211
pages
Français
Ebooks
2017
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2017
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Publié par
Date de parution
18 octobre 2017
EAN13
9782764434680
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
9 Mo
Publié par
Date de parution
18 octobre 2017
EAN13
9782764434680
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
9 Mo
Projet dirigé par Élyse-Andrée Héroux, en collaboration avec Éric St-Pierre
Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Pige Communication
Révision linguistique : Élyse-Andrée Héroux et Chantale Landry
En couverture : Photographie par Martine Doyon
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Bigras, Dan
Le temps des seigneurs
(Biographie)
ISBN 978-2-7644-3466-6 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3467-3 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3468-0 (ePub)
1. Bigras, Dan. 2. Chanteurs - Québec (Province) - Biographies. I. Titre. II. Collection : Biographie (Éditions Québec Amérique).
ML420.B53A3 2017 782.42164092 C2017-941652-9
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com
À Guillaume et Jean-François
AVANT-PROPOS
IL ÉTAIT DEUX FOIS
Il a fallu être deux. Un, ce n’était pas assez. Tout seul, je me serais mal débrouillé. Je ne serais peut-être même pas là. Je serais peut-être en prison, à l’hôpital psychiatrique ou mort. Je ne sais pas.
L’un sommeillait dans l’autre. C’était prévu depuis le début. Le grand Dan s’occuperait de la protection rapprochée, du confort, du plaisir, du déni, il essaierait de ne pas devenir un monstre, peut-être même qu’il deviendrait quelqu’un. Bref, il s’occuperait des affaires d’adultes. Et le petit Daniel dealerait avec les choses habituelles : la rage, la tristesse, le vide…
Le petit Daniel est plus dangereux que le grand Dan. C’est lui qui est enragé. Moi j’en ai juste l’air un peu des fois, pour me rassurer vaguement, mais c’est du cinéma. Le petit, il a pas juste l’air, il a toute la chanson. C’est pour ça que c’est lui qui écrit. Après tout, c’est lui qui a besoin d’être écrivain. Je me fais donc régulièrement tasser par le petit Daniel. Souvent, je crois que j’écris… mais l’âme du crayon, c’est lui.
Le petit Daniel parle de nos parents de façon épouvantable. Il a en partie raison… en partie seulement. Je dois souvent mettre de l’eau dans son vin.
Il dit :
« Ma mère m’aime pas. Son regard fâché me donne toujours l’impression que j’ai fait quelque chose de mal, de grave. Elle me tend des pièges de cochon pour que je me fasse crisser des volées. Elle a pas pour moi les gestes qu’ont les autres parents pour leurs enfants. Elle m’aime pas. »
Il dit aussi :
« Mon père me bat, mais il m’aime. Il me montre souvent de l’affection pis de la tendresse. Il est une bombe à retardement. Il me fait peur… Il m’enseigne la jungle. Fait que je suis en état de survie 24/7, mais j’ai de l’amour aussi… C’est pas mal mélangeant. »
Moi, je suis toujours un peu inquiet pour le petit. Je me suis souvent demandé s’il ne pourrait pas tuer un jour.
Ça va être ma job de faire du sens de notre histoire. De comprendre mes parents, mes Bigras et ma société, pour trouver une paix, une vraie paix dans le torrent de mes guerres. C’est passionnant, mais c’est de l’ouvrage. C’est comme écrire tout un livre juste pour tourner la page.
Alors j’écris, je compose, je cherche. En même temps, je gère le petit qui veut tout le temps se pogner avec des grands et, bien souvent, avec son grand lui-même. Je le gère en le surveillant du coin de l’œil, en le calmant. Lui, en retour, m’anime ; je suis souvent un peu apathique. On fonctionne bien comme ça. C’est une symbiose naturelle. C’est comme une légère schizophrénie, sauf qu’on est au courant… Un peu comme si je m’étais rencontré sur Tinder. Et ça va très bien, je suis encore ensemble.
Tous les deux, on s’organisera pour faire quelque chose avec ce qu’on a en dedans. C’est comme ça que le petit va frapper son piano et hurler des notes, que je vais harmoniser, arranger, enregistrer pour tenter de rendre ça écoutable. Je vais aussi essayer de faire écouter ça à tout le monde ; ça fait du bien au petit.
C’est comme ça que le grand va boire une bière « pour le fun », pendant que le petit deviendra alcoolique.
C’est comme ça que le grand va essayer de survivre, pendant que le petit va essayer de se tuer…
Bref, ça roule bien. Il faut se prendre à plusieurs pour être quelqu’un au temps des seigneurs.
Ça se répare être blessé
Il n’y a pas de mauvais sort
Tant que moi je peux t’aimer
À la vie et à la mort
L’ombre-soleil nous fait voler
Les lumières dansent dans le nord
Tant que moi je peux t’aimer
À la vie et à la mort
INTRODUCTION
LE PIÈGE
Je cours, paniqué. J’ai encore été piégé par ma mère. À moins d’un miracle, mon père va me tuer à soir. Le même style d’arnaque que d’habitude. J’ai beau courir, l’horizon s’éloigne et l’enfer approche à grandes claques, avec un verre de vin dans une main.
Ma mère est en colère tout le temps. Contre le mauvais temps, contre le beau temps, contre les hommes en général, quoique « les hommes en général » ont l’air de ressembler beaucoup à son papa à elle et au mien… Elle est en colère contre beaucoup de choses, mais surtout contre moi.
Je n’ai jamais vraiment su pourquoi. C’est évidemment de ma faute, ça se peut pas autrement. Je suis très mauvais à l’école. Comme le trouble de déficit d’attention (TDA) n’existe pas encore, ma mère croit que j’essaie de la rendre folle et honnêtement, quelquefois, c’est ce que je croirais à sa place. Quelquefois c’est dramatique, comme lors des crises de rage causées par la remise des bulletins, et quelquefois c’est carrément comique.
Je perds mes mitaines. Tout le temps. Ma mère m’en achète et m’en rachète, et automatiquement je les perds toutes, toujours. Ma pauvre mère, à bout de nerfs, m’a acheté une clip pour attacher les mitaines avec le manteau… Perdu le manteau.
Régulièrement, la colère habite ma mère comme un ours habite sa grotte. Ça hiberne tranquille, mais quand ça sort, ça a faim. Vaut mieux ne pas se trouver à côté. Le problème est que je suis très souvent à côté de ma mère, ce n’est pas vraiment un choix. Je ne sais pas pourquoi elle devient si enragée. Je ne connais pas encore son histoire. Alors quand sa rage l’habite, elle me tend des pièges de cochon. Comme aujourd’hui.
Avant que je parte à l’école ce matin, elle m’a chargé d’aller acheter des choses à l’épicerie. Elle m’a bien spécifié de ne pas me tromper avec le change. Elle avait déjà le regard furieux, comme si elle prévoyait que ce serait l’enjeu de la soirée. Elle m’a envoyé dix minutes avant que l’école ne commence, donc, pas assez de temps pour faire la course et revenir à la maison porter les commissions et le change. Elle le sait, ça fait partie de son plan. Elle sait aussi qu’à l’École nouvelle Saint-Germain à Outremont, il n’y a pas de cadenas et de toute façon, pas de cases. Ses crises de rage ne sont pas toujours machiavéliques, mais là chapeau, c’est super bien pensé.
Je cours comme un fou, j’ai les poumons en feu. Je voudrais faire les courses et revenir à la maison avant l’école, mais elle ne m’a pas donné assez de temps. Ça fait partie de son plan