La connaissance discursive (Alain) , livre ebook

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Chapitre I. Du langage
Chapitre II. Langage et poésie
Chapitre III. De la conversation
Chapitre IV. De la logique ou rhétorique
Chapitre V. Commentaires
Chapitre VI. De la géométrie
Chapitre VII. De la mécanique
Chapitre VIII. De l'arithmétique et de 1'algèbre
Chapitre IX. De la vaine dialectique
Chapitre X. Examen de quelques raisonnements métaphysiques
Chapitre XI. De la psychologie
Chapitre XII. La personnalité
Chapitre XIII. De l'humeur
Chapitre XIV. L'individualité
Chapitre XV. Le moi
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04 juin 2023

Nombre de lectures

5

Langue

Français

Alain
La connaissance

discursive

Mawarid Publishing La connaissance discursive

Alain (Émile ChartieTABLE DES MATIERES
Chapitre I. Du langage .......................................................... 5
Chapitre II. Langage et poésie ......................................... 18
Chapitre III. De la conversation .......................................26
Chapitre IV. De la logique ou rhétorique ..................... 35
Chapitre V. Commentaires ............................................... 42
Chapitre VI. De la géométrie ........................................... 48
Chapitre VII. De la mécanique ........................................ 63
Chapitre VIII. De l’arithmétique et de l’algèbre ......... 70
Chapitre IX. De la vaine dialectique .............................. 80
Chapitre X. Examen de quelques raisonnements
métaphysiques .................................................................... 90
Chapitre XI. De la psychologie ........................................ 98
Chapitre XII. La personnalité ......................................... 106
Chapitre XIII. De l’humeur ............................................... 122 Chapitre XIV. L’individualité ............................................ 135
Chapitre XV. Le moi ...........................................................140 La connaissance discursive
CHAPITRE I. DU LANGAGE
Avant d'examiner comment la connaissance
peut s'étendre et s'assurer par le discours
seulement, il faut traiter du langage. Dans tout ce
qui nous reste à décrire, d'inventions abstraites,
de fantaisies, de passions, d'institutions, le
langage est roi. Il s'agit, dans une exposition
resserrée, d'étaler dans toute son étendue ce
beau domaine qui s'étend des profondeurs de la
musique aux sommets de l'algèbre. Mais admirez
d'abord comment les jeux du langage prennent
l'esprit dans leurs pièges. Il faut, disent les
auteurs, s'entendre pour créer une langue, et
donc savoir parler avant d’apprendre à parler. Ce
puéril argument est un exemple parfait des
artifices dialectiques, qui sont pris pour
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Mawarid Publishing La connaissance discursive
philosophie par ceux qui n'ont pas appris à
penser d’abord sans parler.
L'action humaine, j'entends le mouvement pour
frapper, donner, prendre, fuir, est ce qui nous
intéresse le plus au monde, et la seule chose au
monde qui intéresse l'enfant, car c'est de là que
lui viennent tous biens et tous maux dans les
premières années. Ces actions sont les premiers
signes, et les comprendre ce n’est autre chose,
d'abord, que d'en éprouver les effets. Puisque
l'homme apprend à deviner les choses qui
approchent d'après des signes, il ne faut pas
s'étonner qu’il apprenne aussi, bien vite, à deviner
ce qu'un homme va faire, d'après ses moindres
mouvements. Il ne s'agit que de décrire l'immense
domaine des signes humains. À cette fin, on peut
distinguer d'abord l'esquisse de l’action ou son
commencement, qui font assez prévoir la suite ;
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Mawarid Publishing La connaissance discursive
et telle est l'origine de presque tous les gestes,
comme montrer le poing, tendre la main, croiser
les bras, hausser les épaules. On passe
naturellement de là à la préparation des actions,
qui est l'attitude. On devine qu'un homme à
genoux et face contre terre ne va pas combattre,
qu'un homme qui tourne le dos ne craint point,
qu'un homme qui se ramasse va bondir, ainsi du
reste. Enfin, il faut noter aussi les effets
accessoires de cette préparation des actions,
lesquels résultent de la fabrique du corps humain
telle que chacun la connaît d'après la physiologie
la plus sommaire. Telles sont la rougeur et la
pâleur, les larmes, le tremblement, les
mouvements du nez et des joues, le cri enfin, qui
est l'effet naturel de toute contraction des
muscles ; et il faut faire grande attention à ce
dernier signe, destiné à supplanter les autres et
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Mawarid Publishing La connaissance discursive
à engendrer jusqu'à l'algèbre, par un détour qu'il
faut ici décrire. Mais auparavant il faut faire
remarquer que la pensée, qui n'est au naturel
qu'action retenue, offre aussi des signes bien
clairs, qui sont l'arrêt même, l'attention marquée
par le jeu des yeux et les mouvements calculés,
enfin les mouvements des mains par lesquels,
d'avance, nous palpons ou mesurons la chose
vue, ou simplement nous favorisons la vue et
l'ouïe. Toutes ces choses sont assez connues, il
suffit de les rappeler, et de dire que nous savons
interpréter les signes des animaux, surtout
domestiques, aussi bien que des hommes. Le
cavalier devine ce que le cheval va faire, d'après
l'allure et les oreilles. Il faut maintenant
considérer que le langage est fils de société. Au
reste l'homme isolé d'abord, et s'alliant ensuite à
l'homme, n'est qu'une fiction ridicule. Je ne veux
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pas me priver de citer ici, après d'autres, une
forte parole d'Agassiz : « Comme la bruyère a
toujours été lande, l'homme a toujours été
société. » Et l'homme vit en société déjà avant sa
naissance. Ainsi le langage est né en même
temps que l'homme ; et c'est par le langage
toujours que nous éprouvons la puissance des
hommes en société ; l'homme fuit quand les
hommes fuient ; c'est là parler et comprendre,
sans contrainte à proprement parler.
Comprenons donc comment l'imitation, qui n'est
que l'éducation, simplifie et unifie naturellement
les signes, qui deviennent par là l'expression de
la société même. Les cérémonies consistent ainsi
toujours en des signes rituels, d'où sont sorties
la mimique et la danse, toujours liées au culte.
D'où un langage déjà conventionnel de gestes et
de cris.
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Mawarid Publishing La connaissance discursive
Il reste à comprendre pourquoi la voix a
dominé, car c'est tout le secret de la
transformation du langage. L'homme a parlé son
geste ; pourquoi ? Darwin en donne une forte
raison, qui est que le cri est compris la nuit. Il y a
d'autres raisons encore ; le cri provoque
l'attention, au lieu que le geste la suppose déjà ;
le cri enfin accompagne l'action, le geste
l'interrompt. Pensons à une vie d'actions et de
surprises, nous verrons naître les cris modulés,
accompagnant d'abord le geste, naturellement
plus clair, pour le remplacer ensuite. Ainsi naît un
langage vocal conventionnel. Mais comme
l'écriture, qui n'est que le geste fixé, est utile
aussi, l'homme apprend à écrire sa parole,
c'est-à-dire à représenter, par les dessins les
plus simples du geste écrit, les sons et les
articulations. Cette écriture dut être chantée
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d'abord, comme la musique ; et puis les yeux
surent lire, et s'attachèrent à la figure des lettres
ou orthographe, même quand les sons, toujours
simplifiés et fondus comme on sait, n'y
correspondent plus exactement. Ainsi, par
l'écriture, les mots sont des objets fixes que les
yeux savent dénombrer, que les mains savent
grouper et transposer. Toutefois quoique ces
caractères échappent ainsi au mouvement des
passions il s'est toujours exercé un effort bien
naturel, pour retrouver dans ces signes la
puissance magique des gestes et des cris qu'ils
remplacent. Mais n'insistons pas maintenant sur
cette magie du langage. Il s'agit dans ce qui va
suivre, d'un langage défini, ou du moins qui veut
l'être, et d'un jeu qui consiste à penser avec les
mots seulement. On peut appeler discursive cette
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Mawarid Publishing La connaissance discursive
connaissance autant qu'elle est légitime ; et
l'abus en peut être dialectique.
Un homme qui ne connaît que les choses est un
homme sans idées. C'est dans le langage que se
trouvent les idées. C'est pourquoi si on pouvait
instituer une comparaison par les effets entre
deux enfants, l'un qui ne ferait jamais attention
qu'aux choses, et l'autre qui ne ferait jamais
attention qu'aux mots, on trouverait que le
dernier dépasserait l'autre à tous égards et de
bien loin. Car il n'est pas difficile de retenir des
expériences familières, et de joindre à chacune le
mot qui la désigne dans l'usage ; et le métier,
là-dessus, conduit n'importe quel homme à une
perfection étonnante ; mais pour les idées et les
sentiments, qui importent le plus, l'homme de
métier n'est toujours qu'un enfant. Au contraire,
dans l'étude d'une langue réelle, chacun trouve
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toutes les idées humaines en système, et des
lumières sur toute l'expérience, qui lui font faire
aussitôt d'immenses progrès, parce que, d'un
côté, il s'humanise, recevant en raccourci tout ce
qui est acquis déjà, et que, d'un autre côté, suivant
les mots en leurs différents âges, il trouve dans
ce mouvement l'impulsion qui convient à une
nature pensante que l'animalité et l'imagination
occupent toujours puissamment. Il y a bien de la
différence sous ce rapport entre les langues
parfaites que l'on invente d'après la nature des
objets, ampère, volt, ohm, et les langues
populaires, qui ont bien plus d'égard à la nature
humaine, c’est-à-dire aux difficultés réelles que
rencontre tout homme qui s'interroge. Et
remarquons que, même dans les langues
techniques, il est rare que l'on trouve des mots
sans ancêtres, comme sont justement ceux qui
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sont cités plus haut. Le mot fonction, pris dans
son sens mathématique, n'est pas détaché pour
cela de la série politique. Équation, intégrale,
convergence, limite sont encore des mots
humains, malgré l'effort du technicien, qui
voudrait ici nous faire oublier tout autre sens que
celui qui résulte de la définition. Et cette
technique, comme toute technique, tend à effacer
l'idée. Toutes les fois que l'on apprend une langue
vivante par les voyages, le commerce et
l'industrie, on l'apprend techniquement,
c'est-à-dire en vue seulement de désigner un
objet sans ambiguïté ; et la trop célèbre méthode
directe, qui montre l'

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