Les conditions matérielles de la mission Contraintes, dépassements et imaginaires XVII e -XXe siècles , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2005

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EAN13

9782845866828

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

JeanPirotte(dir.) Les conditions matérielles de la mission Contraintes, dépassements et imaginaires e e XVII-XXsiècles
glises É d’Églises
émoire mémoire KARTHALA
LES CONDITIONS MATÉRIELLES DE LA MISSION
Depuis trente ans, nous avons été les spectateurs et les acteurs d’une e formidable mutation du panorama religieux mondial. Au milieu duXX siècle, un peu plus d’un catholique sur deux dans le monde vivait en Europe et en Amérique du Nord ; le nouveau millénaire n’en comptera bientôt plus qu’un sur trois et le temps est proche où l’Afrique aura presque autant de chrétiens que l’Europe occidentale. Cette situation est le fruit de l’histoire : l’histoire missionnaire des e e XIX etXX siècles. Des colonisations aux indépendances, non sans douleurs, des communautés chrétiennes – catholiques, protestantes – sont nées en dehors de l’Occident, puis de véritables Églises, qui se sont affirmées et témoignent autrement de l’Évangile du Christ. Elles se penchent aujourd’hui sur leurs origines et veulent en connaître les sources. La collectionMémoire d’Églisesse situer dans cette pers- entend pective en recourant à une approche historique. Il faut multiplier les histoires particulières pour que deviennent enfin possibles les synthèses informées qui manquent sur les Églises du Sud. Cette collection est dirigée par Paul Coulon, directeur de l’Institut de science et de théologie des religions à l’Institut catholique de Paris.
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture : Années 1920, en Angola. En barbe et en chapeau, à gauche, le père Laagel, spiritain, pose avec un autre missionnaire devant la voiture sur laquelle on peut lire : « Ingersheim 1920, Caconda 1925 ». La paroisse alsacienne indiquée avait sans doute contribué à l’achat de ce véhicule moderne. Photo : Archives spiritaines.
¤Éditions KARTHALA, 2005 ISBN : 2-84586-682-8
SOUS LA DIRECTION DE Jean Pirotte
Les conditions matérielles de la mission
Contraintes, dépassements et imaginaires e e XVII-XXsiècles
Actes du colloque conjoint du CRÉDIC, de l’AFOM et du Centre Vincent Lebbe
Belley (Ain) du 31 août au 3 septembre 2004
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
1 Jean PIROTTE
Le formidable réveil missionnaire qui s’opéra au cours des premières e décennies du 19 siècle a inauguré un nouveau type de rapport de la mission avec les biens et soucis matériels. Depuis l’essor des missions, e consécutif aux grandes découvertes maritimes de la fin du 15 siècle, l’entreprise missionnaire dans le monde catholique s’était assez rapi-dement coulée dans les normes juridiques duPatronatoles pour territoires hispanisés et duPadroado pour les régions de présence portugaise. Dans ce contexte, la problématique des biens de la mission et de la subsistance des missionnaires était prise en charge par les gouvernements de ces deux puissances maritimes, chacune dans sa zone d’influence… partiellement toutefois, car ce financement public se complétait à l’occasion, avec plus ou moins d’efficacité suivant les lieux et les ordres religieux, par la création de ressources sur le terrain ou par 2 des interventions de l’institut missionnaire . e Au 19 siècle, le mouvement que l’on a pu qualifier de renouveau missionnaire de l’époque romantique et coloniale va s’opérer dans des conditions tout autres. Le système des patronages royaux va voir son domaine d’application se restreindre et surtout connaître une déliques-cence pratique. Le peuple chrétien sera alors invité à soutenir de manière directe l’effort missionnaire… et ce soutien devra être puissant, car le réveil missionnaire se caractérise alors par une extension du
1. Historien, directeur de recherches au Fonds national de la recherche scientifique, professeur à l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve). 2. Voirinfral’article d’Hugues DIDIER, « Acheter, vendre et produire, dans la Compagnie de e e Jésus, aux 16 -18 siècles », p. 305-317.
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LES CONDITIONS MATÉRIELLES DE LA MISSION
travail missionnaire dans les directions les plus variées. On assiste d’abord à l’émergence, commencée quelques décennies plus tôt, de la grande aventure missionnaire protestante. On assiste également à une extension géographique de la mission puisque, à la fin de ce même siècle, la découverte du globe sera terminée et, la poussée coloniale aidant, la plupart des pays seront ouverts, de gré ou de force, aux influ-ences extérieures. On observe encore une extension des secteurs de l’activité missionnaire, qui s’engage progressivement dans des tâches telles que les hôpitaux, l’enseignement supérieur et la presse. Toute cette efflorescence, tant chez les catholiques que chez les protestants, reposera sur une importante mobilisation à l’arrière, une extension des œuvres de soutien, travaillant grâce aux innombrables périodiques et à des associations diverses, à encourager le recrutement missionnaire et la collecte de fonds. Les rapports à la « logistique » missionnaire s’en trouveront boule-versés. Entendons par là, tout comme dans le langage militaire, l’« art de combiner tous les moyens de transport, de ravitaillement et de loge-3 ment des troupes » . La mission récupérera une partie de sa liberté, aliénée jadis au temps des patronages royaux, mais sera soumise à un nouvel impératif catégorique : trouver des moyens matériels, créer ces moyens et les mettre elle-même en œuvre sur les nombreux terrains d’action. La mission va devenir une entreprise ou, plutôt, un conglo-mérat de petites et moyennes entreprises, gérant au niveau mondial cet effort, disséminé mais relativement convergent, d’érection de postes, de construction d’écoles, puis de gestion de réseaux hospitaliers et d’œuvres de presse. La propagande missionnaire va alors s’orchestrer sur un mode pré-moderne et assez imaginatif en vue de rassembler les 4 moyens matériels et de susciter l’enrôlement de « moyens humains » .
Entrée par la porte de service
Au-delà de la face altruiste, idéaliste, voire mystique de la mission, c’est à un regard sur les conditions concrètes et matérielles de cette
3. Définition duNouveau Petit Robert, éd. 1995, p. 1299. 4. Voir J. PIROTTEAux sources des propagandes modernes. L’appel à la mission », dans, « L’espace missionnaire. Lieu d’innovations et de rencontres interculturelles, sous la dir. de G. ROUTHIERet F. LAUGRAND, Paris, Québec, 2002, p. 115-138.
INTRODUCTION
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entreprise que convie le présent recueil. Une recherche n’est vraiment opérationnelle que si l’on fixe avec précision les limites des investi-gations. Par choix thématique et méthodologique, nous ne tenterons pas d’approcher la foi forte qui animait les missionnaires, ni de percevoir l’espérance qui les portait. D’autres travaux l’ont tenté et continueront à la faire. En proposant une réflexion historique sur les conditions matérielles e e de la mission de la fin du 17 au 20 siècle, cet ouvrage invite à pénétrer dans la mission par la petite porte, la porte de service donnant accès à l’envers du décor missionnaire sublime, planté à grands coups d’idéa-lisation et de justification théologique… l’entrée des artistes en quelque sorte ; on oblige ainsi le visiteur à passer par le bric-à-brac de la machinerie et des accessoiristes, les coulisses et leurs bouts de ficelle, le trou du souffleur et le bureau des gestionnaires encombré de promesses de subsides, de factures en longue attente et de lettres de créanciers. Approche iconoclaste ? Que non ! La perception des dessous, avec leurs côtés pittoresques et leurs saveurs piquantes, permet de mieux mesurer la performance et n’empêche en rien de jouir du spectacle. Le but n’est pas d’entreprendre une lecture matérialiste obtuse, ni de procéder à une démystification bête et méchante d’une grande entreprise qui, comme toute entreprise humaine, a besoin à la fois d’une façade publique et de béquilles pour l’étayer. Réduire le sublime au mesquin n’est pas le propos. Le but est de mieux comprendre l’avers en analysant la structure du revers… analyser la tapisserie du côté de la trame et de la corde, pour mieux percevoir la technique des nœuds et des points et mieux évaluer les contraintes de l’artiste. Tel est l’objectif que s’est donné le CRÉDIC en choisissant comme thème de ses réflexions, pour son colloque tenu à Belley du 31 août au 3 septembre 2004 : « Les conditions matérielles de la mission. Contraintes, dépassements, imagi-5 naires » .
5. Maison Saint-Anthelme à Belley (Ain). Ce faisant, le CRÉDICd’une certaine prolongeait façon, dans le sens de la matérialité et des imaginaires connexes, la réflexion amorcée trois années plus tôt au cours de sa session de Québec en 2001, où il avait été question de l’espace missionnaire comme lieu d’innovation ; toutefois, les débats avaient alors essentiellement porté sur l’innovation religieuse et socioculturelle. VoirL’espace missionnaire. Lieu d’innovations et de rencontres interculturelles, sous la dir. de Gilles ROUTHIERet de Frédéric LAUGRAND, Paris, Québec, 2002 (Actes du colloque du 23 au 27 août 2001, Université Laval, Québec).
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LES CONDITIONS MATÉRIELLES DE LA MISSION
C’est que, pour l’historien, rien n’est méprisable dans les expressions humaines du passé. Tout est porteur de sens. L’historien a depuis quelques décennies appris à butiner dans les champs les plus divers, à ne mépriser aucune éclosion et à faire miel de toute fleur. Les objets parlent à qui sait écouter, tout comme les gestes rituels ou quotidiens, tout comme l’aménagement de l’espace et l’intériorisation de l’écou-lement du temps. L’homme crée son « biotope » à son image, mais celui-ci le lui rend bien. À nous d’écouter parler les objets, le fatras des choses, l’agencement des espaces, le remplissage des heures et des jours… en cherchant le pourquoi, en restituant l’émotion des utili-sateurs, en retrouvant les frémissements de vie.
Conditions matérielles et idéaux : des contraintes réciproques
C’est une évidence : les conditions matérielles de la mission ont contribué à modeler l’« être-au-monde » du missionnaire dans son action concrète, dans ses réactions adaptatives aux différents milieux de vie, mais aussi dans ses façons de concevoir l’idéal missionnaire. Cette expression « conditions matérielles » englobe tous les éléments physi-ques qui concourent à maintenir en vie l’agent de la mission, à façonner son décor quotidien et à lui donner les moyens de réaliser ses objectifs : nourriture, vêtement, logement, éclairage, moyens de transport, condi-tions climatiques et sanitaires, moyens financiers. Ces conditions matérielles sont évidemment à rechercher sur les terrains de la mission, avec les contraintes, mais aussi les nécessaires dépassements de ces contraintes, les innombrables innovations surgies comme réponses positives à des situations matérielles problématiques. Il faut aussi prospecter en aval en analysant l’importance des conditions matérielles et de leur dépassement dans les imaginaires et les idéaux des agents de la mission ; les complications et obstacles du terrain étaient parfois tels qu’ils ne laissaient guère de place pour une observation des coutumes et une étude approfondie des langues. Il faut en outre pros-pecter en amont en détectant l’influence de ces questions matérielles sur le recrutement missionnaire ou la collecte de fonds ; le goût de l’aven-ture et une volonté de dépassement de soi ont sans doute joué dans l’éveil de nombreuses vocations missionnaires. Pour tous ces points, il s’agit d’analyser les interactions entre le milieu d’origine et le milieu
INTRODUCTION
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d’accueil, mais aussi les changements apportés dans la vie et les idéaux missionnaires, suite aux importantes évolutions des conditions maté-rielles des sociétés. Au-delà de l’événementiel, les études du présent recueil s’attachent à examiner comment les idéaux missionnaires, les pratiques et les néces-sités matérielles se contraignent réciproquement. Elles cherchent à mesurer l’impact des conditions matérielles à la fois sur le travail d’évangélisation, sur les mentalités des missionnaires, sur le message même des agents de la mission et sur les comportements des popu-lations. Elles proposent d’observer sereinement certains impacts bilaté-raux réels, certaines influences réciproques de diverses variables, partiellement autonomes. Elles tentent de mesurer la tension permanente dialectique, parfois créatrice, entre les idéaux souvent élevés et des nécessités matérielles souvent pressantes. « L’intendance suivra ! », disait le général. Pas toujours ! Parfois, elle suit avec lenteur, chiche-ment, d’une façon imprévisible. Et il faut alors stopper les opérations, ajuster les stratégies, adapter les objectifs… bref, incarner les utopies dans les réalités concrètes. Des contraintes matérielles et de leurs dépassements, on passera ainsi aux imaginaires, à toutes ces représentations de son travail et de sa vocation que le missionnaire se façonnait pour lui-même, entretenait et diffusait tant sur les terrains de son action que dans le public de son pays d’origine. Sans doute, en procédant de la sorte, ne pourra-t-on jamais pénétrer dans la profondeur du mystère des personnalités, ni dans le dialogue mystique sous-tendant ces vies données… Toutefois, en vivant avec les missionnaires les difficultés physiques et les épreuves concrètes du terrain, on pourra mieux comprendre ces femmes et ces hommes, jusque dans leurs abandons éventuels, mais aussi dans leurs audaces, leur inventivité ou leur héroïsme au quotidien. Voguant entre conditions matérielles et idéaux, on évitera d’affirmer une dépendance totale et nécessaire d’une de ces variables par rapport à une autre. Il n’est nullement question de ranimer des combats d’arrière-garde ni de s’enfermer dans des carcans dogmatiques quelconques, d’ailleurs surannés : ni le déterminisme strict à la Taine cherchant dans le milieu physique l’explication des créations d’une époque ; ni le matérialisme historique affirmant que les productions idéologiques sont
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