La Révolution haïtienne au-delà de ses frontières , livre ebook

icon

266

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2006

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

266

pages

icon

Français

icon

Ebook

2006

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2006

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845867794

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Giulia Bonacci, Dimitri Béchacq PascaleBerloquin-Chassany Nicolas Rey
La Révolution haîtienne au-delàdesesfrontières
KARTHALA
LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE AU-DELÀDESESFRONTIÈRES
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com
Couverture : Illustration de Dimitri Bechacq.
© Éditions KARTHALA, 2006 ISBN : 2-84586-779-4
SOUS LA DIRECTION DE Giulia Bonacci – Dimitri Béchacq PascaleBerloquin-ChassanyNicolasRey
La Révolution haîtienne au-delàdesesfrontières
Préface d’Elikia M’Bokolo
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Cet ouvrage est publié avec l’appui du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Haïti
Préface
Cet ouvrage et le colloque qui l’a précédé à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (7 et 8 juin 2004) ont une histoire, une petite histoire. En 2002, nous nous sommes trou-vés à l’EHESS, au Centre d’Études africaines, à nous dire en substance :
« Il y aura beaucoup de manifestations en 2004 à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti. Mais, il faut que nous fassions aussi quelque chose. Quelque chose de différent, qui réunisse la plupart de ceux qui travaillent sur Haïti et de ceux qui, au-delà d’Haïti, parfois loin d’Haïti, ont rencontré à un moment ou à un autre cet événement bicentenaire, y réflé-chissent, l’analysent et le jaugent par rapport à leur propre champ. »
Donc, pas une commémoration, comme il y en a tant eu en cette année 2004 ; pas davantage un de ces bilans qui continuent d’être dressés, au milieu de polémiques dont certains d’entre nous se trouvent être, à juste titre, partie prenante. Mais un par-tage intellectuel des acquis, avec les nécessaires réévaluations et, nous le souhaitons tous, l’ouverture de nouveaux sentiers. Ce n’est donc pas par hasard que, dans ce qui n’était même pas un noyau de départ, se soient trouvés deux jeunes cher-cheurs travaillant en marge d’Haïti. Nicolas Rey, au jury de la thèse duquel j’avais été convié, venait de montrer brillamment l’influence de la révolution haïtienne sur les mouvements d’émancipation dans l’espace caribéen et latino-américain et de repérer les traces d’une présence actuelle de cet événement dans la mémoire et les constructions identitaires de certaines sociétés de cet espace. Giulia Bonacci était engagée dans un voyage encore plus étrange, en suivant l’itinéraire de ces descendants
6
LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE AU-DELÀ DE SES FRONTIÈRES
d’esclaves jamaïcains pour la plupart, émancipés par les Bri-tanniques dans la foulée de la révolution haïtienne, mais toujours insatisfaits, assoiffés d’une liberté dont ils ont fini par penser que l’Éthiopie combattante contre l’impérialisme italien et fasciste était la plus belle incarnation. Avec Nicolas Rey et Giulia Bonacci était ainsi posée, d’entrée de jeu, la question des effets, du rayonnement et de la portée de la révolution haïtienne « au-delà des frontières insulaires ». Si je cite ici Giulia Bonacci et Nicolas Rey, mais aussi Pas-cale Berloquin-Chassany, qui a écrit un ouvrage sur les relations diplomatiques entre Haïti et les puissances occidentales et Dimitri Béchacq qui étudie les usages du vodou dans l’espace migratoire haïtien, c’est parce que toute l’entreprise du montage scientifique et de la réalisation matérielle de cet ouvrage a reposé sur les épaules d’un groupe de jeunes chercheurs dont l’enthousiasme et le sens pratique sont décidément à la hauteur des talents intellectuels. Je dois dire qu’il est à la fois réconfor-tant et stimulant de voir ces jeunes chercheurs prendre à bras le corps, au-delà de leurs recherches propres dont nous connais-sons les contraintes, des échanges et des questionnements auda-cieux sur l’histoire des disciplines, sur la pertinence des con-cepts et des problématiques, sur les passerelles entre les aires culturelles, sur les croisements des temporalités, sur la rénova-tion des champs et des approches.
* * *
« La révolution haïtienne » (je mets cette expression entre guillemets) est précisément l’un de ces objets qui se prêtent le plus à ce type de traitement, mieux : qui le sollicitent et qui le provoquent. « Révolution » ? À mes yeux, il ne fait pas de doute que ce qui s’est passé en Haïti de 1791 à 1804 constitue bel et bien une révolution. Mais, quelle « révolution » ? Je dirais d’abord une série de mutations brutales et irréversibles, comme d’autres parties du monde – les États-Unis d’Amérique, la France et, derrière elle, l’Europe – en ont connues à la même époque. À ceci près, comme certains en feront la démonstration ici, que ces mutations sont issues des ressorts propres de la société colo-niale et esclavagiste de Saint-Domingue et que, tout en partici-pant des événements extra-insulaires de cette époque, elles
PRÉFACE
7
s’inscrivent d’abord dans les longues et profondes contradic-tions de cette société et prolongent, en les radicalisant dans une explosion définitive, la chaîne irrépressible des révoltes et insur-rections qui n’avaient cessé de l’agiter depuis ses débuts. Il s’agit évidemment d’une lecture, la mienne, qui exigerait sans doute d’être argumentée. Puisque le colloque et l’ouvrage qui en découle ont choisi une échellemacropour aborder la révolu-tion haïtienne, je me contenterai de citer un Antillais, venu d’une autre Antille qu’Haïti et dont je partage ici le point de vue, Aimé Césaire :
« Haïti avait très mauvaise réputation à la Martinique. Les Martiniquais avaient de Haïti l’image qu’en donnaient les Fran-çais. Bon. Mais quand je suis arrivé en Haïti, j’ai très vite été frappé par la beauté du pays, l’intelligence et le sens artistique de ce peuple. J’ai découvert d’abord que c’étaient des Antillais exactement comme nous, il n’y a pas de différence essentielle sauf que, comparée seulement à la Martinique, Haïti était beau-coup plus grande. Ils avaient conservé intactes un certain nombre de valeurs déjà menacées à la Martinique. Donc, une Antille où les valeurs de la négritude avaient pu se conserver et avaient pu s’épanouir magnifiquement dans le domaine cul-turel. C’était pour moi la plus belle, la plus grande des Antilles, et plus grande encore quand on se souvient de l’épopée que représente l’histoire de Haïti. Car, il ne faut pas oublier que Haïti ne jouit pas d’une liberté qui lui a été octroyée, que la liberté de Haïti, elle a été conquise. Les Haïtiens ont conquis leur liberté de haute lutte. Ils l’ont conquise pour les Nègres du monde entier et d’abord pour nous. Je suis persuadé que s’il n’y avait pas eu la révolte de Haïti, s’il n’y avait pas eu Toussaint Louverture, s’il n’y avait pas eu Dessalines, s’il n’y avait pas eu l’indépendance haïtienne, je suis persuadé que l’idée abolitionniste qui a triomphé en France en 1848, je crois que cette idée n’aurait pas vaincu forcément en 1848 quand on se rappelle que l’esclavage a duré encore au Brésil jusqu’en 1888 par exemple. Haïti n’a pas conquis la liberté seulement pour elle, elle a conquis la liberté pour tous les hommes de couleur, 1 peut-être pour tout un continent » .
1. Entretien avec Jacqueline Leiner,Les voix de l’écriture. Aimé Césaire, Paris, Radio France Internationale, 1996.
8
LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE AU-DELÀ DE SES FRONTIÈRES
Loin de conclure, cette citation dont je vous prie d’excuser la longueur, introduit à une série de questions sur ces ressorts proprement haïtiens de la révolution de Saint-Domingue et sur sa portée. En prenant pour acquis la dimension centrale des luttes sociales et des conflits de classes, quelle part réserver à ce qui est invoqué ici comme « la négritude » ? Et comment arti-culer ces deux dynamiques avec la longue tradition historiogra-phique qui voit dans « les événements de Saint-Domingue » une sorte de « révolution dans la révolution », c’est-à-dire « dans la révolution française » ? Quoi qu’il en soit, n’est-on pas fondé à se demander, dans une approche de l’histoire du monde qui ne se centrerait pas abusivement sur l’Occident, si la révolution haïtienne n’a pas été une des révolutions fondatrices de « l’époque contemporaine » en ce sens que, en plus de la question de la liberté et de la démocratie déjà posée dans la révolution fran-çaise, en plus de la question de l’émancipation des colonies déjà illustrée par la révolution américaine, la révolution d’Haïti a soulevé la question de l’égalité effective des hommes, par l’abo-lition de l’esclavage, qu’elle a été la première à inscrire dans les faits, et par l’affirmation de l’égalité des races humaines, au moment même où se constituaient les doctrines de l’inégalité e des races. Tout au long duXIXsiècle, Haïti fut, on le sait, au cœur du débat entre ces deux écoles de pensée et ces deux camps politiques : si « les détracteurs de la race noire et de la République d’Haïti », pour reprendre le titre d’un fameux pamphlet collectif, furent légion, c’est à un fils d’Haïti, Anténor Firmin, que nous devons ce qui reste, aujourd’hui encore, l’un des tout premiers et des meilleurs plaidoyers contre le racisme 2 moderne .
* * *
2. Publiés à Paris au cours des années 1880, les deux livres sont : Auguste (Jules), Denis (Clément), Bowler (Arthur) et Janvier (Louis-Joseph),Les détrac-teurs de la race noire et de la République d’Hati. Réponses à M. Léo Quesnel..., précédées de lettres de M. Schoelcher... et de M. le Dr. Bétancès, Paris, Mar-pon et Flammarion, 1882 et Firmin (Anténor),De l’égalité des races humaines. Anthropologie positive, Paris, Librairie Cotillon, 1885.
PRÉFACE
9
La portée de la révolution haïtienne constitue, comme je l’ai indiqué, l’une des pistes où sont engagées plusieurs recherches en cours. On comprendra que je me soucie ici de formuler seu-lement quelques observations sur sa portée africaine. L’historiographie de l’Afrique n’a pas encore achevé un aggiornamentocommencé au cours du siècle écoulé. Non con-tente de se voir reconnaître enfin le statut d’une historiographie en tous points conforme aux règles du métier, elle se préoccupe de se donner des angles d’approche qui, tout en reconnaissant désormais cette part d’« initiative » que les anthropo- logues nous ont appris à débusquer, n’enferment pas les sociétés afri-caines dans la posture de ceux qui, depuis le début des temps modernes, n’auraient que subi des « agressions », « intrusions » et « chocs » venus de l’extérieur. Cette exigence a été formulée dès le milieu des années1930 par un autre Antillais qui, précisé-ment, venait de découvrir la dimension et la singularité de la révolution haïtienne, le trinidadien Cyril Lionel R. James. Dans The Black Jacobins. Toussaint L’Ouverture and the San Domingo Revolution, il exprime ainsi cette exigence :
« J’en avais assez de lire ou d’écouter ce qu’on écrivait ou disait au sujet des Africains : persécutés et opprimés en Afrique, sur l’Atlantique, aux États-Unis et dans toute la Caraïbe. Je décidai d’écrire un livre dans lequel les Africains – ou leurs descendants dans le Nouveau Monde – au lieu d’être constam-ment l’objet de l’exploitation et de la férocité d’autres peuples, se mettraient à agir sur une grande échelle, et façonneraient leur destin, et celui d’autres peuples, en fonction de leurs besoins propres. En faisant revivre, non la décadence, mais la grandeur du peuple antillais... c’est l’Afrique et l’émancipation 3 africaine que j’avais à l’esprit » .
Dans une telle approche, l’histoire de l’Afrique depuis le e XIXsiècle s’enrichit de complexités insoupçonnées, dans les-quelles les entreprises européennes de colonisation n’occupent plus la place de premier plan. Je me contenterai d’indiquer ici que c’est avant les débuts de la colonisation moderne que se façonnent les sentiments d’identité africaine qui, au travers de
3.The Black Jacobins. Toussaint L’Ouverture and the San Domingo Revo-lution, Londres, Allison and Busby, 1984 [1938], p. V.
Voir Alternate Text
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents
Alternate Text