75
pages
Français
Ebooks
2017
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Publié par
Date de parution
26 septembre 2017
Nombre de lectures
13
EAN13
9782897262884
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
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26 septembre 2017
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13
EAN13
9782897262884
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Français
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Préface Nicolas ou le Québec qui gagne
Barcelone, un soir de juillet 1992. Dans la salle de presse des Jeux olympiques, une information se répand à la vitesse de l’éclair parmi les journalistes québécois : un gars de Montréal vient de remporter une mé daille en judo !
Le lendemain matin, je rencontre pour la première fois Nicolas Gill. Son cou est raide et son pied droit, enflé. Les combats de la veille ont laissé des traces. Mais quel sourire ! Celui d’un sympathique colosse de vingt ans, incarnant à merveille l’idé al olympique : intégrité, confiance et humilité.
Nicolas, un peu étonné de toute l’attention que son exploit suscite, pourrait afficher fièrement sa ré compense. Elle traîne plutôt dans une poche de son jeans coupé. Lorsqu’il sort enfin sa médaille de bronze, il lance : « Elle ne changera rien à ma vie. J’ai hâ te de retrouver mes copains et d’avoir du plaisir avec eux ».
L’histoire de Nicolas ressemble alors à un conte de fées. Ce long chemin vers le podium des Jeux de Barcelone, il l’a amorcé dès l’â ge de six ans, découvrant les plaisirs du judo dans de petites salles paroissiales. Après deux semaines, il participait déjà à sa première compétition.
S’il savoure cet instant magique sous le soleil catalan, Nicolas annonce déjà ses ambitions en vue des prochains Jeux olympiques : « Cette médaille est une étape dans ma carrière, dit-il. Je vise l’or en 1996 ».
Hélas, ce beau rêve ne se concr étisera pas. Le sport de haut niveau apporte souvent son lot de mauvaises surprises. Après avoir vécu des moments exceptionnels en 1992, Nicolas vivra une période éprouvante quatre ans plus tard. Je me souviens d’un entretien avec lui à la fin de cette année sombre. Nous étions dans un café du Vieux-Montr éal et il me racontait la peine profonde l’ayant habité après sa trop rapide élimination aux Jeux olympiques d’Atlanta.
Ses chances de remporter l’or s’étaient évanouies t ôt dans la journée. Même s’il demeurait en lice pour le bronze, ce choc brutal mina sa concentration. Et il perdit de manière décisive le combat qui lui aurait valu une nouvelle visite sur le podium. « Quand je suis retourné au vestiaire, je suis resté seul dans mon p’tit monde pendant trente longues minutes, peut- être même une heure, me raconta-t-il. Je ne voulais parler à personne. J’ai pleuré. »
Puis, après un moment de silence, Nicolas m’apprit que sa mère venait de mourir deux semaines plus tô t, emportée par une maladie subite. Elle n’avait que cinquante-six ans. Son récit me toucha droit au cœur. Mais je savais qu’au-delà de sa douleur, ces épreuves n’auraient pas raison de son immense détermination. Cet é clair dans ses yeux révélait sa force de caractère, celle que le judo a contribué à développer. Le gamin de 1992 était devenu un homme, prêt à affronter l’adversité que la vie lui proposait.
Je n’étais pas aux Jeux de Sidney en 2000. Mais je me souviens de ma joie en apprenant que Nicolas était de nouveau médaillé olympique, remportant l’argent. Malgré les déceptions, il avait trouvé en lui les ressources pour s’ imposer de nouveau sur la plus grande scène sportive du monde. Les athlètes de pointe sont habités par une résilience exceptionnelle.
Comme tant d’autres olympiens, Nicolas n’a jamais fait fortune grâce à son sport. Mais il a vite compris que l’ argent, si utile pour mener une carrière internationale de premier plan, ne compte plus lorsque vient le temps de mesurer le véritable succès d’une vie. Quand sa carrière a pris fin, il est devenu entraîneur. Et sa passion pour le judo est demeurée aussi vive qu’à l’époque où il livrait ses premiers combats d’importance, voyageant aux quatre coins du monde pour prouver sa valeur.
Depuis des années, Nicolas contribue à former avec succès les judokas de la relève. Dans mon esprit, cet homme d’exception personnifie parfaitement le Québec qui gagne. Sur les terrains de sport, évidemment, mais d’ abord et avant tout dans la manière de mener sa vie.
Philippe Cantin journaliste
Chapitre 1 L’athlète-enfant : du quartier à la ville
Nicolas Gill : « Vos enfants à la maison, ce qu’ils font lorsqu’ils se chamaillent, c’est du judo, mais ils ne le savent pas » (2000)
L a famille de Denis Gill est d’origine modeste ; pendant des années, le jeune Denis seconde son pè re, propriétaire d’un dépanneur, s’initiant aux multiples tâches du métier. La famille est établie à Montréal et, comme la plupart des familles Gill, elle tire son origine de l’ ancêtre François Langouman Gill, célèbre Abénaquis de la réserve d’Odanak, située dans le Centre-du-Québec 1 . Parallèlement à ses multiples emplois, Denis poursuit ses études et devient finalement professeur à l’École Polytechnique de Montréal. Il rencontre Louise, une universitaire, avec laquelle il fonde sa famille.
Un soir de juillet 1976, entouré de Louise et de ses trois jeunes enfants, Denis regarde les Olympiques de Montréal à la t élévision. La petite famille, comme beaucoup d’autres, est enthousiaste devant les multiples performances sportives du spectacle olympique et le jeune père en profite pour passer un petit message d’activité physique à ses rejetons. Sa fille Nathalie, alors impressionnée par la jeune Roumaine Nadia Comaneci, s’oriente tout de suite vers la gymnastique. Stéphane, l ’aîné, cherche ici et là. Il se rend alors à une journée d’inscription pour les loisirs à la Ville de Montréal. Presque toutes les disciplines offertes sont remplies au maximum de leur capacité. Il reste des places en judo, un sport bien marginal à l’époque 2 . Il s’y inscrit, faute de mieux.
Stéphane s’initie donc à cette activité sportive méconnue. L’ entraîneur est Marc Richelme. Bénéficiant de moyens fort modestes, l’entraînement se fait en survêtement et non avec le costume traditionnel du judogi. Peu importe, le défi est là. Stéphane y prend goû t, car il s’achète bientôt un judogi et en décembre 1977, il participe à son premier tournoi intra-club local.
Nicolas, le jeune frère de Denis, assiste en spectateur, au tournoi avec ses parents. Nico reçoit alors une double révélation. La vision du tapis de combat, le tatami, le fascine. Mais en plus, il assiste à un moment privilégié de ce tournoi de combats, car son grand frère Stéphane monte sur le podium et reçoit la médaille de bronze. Le jeune frère revient à la maison transformé ; il annonce à tout son petit monde qu’il fera du judo lui aussi !
Il veut faire comme son grand frère, mais… il n’a pas encore six ans ; « trop jeune », dit l’entraîneur. Patience de l’enfant ; au mois de septembre de l’année suivante, Nico a enfin 6 ans et il va évidemment s’inscrire au Club de judo, toujours animé par le judoka Richelme. Il ne le regrettera pas.
Denis Gill insiste sur le caractère exceptionnel de cet entraîneur et sur son dévouement sans limites auprès des jeunes 3 . Richelme était « dédicated » comme on le disait à l’époque, il faisait du « moonligtin g 4 » ; il a formé de nombreux champions juvéniles canadiens. Denis Gill aime à répéter que si c’est maître Nakamura qui a montré ce qu’était le judo à Nicolas, c’est l’entraîneur Richelme qui lui a d’abord transmis la passion pour ce sport.
La carrière de Nicolas, commencée sur un ajournement à cause de son trop jeune âge, se développe ensuite avec le m ême paradoxe. Le père de Nicolas raconte en souriant l’étape suivante, l’absence répétée de Nicolas aux Jeux du Québec. Le jeune athlète s’est class é trois fois ; surclassé les deux premières à cause de son trop jeune âge, la troisième fois, il n’est plus admissible, car il est déjà m édaillé d’or du Canada et donc, encore une fois « surclassé », à cause de son niveau de compétence cette fois. Mais le paradoxe s’intensifie, car on lui demande alors d’être le porte-parole desdits Jeux ! Ce qu ’il fera de bonne grâce. Denis Gill en rit encore aujourd’hui ; cette image paradoxale de catégories d’âge, de poids et de compétence reviendra périodiquement au cours de la carrière de Nicolas. Trop jeune, trop fort ; c ’est souvent ce qui caractérise c