Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845864597

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Richard Kuba, Carola Lentz et Claude Nurukyor Somda
Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso
KARTHALA
HISTOIRE DU PEUPLEMENT ET RELATIONS INTERETHNIQUES AU BURKINA FASO
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Photo par Hans Zimmermann : deux dignitaires de la cour royale du Tenkodogo Naaba.
Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-459-0
SOUS LA DIRECTION DE Richard KUBA, Carola LENTZ et Claude Nurukyor SOMDA
Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
Richard KUBA et Carola LENTZ
L¯histoire du Burkina Faso a de tout temps été marquée par une grande mobilité des populations. Presque aucune barrière naturelle ne venait limiter l¯espace à coloniser et les plus importantes formes écono-miques « pastoralisme transhumant, agriculture itinérante et commerce « ont conditionné de manières diverses les mouvements migratoires. Les conditions naturelles de la savane ouest-africaine, avec ses risques clima-tiques et la précarité de ses sols vite épuisés, favorisaient les différentes formes de mobilité tout, comme les dangers d¯une situation politique parfois volatile. De fait, rares sont les villages qui n¯ont pas vu l¯installation de nouveaux immigrants et le départ d¯individus, de familles e ou de groupes plus larges, au moins jusqu¯au début du XX siècle. L¯histoire du peuplement réserve de nombreux exemples illustrant cette mobilité, une mobilité qui continue aujourd¯hui sous d¯autres formes. On ne mentionnera que la colonisation de nouvelles terres dans les régions moins peuplées, l¯exode campagnes-villes et le travail migrant, facteur important de l¯économie du pays.
Le milieu naturel de la savane ouest-africaine a influé de manières diverses la genèse et l¯évolution des sociétés qui composent le Burkina Faso actuel. Inversement, l¯espace naturel a subi « et subit encore « des transformations continues dues aux activités de ces sociétés. Les savanes des zones sahéliennes et soudaniennes forment ainsi une mosaïque de paysages culturels vieux de plusieurs milliers d¯années (voir surtout l¯article de Pelzer, Reikat et de Somda). On assiste actuellement, de manière de plus en plus aiguë,àune réduction des marges de manœuvre socio-économiques des agriculteurs et deséleveurs, dueàune pression foncière grandissante etàdes processus d¯origine anthropique de dégra-dation des sols et de la végétation. Toutefois, la compétition entre grou-pes sociaux pour l¯accèsàdes ressources rares etàdes espaces utilisables n¯est pas un phénomène nouveau mais a toujours constituéun facteur central de l¯histoire du peuplement et des relations interethniques (voir Breusers, Jacob, Luning et Diallo). Les phénomènes de mobilitérepré-
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HISTOIRE ET RELATIONS INTERETHNIQUES AU BURKINA FASO
sentent des stratégies sécurisantes qui ont marqué l¯accès aux ressources et les formes de négociation des droits d¯accès ; qui sont parfois accom-pagnés de conflits fonciers, surtout entre agriculteurs et pasteurs ou entre °premiers arrivants¯ et °nouveaux venus¯. C¯est la concurrence ou la complémentarité dans l¯utilisation des ressources qui déterminent souvent les relations interethniques. L¯organisation spatiale et socio-politique d¯une zone de colonisation agraire n¯est pas seulement une relation d¯appropriation entre des groupes humains et un espace donné ; elle est aussi le fruit de rapports sociaux complexes, entre des groupes marqués par des trajectoires de mobilité spécifiques et organisées selon des logi-ques sociales et politiques différentes. La terre est souvent au centre des relations entre différent groupes et l¯accès à cette ressource immobile dans un contexte général de mobilité s¯opère souvent à travers l¯ordre d¯arrivée. En effet, des groupes sociaux peuventêtre caractérisés - ou se caractériser eux-mêmes - comme autochtones, premiers arrivants, maîtres de la terre, etc., d¯un côté, et nouveaux arrivants, conquérants, étrangers etc., de l¯autre. Ces caractérisations sont elles-mêmes des enjeux politi-ques, économiques et symboliques essentiels pour la construction des identités. Il s¯agit de catégories classificatoires, qui sont concrétisées, négociées, confirmées ou contestées dans le cadre de systèmes d¯activité hétérogènes, combinant dynamiques agraires et non agraires. La mobilité a fondamentalement influencé la genèse et l¯évolution des sociétés qui composent le Burkina Faso actuel. Une grande diversité de statuts sociaux, culturels et politiques est l¯héritage de ce passé mouve-menté. L¯échange culturel et la flexibilité linguistique l¯emportaient souvent sur les forces d¯exclusion. De multiples processus de métissage et d¯intégration se sont opérés résultant dans des identités collectives nouvelles ; les frontières ethniques étaient souvent floues et circonstan-cielles, et les systèmes sociaux, linguistiques et politiques ne coïncident pas forcement avec les frontières ethniques. Cependant, dans certaines circonstances spécifiques, ces frontières pouvaient se durcir. Surtout, la transformation du paysage politique induite par la colonisation a entraîné des changements dans cette direction. Ces transformations ont entraîné des changements dans les modèles de mobilité, les mécanismes d¯installation, les relations entre premiers arrivés et immigrants, et dans 1 les droits fonciers . Les différents processus d¯assimilation et de conversion linguistique et culturelle, dont l¯écho se retrouve en permanence dans les récits sur l¯histoire du peuplement, montrent cependant que des frontières ethniques
1Vail 1989 : 10-18 ; Kuba,Lentz et Werthmann2001 : 22-3.
INTRODUCTION
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existaient avant la colonisation, et que des concepts de différence ethni-que encadraient souvent les relations sociales bien avant la colonisation. Bien que les catégories et frontières ethniques évoluent et ne conservent pas en temps coloniaux et postcoloniaux la forme qu¯ils avaient dans un e paysage politique comme celui du XIX siècle, certaines structures persistent à travers le temps et les identités ethniques actuelles sont enra-cinées dans les modèles d¯ethnicité précoloniaux. La tendance d¯une société àêtre plutôt intégrative ou plutôt exclusive, pour ne citer qu¯un exemple, ne peutêtre parfois perçue qu¯à travers une perspective de longue durée (cf. Kuba, Lentz, Reikat). Il est donc difficile de se passer de la notion du groupe ethnique comme lieu préféré de l¯histoire du peuplement, et on ne suivra pas les logiques de certains anthropologues qui ont simplement échangés une notion réductionniste et chargée idéologiquement comme celle du ®tribu contre une notion généralisée d¯®invention récente de groupes ethniques 2 par une coalition d¯administrateurs coloniaux et d¯anthropologues. Un ancien protagoniste de l¯idée de l¯invention comme Terence Ranger préfère d¯ailleurs de parler désormais, avec Benedict Anderson, de ®communautés imaginées « imaginées dans la plupart des cas bien avant 3 la colonisation . De l¯autre côté, il est important de préciser que, face aux multiples processus d¯intégration, de différenciation interne et d¯imagination de communauté dont témoignent les études réunies dans ce volume, le modèle populaire selon lequel des peuples entiers ont migré en bloc ou, autre extrême, sont des autochtones depuis l¯aube du temps, s¯avère une projection naïve du passé, voire parfois une interprétation politiquement opportune. On dénombre actuellement, et en simplifiant une réalitésouvent extrê-mement complexe, une bonne soixantaine de groupes ethniques et linguistiques qui cohabitent sur le territoire du Burkina. La majoritédes langues parlées appartiennent, comme le mooré, bwamu, dagara et lobiri, aux langues gur ou voltaïques. Une douzaine de langues est classée parmi les langues mandé, notamment le dyula, bisa, bobo et sane. D¯autres familles linguistiques ne sont représentées que par une ou deux langues ; 4 la plus importanteétant le fulfulde, parlépar les Peul .
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Cf. Amselle 1990 :22 ; Ranger 1983. Anderson 1983 ; Ranger 1993. Kuba et Hien2001.
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HISTOIRE ET RELATIONS INTERETHNIQUES AU BURKINA FASO
Cette richesse linguistique et cette diversité d¯identités, ainsi que la mobilité des individus et des groupes qui marque l¯histoire du peuple-ment, renvoient à des structures, processus et réseaux qui sont loin d¯être confinés dans un seul territoire national. Beaucoup de groupes ont des traditions selon lesquelles les ancêtres seraient venus d¯ailleurs, dans un passé plus ou moins lointain, pour s¯installer sur le territoire national, et bien des sociétés se retrouvent découpées par des frontières. Dans cette perspective, il n¯est pas inutile de faire remarquer l¯incompatibilité profonde qui existe entre un discours national d¯exclusion, comme celui de l¯®ivoirité, et une vision historique du peuplement, qui doit nécessairement tenir compte des développements et des identités trans-nationales.
Rappelons aussi que le territoire du Burkina Faso, anciennement République de laHaute-Volta, a connu pendant la période coloniale bien 5 des changements de ses frontières et de son statut administratif . En 1897 fut créée la région Niger-Volta, rattachée au Soudan français, colonie au sein de la fédération de l¯Afrique Occidentale Française. Deux années plus tard, le Soudan français, considérétrop vaste pour une administra-tion effective, fut morcelé. La partie Nord du futur territoire burkinabèfut rattachée au premier territoire militaire tandis que la partie Sud forma le deuxième territoire militaire, avec pour chef-lieu Bobo-Dioulasso. La région de Fada N¯Gourma faisait partie, jusqu¯en 1907, de la colonie du Dahomey. Vers 1904, la pacification des territoires nouvellement conquis fut considérée comme achevée, et l¯administration passa progressivement aux mains des civiles. En octobre 1904, les territoires militaires furent dissous au profit de la colonie du Haut-Sénégal et Niger, englobant grosso modoles territoires du Mali et du Burkina actuels. La région de Dori, qui appartenait au territoire militaire du Niger, n¯y fut rattachée qu¯en 1909. Une conséquence des guerres anti-coloniales de la région 6 Volta-Bani, en 1914-1916 , fut une nouvelle réorganisation administra-tive de la colonie qui, en mars 1919, aboutiraàla création de la Haute-Volta, avec Ouagadougou comme chef-lieu. Mais cette colonie n¯eut pas une longue vie. En raison des convenances administratives changeantes de la puissance coloniale, la Haute-Volta fut démembrée en septembre 1932 et ses parties rattachées aux colonies de la Côte d¯Ivoire, du Niger et du Soudan français. Ce n¯est qu¯en septembre 1947 que le territoire de la Haute-Volta fut rétabli et prit finalement son indépendance le 5 août 1960.
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Voiràce propos Hien, 1996 ; Kambou-Ferrand 1993 ; Madiéga 1981. Voiràpropos de cette guerre Saul et Royer 2001.
INTRODUCTION
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Bien qu¯à l¯époque précoloniale de multiples relations, d¯ordre politi-que, économique, social et culturel, aient lié les différents peuples burki-nabèentre eux, ceux-ci ne s¯étaient jamais retrouvés au sein d¯un seul cadre géopolitique. L¯organisation politique de ces peuples représentait e au XIX siècle toutes les formes, entre centralisation et décentralisation, monarchies fortement structurées comme en pays moaga et sociétés segmentaires comme celles du sud-ouest du Burkina. Pour la grande majorité des populations, la frontière administrative, interne comme internationale, était au début un concept étranger, qui leur imposait dura-7 blement des modes de vie nouveaux . La frontière regroupait arbitraire-ment des gens qui n¯avaient parfois aucune affinité culturelle ou histori-que, tout en séparant souvent des membres d¯un même lignage ou d¯un même groupe ethnique. Cependant, cet espace étatique, aussi artificiel qu¯il fut aux débuts, développa vite sa propre dynamique identitaire. Les frontières interna-tionales sont souvent appropriés par la population locale comme une ressource supplémentaire, le processus du ®nation building continue et nul ne peut douter, après bientôt un demi-siècle d¯indépendance, de la vitalité d¯une identité nationale. C¯est sous cette identité nationale, et au sein de l¯espace national, que les identités régionales et ethniques s¯épanouissent plutôt. Elles sont influencées par les rapports des forces au niveau national et par le degré de représentation de certains groupes dans les institutions et l¯administration de l¯État moderne, et dans les partis politiques. Ainsi, des projets de loi et de réforme administrative, comme le montre l¯exemple de la décentralisation (voir l¯article de Lentz), peuvent déclencher des processus où les frontières ethniques et les identi-tés régionales sont accentuées, et certaines interprétations partisanes du passéremises au goût du moment (voir les articles de Hien et de Hagberg). Dans cette perspective, toute histoire du peuplement sera diffi-cilement un acquis de faits historiques fixés une fois pour toutes mais toujours une interprétation du passéen rapport avec l¯actualité. Ceci s¯applique d¯autant plusàun passéqui renvoie aux sources des identités collectives mêmes, comme celui des origines, du peuplement et des rela-tions interethniques. Pour qui s¯intéresseàla reconstruction du passé, la question des sour-ces est cruciale. La plupart des contributions mettent explicitement leurs sources en débat et engagent des réflexions concernant les méthodes de recherche (voir notamment Gomgnimbou, Jacob, Hagberg). L¯histoire
7 Par exemple Hien 1996 ; Lentz2003 ;; NugentNugent et Asiwaju 1996 2002.
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