Action française Décolonisation Mgr Lefebvre Les Spiritains et quelques crises du XXe siècle , livre ebook

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Date de parution

01 juin 2009

EAN13

9782811102432

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

6 Mo

Dossier dirigé par Paul Coulon
Trimestriel Juin 2009
10
HRÉTIENNES C
ISSIONS Action française M Décolonisation gr M Lefebvre &Les Spiritains et quelques crises e duXXsiècle
Les cartes missionnaires : miroir déformant de l’apostolat ? Les 50 ans de la revueSpiritus « La religion et les missionnaires dans l’Empire français » (San Francisco, 28-30 mai 2009)
Histoire
Histoire&Missions Chrétiennes
La revueHistoire& Missions Chrétiennespubliée par l’Association des est chercheurs de la revue « Histoire et Missions Chrétiennes ». Président : Claude PRUDHOMME: Jean-François Z; Vice-président ORN: Paul; secrétaire général COULON; trésorier : Philippe DELISLE. L’association est domiciliée 18 rue Chevreul 69362 LYONCedex 07, dans le cadre de l’équipe RESEA du LARHA (UMR 5190) de l’Université de Lyon. Rédaction :C Paul OULON(rédacteur en chef) ; Philippe DELISLE(rédacteur en chef adjoint) ; Catherine MARIN(chargée des recensions). Histoire & Missions Chrétiennesune revue à comité de lecture. Tous les est articles sont soumis à évaluation auprès de deux spécialistes en plus de la rédaction. Les manuscrits doivent parvenir de préférence en français. Des recommandations aux auteurs figurent dans chaque numéro. Comité de lecture : A. BART(Bordeaux 3) ; C. BAZIN(Archives FMM, Roma, Italia) ; R. BONFILS (Archives S.J., France) ; P. BRASSEUR(Paris, EHESS) ; N. BUONASORTE(Modena e Reggio d’Emilia, Italia) ; G. BUTTURINI(Padova, Italia) ; C. de CASTELNAU L’ESTOILE(Paris X-Nanterre) ; J.-C. CEILLIER(Centre d’Histoire MAfr/PB, Lyon) ; P. CHANSON (Université de Genève ; UCL/Louvain-La-Neuve) ; L. CODIGNOLA (Genova, Italia) ; J. COMBY(Facultés catholiques, Lyon) C; M. HEZA(UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; S. CURTIS(San Francisco State University, USA) ; D. DESLANDRESD; É. (Université de Montréal, Canada) UFOURCQ(Institut catholique de Paris) ; P. ÈVE(Université de La Réunion) ; S. EYEZOO(Yaoundé I/ ENS, Cameroun) ; J. GADILLE(Lyon 3) ; D. GARDINIER(Marquette University, USA) ; B. HOURSY. K(Lyon 3) ; RUMENACKERP. L(Lyon 3) ; ABURTHE-TOLRA (Sorbonne/Paris 5) ; C. LAUX(Bordeaux 3) ; O. LOLOM(Archives OPM, Lyon) ; C. MARIN(Institut catholique de Paris/GRIEM) ; P. M. MARTIN(Indiana University, USA) ; A. MELLONI;(Istituto per le Scienze religiose, Bologna, Italia) G. MOUSSAY(Archives MEP, Paris) ; I. NDAYWEL(Université de Kinshasa, R. D. Congo) ; J.-M. NDI-OKALLA(Bonn, Allemagne ; Yaoundé, Cameroun) ; F. NOLAN (Centre d’Histoire MAfr/PB, Grande-Bretagne) ; I. PAGE(Archives MAfr/PB, Roma, Italia) ; J. PIROTTE; G. (UCL/Louvain-La-Neuve, Belgique) PIZZORUSSO (Roma/Chieti, Italia) ; C. PRUDHOMME(Lyon 2) ; C.-R. RATONGAVAO(Institut catho-lique d’Ambatoraka, Madagascar) ; B. RIGAL-CELLARD(Bordeaux 3) ; O. SAAÏDIA (IUFM/Strasbourg) ; O. SERVAIS(UCL, Louvain-La-Neuve, Belgique) ; A. SHORTER (Centre d’Histoire MAfr/PB, London, Grande-Bretagne) ; R. SIMONATO(Summaga di Portogruaro, Venezia, Italia) ; M. SOMÉ(Université de Ouagadougou, Burkina Faso) ; M. SPINDLER; Bordeaux) ;(Universités de Leyde et d’Utrecht, Pays-Bas A. TRANVANTOAN(Lille) ; P. TRICHET(Archives de la Société des Missions Africaines, Roma, Italia) ; A. VANDENBERGHE (KADOC;, Leuven, Belgique) M.-C. VARACHAUD(CNRS, Paris) ; G. VIEIRA(Archives spiritaines, Chevilly-Larue) ; L. ZERBINI(Lyon 2) ; J.-F. ZORN(Institut Protestant de Théologie, Montpellier). Coordonnées de la rédaction : Adresse postale: Éditions Karthala, 22-24 boulevard Arago, 75013 PARIS Tél.-Répondeur/Fax: 01.41.80.92.44 ;E-mail :<revue.hmc@dbmail.com> Maquette de couverture : Grafy’ Création. Maquette intérieure et mise en pages : Bärbel Mullbacher. ISSN : 1957-5246 le numéro : 18e
Paul COULON
Claude PRUDHOMME
Paul AIRIAU Jacques PRÉVOTAT
Michel LEGRAIN
Auguste OWONO-KOUMA
Luc PERRIN
Jean-Michel WASQUEZ
Éric MANHAEGHE
Sarah A. CURTIS
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L i m i n a i r e
Le courage de l’histoire
D o s s i e r
N° 10
Action française, Décolonisation Mgr Lefebvre : e les Spiritains et quelques crises duXXs.
e La mission auXXsiècle: triomphe, crise et mutations du côté catholique, en particulier à travers l’exemple des Spiritains Le Séminaire français de Rome La condamnation de l’Action française et les Spiritains: le cas du Séminaire français La querelle duDevoir de décolonisation autour du Père Joseph Michel et de l’aumônerie des étudiants d’outre-mer (1954) La riposte des leaders de l’UPC aux Vicaires Apostoliques du Cameroun. Analyse historico-littéraire de la réaction des nationalistes camerounais à laLettre communed’avril 1955 Mgr Lefebvre, d’une élection à une démission (1962-1968) Résumés du dossier
V a r i a
Les cartes missionnaires, miroir déformant de l’apostolat?
C h r o n i q u e s
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Les 50 ans de la revueSpiritus. Brève histoire d’un parcours missiologique 1959-2009 «La religion et les missionnaires dans l’Empire e français». 35 congrès annuel de la Société d’Histoire Colonial Française. San Francisco State University;
San Francisco, Californie 28-30 mai 2009
S O M M A I R E
Jean-François KLEIN
Astrid de HONTHEIM
Andrew BUCKLER
Paul FOURNIER
Annie LENOBLE-BART Et Jean TUDESQ
Dominique BORNE
Et Benoît FALAIZE
Philippe DELISLE
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L e c t u r e s
Notes de lecture sur quelques ouvrages récents concernant les Missions Étrangères de Paris Ouvrage lu par Marie-Carmen Smyrnelis Chasseurs de diables et collecteurs d’art. Tentatives de conversion des Asmat par les missionnaires pionniers protestants et catholiques Ouvrage lu par Richard Maire Jean Calvin et la mission de l’Église Ouvrage lu par Yves Krumenacker Charles de Foucauld. Approches historiques, Biographie et descendance spirituelle Ouvrage lu par Michel Lafon Connaître les médias d’Afrique subsaharienne: Problématique, sources et ressources Ouvrage lu par Ouvrage lu par Cyrique Paré e e Religion et colonisations.XVIXXsiècle. Afrique, Asie, Océanie, Amériques Ouvrage lu par Ouvrage lu par Marc Spindler Bande dessinée franco-belge et imaginaire colonial. Des années 1930 aux années 1980 Ouvrage lu par Oissila Saaïda
Le courage de l’histoire
N° 10
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PA U L C O U L O N
AREMENT LACTUALITÉ LA PLUS BRÛLANTEne sera aussi opportuné-ment venue à la rencontre d’un dossier d’histoire programmé depuis LeR21 janvier 2009, le cardinal Re, Préfet de la Congrégation pour les deux ans, comme c’est le cas pour ce numéro 10 de notre revue! évêques, à Rome, signait au nom de Benoît XVI un décret par lequel étaient levées les excommunications prononcées en 1988 à l’encontre des quatre évêques ordonnés à Écône pour la Faternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) par Mgr Marcel Lefebvre, contre la volonté de Rome, ce qui 1 revenait à poser un acte «schismatique» . Mal comprise dès le début par l’opinion publique, la décision de cette levée s’est vue d’autant plus décrédi-bilisée que l’un des quatre évêques en question, Mgr Williamson, a tenu dans la foulée des propos ouvertement négationnistes à l’égard des chambres à gaz nazies… Notre propos n’est pas ici de rappeler cette actualité toute chaude – à propos de laquelle on trouvera de nombreux dossiers sur le web, dont pas moins de trente déclarations de la part des évêques français –, mais de souligner le retour en force dans les débats publics de la figure de Mgr Lefebvre et de son histoire, qui se trouvent être précisément au cœur du dossier de ce numéro consacré aux Spiritains. Un historien, Florian Michel, et un théologien jésuite, Bernard Sesboüé, se sont unis en raison de cette actualité pour effectuer «l’ana-2 tomie d’un schisme», «de Mgr Lefebvre à Mgr Williamson» , cependant qu’Henri Tincq émettait simultanément son diagnostic, aux éditions
1. Voir le dossier «Vers la fin du schisme? Levée de l’excommunication des évêques lefebvristes. er Textes et réactions»,Documentation Catholiquemars 2009, p. 235-255., n° 2419, 1 2. Florian MICHEL, Bernard SESBOÜÉsj,De Mgr Lefebvre à Mgr Willaimson. Anatomie d’un schisme, Paris, Lethielleux/DDB, avril 2009, 135 p.
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3 duCNRS». Or tous ces auteurs: «Catholicisme. Le retour des intégristes sont d’accord pour dire que la dérive lefebvrienne est «une histoire franco-française» s’alimentant aux vieilles fractures de la société française produites par la Révolution. Et tous également désignent dans l’Action française de Charles Maurras la matrice intellectuelle qui a marqué le séminariste Marcel Lefebvre, du diocèse de Lille, lorsqu’il était au Séminaire français de Rome tenu par… les Spiritains: nous y voilà! Deux citations:
«Formé au séminaire français de Rome, dont le supérieur, le Père Le Floch, imbu de l’Action française, a été renvoyé, un Mgr Lefebvre restera toute sa vie pétri de maur-4 rassisme. La guerre des deux Églises,«intégrale»et«libérale»rebondit donc «Les deux dernières figures qu’il faudrait évoquer pour étudier cette question de la continuité entre maurrassisme et lefebvrisme sont celles, cruciales, de Mgr Lefebvre lui-même et de l’abbé Victor Berto: les deux hommes présentent de grandes similitudes; ils sont amis depuis leurs années du Séminaire français de Rome; l’abbé Berto est l’âme théologique de Mgr Lefebvre jusqu’en 1968, date de sa mort; ils ont tous les deux été formés sous la houlette du père Le Floch; ils sont tous les deux proches des affinités maurrassiennes, héritées du père Le Floch, et en même temps ils émettent quelques notes 5 critiques sur Maurras
Ajoutons à cela que Mgr Lefebvre, entré chez les Spiritains après ses études à Rome et après avoir travaillé dans son diocèse, avait été – bien avant de fonder Écône – un très actif vicaire apostolique de Dakar et le Délégué apostolique du pape Pie XII pour toute l’Afrique noire fran-çaise, pour en arriver finalement à être élu supérieur général des Spiritains, en 1962, à la veille du Concile Vatican II où il devait se faire passablement remarquer comme l’un des leaders de la minorité conciliaire… Il ne fut sans doute pas très agréable aux Spiritains de voir accoler à son nom devenu célèbre à partir de la fondation de la FSSPX (Écône) la qualification sans cesse reprise par la presse d’«ancien supérieur général des Spiritains»… ou de s’entendre dire aux détours d’une conversation: «Ah! vous êtes Spiritain… comme Mgr Lefebvre!» C’est là sans doute la raison pour laquelle les Spiritains ont décider de «jouer le jeu» des historiens désireux de se pencher sur cet aspect de leur histoire. Parmi les points à mettre au clair, il y avait la question du Séminaire français de Rome, en particulier durant la période très contro-versée du supériorat du père Le Floch (1904-1927). Il fallait faire l’histoire intellectuelle de cette institution et de ses hommes, en la replaçant plus
3. Henri TINCQ,Catholicisme. Le retour des intégristes, Paris, CNRS Éditions, Paris, avril 2009, 64 p. 4. Henri TINCQ,op. cit., p. 29. 5. Florian MICHEL, «L’Action française et l’intégrisme catholique: les paradoxes d’un anti-romanisme ulttraromain», in Florian MICHEL, Bernard SESBOÜÉsj,op. cit., p. 55-56.
L e c o u r a g e d e l ’ h i s t o i r e
particulièrement dans l’histoire de la condamnation de l’Action française par Pie XI. Il faut reconnaître qu’il y eut, dans un premier temps, une cer-taine hésitation du Séminaire français – les archives n’étaient pas classées, n’est-ce pas? –, hésitation moindre des archives générales spiritaines dès le début des années 1980. Par la suite, le Séminaire français devait se e rattraper en produisant, à l’occasion de son 150 anniversaire, un remar-quable ouvrage collectif sous la direction de deux historiens bien connus, Philippe Levillain et Philippe Boutry, et de son dernier supérieur spiritain, 6 le père Yves-Marie Fradet . «Dernier» supérieur spiritain, écrivons-nous: en effet, les 6 et 7 juin derniers, les Spiritains ont officiellement remis le Séminaire français entre les mains de l’épiscopat français, estimant ne plus pouvoir en assurer la 7 responsabilité, par manque de personnel . Avec ce passage de témoin, une ère se clôt; là encore, l’actualité la plus récente vient justifier qu’on s’intéresse à l’histoire spiritaine du Séminaire français. Nous y joindrons quelques éléments de l’histoire de deux autres moments critiques pour les e Spiritains, auXXsiècle: la décolonisation de l’Afrique noire et l’élection – puis la démission – comme supérieur général de Mgr Lefebvre (1962-1968). Venons-en à l’articulation du dossier de ce numéro 10, dont le contenu (à l’exception d’une contribution) avait été préparé – avant d’être repris et développé pour ce numéro – pour un colloque intitulé «Les spiritains: trois siècles d’histoire missionnaire (1703-2003)» qui s’était tenu à l’Institut 8 catholique de Paris fin 2002 . Il revenait àClaude Prudhommeet à l’ampleur de son regard sur l’histoire missionnaire, de brosser un tableau synthétique de la mission catholique e auXXsiècle en y insérant quelques éléments de l’histoire particulière des Spiritains dans les trois phases qu’il repère pour le siècle: – triomphe ini-tial de la mission et de la colonisation, toutes deux assurées de leurs posi-tions; – crise, qui devient peu à peu remise en cause fondamentale aussi bien dans la pensée que dans la pratique, la mission voyant s’opérer à son détriment un transfert vers le tiers monde des vocations et des générosités;
6. Philippe LEVILLAIN, Philippe BOUTRYet Yves-Marie FRADET,150 ans au cœur de Rome. Le Séminaire français 1853-2003, Paris, Karthala, 2004, 535 p. (Collection «Mémoire d’Églises»). 7. On trouvera dans le journalLa Croix, du jeudi 4 juin 2009, p. 20, un excellent article d’Isabelle de GAULMYNqui, sous le titre «L’épiscopat reprend le Séminaire français de Rome», fait une remarquable synthèse de ce passage de témoin sous tous ces aspects. 8. Les Actes en tant que tels de ce colloque ne sont pas encore parus car l’ensemble des contribu-tions a servi à «alimenter» aussi bien la revue Mémoire Spiritaineque la présente revueHMC. Toutefois, ils paraîtront bientôt dans un panorama de l’histoire spiritaine en deux volumes, complétés par d’autres contributions: Paul COULON(dir.),Claude-François Poullart des Places et les Spiritains. De la fondation en 1703 à la restauration par Libermann en 1848,Paris, Karthala, automne 2009, 650 p. (La congrégation du Saint-Esprit dans son histoire – I); Paul COULONet Philippe DELISLE(dir.), La mission des Spiritains. De Libermann à nos jours (1848-2003), Paris, Karthala, fin 2009-début 2010, 700 p. (La congrégation du Saint-Esprit dans son histoire – II).
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– renaissance progressive dans un contexte mondialisé d’une mission dont les fondements, les buts et les formes ont été repensés. AvecPaul AiriauetJacques Prévotat, on est loin des rapides synthèses éditoriales sur l’intégrisme catholique et ses racines maurrassiennes. Tous les deux ont consacré des années de leur vie à creuser et à clarifier, l’un – Paul Airiau – l’histoire du séminaire français sous le père Le Floch comme 9 matrice de pensée et de façon d’être dans le monde et dans l’Église , l’autre – Jacques Prévotat –, la condamnation de l’Action française, dans laquelle les Spiritains et le Séminaire français occupent une petite place mais bien 10 spécifique . Ce qui frappe dans leurs deux contributions, c’est le carac-tère méthodique de leur analyse et le sens de la nuance. Paul Airiaumontre bien qu’il y a deux lectures de l’histoire de l’Église de France et que le Séminaire français du père Le Floch ne peut être compris qu’intégré dans la mutation du catholicisme français lors du pon-tificat de Pie XI concernant la formation sacerdotale, le rapport à l’action politique et la régulation doctrinale papale. Le père le Floch n’a pas com-pris la condamnation mais il s’est soumis. L’auteur termine en répondant à la question: pourquoi le père Le Floch en 1927 ne fut pas Mgr Lefebvre après 1969? Jacques Prévotatmet l’accent sur l’originalité du processus de la condamnation de l’Action française (AF) dans la congrégation du Saint-Esprit, par rapport à ce qui s’est passé dans les autres congrégations reli-gieuses, toutes plus ou moins touchées par la crise. D’une manière générale, la congrégation du Saint-Esprit, au moins à travers ses membres présents à Rome, avait accueilli avec faveur l’apologétique maurrassienne de l’Église. Au lendemain de l’Allocution consistoriale papale du 20 décembre 1926 qui rompt les ponts avec l’AF, le père Le Floch se soumet: il donne sa démission et quitte Rome le 18 juillet 1927. Cette démission «imposée» a provoqué une très grande émotion dans l’Église de France, de la part de beaucoup d’évêques, proches de lui, mais également de la part de nombreux anciens élèves, formés dans le moule du Séminaire français. Ajoutons la lettre de reconnaissance de M. René Lefebvre, père, datée de Tourcoing, le 17 octobre 1927: «Mes deux fils, René et Marcel, avaient tant apprécié votre direction et la vérité de vos conseils.» L’histoire d’Écône et l’histoire de la dissidence qui devait conduire au schisme ont leurs racines dans cette
9. Cf. P. AIRIAU,Le Séminaire français de Rome du P. Le Floch, 1904-1927, thèse d’Histoire, s dir. J.-M. Mayeur, IEP Paris, 2003, 953 p. Éléments essentiels dans P. AIRIAU, «Le Séminaire français de Rome du père Le Floch (1904-1927). Faits et problématiques»,Mémoire spiritaine, n° 17, premier semestre 2003, p. 127-144. 10.Cf. Jacques P ,Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation. RÉVOTAT 1899-1939, Paris, Fayard, 2001, 742 p.; Jacques PRÉVOTAT,L’Action française, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, 128 p. («Que sais-je?» n° 3692).
L e c o u r a g e d e l ’ h i s t o i r e
crise de 1927. Les séminaristes sortis des mains du père Le Floch avaient été imprégnés d’une théologie fixiste qui se traduisait par une difficulté à penser le renouvellement ou à créer et inventer. Mais, il faut le rappeler, du même Séminaire français des mêmes années, sortirent également les évêques, comme Mgr Garrone et bien d’autres, qui devaient être de grands acteurs de Vatican II… Le respect de la chronologie voit le dossier enchaîner avec une autre crise, celle de la décolonisation, à travers deux de ses épisodes qui nous font, d’ailleurs, retrouver la personne de Mgr Lefebvre dans sa période africaine.Michel Legrainnous parle des tenants et des aboutissants de la querelle qui, en 1954, s’est développée autour de la vigoureuse conférence prononcée à Paris par le spiritain Joseph Michel sur le «Devoir de décolo-nisation» dans le cadre de l’aumônerie des étudiants d’outre-mer. Cette conférence met le feu aux poudres, spécialement auprès de certaines person-nalités liant très étroitement patriotisme, colonisation et évangélisation. De puissants intérêts politiques, coloniaux et financiers dénoncent les évêques et les missionnaires sympathisant avec les indépendantistes. La réac-tion des aumôniers et des responsables des groupes d’étudiants catholiques d’Outre-mer est aussi ferme que rapide: ils protestent et se font entendre jusque devant le cardinal Feltin qui tenait beaucoup à l’unité de l’enseigne-ment des théologiens en matière de morale coloniale. Joseph Michel fut certainement encore plus sensible aux critiques provenant de celui qui l’avait nommé à son poste officiel d’aumônier des étudiants d’Outre-mer, Mgr Marcel Lefebvre, qui lui demande alors de prendre sous son contrôle personnel les papiers ronéotypés destinés à l’information des étudiants. Et pourtant il était plus que temps de prendre clairement et chrétien-nement position en cette matière comme nous le montre l’article de l’historien camerounaisAuguste Owono-Kouma.À Pâques 1955, les cinq vicaires apostoliques du Cameroun – dont trois sont spiritains – publient une «Lettre commune» invitant les fidèles à prendre leurs distances vis-à-vis des méthodes violentes et de l’idéologie communiste du parti politique dénommé «Union des Populations du Cameroun» (UPC). Quelques jours plus tard, Félix-Roland Moumié et Ruben Um Nyobè, président et secrétaire général de l’UPC, réagissent, par une déclaration sur «Le colonialisme des missionnaires»: ils montrent à travers une étude comparée entre l’Histoire sainte, les principes religieux et les commande-11 ments de Dieu , d’une part, et le comportement des prêtres, d’autre part, que le clergé missionnaire est un maillon essentiel du système colonial. La riposte de l’UPC donne donc des missionnaires européens une image
11. Même si l’auteur ne le précise pas, il est intéressant de signaler qu’Um Nyobè est membre d’une Église protestante de Douala, ce qui explique sans doute sa familiarité avec le texte des Écritures et sa façon d’argumenter à partir de la Bible…
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négative. Pour une fois, nous avons le point de vue non plus des mission-naires mais des «missionnés», même si les accusations de ce pamphlet demanderaient à être étudiées historiquement. En tout cas, l’Église catho-lique du Cameroun a enregistré des changements positifs suite à la riposte de l’UPC, dont le sacre de deux évêques indigènes en 1955 et 1956. Un peu dans le style de ce qu’avait fait Philippe Levillain pour le 12 concile Vatican II ,Luc Perrin– un des premiers à avoir étudié “l’affaire Lefebvre” – replace le spiritain Marcel Lefebvre dans l’évolution de sa congrégation à partir de l’étude de deux Chapitres généraux spiritains: celui de 1962, qui voit son élection comme successeur du T. R. P. Francis Griffin, et celui de 1968-1969, qui s’ouvre sur sa démission. En 1962, l’élection de Mgr Lefebvre s’explique par des raisons profondes: d’une part, l’avenir d’une congrégation missionnaire tournée vers l’Afrique paraissait incertain, d’autre part, la façon d’être «religieux» du mission-naire spiritain était de plus en plus remise en cause. Le nouveau Supérieur général se propose de mettre en œuvre, un aggiornamento de type pacellien trop longtemps différé par le T. R. P. Griffin. Mais à la veille de Vatican II, ce programme, parfait pour les années Cinquante, arrive à contretemps. L’évolution politique africaine pèse sur les deux Chapitres. Les documents préparatoires de 1968 amplifient les interrogations sur les buts de la Congrégation. Les Spiritains n’échappent pas à la crise qui frappe le catho-licisme en Occident pendant les décennies 1960 et 1970. L’un des aspects de cette crise multiforme, la montée d’une contestation traditionaliste pendant et après Vatican II, fournit à Mgr Lefebvre l’occasion de donner un contenu à son «rêve de Dakar», le séminaire international dont il exprime déjà l’idée au Chapitre général de 1962. Ce souci de formateur de prêtres qui le place dans la filiation de Claude Poullart des Places, via le père Le Floch, il ne parvient pas à le réaliser, selon sa conception, pendant son supériorat. C’est avec la Fraternité sacerdotale saint-Pie X qu’il le met en œuvre, d’abord en marge relativement des orientations conciliaires, puis en marge de l’autorité pontificale à partir de 1975. Les résonances, bien au-delà même de la sphère ecclésiale, des ques-tions abordées dans ce dossier, montrent qu’il faut toujours avoir le cou-rage de l’histoire: Jean-Paul II disait que «l’amour de la vérité, recherchée avec humilité, est l’une des grandes valeurs capables de réunir les hom-13 mes d’aujourd’hui à travers les diverses cultures
P a u l C o u l o n Rédacteur en chef
12. Cf. Philippe LEVILLAIN,La mécanique politique de Vatican II. La majorité et l’unanimité dans un concile, Paris, Beauchesne, 1975, 468 p. (Collection «Théologie historique»). 13. «Discorso al Centro Europeo per la ricerca nucleare», Genève, 15 juin 1982.La Documentation Catholique, n° 1833, 4 juillet 1982, p. 660a.
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