23
pages
Français
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2011
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Publié par
Date de parution
02 mai 2011
Nombre de lectures
350
EAN13
9782846263320
Langue
Français
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Date de parution
02 mai 2011
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350
EAN13
9782846263320
Langue
Français
Pour qu’ils deviennent des classiques, il fallait d’abord qu’ils soient des originaux.Ou comment Jean-Jacques est devenu Rousseau.
À 16 ans, pour échapper à une punition, Jean-Jacques fuit son patron, sa famille et laRépublique de Genève où il est né. Le voici en 1728 sans argent, sans amis, sans appui, àpied sur les routes de la Savoie voisine. Pour obtenir aide et protection, il abjure lareligion réformée et se convertit à la religion catholique, rencontre Mme de Warrens, dequinze ans son aînée, qu’il appellera « Maman » et qui sera son amante.Deviendra-t-il prêtre, maître de musique, précepteur, diplomate au service du roi deFrance ? Il ne poursuit qu’un but : s’instruire de tout, apprendre, toujours davantage,pour mieux connaître les autres, pour mieux se connaître lui-même. Il sera, 300 ansaprès sa naissance, ce penseur universel de la destinée humaine.
Né en 1932 à Thonon-les-Bains, Claude Mazauric est historien, spécialiste du XVIII e siècle.
Collection « à 20 ans » : l’aventure de leur jeunesse.
Dirigée par Louis-Paul Astraud
Claude Mazauric
Jean-JacquesRousseau à 20 ans
Un impétueux désirde liberté
Table des matières
Prologue
Une enfance genevoise
Genève
De l’apostasie à la connaissance de soi
Les errances du jeune Rousseau
Du côté des Charmettes
Lyon et l’expérience du monde
Être soi
Épilogue
Chronologie
Bibliographie sélective
De Jean-Jacques Rousseau
Sur Jean-Jacques Rousseau
Voilà pourquoi j’ai toujours tant redouté les bienfaits,
car tout bienfait exige reconnaissance ; et je me sens
le cœur ingrat par cela seul que la reconnaissance est
un devoir. En un mot, l’espèce de bonheur
qu’il me faut n’est pas tant de faire ce que je veux
que de ne pas faire ce que je ne veux pas.
Lettres à Monsieur de Malesherbes, 1762
Prologue
Juin ou juillet 1730, à Lausanne ou à Vevey.Sur les bords du lac Léman, qu’on appelle quelquefoisà l’est de l’étendue d’eau le lac de Genève, un jeunehomme rêveur, entrant dans sa dix-neuvième annéed’existence, emprunte le chemin qui serpente le longde la rive et s’assoit sur une « grosse pierre » ; il médite,s’interroge sur son sort présent, peu enviable à sesyeux, imagine ce que pourrait être son destinà venir qu’il voudrait composé de « mille félicités innocentes ». La brume lacustre, la douceur lémanique, seprête à la mélancolie : « L’aspect du lac de Genève et deses admirables côtes eut toujours à mes yeux un attraitparticulier que je ne saurais expliquer », écrira-t-il trenteans plus tard, en 1765, dans ses Confessions , « … qui netient pas seulement à la beauté du spectacle, maisà je ne sais quoi de plus intéressant qui m’affecteet m’attendrit. » Le jeune homme s’attendrit donc surlui-même ; il lui arrive de soupirer ou de pleurer« comme un enfant ». « Quand l’ardent désir de cette vie heureuse et douce qui me fuit et pour laquellej’étais né vient enflammer mon imagination, c’esttoujours au pays de Vaud, près du lac, dans des campagnes charmantes qu’elle se fixe. Il me faut absolument un verger au bord de ce lac et non pas d’unautre ; il me faut un ami sûr, une femme aimable, unevache et un petit bateau. Je ne jouirai d’un bonheurparfait sur la terre que quand j’aurai tout cela. » Sonrêve de vie simple deviendra-t-il réalité ?
Ce jeune homme, c’est Jean-Jacques Rousseau,ou plutôt la préfiguration potentielle, incertaine,obscure, improbable, contradictoire, du Jean-JacquesRousseau (1712-1778), homme public, romancier,pédagogue et philosophe universellement salué(ou détesté), qui n’a pas commencé à écrire de grandstextes avant l’âge de 37 ans mais qu’entoura, au soir desa vie puis au lendemain de sa mort, à côté des médisants, un chœur enthousiaste de disciples admiratifset fervents. Admiratifs, comme ce jeune pasteur de lareligion réformée qui lui écrivait pour le soutenirdans son combat contre la neurasthénie qui le frappaitalors : « Non, grand Rousseau, vous n’êtes point inutileà la terre ; il est encore des mortels dont les yeuxvous suivent dans votre désert et dont le courages’anime en voyant la manière dont vous soutenezle combat. » Fervents, comme cet avocat d’Arras de30 ans, Maximilien Robespierre, élu par les citoyensde l’Artois en avril 1789 pour siéger aux états généraux convoqués par le roi de France, et qui rédigerapour lui-même, quelques mois plus tard et sans soucide la rendre publique, cette Dédicace aux mânes deJean-Jacques Rousseau : « Homme divin, tu m’as appris à me connaître : bien jeune, tu m’as fait apprécier ladignité de ma nature et réfléchir aux grands principesde l’ordre social. […] Je veux suivre ta trace vénérée,dussé-je ne laisser qu’un nom dont les siècles à venirne s’informeront pas : heureux si dans la périlleuse carrière qu’une révolution inouïe vient d’ouvrir devantnous, je reste constamment fidèle aux inspirations quej’ai puisées dans tes écrits. »
Sauf à s’abandonner à la rêverie qui entraîne horsdu monde réel, quand on ne se presse pas commeRousseau lui-même, avoir 20 ans, ou même 30, n’estpas le meilleur temps de la vie : pour le jeune Jean-Jacques, né le 28 juin 1712 à Genève, le momentde ses 20 et 30 ans fut celui d’une errance, un tempsde tristesse, d’incertitude et de confusion, mais aussid’expériences, de découvertes, d’assimilation de savoirsimmenses, de grandes joies. À 20 ou 30 ans, de quellemanière s’est-il alors posé la question : « Commentdeviendrais-je ce que je suis ? »
Infinies questions sur soi que le cahoteux parcoursantérieur de Jean-Jacques n’éclaire qu’en partiemais qu’il faut bien ne pas ignorer. Si l’on veut comprendre comment Jean-Jacques est devenu la matricede Rousseau.
Une enfance genevoise
Le 28 juin 1712, en son domicile des beauxquartiers de la haute ville de Genève, rue dela Boulangerie (l’actuelle Grand-Rue), SuzanneBernard, épouse Rousseau, donnait naissance à ungarçon, apparemment chétif. On le baptisa le 4 juilletsuivant sur les fonts de la vénérable cathédraleSaint-Pierre, haut lieu de la Réforme, sous le prénomde Jean-Jacques. Comme souvent dans l’ancienneEurope, la tragédie succéda à la joie d’une naissancenouvelle. Victime d’une infection maligne, SuzanneBernard mourut neuf jours à peine après l’accouchement, neuf jours de « fièvre continue » : elle avait39 ans. Sa vie durant, son fils Jean-Jacques s’envoulut de ce malheur initial, qu’il transforma enculpabilité durable : « Je coûtai la vie à ma mère, etma naissance fut le premier de mes malheurs », écrira-t-il au tout début des Confessions . Comment vivreavec la conscience de sa bonté originelle et la certitude que l’on porte également en soi le germe de l’iniquité infligée aux autres ? Telle fut l’une desgraves questions que se posa Jean-Jacques dès sonplus jeune âge.
L’absence de sa mère a fait naître en lui le désirconstant – assurément l’un des traits de sa singularité –de chercher dans le commerce des femmes, moins sansdoute le plaisir de les posséder que la chaleur du seinmaternel et la douceur réconfortante de l’abandon desoi dans des bras protecteurs. Et la nature elle-même,en laquelle il aspirera toujours à s’immerger, a pris àses yeux, dès son regard d’enfant, figure de mère desubstitution : la « Mère-nature ».
De la personnalité de sa mère, Jean-Jacques n’a riensu d’autre que ce que son père, fort souvent de manièrelaudative, et les membres de sa parentèle, un peumoins, lui en ont dit.