Le premier volume du tome V a établi la vérité du temps : tout s’écoule. Ce second examine encore une défense contre cette vérité : l’idée d’une histoire qui, inversant la flèche entropique du devenir, irait vers une fin heureuse. Je confronte ces philosophies de l’histoire (Hegel, Marx, Fukuyama) à la science historique. Il en résulte un doute, qui nous met en face de notre existence. Un « existant » est conscient de sa condition, la pense et en cherche le sens. Exister, c’est se savoir en face d’un réel « nauséant » qui excède notre capacité de compréhension, et nous signifie notre fragilité ontologique. Sartre, parti de cette expérience du réel, l’a finalement déniée en soumettant ce réel à nos libres interprétations. C’est Heidegger qui a pris en compte l’angoisse qui nous révèle notre « être pour la mort ». Cette mort est notre thème ultime. Contre tous les refoulements et tous les dénis, il nous faut penser à la mort et penser la mort : si l’instant du décès n’est rien (Épicure), le « processus du mourir », lui, s’étale sur une durée dramatique. Reste à vivre la dégradation finale de notre être sans lâcher prise, sans cesser d’éclairer la nuit par la lumière de notre projet d’être. L’ultime figure de ce projet qui nous fait encore vivre au cœur même du mourir serait-elle, une fois réglé l’avenir des gens aimés par un ultime don, de réussir cette « bonne mort », cette euthanasie que les Grecs, fondateurs de la philosophie, ont tant désiré ?
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