278
pages
Français
Ebooks
2010
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2010
Nombre de lectures
52
EAN13
9782296248526
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
18 Mo
Publié par
Date de parution
01 janvier 2010
Nombre de lectures
52
EAN13
9782296248526
Langue
Français
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18 Mo
1
Men bu ishni dustlarimga bag'shlayman, u erda, su erda va u yoqda .
2
Posvjaaetsja moim druz’jam tam, zdec’, naverhu .
À mes amis, là-bas, ici, là-haut.
1
Traduction en ouzbek.
2
Traduction en russe.
INTRODUCTION
Été 2004, à Boukhara, près du Liabi-khauz. Le bassin resplendit, les mûriers se
déploient et protègent les badauds des brûlures acérées du soleil. Des enfants
bruns grimpent dans les branches puis plongent en arrosant quelques groupes de
touristes armés d’appareils photographiques. Dans un coin, de vieux
Ouzbékistanais, longuesbarbesetdentsdorées, jouentauxéchecs. Dans un autre,
des voyageursfatigués sirotent unthé. Une femmevend desgrainesdetournesol
tandisque les serveursdes restaurants virevoltentaumilieudetroupeauxd’oies.
3
Autourdevous, lesombresdesmedressehtransforméeslà ensalon de coiffure, là
en échoppesd’artisanat, etles travauxd’un hôtel que quelqu’un construit, plusau
sud, dansdesombres ruelles. Pendantque desétudiantsbalaientavec attention les
bordsduLiabi-khauz,vouscontemplezles vestigesdupassé.
Novembre2005, à Tachkent, prèsdubazarChorsou. Aupied de la nouvelle
Maison de la mode,une autorouteurbainevide est traversée à pied pardesfemmes
auxlourdscabas. Elles se dirigent versle marché quirésonne d’une animation
matinale frémissante. Toutaulong de l’artère, desfaçadeséventrées, des
immeublesen construction. Juste derrière,une nappe brune d’habitations serrées
les unesauxautres, danslaquelles’engouffreune carrioletirée par un âne
asthmatique. Vouspassezprèsd’une mosquée d’où s’élèventquelquesprières.
Vous traversezdes terrains vagues, deschantiers, desponts souslesquelscouleune
eauputride. Vous voilà prèsduparc Foroby,reconstruitilya quelquesmois. Un
hommevousaccoste ensouriant. Ilvousditque lavie estbelle, quesaville est
belle, etque grâce auprésident, il peut venirlàse promener. Vousl’écoutezpuis
disparaissezdans unerue pleine detrousetde bosses,vous vousenfoncezdansles
4
méandresd’EskiChahar.
Vousdéambulezet vous vousinterrogez,simplement: commentcomprendre les
évolutions urbainesquevous voyezdevant vous? QuitransformeEski Chaharet
e
pourquelles raisons? AuXIXsiècle, l’Autrichien A. Riegl montre que la
préservation desmonumentshistoriquesestétroitementliée à des valeurs(1984).
J’élargiscette démarche etje la confronte au terrain centrasiatiqula gee :stion des
espaces urbainshéritésdupassé, qu’ils soientmonumentauxou vernaculaires,
répond à deschoixémisaunom de multiplescritères, parfoiscomplémentaires,
parfoiscontradictoires. Laréhabilitation est unsystème mouvant, instable, qui a
pourobjectif lavalorisation de l’héritage bâti. Ce dernierest transforméselon des
procéduresinitiéesparl’Etatpuis relayéesparlesacteursprivés. Une palette
d’outilsestalorsdéployée pour répondre auxattentesde chaculan :ville est
3
Medresseh :école coranique. L’écriture de cetermevarie :« madrasen langa »ue arabe,
« medresseh » ou« medreseh » en langues turciques.
4
Eski Chahar: en ouzbek, «vieilleville ».
9
remaniée en fonction de formes, d’échelles et de valeurs qui définissent un système
complexe dont l’héritage urbain est le cœur(Figure 1).
Figure 1 - Lesystème de laréhabilitationurbaine I
J’utilise leterme d’« héritage »etnon celui de «patrpoimoine »urdeux raisons
principales. La première estlinguistique : enrusse, en ouzbek ouen anglais, notre
« patrimoine »setransforme en « héritage ». Laseconde découle de notre premier
postulat: l’ « héritage »urbain peutêtretransformé aunom devaleursmultiples, et
pas seulementhistoriques, alorsque le «patrimoine » estassimilé au« patrimoine
historique », dans un contexte occidental où toutce qui provientdupassé doitêtre
protégé. Mme F. Choay souligne cette évolutionvisible depuisquelquesdécennies
dansnos sociétés(1996). Or, comme nousleverrons, ce qui nous vientdes siècles
d’antan n’estpas toujours valorisé aunom desasignification historique. D’autres
logiques, d’autresimpératifsentrenten jeu. L’héritage bâti est une construction
créée detoutespiècespour répondre aux valeursdictéesparl’Etat. Il estlerésultat
de choixpolitiquesproposés, puisacceptés,remaniésou rejetésparlasociété. Il est
dèslorsprimordial de comprendre commentlesacteurspublicsetprivés
interagissentau sein du système de laréhabilitation :la «ville offerte» de Mme S.
Ostroweskyconvient-elle à la «ville pratiquée» (1979) ? Le5 :s valeursproposées
parlespouvoirspublicscorrespondent-ellesà celles revendiquéesparleshabitants
etlesorganisationsinternationales? Se complètent-elles? Se confrontent-elles? Si
tel estle cas, cette opposition est-ellesurmontLeée ?sprojetsderéhabilitation
réalisésparles unsetlesautres s’articulent-ils? Permettent-ilsdevaloriser
l’héritage bâti etdesatisfaire lesattentesde chacun ?
10
Pour répondre à cesquestions, il faut trouver unterrain où touslescomposantsdu
système de laréhabilitationsontprésents. Desacteurs variés, publicsetprivés,
nationauxetinternationaux, qui agissentaunom devaleursparfoiscontradictoires.
Des réhabilitationsquis’appliquentàtoutesleséchellesetqui prennentdesformes
matériellesetimmatérielles, façonnéesparde multiplesoutils. Je mesuisdirigée
verslesEskiChahard’Asie centrale,verslesquartiersprécoloniauxd’Ouzbékistan,
à Tachkentetà Boukhara. Leterme « précolonial »renvoie aux structures urbaines
5
homogènesqui existaientavantla colonisationrusse , ilrenvoie aux tracesd’un
lointain passé encorevisible actuellement. J’utilise l’expression «quartier
précolonial » pour soulignerlarupture politique et spatiale quis’estmise en place à
e
partirde la fin duXIXsiècle :un pouvoirexogène, puissant, conquérant,suivi de
6
l’emprisesoviétique,remplace deskhanatéclatés,tourmentés. LesnouveauxEtats
marquentl’espaceurbain etmettentde côté la cité dupassé.Yangi Chahar, laville
nouvelle,s’ajoute à l’Eski Chahar,transformée en « quartier», «partie d’uneville ayant
sa physionomie propre et une certaineunité» (Le nouveauPetitRobert,2007), lieude
concentration d’enjeux spatiaux, économiques,sociauxetpolitiques.
Lescitésprécolonialesqui ponctuaientles routesde lasoiesontaujourd’hui
7
réduitesà desquartiersauxmaisonsen brique crue d’un à deuxétages,repliées
autourde leurcourintérieure,tournantle dosà larue, étroite etlabyrinthique. Ce
tissu urbain ponctué de monuments souvent sacrésest unvestige fragile des siècles
passés, menacé pardesconditionsnaturellesdifficiles, parde nouvellesaspirations
sociales- le confort, la modernité - pardesinfrastructuresinadaptéesdans un
contexte oùl’argentmanque cruellement. Soumisaux tremblementsdeterre etaux
attaquesdu sel, lesmatériaux- brique crue etbois-s’altèrent rapidement, etles
moyens techniquesetfinanciersfontdéfaut: l’économie nationale estagitée de
soubresauts tandisque leshabitants tententdesurvivre, chacunserattachantaufol
espoir touristique. CommentprotégerEski Chahartouten l’adaptantà la
modernité, auxaspirationsdesTachkentoisetdesBoukhariotes? Commentfaire
face à la dégradation duquartierprécolonial alorsque l’argent se fait rare ?
Comment réhabiliteren conciliantcesdifférenteslogiques? Est-ceseulement
possible ?
La juxtaposition des valeursestà mettre enrelation avecun
e
d’acteurs. Toutaulong duXXsiècle, lesquartiersprécoloniaux
complexe jeu
sonten partie
5
LesRussesconquièrentTachkenten 1865.
6
Khanat: en ancienturc,région contrôlée parle khan.
Khan : en ancienturc, «à l’origine,titre désignantle chef d’une confédérationtribale, dérivé de la forme contractée
kagan attestée sous la forme kan dans les inscriptions de l’Orkhon. Dans les siècles qui précèdentla conquête mongole,
khân est untitre princier par opposition au titre suprême de sultan. Il finitpar désigner le chef suprême de la formation
étatique d