Les 150 ans de la Société des Missions Africaines , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 juin 2007

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845869004

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Dossier réalisé par Raymond Harguindéguy et Pierre Trichet
Trimestriel Juin 2007
2
HRÉTIENNES C
Les 150 ans ISSIONS de la Société M des Missions &Africaines
Capucins, jésuites et récollets en Acadie de 1610 à 1710
Les néo-protestantismes créoles des Antilles et de la Guyane françaises
La mission en pamphlets
Histoire
Histoire&Missions Chrétiennes
La revueHistoireChrétiennes& Missions est publiée par l’Association des chercheurs de la revue « Histoire et Missions Chrétiennes ». Président : Claude PRUDHOMME: Jean-François Z; Vice-président ORN: Pau; secrétaire général l COULON; trésorier : Philippe DELISLE. L’association est domiciliée 18 rue Chevreul 69362 LYONCedex 07, dans le cadre de l’équipe RESEA du LARHA (UMR 5190) de l’Université de Lyon. Rédaction :C Paul OULON(rédacteur en chef) ; Philippe DELISLE(rédacteur en chef adjoint) ; Catherine MARIN(chargée des recensions). Histoire& Missions Chrétiennesune revue à comité de lecture. Tous les est articles sont soumis à évaluation auprès de deux spécialistes en plus de la rédaction. Les manuscrits doivent parvenir de préférence en français. Des recommandations aux auteurs figurent dans chaque numéro. Comité de lecture : A. BART(Bordeaux 3) ; C. BAZIN(Archives FMM, Roma, Italia) B; R. ONFILS (Archives S.J., France) ; N. BUONASORTE(Modena e Reggio d’Emilia, Italia) ; G. BUTTURINI(Padova, Italia) ; J.-C. CEILLIER(Centre d’Histoire MAfr/PB, Lyon) ; L. CODIGNOLA(Genova, Italia) ; J. COMBY(Facultés catholiques, Lyon) ; M. CHEZA (UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; S. CURTIS(San Francisco State University, USA) ; D. DESLANDRES(Université de Montréal, Canada) ; É. DUFOURCQ(Institut catholique de Paris) ; P. ÈVE(Université de La Réunion) ; S. EYEZOO(Yaoundé I/ ENS, Cameroun) ; J. GADILLE(Lyon 3) ; D. GARDINIER(Marquette University, USA) ; B. HOURS(Lyon 3) ; Y. KRUMENACKER(Lyon 3) ; P. LABURTHE-TOLRA (Sorbonne/Paris 5) ; C. LAUXO. L(Bordeaux 3) ; OLOM(Archives OPM, Lyon) ; C. MARIN(Institut catholique de Paris/GRIEM) ; P. M. MARTIN(Indiana University, USA) ; A. MELLONI;(Istituto per le Scienze religiose, Bologna, Italia) G. MOUSSAY(Archives MEP, Paris) ; I. NDAYWEL(Université de Kinshasa, R. D. Congo) ; J.-M. NDI-OKALLA(Bonn, Allemagne ; Yaoundé, Cameroun) ; F. NOLAN (Centre d’Histoire MAfr/PB, Grande-Bretagne) ; I. PAGE(Archives MAfr/PB, Roma, Italia) ; J. PIROTTE(UCL/Louvain-La-Neuve, Belgique) ; G. PIZZORUSSO (Roma/Chieti, Italia) ; C. PRUDHOMME(Lyon 2) ; C.-R. RATONGAVAO(Institut catholique d’Ambatoraka, Madagascar) ; B. RIGAL-CELLARD(Bordeaux 3) ; O. SAAÏDIAO. S(IUFM/Strasbourg) ; ERVAIS(UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; A. SHORTER(Centre d’Histoire MAfr/PB, London, Grande-Bretagne) ; R. SIMONATO(Summaga di Portogruaro, Venezia, Italia) ; M. SOMÉ(Université de Ouagadougou, Burkina Faso) ; M. SPINDLER(Universités de Leyde et d’Utrecht, Pays-Bas ; Bordeaux) ; A. TRANVANTOANP. T(Lille) ; RICHET(Archives de la Société des Missions Africaines, Roma, Italia) ; M.-C. VARACHAUD(CNRS, Paris) ; G. VIEIRA(Archives spiritaines, Chevilly-Larue) Z; L. ERBINI(Lyon 2) ; J.-F. ZORN(Institut Protestant de Théologie, Montpellier). Coordonnées de la rédaction : Adresse postale: Éditions Karthala, 22-24 boulevard Arago, 75013 PARIS Tél.-Répondeur/Fax: 01.41.80.92.44 ;E-mail :<revue.hmc@dbmail.com> Maquette de couverture : Grafy’ Création. Maquette intérieure et mise en pages : Bärbel Mullbacher. ISSN : 1957-5246 le numéro : 18e
Paul COULON
Jean COMBY
Claude-Marie ÉCHALLIER
Renzo MANDIROLA
Pierre SAULNIER
Martine BALARD
Nicholas J. BRIDGER
Michael McCABE
Michel BONEMAISON Pierre TRICHET
Matteo BINASCO
Philippe CHANSON
3
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63
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163
177
L i m i n a i r e
Tout, sauf un long fleuve tranquille
D o s s i e r
Les 150 ans de la Société des Missions Africaines
N° 2
Formation, esprit et méthodes missionnaires de la Société des Missions Africaines de sa fondation à 1914 Augustin Planque (1826-1907) la ténacité au service des missions africaines Francesco Borghero, premier missionnaire du Dahomey de 1861 à 1865 Un missionnaire nantais et la colonisation du Dahomey: Annie Voisin rend justice au père Alexandre Dorgère (1855-1900) Les combats du père Aupiais (1877-1945) missionnaire et ethnographe du Dahomey pour la reconnaissance africaine
J U I N 2 0 0 7
Une expression du christianisme dans l’art du Nigeria:
Kevin Carroll et l’Atelier d’Oye-Ekiti
L’évolution de la théologie de la mission
dans la Société des Missions Africaines
de Marion Brésillac à nos jours
Le Musée Africain de Lyon, d’hier à aujourd’hui
Bibliographie de la Société des Missions Africaines,
de 1985 à nos jours
V a r i a
Capucins, jésuites et récollets en Acadie de 1610 à 1710: une première évangélisation assez chaotique Les néo-protestantismes créoles des Antilles et de la Guyane françaises: entre paradoxes et interrogations
S O M M A I R E
Chantal PAISANT
Pères Michelangelo GUATTINI & Dionigi CARLI
S. MINNAERT
Jacques ELLUL
189
193
196
198
C h r o n i q u e s
La mission en pamphlets. Journée d’études
du Groupe de recherches interdisciplinaires
sur les écritures missionnaires (GRIEM).
27 avril 2007, Institut catholique de Paris.
L e c t u r e s
La mission au Congo (1668)
Ouvrage lu par Marie-Cécile Bénassy
Premier voyage de Mgr Hirth au Rwanda, de novembre 1899 à février 1900. Contribution à l’étude de la fondation de l’Église catholique au Rwanda Ouvrage lu par Roger Heremans
Islam et judéo-christianisme Ouvrage lu par Annie Lenoble-Bart
Tout, sauf un long fleuve tranquille…
N° 2
J U I N 2 0 0 7 l i m i n a i r e
PA U L C O U L O N
OTRE PREMIER NUMÉROs’est voulu regard jeté sur les «trente glorieuses» dernières années qui ont vu un profond renouvelle-N ment, non seulement de l’histoire religieuse en général mais plus particulièrement de l’antique «histoire des missions». Les chercheurs universitaires – prenant le relais des clercs savants d’autrefois – ont découvert un nouveau monde pour la recherche dans le phénomène planétaire de la diffusion et de l’inculturation du christianisme depuis vingt siècles, l’inter-culturel et l’inter-religieux devenant domaines cruciaux dans l’actuelle mondialisation. «Bilan et perspectives en histoire mission-naire (France, Belgique, Pays-Bas, Italie)», le numéro 1 d’HMC, de facture universitaire, ne pouvait être qu’un peu austère, même si un article sur le missionnaire dans la bande dessinée introduisait heureusement quelques bulles de légèreté dans cet ensemble sans images.
L e s s o c i é t é s m i s s i o n n a i r e s e t l e u r s r i c h e s a r c h i v e s
Le numéro 2 que nous introduisons entend maintenant honorer le deuxième axe de notre projet de revue: travailler avec les centres d’his-toire et d’archives des nombreuses institutions missionnaires qui ont été sur le terrain les acteurs de cette histoire. Non pas seuls acteurs, car cette histoire, comme toujours, s’est jouée à plusieurs; et si le regard et l’action des missionnaires nous intéressent, le regard et la réaction des peuples rencontrés – rencontrés: un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout? – sont également un passionnant sujet d’étude: interrogés à bon escient, les si riches fonds d’archives missionnaires peuvent rééquilibrer les histoires trop ethnocentrées du passé.
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PA U L C O U L O N
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Pour le Dossier de ce numéro 2, nous avons travaillé avec la Société des Missions Africaines (SMA), fondée à Lyon en 1856. Tout au long de l’année 2006, cette Société a fêté ses 150 ans d’existence. Bonne occasion pour nous, à travers cet exemple particulier, de revisiter quelques moda-e lités et quelques étapes de la mission en Afrique duXIXsiècle à nos jours, pour découvrir des mentalités missionnaires à travers une histoire un peu longue. Il y avait plusieurs façons de procéder. Le choix a été fait de présenter l’histoire de la SMA de 1856 à 2006 à traversdes figures particulières. Il n’y a pas si longtemps, cette approche biographique aurait été critiquée et qualifiée de dépassée. Plus maintenant, puisque le genre biographique a été remis à l’honneur par les plus grands, et ainsi justifié par Jacques Le Goff à propos de sonSaint Louis(1996):
«Beaucoup de personnes s’imaginaient que la biographie était un genre méprisé par lesAnnales[…] Mon sujet était le personnage de saint Louis lui-même; je me suis aperçu en cherchant l’histoire de l’individu que c’était un sujet d’histoire global privilégié. Pour tenter de caractériser un individu, on est obligé de montrer comment il se forme, comment il agit dans la société à laquelle il appartient. On doit alors parler de tout ce 1 qui caractérise cette société et cette époque
E f f e r v e s c e n c e c r é a t r i c e e t c e n t ra l i s a t i o n a u t o r i t a i r e
Les figures retenues: Marion Brésillac, le fondateur; Planque, le continuateur; Borghero, le pionnier; Dorgère, le pacificateur; Aupiais, le prophète; Carroll, le clairvoyant. Uniques et même exceptionnelles, toutes ces figures le sont à plus d’un titre. Et pourtant, paradoxalement, elles s’inscrivent très bien dans la périodisation générale que Jacques Gadille avait proposée pour les missions catholiques en Afrique francophone, au 2 colloque de Bologne (1988) sur «Église et histoire de l’Église en Afrique »:
«Sans durcir cette périodisation, il paraît aisé de nous accorder sur la distinction e entre un premierXIXsiècle “large”, puis la longue période des impérialismes coloniaux
1. «L’historien au travail. Entretien avec Jacques Le Goff»,Sciences Humaines, hors série n° 18, septembre/octobre 1997, repris dans: Jean-Claude RUANO-BORBALAN(coordonné par),L’histoire aujourd’hui. Nouveaux objets de recherche. Courants et débats. Le métier d’historien, Auxerre, Éditions Sciences Humaines, 1999, p. 398. 2. Giuseppe RUGGIERI(dir.),Église et histoire de l’Église en Afrique. Actes du colloque de Bologne 22-25 octobre 1988, Paris, Beauchesne, 1988 [en fait 1990],XXV-393 p. (Collection Bibliothèque Beauchesne). Ce colloque était introduit par une communication du professeur Giuseppe Alberigo – qui vient de nous quitter à la mi-juin… – sur «Chrétienté et culture dans l’histoire de l’Église».
T o u t , s a u f u n l o n g f l e u v e t r a n q u i l l e …
qui débute vers 1880, en retenant l’entre-deux-guerres en une “sous-période” à bien des 3 égards originale, pour considérer enfin le second après-guerre mondiale
Avec la figure du fondateur,Mgr de Marion Brésillac– présente dans les contributions de Jean COMBY, Claude-Marie ÉCHALLIERet Michael MCCABE–, nous sommes typiquement dans l’effervescence créatrice du e premierXIXsiècle. La mort de Marion Brésillac, le pied à peine posé sur la terre africaine, ne peut que laisser des regrets à l’historien qui connaît la riche pensée missionnaire élaborée par celui qui fut, dans une première vie, vicaire apostolique en Inde. Dans les années 1840, à travers son ami Mgr Luquet, il avait eu une influence décisive sur la doctrine missionnaire romaine, ainsi que, indirectement, sur un autre fondateur missionnaire 4 pour l’Afrique, Libermann . La brutale disparition de Marion Brésillac constituede factolePère Auguste Planquecomme le véritable “instituteur” de la SMA, qu’il dirige pendant presque cinquante ans avec une incroyable ténacité et tous les inconvénients d’une telle longévité, tout en fondant pour l’Afrique une congrégation féminine, les Sœurs de Notre-Dame des Apôtres. Sa statue de commandeur occupe une très grande place dans l’histoire de la société et dans les articles de ce dossier. Nous sommes avec lui en face d’un cas classique dans l’histoire des sociétés religieuses ou de vie apostolique. Le successeur du fondateur fait toujours retomber le charisme des origines jaillissantes dans l’institution plus stable mais plus morne destinée à le pérenniser. Et cela, sans éviter quelques trahisons par rapport à l’idéal des origines: François d’Assise a pour successeur le Frère Élie da Cortone qui construit la magnifique basilique à trois niveaux que nous connaissons, si belle mais si éloignée de la simplicité de la chapelle de San Damiano chère au cœur dupoverello. À la même époque que Planque, chez les Spiritains, succède au Père Libermann un homme qui restera presque trente ans à la tête de la congrégation, le Père Ignace Schwindenhammer, auquel on reprochera – comme au Père Planque avec lequel il sera en relations suivies –, un excès d’autoritarisme et une trop grande centrali-sation. On ne peut que souligner combien ce style de gouvernement
3. Jacques GADILLE, «L’“idéologie” des missions catholiques en Afrique francophone», in Giuseppe R (dir.),op. cit., p. 47. UGGIERI 4. Dans: Paul COULON, Paule BRASSEUR(dir.),Libermann (1802-1852). Une pensée et une mystique missionnaires, Paris, Le Cerf, 1988, voir deux contributions: François PINUS, «Quand un “champion terrible” entre en lice: Mgr Luquet et l’instructionNeminem Profectodu 23 novembre 1845», p. 383-395, et Paul COULON, «L’effervescente année 1846 et la genèse du grandMémoirede Libermann à la Propagande», p. 401-455.
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6
correspondait à l’esprit de l’époque et à une évolution générale dans l’Église catholique:
«À l’avènement de Léon XIII [1878],le Saint-Siège, c’est-à-dire le pape assisté des congrégations romaines, était vraiment devenu le centre nerveux de l’Église catholique, dans une mesure qui n’avait jamais été atteinte même à l’apogée de la puissance ponti-5 ficale au Moyen Âge …»
Planque et Schwindenhammer se pensent pape dans leur congréga-tion, appliquant pour leur propre compte ce que Claude Prudhomme appelle «la cohésion verticale entre Rome et les missions» dans le cas de laPropaganda Fidequi passe «de l’amélioration de la communication à 6 l’accroissement du contrôle ».
Q u a t r e h o m m e s , q u a t r e m o m e n t s d e l a m i s s i o n a f r i c a i n e
Beaucoup découvriront littéralement l’étonnante figure deFrancesco Borghero, telle que nous la révèle sonjournalde mission au Dahomey. Quatre années seulement, de 1861 à 1865, mais quelles richesses dans ces pages! La colonisation proprement dite n’est qu’en train de se préparer: les croisières navales des différentes puissances européennes se succèdent sur les côtes africaines… L’attitude de Borghero et sa méthode missionnaire manifestent une volonté absolue d’être fidèle à l’évangile, respectueux mais indépendant de toute autorité locale ou européenne, et passionnément intéressé par les pays et les gens d’Afrique. Renzo MANDIROLA– éditeur duJournalde Borghero – souhaite que les quelques pages de son article donnent envie «de mieux connaître cet homme qui a fondé sur des bases solides les Églises qui se sont établies à partir du Togo actuel jusqu’au Nigeria». Changement d’époque, changement de paysage avec lePère Alexandre Dorgère, nantais d’origine. Il arrive sur les côtes d’Afrique en 1881, après la Conférence de Berlin. La France ne se contente plus de promener ses bateaux le long des côtes et d’établir des comptoirs commerciaux. Il faut occuper le terrain du Dahomey pour barrer la route aux Anglais et aux Allemands. Et voilà Alexandre Dorgère à la fois pris comme otage par le roi Behanzin, à Abomey, puis ambassadeur de paix contrarié, en 1890.
5. Roger AUBERT, «L’Église catholique de la crise de 1848 à la première guerre mondiale», inNouvelle Histoire de l’Église (sousla dir. de R. AUBERT, M. D. KNOWLES et L.-J. ROGIER), t. V:L’Église dans le monde moderne(1848 à nos jours), Paris, Le Seuil, 1975, p. 77. 6. Claude PRUDHOM M E,Stratégie missionnaire du Saint-Siège sous Léon XIII (1878-1903). Centralisation romaine et défis culturels, Rome, École française de Rome, 1994, p. 177.
T o u t , s a u f u n l o n g f l e u v e t r a n q u i l l e …
Rentré en France, Dorgère ne sera pas sur place lors de l’assaut final contre le royaume de Behanzin. Beaucoup loué, beaucoup calomnié, Alexandre Dorgère ne reviendra au Dahomey qu’en 1894, dans une mission en proie à des conflits linguistiques et à des querelles de personnes. Pierre SAULNIER réfléchit la plume à la main sur le destin de Dorgère à partir d’un livre récent, celui de Madame Annie Voisin: livre de justice et de grande richesse. En nous présentant le parcours missionnaire, ethnographique et ciné-matographique duPère Francis Aupiais, Martine Balard, de l’Université de La Réunion, qui lui a consacré sa thèse, nous parle de la figure sans doute la plus célèbre aujourd’hui de tous les missionnaires de la SMA. Et une fois de plus, nous changeons de période missionnaire, Aupiais étant typique du nouveau regard que l’on commence à jeter sur l’Afrique, ses e hommes, ses cultures et ses arts, à partir du début duXXsiècle et très nettement dans l’entre-deux-guerres. On n’est évidemment reconnu pro-phète qu’après-coup. Ce fut le cas de Francis Aupiais, qui mena toute sa vie un combat pourLa Reconnaissance Africaine, titre d’un bulletin créé par lui. Combat multiple, sur tous les fronts, missionnaire mais aussi culturel et artistique, mené aussi bien contre ses confrères missionnaires que contre les autorités hiérarchiques, et finalement même politiques. Il meurt en 1945, à un moment où, probablement, député élu du Dahomey à l’Assemblée Constituante, son autorité n’aurait plus été contestée et son influence plus grande… La lecture complète de ce Dossier sur la SMA permet de relever des coïncidences étonnantes et significatives. Aupiais meurt en 1945 après s’être battu dans la SMA et en France pour la reconnaissance de la dignité de l’Afrique dans ses cultures et dans ses arts. Et voilà que, l’année sui-vante, en 1946, le relais est soudain pris par le supérieur nouvellement élu de la province SMA d’Irlande, le visionnaire Patrick M. Kelly: il envoie au Nigeria deux hommes jeunes et talentueux, dont lePère Kevin Carroll, établir, bâtir et dirigerun atelier artistique à Oye-Ekiti, pour créer un nou-vel art qui soit à la fois yoruba et chrétien. Là aussi, changement d’ère missionnaire après la seconde guerre mon-diale: nous le savons maintenant, l’Afrique marche vers son Indépendance et l’Église vers le Concile Vatican II. L’universitaire américain Nicholas J. BRIDGER, faisant l’histoire de la brève mais importante aventure de l’ate-lier d’Oye-Ekiti, nous brosse le tableau passionnant d’une évolution dans l’Église catholique vers une nouvelle théologie missionnaire, dite alors d’adaptation avant d’être définie aujourd’hui comme inculturation de la foi chrétienne. Mais pour un cardinal Celso Costantini favorable aux inno-vations en matière d’art chrétien, combien d’autres y sont opposés dans l’Église et dans la SMA! L’atelier d’Oye-Ekiti ne durera que le temps d’un printemps (1947-1954) mais n’en finira pas de porter des fruits, puisque Kevin Carroll continuera le combat jusqu’à son décès en 1993,
7
PA U L C O U L O N
8
sous diverses formes mais surtout à travers les artistes nigerians nés de l’atelier d’Oye-Ekiti…
U n e é t o n n a n t e d i a l e c t i q u e
Plus on avance dans la lecture du dossier, plus s’impose l’évidence que l’histoire de la SMA a été tout sauf un long fleuve tranquille! On y repère notamment une constante, celle d’une étonnante dialectique «exclusion/réintégration» s’appliquant à toutes les figures présentées dans cette suite de contributions. Borghero diverge d’avec Planque aussi bien sur l’interprétation de la pensée du fondateur que sur la façon de mener la mission sur le terrain. Au point que le cardinal Barnabò, préfet de la Propagande, lui demande de quitter la SMA pour le bien même de la société naissante. Jamais pour-tant il ne sera rayé des listes de la SMA, qui aujourd’hui reconnaît toute sa dimension et édite son passionnant journal de mission. Alexandre Dorgère avait fini par gêner tout le monde. Il souffre lui-même de ce qu’on écrit sur son aventure dahoméenne, a des palabres avec son supérieur général, quitte la SMA et meurt solitaire en France d’avoir soigné un malade atteint de la variole noire… Mais, en 1937, la SMA le réhabilite en appelant «École Dorgère» leur petit séminaire de la région nantaise. Quant à Francis Aupiais, s’il est élu supérieur de la province SMA de Lyon en juin 1928, ses divers engagements ethnographiques colorant sa théologie missionnaire et ses prises de position contre le travail forcé lui aliènent ses confrères, et le supérieur général lui retire sa charge de supé-rieur provincial en 1930. Mais en 1937, il est de nouveau réélu provincial, avant d’être élu par le Dahomey en 1945 comme député à l’Assemblée constituante. Depuis, il est devenu à juste titre une des gloires de la SMA en raison de son œuvre missionnaire, mais aussi de son œuvre ethnogra-phique et cinématographique. Et nous avons vu, en dernier, ce qu’il en a été de l’atelier d’art d’Oye-Ekiti! Mais le Père Kevin Carroll a quand même pu mesurer avant sa mort en 1993 et la justesse de ses vues – y compris théologiques – et leur fécon-dité actuelle au Nigeria. Et la SMA apprécie fort les travaux de Nick Bridger à lui consacrés.
D ’ u n s i è c l e à l ’ a u t r e , d ’ u n e t h é o l o g i e m i s s i o n n a i r e à l ’ a u t r e
Dans l’Église comme ailleurs, les prophètes et les avant-gardes sont forcément l’exception, mais ce qu’ils endurent avec courage – et dans le
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