO
régions, les aînés commencent à recevoir lassistance de leurs fils. Dans cette génération, certains ont connu une ascension sociale fulgurante. Ces paysans, aujourdhui semi-citadinisés, sils tirent toujours lessentiel de leur subsistance de lagriculture, peuvent désormais compter sur lappui denfants émigrés de part le monde ou sur linvestissement à terme que constitue un jeune aux études. Ce texte raconte leurs « bricolages » dans une période où une frange importante de la population rurale mossi passe, en une génération, de la société coutumière mythique à une forme de la modernité globalisée. Cest le regard porté par ces paysans sur leur brousse qui change complè-tement : dun environnement naturel, humanisé çà et là par les pérégrina-tions des ancêtres et la multitude des esprits, la terre devient désormais un moyen de production. La savane se vide de ses esprits et des intrigues qui mobilisaient les ancêtres. À la faveur dune posture de plus en plus réflexive, la brousse leur apparaît désormais comme un espace sec, dégradé, triste, déboisé, érodé. Dans cet environnement hostile, privé de limaginaire qui lhumanisait, le paysan mossi se découvre pauvre et cherche à sextraire de sa condition. Cette « génération du développement » a favorisé ladoption par la société entière dune réforme importante de la culture qui a osé déclarer, de lintérieur, obsolètes les anciennes formes de pensées et les rituels coutumiers. Avec eux, la tradition devient comme une vieille peau dont il faut se débarrasser. Rien dintellectuel dans lidée de vouloir « faire le développement ». Cet intention renvoie à un sens pratique, celui par exemple « daccumuler pour soi », sans plus craindre les rancœurs et les jalousies dautrui ou celui de tenter de sémanciper de la tutelle des aînés par la recherche personnelle dun conjoint. Ces jeunes affronteront les pouvoirs locaux, dotés quils sont dune puissance supérieure à celle détenue par les féticheurs, celle de Dieu derrière lequel ils pensent se protéger. Des élaborations identitaires inédites accompagnent ces changements. La porte dentrée pour les apprécier sera les formes prise par la conver-sion à lÉglise des Assemblées de Dieu du Burkina Faso (AD/BF). Ce travail monographique montre comment les ressources inédites quoffre le pentecôtisme sont appropriées par des groupes de population mossi du Burkina Faso, même les plus isolés au plateau central, en modifiant les catégories despace et de temps. Les communautés protestantes se composent de croyants, lesquels, doués dune capacité daction sur la scène locale, vont « comprendre » dabord et ré-articuler ensuite des éléments transnationaux et exogènes du pentecôtisme, comme autant de ressources quils utiliseront dans leurs propres stratégies de survie, confrontés à un environnement en proie à de profondes transformations. Pour ce faire, le livre aborde avec une égale précision la complexité des
AVANT-PROPOS À LA NOUVELLE ÉDITION
VII
pratiques sociales et des représentations culturelles des paysans mossi pentecôtiste et lunivers du pentecôtisme des villes émergentes du Burkina Faso. Dans un premier temps, il est question de considérer les conversions relatives à la mise en œuvre dune rupture radicale avec les anciennes croyances, conversions que jai proposé dappeler celles du « groupe de la sortie du groupe » et de traiter ensuite celles qui laissent émerger, en marge de la doctrine officielle, un système de pensée bricolée, métissée, relative à la prise en charge des doutes et des souffrances des croyants, empêtrés pour certains dans les difficultés de la survie en ville. Aujourdhui, ces conversions aux pentecôtismes cohabitent dans le même présent, ce qui rend délicate la description synthétique du processus, dautant quil conviendrait dy ajouter larrivée récente des « néo-pente-2 côtistes » mais dont limpact reste modeste au Burkina .Faso
La société àbig man de la « modernité insécurisée »
Le contexte dans lequel prend forme cette analyse du pentecôtisme du BurkinaFasoestceluidelmaodernitéinsécuris.éeCettenotionayant suscité un certain nombre de questions, je voudrais lexposer ici de manière synthétique. Lidée demodernité insécurisérend compte dun moment particulier de réforme des cultures, où un grand nombre de peuples sont aspirés par la modernité trans-nationalisée. Dans la société rurale mossi du Burkina Faso, là où les principes de la sécurité sociale, économique et culturelle de la société coutumière mossi nexistent plus vraiment, abandonnés à la faveur de ladhésion massive de la paysannerie à une forme de la moder-nité globalisée mais où lÉtat-nation nest pas, pour autant, en mesure dassurer linstauration généralisée dune forme nouvelle de sécurité sociale (retraite généralisée, aides publiques, chômageƒ), y a-t-il, malgré tout, la possibilité daccumuler pour soi et ses proches sans la protection dun État … tiers garant du bien être des ses membres et surtout avec quelles conséquences ? Avecmlaodernité insécurisé, eje fais lhypothèse dune réponse positive, à la condition toutefois daccepter lidée dune société violente, de la partialité de lÉtat et de la peur de lautre comme autant déléments qui composeraient le lien de société. En quelque sorte,
2. Pour une hypothèse à ce propocsf.:Laurent, P.-J., Furtado, C., et Plaideau, C., « LEglise Universelle du Royaume de Dieu du Cap-Vert Croissance urbaine, pauvreté et mouvement néo-pentecôtisteB»u,lletin de lAPAD, in revue.org., oct 2009 (à paraître).
VIII
LES PENTECÔTISTES DU BURKINA FASO
cest dune « humanité commune » en crise dont lanalyse du pentecô-tisme me donne loccasion de traiter.
De la confiance et de lentente comme composants de la « concorde coutumière »ƒ
Pourapprocherlamodernitéinsécurisé,ielestutiledeserappelerdes principaux axes qui régulent (régulaient) le « vivre ensemble » dans une société coutumière, mossi en loccurrence. Ainsi, léchange généralisé impliquait la stabilité du groupe envers lequel chaque personne sétait endettée, cest-à-dire sétait appauvrie, afin de senrichir dun entourage qui jouait un rôle notoire dans létablissement de la sécurité économique etsociale.Lasurviedechacunrésultaitalorsdelaconfiaknics-esi(daou basêm yamen morré, la langue des Mossi) quil pouvait accorder aux autres, surtout aux parents, dans le sens ici de la parenté élargie. Dans ce sens,lesrelationsdeparenté(àlafoislepatrilignabgueu:du,lesconsan-guins,etlesalliésr,embamb)ajouaientunrôledéterminantdanslinstau-ration de la sécurité des membres. Ils pouvaient entrer en conflit avec le désir daccumulation pour soi. Afin de préciser les choses, il ma semblé utile de réserver lutilisation de la notion de « concorde civile » à linstauration des conditions dune accumulation pour soi et ses proches, soit une situation où la satisfaction de lintérêt individuel, étendu au plus grand nombre de personnes, implique lédification dun espace public. Autrement dit, les relations sociales sétablissent ici sur un état de confiance, généralisé à tous les membres de la société, confiance qui implique lexistence dun ensemble complexe de règles reconnues par tous, garanties par une instance supé-rieure, lÉtat de droit en loccurrence. La « concorde civile » conduit à la production de citoyens dotés de droits et de devoirs ; il sagit dindividus gratifiés dune responsabilité pleine et entière. Ceci diffère de la situation rencontrée dans la société coutumière mossi, pour laquelle je suggère dutiliser la notion de « concorde coutu-mière » pour préciser les formes adoptées par le « vivre ensemble ». On nyrencontreunesituationoùlaconfianckeis(-sida)estessentiellement 3 réservéeauxrelationsdeparentéetoùlentewntueu(mtaaba)quine peutpasêtreconfonduekiàs-sida,laconfiance,estinstauréeentreles différents lignages qui constituent la société. Cette idée de confiance par laparentéestbientraduiteparlevocarbolegyissintomé(litt.rechercher
3.Wuumtaab,a:litt.comprendresescamarades,renvoieàcequejaidésignépar lidéologie de « lentente ». Il sagit en quelque sorte dun agrément, à savoir consentir à quelque chose, dans le sens dune approbation émanant dune autorité.
AVANT-PROPOS À LA NOUVELLE ÉDITION
IX
des liens dans la parenté) ; cette pratique renvoie à deux personnes qui, se croisant pour la première fois, se trouveront après quelques minutes, comme pour se sécuriser, quelques éléments dune parenté commune et donc de bonnes raisons de ne pas se craindre mutuellement. Pour sa part, la notion dententweu(um taabaen mooré), propre à la société mossi coutumière, réside dans un arrangement entre les lignages pour juguler les inévitables conflits inhérents à la vie collective ; elle sétablit sans pour autant vider la querelle entre les groupes. Cette notion qui ne porte pas uniquement sur un mode singulier de gouvernement des personnes participe aussi à la production de biens particuliers. Lentente comme mode de relations entre les lignages qui composent la société vient contrecarrer les forces centripètes propres aux rapports de confiance établis entre parents. Ainsi, lespace lignager possède une tendance à la rétention des biens quil est possible dassimiler à des biens privés. En conséquence, à côté de ce quil conviendrait dappeler les biens privés lignagers, les biens collectifs représentent le sentiment que possè-dent les membres dun lignage (il sagit le plus souvent dun segment de lignage) que les biens privés de chaque autre lignage résidant dans leur village (par exemple) pourraient aussi leur appartenir. Autrement dit, le principe de la sécurité repose ici dans la production, avant tout imagi-naire, dun accès toujours envisageable dans la pénurie aux biens des autres lignages. Dans ce sens, lentente limite lappropriation définitive, pleine et entière des biens par un lignage et instaure un consensus, quil est dangereux de contester, autour dun imaginaire de biens collectifs possédés, par une communauté, individuellement ; ce qui définit ce quil conviendrait de nommer « lespace public coutumier ». Et si on pousse cette idée jusquà son terme, il est possible de montrer que cest le degré daccumulation dune collectivité prise dans son ensemble qui détermine le niveau de sécurité de chacun de ses membres. Cette idée est bien mise en évidence par cette informateur du village de Kulkain:k« Si mon voisin a 5 000 CFA alors jai moi aussi 5 000 CFA ». Cette production en quelque sorte imaginaire des biens collectifs a la faculté de maintenir à létat de virtualité laccès à certains biens dautrui (dans le malheur, la honte ou la pénurie).
Oumarou (Kulkinka, mai 2003) : « Si tu passes chez moi, comme tu es un personnage important, je voudrai te donner un poulet, pour lhonneur. Mais si je nen ai pas, pour ne pas être couvert de honte, jenverrai un enfant attraper un poulet chez un voisin (...) Tu ne sauras pas où jai été le chercher... ».
Ou encore cette autre remarque dun pasteur du village de Nayampousgo dans lOubritenga.
X
LES PENTECÔTISTES DU BURKINA FASO
Pasteur Jacques (Nayampousgo … 1990) : « Si tu gagnes une fille, tu vas te marier avec tout son village. Chez nous, si nous disons famille, nous voulons dire tout le village ».
Lédification de la sécurité sociale et économique entre un groupe de personnes est donc ici partiellement liée à une production (essentielle-ment) imaginaire de biens collectifs. Cette forme de la sécurité sociale et économique repose sur lentretien permanent dune forme de consensus quincarne lidéologie de lentente entre les lignages. Ce qui compte cest de maintenir actif la potentialité de laccès aux biens dautrui. Mais bien entendu, cet accès nest ni automatique ni vertueux et là réside toute la complexité dun processus qui compose avec la rancœur, la peur et la jalousie. En résumé, retenons que la confiance se rencontre plutôt dans les rela-tions entre les membres de la parenté élargie, laquelle confiance sarticule à lentente, cest-à-dire à limposition à tous dun consensus (ce qui renvoie à la soumission et aux hiérarchies), autour de limpératif de la paix. Lentente est réservée aux relations entre les lignages. Lentente participe à linstitution de la société mossi comme un tout cohérent. Dès lors, pour se distancier de ces grands principes qui régissent la société coutumière mossi, il faudrait être en mesure de vider la querelle entre les lignages et pouvoir sortir du silence consensuel imposé par ladhésion des lignages à lentente, afin de prendre la parole publiquement pour affirmer le vrai du faux ou le bien du mal, et donc pour que sinstau-rent la « concorde civile » et lespace public afférent. Autrement dit, il faudrait pouvoir instituer publiquement le conflit (cest-à-dire lextraire du carcan sorcellaire dans lequel il se trouve lorsquil se vit sous une scène essentiellement imaginaire). Mais, pour cela, il faudrait être définitivement quitte de lautre, dans le sens ici dêtre capable de sémanciper de léconomie de laffection (lunivers de la dépendance). Alors que, dans un environnementdemodernitéinsécurisé(ecf.ci-dessous)oùlÉtat-tiersfait défaut, le don et la dette permettent dinduire la dépendance mutuelle et donc des réseaux daffinités électives qui participent à la constitution dun principe de sécurité pour soi et ses proches. Il résulte de ceci que la « concorde coutumière » et les espaces collectifs qui lui sont propres privilégient lentente pour la société et donc évitent, par dessus tout, la mise au jour des conflits (dans le sens ici des délibérations sur le fond, afin de sauvegarder laccès imaginaire de tous aux biens collec-tifs) ; la « concorde coutumière » nest assimilable ni à un principe de justice qui établirait le vrai face au faux, ni à la distinction établie entre la propriété individuelle et les biens publics en œuvre dans la « concorde civile ». La « concorde coutumière » repose pour une large part sur limpo-sition dun consensus par des personnages notoires de la société.
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