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Français
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2009
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2009
Nombre de lectures
6
EAN13
9782748374476
Langue
Français
Depuis des dizaines d’années, la ville pose un problème central dans l’organisation de nos sociétés. Regroupant un pourcentage important de la population, elles sont devenues le mode principal d’occupation de l’espace apportant avec elles leurs paradoxes et leurs faiblesses. La banlieue est l’une d’elles. Cet espace particulier s’est peu à peu transformé en un problème crucial pour les responsables politiques et sociaux. Un problème qui a justifié la mise en place de différents plans d’action, de politiques locales ou de grande envergure, sans que cette impression de « ville à deux vitesses » ne soit effacée. C’est pourquoi aujourd’hui David Leyval a décidé de consacrer une étude à cette forme urbaine, à la fois sociale et spatiale. Son organisation, son utilité, les attentes auxquelles elle répond bien sûr, mais aussi l’avenir que lui prêtent tous ceux qui s’engagent à repenser l’espace urbain. Architectes, philosophes, sociologues débattent, aujourd’hui, de l’orientation qu’il faut donner à la banlieue pour qu’enfin elle ne soit plus un « non-lieu » synonyme de chaos social. Car l’enjeu est peut-être aujourd’hui de penser la ville différemment, avant d’agir, pour que ce mal des banlieues, qui explose de façon chronique, soit la base d’une nouvelle réflexion sur le développement urbain.
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Date de parution
01 janvier 2009
Nombre de lectures
6
EAN13
9782748374476
Langue
Français
La Banlieue, l'épreuve de l'utopie
David Leyval
Publibook
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La Banlieue, l'épreuve de l'utopie
Introduction
La ville pose problème, et ce problème est central, crucial pour la société, pour ceux qui la représentent et la dirigent, et, cause ou conséquence, pour ceux qui la composent. La question a été officiellement et explicitement posée par François Mitterrand évoquant au début des années “1980”, dans une formulation désormais célèbre, “la ville à deux vitesses”. Elle a pu depuis justifier la création d’un ministère, et la mise en œuvre d’une politique spécifiques.
S’il y a un mal généralisé, et il semble qu’il le soit, ou qu’il soit ressenti comme tel, il se manifeste surtout dans les banlieues où le climat social, toujours menaçant, explose périodiquement en crises violentes et traumatisantes. Le mal est difficile à caractériser, et il ne l’a été que sous forme d’intuitions, à peine d’hypothèses, si curieusement consensuelles qu’on pourrait les suspecter d’être simplement “à la mode”.
C’est que, dans l’urgence, l’action a précédé la réflexion, et que, dans un premier temps, des recettes ont été appliquées avant qu’une solution ait été cherchée, pour autant qu’elle puisse exister. Aujourd’hui, après le succès mitigé, ou l’échec relatif d’interventions telles que celles du mouvement “Banlieues 89”, et après plusieurs années de mise en œuvre d’une “politique de la ville”, le besoin de la réflexion, de la théorisation, voire de l’autocritique se fait sentir. “On a tout essayé et ça empire”, peut-on lire dans les actes du colloque du 11 juillet 2001, “journée régionale de la politique de la ville”, publiés par la Région Rhône Alpes.
L’enjeu est bien de “penser la ville”, et de faire appel pour cela à la philosophie qui paraît seule apte à rassembler les éléments du savoir dispersés dans des champs disciplinaires isolés, impuissants à contenir toute la problématique. L’espace de la banlieue, qu’il soit pathologique ou pathogène, est propre à alimenter la réflexion parce qu’il a été le lieu de l’expérimentation, et qu’il est celui de la confrontation, c’est-à-dire, à double titre, une “épreuve”.
“Si les nazis avaient connu les urbanistes contemporains, ils auraient transformé les camps de concentration en HLM” n’hésitait pas à écrire le situationniste Raoul Vaneigem en 1961 ! 1 Loin d’être une simple formule à l’emporte pièce, cette effrayante proposition a trouvé une concrétisation, dans le sens inverse il est vrai, avec la transformation des logements sociaux de Drancy en camp de transit pour les déportés, ainsi que le relève Paul Virilio dans “ Vitesse et Politique ”.
La célébration de “la beauté”, dans la ville incontestable d’Avignon, à l’occasion de l’an 2000, a donné lieu, entre autres, à une très remarquable intervention de l’artiste Thomas Hirschhorn, offrant à lire, au cœur d’une cité d’une “banalité” emblématique, les œuvres complètes de Gilles Deleuze, et érigeant sur ce site déshérité un émouvant monument au philosophe 2 . Le décalage peut paraître extrême, entre la brutalité et la pauvreté du contexte urbain, et le raffinement et la richesse de la pensée ; l’intrusion de l’un dans l’autre nous paraît pourtant pertinente, et nous mettrons plus d’une fois à contribution les écrits de Gilles Deleuze.
“Terrain” au sens médical, la banlieue doit-elle réellement devenir un “tissu” ? Cette question qui semble contenir sa propre réponse doit être posée.
Notre objectif n’est pas de remettre en cause la validité de la ville comme mode d’occupation de l’espace. Il est aujourd’hui dominant à tel point qu’il tend pratiquement vers l’exclusive, la “Mégalopole”. Nous prendrons donc le fait urbain comme incontestable, mais, en revanche, nous nous interrogerons sur la banlieue, qui appartient manifestement au monde urbain, mais n’en présente pas, de façon reconnaissable ou reconnue, les qualités.
La banlieue est aujourd’hui un espace nié où prolifère ce que l’anthropologue Marc Auge appelle le “non-lieu”, et qui est tout ce que la ville rejette, dans le plus grand désordre malgré la pratique du zonage, mais dont elle a un besoin vital : usines, autoroutes, hypermarchés, aéroports, cités-dortoirs… Un tel espace, que certains trouvent malgré tout poétique, est invariablement hétérogène, voire chaotique, ce qui donne d’emblée une certaine pertinence à une approche morphologique.
C’est cet angle d’attaque que nous avons choisi.
Dans un ouvrage paru en 1970, et intitulé “ La Révolution Urbaine ”, le philosophe Henri Lefebvre abordait assez prémonitoirement une problématique comparable, et prophétisait, dans une certaine mesure, avec une grande perspicacité. Constatant l’émergence d’une nouvelle forme urbaine, à la fois sociale et spatiale, qualifiée de “société urbaine”, Henri Lefebvre stigmatisait l’impuissance des spécialistes, tant les praticiens aveuglés par des idéologies désuètes que les théoriciens dispersés dans les parcelles éclatées du savoir. Face à ce constat déjà accablant, il proposait de restituer à la philosophie la tâche immense de reconstituer une connaissance, non pas en rassemblant l’ensemble des savoirs, chose aujourd’hui impossible, mais en élaborant une problématique commune à toutes les disciplines concernées.
Henri Lefebvre estimait à l’époque que l’humanité se trouvait à un stade très avancé de son évolution, entre l’urbanisation nulle et l’urbanisation intégrale, au-delà d’un “point de renversement” atteint dès le seizième siècle en Occident, et déjà près de l’extrémité. Vingt ans plus tard, Michel Serres peut voir, avec un effroi compréhensible “des plaques humaines astronomiquement observables, gigantesques”, à l’échelle des éléments naturels et des phénomènes géologiques, capables d’influer physiquement sur le monde. Au renversement humain constaté par Henri Lefebvre, le monde urbain effaçant progressivement, au sens propre, le monde rural, s’ajoute un renversement cosmique, l’homme dominant à présent la nature, jusqu’à la menacer dans son existence.
Face à ce problème immense, s’il y a aujourd’hui peu de théoriciens, il y a des acteurs, talentueux et engagés, mais le plus souvent désarmés.
Une émission de radio récente 1 a mis en lumière le désarroi des concepteurs d’espaces, en l’occurrence des architectes, face au(x) phénomène(s) urbain(s). Le dialogue orchestré par Alain Finkielkraut entre Jean Nouvel et Léon Krier a un côté pathétique et caricatural, car les deux courants de la pensée urbaine identifiés par Françoise Choay, culturaliste ou progressiste, y transparaissent sans être ni l’un ni l’autre porteurs de solutions.
Jean Nouvel prend acte de la ville contemporaine, avec fatalisme, et s’attache seulement à améliorer le réel, auquel il reconnaît par ailleurs une certaine poésie. Léon Krier prône un retour aux formes de la ville traditionnelle qui ont fait leurs preuves. Le point de cristallisation du désaccord est le rôle dévolu à l’automobile, magnifiée par le premier (la liberté, l’intimité…), rejetée par le second (la pollution). Le débat s’élève quelque peu lorsque les protagonistes s’opposent sur ce qui doit être privilégié : l’instant ou l’intemporalité. Léon Krier s’en prend à ses confrères à qui il reproche de se complaire dans la provocation et l’anticonformisme, par peur du conventionnel, mais on sent que son modèle est désuet, ses références a priori absurdes (Port Grimaud !). Jean Nouvel est cependant incapable de lui opposer un autre modèle et produit du discours sur le caractère inéluctable de phénomènes qui ne peuvent être maîtrisés parce qu’ils sont d’ordre géographique !
La polémique entre les tenants de l’un et l’autre courant n’est pas nouvelle. Elle est même originelle. Nous pouvons imaginer que certains milésiens se sont opposés au plan de reconstruction de leur ville, projeté par leur compatriote Hippodamos, après sa destruction par les Perses en 494 avant J.C.. Nous savons qu’Aristophane moqua dans “ Les oiseaux ” l’architecte qui cherche illusoirement la forme parfaite, et tente de concilier deux systèmes a priori incompatibles : l’orthogonalité et la convergence au centre. De même Tacite évoque dans “ Les annales ” les réactions contradictoires après la reconstruction de Rome par Neron. L’incendie, provoqué dit-on par l’empereur pour un motif futile avait peut-être de plus profondes raisons que nous retrouverons chez d’autres autocrates. Il fut en tout cas l’occasion d’une transformation de la ville :
“Au reste, l’espace resté libre pour bâtir des maisons ne fut pas, comme après l’incendie des Gaulois, rebâti sans ordre et au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur. On ouvrit des cours, et l’on éleva des portiques, pour protéger la façade des maisons de rapport… Il y avait cependant des gens pour croire que l’ancienne forme convenait mieux pour la salubrité, parce que l’étroitesse des rues et l’élévation des maisons étaient moins accessibles à l’ardeur du soleil, tandis que, maintenant, ces vastes espaces découverts et que ne défendait aucune ombre étaient embrasés par une chaleur plus pénible à supporter.” 1
Dans “ La Politique ”, Aristote lui-même cherche une synthèse pour le moins hasardeuse :
“…la façon de disposer les maisons des particuliers est, de l’avis général, plus agréable et répond davantage aux besoins généraux de la vie, quand les rues sont bien alignées et dans le goût moderne qui est celui d’Hippodamos ; mais pour assurer