C'est dans les périodes de décadence que la question identitaire rejaillit avec la plus grande violence. Elle obnubile les esprits occultant, par là même, les décrépitudes politiques, morales et culturelles à l’œuvre. C’est une construction idéologique qui, à défaut de projet, diabolise l’autre, qualifié d’abord de différent avant de se retrouver ennemi, justement parce qu’il serait différent. Et différent, on le devient nécessairement, que ce soit par la race, par la religion, par la situation... C’est ce que vivent aujourd’hui nombre de pays prêts à sombrer dans cette guerre populiste et vaine parce qu’ils craignent la dépossession de la suprématie perdue.Ce fut aussi la situation de l’Espagne : pays multiple, pays divers, conquis par l’élan des Musulmans dans leur période d’expansion, férocement et patiemment reconquis par une croisade de plusieurs siècles et victime d’une idéologie inquisitoriale décrétant « le blasphème ou la mort ».En ces temps troublés, il est instructif de refaire ce parcours et ses conséquences : comment l’idéologie s’est développée, s’est installée et est devenue une politique. C’est presque un cas d’école. Tout comme le franquisme qui clamait « gloire aux vainqueurs, malheur aux vaincus ». Et de se rappeler aussi cette phrase d’un président espagnol : « Nous n’avons pas d’agriculture parce que nous avons chassé les Morisques, nous n’avons pas d’industrie parce que nous avons chassé les Juifs… ». Mais bien que converti de force, exilé, oblitéré des esprits et des textes, rayé de l’histoire espagnole, le Maure est toujours là pour hanter les mémoires et les identités, témoin lancinant d’un syndrome de culpabilité et de mortification qui habite l’Espagne. Car se fabriquer des haines, n’est pas sans danger.Cette histoire, à la fois proche et lointaine, est destinée à faire réfléchir sur les dangers des temps présents. Une modeste contribution à l’époque, un rappel que toutes les civilisations sont mortelles, que le rejet de l’autre conduit au néant, que tous les humains sont des bâtards et que le progrès c’est l’osmose, la mutation perpétuelle, ne serait-ce que pour survivre et quoi qu’il en coûte...
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