Haïti République Dominicaine Une île pour deux 1804-1916 , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845863798

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Jean-Marie Théodat
Haïti République Dominicaine
Une île pour deux 1804-1916
KARTHALA
HAÏTI RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Collection « Hommes et Sociétés »
Conseil scientique :Jean-François BAYART(CERI-CNRS) Jean-Pierre CHRÉTIEN(CRA-CNRS) Jean COPANS(Université Paris V) Georges COURADE(IRD) Alain DUBRESSON(Université Paris-X) Henry TOURNEUX(CNRS)
Directeur : Jean COPANS
KARTHALAsur internet : http://www.karthala.com
Couverture : Sculpture d’époque taïno. Numéro spécial deConnaissance des arts, « Arts taïno. Les Grandes Antilles précolom-biennes », Paris, 1994.
© Éditions Karthala, 2003 ISBN : 2-84586-379-9
Jean-Marie Dulix Théodat
Haïti
République Dominicaine
Une île pour deux 1804-1916
Éditions Karthala 22-24, bld Arago 75013 Paris
Cet ouvrage est publié avec le concours de l’Université de Paris-X Nanterre
A Simone, A Thomas A Amélie, Anna Ines A Catrine
La lluvia ! ! ! ! !
Bruscamente la tarde se ha aclarado Porque ya cae la lluvia minuciosa. Cae y cayó. La lluvia es una cosa Que sin duda sucede en el pasado.
Quien la oye caer ha recobrado El tiempo en que la suerte venturosa Le reveló unaor llamada rosa Y el curioso color del colorado.
Esta lluvia que ciega los cristales Alegrará en perdidos arrabales Las negras uvas de una parra en cierto
Patio que ya no existe. La mojada Tarde me trae la voz, la voz deseada, De mi padre que vuelve y que no ha muerto.
Jorge Luis Borges
Introduction
1 Deux pays,HaïtietQuisqueya: le cas, se partagent une même île n’est pas si rare. Chypre, l’Irlande, Timor et, dans la Caraïbe même, l’îlot de Saint-Martin, partagé entre la partie française et la partie néerlandaise, sont dans une situation similaire. Dans toutes ces îles, à l’insularité physique, s’ajoute la discontinuité d’une frontière transversale, indiffé-rente à la nature, qui crée entre les deux parties ainsi dénies, une distance qui conne à une insularité seconde, emboîtée dans la première. La frontière crée à son tour des interactions fondées sur des complé-mentarités et des solidarités spatiales nouvelles, nées de la différence. Plus elle est ancienne, plus les effets d’une frontière sont profonds dans leur inscription spatiale. La frontière entre Haïti et Quisqueya est l’une des plus ancienne du Nouveau Monde, elle date de 1697 et représente la limite de deux empires aujourd’hui disparus : l’empire colonial espagnol et l’empire colonial français. Une frontière longue de plus de 300 km du Nord au Sud et qui court à travers une région montagneuse. Elle fut reconnue entre les deux pays en 1777. Les différences nées de cette rupture se sont inscrites géographique-ment à une profondeur telle que les systèmes spatiaux nés de son inscrip-tion ont pu être considérés comme une manifestation anthropologique constante de deuxethoshaïtien et dominicain irrémédiablement distincts. Au-delà de son évidence, l’existence de cette frontière reste une énigme. Comment expliquer son tracé, pourquoi s’est-elle maintenue, qu’elle est son mode d’inscription dans l’espace ? Notre idée est que cette différence, pour patente qu’elle soit, n’était e pas donnée d’avance. C’est au XIX siècle que se créèrent les conditions économiques et sociales qui ont abouti à la double insularité. Avant cette période, les deux territoires étaient certes déjà distincts, mais complémen-taires et structurellement liés par le développement des échanges entre les colonies française et espagnole. Les disparités régionales de l’organisa-tion de l’espace, lorsqu’elles participent d’une logique commune profonde, ne débouchent pas forcément sur la différenciation des terri-toires, voire à leur démembrement. En dépit de leurs différences, les deux territoires avaient de solides relations de proximité et de complémentarité fonctionnelle.
1. Noms d’origine taïno voulant dire « terre montagneuse ».
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HAÏTI ET LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Cependant, à partir de l’Indépendance d’Haïti, la donne changea : il n’était plus seulement question de délimiter les conns de deux empires, mais de dénir l’étendue de la souveraineté d’une nation : Haïti aspirait à des frontières sûres pour assurer son indépendance, et le vide relatif de la partie orientale apparut comme un élément de faiblesse de la stratégie de défense en cas d’invasion par les puissances étrangères. Dès lors cessa la e neutralité bienveillante du XVIII siècle, et avec elle, la complémentarité économique qui s’était établie entre les deux colonies française et espa-gnole. Alors la frontière devint une barrière entre deux nations aux réfé-rences politiques et culturelles antagoniques. Notre travail consistera à saisir les modalités géographiques de cette fracture et de la consolidation en deux systèmes distincts. Il y eut de rares, mais décisives occasions d’unication politique de l’île : sous Toussaint Louverture d’abord (1801-1802), sous Jean-Pierre 2 Boyer de 1822 à 1843. Et pourtant, undépareillageset entre les deux territoires. Processus que l’on peut considérer, à la fois, comme le signe de la résurgence d’une identité plus ancienne, hispano-dominicaine, et de l’émergence d’une nation souveraine, Haïti ; ce terme désignant aussi bien la nation que l’État lui-même. Le paradoxe de la situation tient dans le décalage historique perma-nent qui présida aux relations entre les deux territoires, décalage que le e XIX siècle a transformé en frontière durable. Installés depuis plus long-3 temps sur l’île (1492), les Hispano-Dominicains n’étaient pas encore une nation, mais une dépendance aux marches de l’empire colonial espagnol. Cette communauté fut prise au dépourvu par l’éclatement de la révolte des esclaves et la création d’un État indépendant en Haïti (1804). Ce pays précéda Quisqueya d’une vingtaine d’années dans l’afrmation de son indépendance, ainsi se constitua une nation haïtienne plus précoce et plus homogène que la nation dominicaine, laquelle eut du mal à se dégager de la référence à l’Espagne, comme à une mère protectrice. C’est à débrouiller les modalités du dépareillage géographique et poli-tique des deux parties de l’île que s’attache ce livre. Haïti, Quisqueya? La République d’Haïti et la République Domini-caine (telles sont les appellations ofcielles des deux États) ne s’accor-dent pas sur un nom commun pour désigner cette île dont chacune possède une partie. A croire qu’elle n’existe pas. Les Haïtiens disentHaïti pour désigner indifféremment la République d’Haïti et l’île entière, ils 4 appellentNanpanyólouDominicaniele pays voisin. Quant aux Domini-
2. Le terme n’existe pas dans le dictionnaire, mais est assez commode pour donner l’idée dudépartqui se fait entre deux nations, et pour dire le processus responsable du caractèredépareillédes deux territoires. 3. C’est-à-dire les Créoles, les fonctionnaires métropolitains et des esclaves. On appelle ainsi les habitants de la colonie espagnole avant l’Indépendance de 1821. 4. Appellation d’origine coloniale probablement, du créolenanqui désigne le lieu, l’endroit, et depanyólqui signie Espagnols, soit « pays des Espagnols ».
INTRODUCTION
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cains, ils préfèrent encore appelerEspañolal’île entière, etQuisqueyala portion du territoire qui leur est propre. Il ne s’agit pas que d’une impré-cision toponymique qui serait sans conséquences sur la représentation que les habitants se font d’eux-mêmes. C’est le signe qu’il n’existe pas dans les consciences collectives des Haïtiens et des Dominicains une dimen-sion insulaire commune. Chaque nation vit dans une telle ignorance de sa voisine qu’elles auraient pu tout aussi bien se trouver sur deux îles distinctes. Le sentiment qui domine est celui d’une insularité dédoublée. Haïtiens et Dominicains ont bâti leurs territoires respectifs en se tournant 2 le dos. Aujourd’hui, les deux pays (au total 77 250 km ) sont aussi diffé-rents que s’ils étaient séparés de la mer comme l’est Cuba de la Jamaïque. e Le XIX , et plus particulièrement la période qui va de lan de la domination française au débarquement américain (1804-1915), fut une période charnière qui peut se résumer en une alternative, car il offrit à la fois l’opportunité d’une intégration plus poussée, et les motifs d’une rupture plus franche par rapport au siècle précédent. Ce fut le moment de la consolidation de tendances diffuses, latentes, sur le double plan exté-rieur et intérieur.
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A première vue, tout sépare les deux pays ; d’un côté, Quisqueya : la lle aînée de l’Église dans lesIndes Occidentales, la terre où fut créée la première Université des Amériques, où furent construits le premier couvent, la première cathédrale, édiée la première cité. C’est, en 2003, un pays à revenu moyen, dont l’économie repose de plus en plus sur les revenus du tourisme et les zones franches industrielles, deux domaines dans lesquels il occupe une position prééminente dans la Caraïbe. 5 De l’autre, Haïti : lapremièreRépublique noire (1804), qui porta le premier coup au système esclavagiste et fut le siège de la première expé-rience de création d’un État libre par des esclaves après la victoire sur leurs anciens maîtres. En dépit de ce glorieux passé, la patrie de Toussaint Louverture est aujourd’hui classée parmi les pays les moins avancés (PMA), c’est le pays le plus pauvre de toute l’Amérique, celui où l’espé-rance de vie moyenne est la plus faible par habitant (56 ans, au lieu de 75 à Puerto Rico et 65 en République Dominicaine). Ces dix ans d’écart entre l’espérance de vie moyenne des deux populations explique que tant d’haïtiens font le choix d’aller vivre de l’autre côté de la frontière, à la recherche d’emplois et de meilleures conditions de vie. Il y aurait aujour-d’hui entre 250 000 et 500 000 Haïtiens ou personnes d’origine haïtienne
e 5. Il y eut au XVIII siècle au Brésil (cflesquilombos) en Guyane (en territoire des Saramaka) et à la Jamaïque (dans les Blue Mountains) des communautés de marrons qui vivaient dans les interstices du système esclavagiste dans une indépendance relative reconnue par le pouvoir colonial.
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