52
pages
Français
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2019
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2019
Nombre de lectures
6
EAN13
9791094368206
Langue
Français
La première partie de ce livre est une fiction documentaire. Par des situations inspiréee de faits réels et de témoignages, l'auteur fait découvrir l'hyperémèse gravidique.
La "maladie de Kate Middleton", causant des vomissements incoercibles pendant la grossesse, touche chaque année, en France, plusieurs milliers de femmes.
Le traitement de l'hyperémèse est comparable au traitement de la douleur au vingtième siècle. L'hyperémèse est sous-estimée et sous-traitée. Comme pour la douleur, des médicaments efficaces existent. Ils sont sous-utilisés par ignorance ou pour leurs effets supposés.
Comme pour la douleur, le premier problème est de reconnaître l'hyperémèse gravidique et de la nommer. L'auteur fait le point en deuxième partie sur les prises en charge et traitements. L'hyperémèse non traitée peut conduire à la mort et a un coût humain et sociétal évitable.
Publié par
Date de parution
01 janvier 2019
Nombre de lectures
6
EAN13
9791094368206
Langue
Français
Janvier 2019
ISBN 979-10-94368-20-6
Sij’avais su
Destinscroisés par l’hyperémèse gravidique
Docteur Anne-Marie PUYHARDY
Lucie
Scène 1
La boîte de mouchoirs est posée sur le bureau.J'en reprends un cinquième. Depuis vingt minutes que je suis là, je n'ai pasarrêté de pleurer. Je pleure très souvent, depuis dix ans. Mais devantquelqu’un, c’est une première fois.
La psychologue me tend les mouchoirs sans riendire. C'est la troisième séance. Il y a toujours ce silence entre nous, maiselle est bienveillante. Je le sens. Aujourd'hui, elle prend la parole, etdemande :
— Pouvez-vous m'expliquer ce que vousressentez ?
Je pleure de plus belle, mais aujourd’hui jeveux lui répondre. Il faut que je réponde. Il faut qu'elle comprenne. Il fautque je comprenne, moi aussi.
— Je voulais donner la vie, et j'ai donné lamort.
Scène 2
Je ne savais même pas que j'étais enceinte.Quatre semaines de grossesse, autant dire rien. J'ai été séchée en quatrejours, et hospitalisée en six. J'ai rien vu venir. Deux mecs en blousehochaient gravement la tête devant mon électrocardiogramme. Il paraît quej'avais pas d'onde T. Ça doit être gênant parce qu'ils m'ont collé une seringueélectrique avec un produit qui pique horriblement. Du potassium, à ce qu'ilparaît. Ça m'a bien bousillé la veine, en moins de quarante-huit heures. Ça amis des semaines à cicatriser, et bien sûr, ça s'est infecté. L'élève a mis enpansement dessus quand j'ai quitté l'hôpital, et quand j'ai revu mon toubib ily avait du pus qui sortait.
Je n'ai plus voulu retourner à l'hôpital. Maisj’ai été tellement mal que je pensais à avorter. Je revois encore la scène.C’était il y a dix ans, pourtant.
Scène 3
Je me traîne chez le gynéco. Il me regardeavec des yeux ronds. Il n'a jamais vu une femme enceinte vomir autant.Pourtant, c'est son boulot. J'ai sur le bout de la langue la question del'avortement. Ce que je vis est juste horrible.
Il prend son échographe, et il restelongtemps. Il cherche quelque chose. Quelque chose, qu'il ne trouve pas. J'aicompris, avant qu'il ouvre la bouche.
Le début d'un enfant, c'est un cœur qui bat.Je l'ai entendu la dernière fois. Là il n'y a rien du tout. Grossesse arrêtée.
Pourtant, je suis toujours malade comme unchien. Il reste plein d'hormones. Il reste un tas de trucs qu'on va m'enleversous anesthésie. Sinon je peux saigner la rage.
Je passe une nuit à l'hôpital. On m'endort unedemi-heure. On me surveille une demi-journée. Je suis vide et neuve. Je nevomis plus du tout, je mange, je revis. Je suis vide mais je n'arrive pas àêtre triste. Je suis tellement soulagée.
J'ai retenté deux ans plus tard. J'avais eu letemps d'oublier. Nous étions ensemble depuis presque cinq ans, et je n'ai pasvu. Ou bien, je n'ai pas voulu voir. Ce projet d'enfant était plus le mien quele sien. L'enfant qui rapproche, je le sais, c'est bateau. Chéri ne m'a riendit quand j'ai arrêté ma pilule. J'ai pris ce silence pour une acceptation.
Il n'a rien dit, non plus, quand j'ai dit quej'étais enceinte. J'ai pensé qu'il fallait du temps. Du temps pour qu'ilréalise. J'ai recommencé à vomir. Beaucoup.
J'ai été hospitalisée, deux fois. J'étais réhydratée par perfusion. Quand je suis rentrée chez moi, c'est moi quiai réalisé.
Les affaires de Chéri avaient disparu. Il m'alaissé un petit mot :
« Je ne supporte plus cette situation.Pardon ».
Moi non plus, je ne supportais plus cettesituation. J'ai avorté.
Le temps a passé. Je me suis consacrée à monmétier. J'ai eu quelques aventures, mais quelque chose m'a toujours empêchéd'approfondir une relation. Je n'ai pas eu d'enfant.
Olympe
Scène 1
Je suis si contente de cette grossesse.Concevoir n'a pas été facile. Je suis heureuse d'avoir essayé avant mes trenteans.
Denis a l'air heureux, lui aussi. Denis estheureux lorsque je suis heureuse. On dit que c'est le cas de la plupart deshommes, mais lui, c'est évident. Il m'aime vraiment.
Denis m'aime comme je suis. Avec lui jepeux être moi-même.
— Tu es une vraie femme. Une très belle femme.Si j'étais un peintre, je ferais ton portrait, dit-il souvent, avecgourmandise.
Il dit que j'aurais pu servir de modèle àRubens. Depuis que je le connais, je remets des jupes, je remets desdécolletés. Je me sens belle.
Le gynécologue, comme toujours, fait unefixation sur mon poids.
— il faudra faire attention, ne pas tropprendre pendant la grossesse.
Faire attention ! Je fais attentiondepuis vingt ans. Depuis vingt ans, je suis grosse. J'étais même grosseavant. Les premiers aliments solides que j'ai mangés, c'étaient des frites.
Je suis grosse, mais je me bouge. Je fais dela rumba et de la danse orientale. Je pourrai continuer enceinte.
Scène 2
Je vomis. Ça tape fort. On m'a dit qu'onvomissait enceinte. Je ne savais pas que c'était vingt fois par jour. Encore unsecret bien gardé.
J'achète du gingembre, je fractionne mes repas,je bois de l'eau gazeuse. Un petit mieux, mais guère. Je continue à vomir. Çabrûle terriblement. Je vomis du sang. Je revois le gynécologue. J'ai perdu cinqkilos en quinze jours.
— C'est plutôt une bonne nouvelle.
Il m'ausculte consciencieusement. Il meprescrit du Primpéran et du Gaviscon, et me remet un article sur "lespetits ennuis de la grossesse normale". J'y apprends que les vomissementssont "un léger inconfort", et que la grossesse prédispose auxhémorroïdes. Comme si j'avais besoin de ça.
Rendez-vous dans un mois.
Scène 3
Une semaine a passé, je vomis toujours autant.Un peu moins mal avec le Gaviscon. Moins deux kilos, encore.
Je me traîne chez le généraliste. Il n'ajamais vu une femme enceinte vomir autant. Il me prescrit une échographie de lavésicule biliaire. Parfois je suis tellement mal que j’envisage d’avorter. Lescalculs biliaires sont plus fréquents chez certaines femmes.
Je recherche sur internet pourquoi. Depuisquarante ans traîne un acronyme sur les femmes et les calculs biliaires. Ils'appelle les 4 F : « Fat, Female, Fertile, Forty ». Je suis une femme, et jesuis grosse, mais j'ai trente ans et je n'ai pas eu d'enfants. F*ck lesacronymes. Mais l'arrêt de travail est bienvenu.
Je ne récupère pas. Je suis épuisée. Je n'arriveplus à réfléchir. Je me fais peur, et je fais peur à Francis.
Les semaines qui suivent sont assez confuses.Francis m'a fait conduire à l'hôpital quand il a vu que je ne pouvais plussortir de mon lit. Je ne comprenais pas non plus ce qu'il me disait. Je ne saispas, je ne me rappelle plus. Francis a entendu parler d’hyponatrémie,d’encéphalopathie. J’ai passé plusieurs jours en réanimation. Il a eu peur pourma vie, pour mon bébé, pour mon cerveau.
J'ai été hospitalisée quatre semaines. J'aiperdu vingt-deux kilos. Je recommence un peu à marcher, je tremble toute. Ilparait que le bébé est en bonne santé.
Je suis de retour à la maison depuisquarante-huit heures.
J'ai une ordonnance de Laroxyl et dePrimpéran.
Je recommence à vomir.
...