103
pages
Français
Ebooks
2021
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Publié par
Date de parution
02 décembre 2021
Nombre de lectures
0
EAN13
9782897755652
Langue
Français
Marie-Ève Bisson
Cathéter(s)
Récit
Conception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose
Image originale de la couverture : Shutterstock 296505323
Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur .
Distributeur : Distribulivre www.distribulivre.com Tél. : 1-450-887-2182 Télécopieur : 1-450-915-2224
© Les Éditions de l’Apothéose Lanoraie ( Québec) J 0K 1E0 Canada apotheose@bell.net www.leseditionsdelapotheose.com
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021 Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2021
ISBN papier : 978-2-89775-547-8
ISBN epub : 978-2-89775-565-2
Imprimé au Canada
Cathéter(s)
Salut.
Oui, toi.
Salut, toi.
Toi qui travailles, qui as une famille, des amis, un agenda bien rempli. Toi qui fais du sport, toi qui aimes voyager ou qui fais du bénévolat. Toi qui es encore jeune, du moins dans ta tête, parce que ça reste une question de point de vue. Toi qui te poses parfois des questions, qui remets les choses en perspective, qui as de mauvaises passes aussi, parfois, mais qui finis toujours par reprendre le dessus.
Toi qui aimes la vie, quoi.
Il faut que tu saches.
Un bon matin – quoique rien n’empêche que ce soit le soir ou l’après-midi, ce n’est qu’une expression, après tout – un bon matin, donc, une brique peut te tomber sur la tête. Tu vas peut-être trouver une bosse quelque part sur ton corps. Si tu as de la chance. Parce qu’il pourrait y en avoir plus d’une aussi. Ou parce que tu pourrais ne pas la trouver, ce qui n’est pas forcément mieux. Peu importe comment ça se passera, crois-moi, ce sera pour toi le début d’une nouvelle aventure.
Laisse-moi te raconter ce qui pourrait t’arriver, un de ces jours où tu ne t’y attendras pas.
PARTIE I
C’était l’hiver et puis soudain les érables se sont mis à couler tous en même temps
ou
Comment tout a commencé
C’est le Nouvel An. Année après année, ça te fait drôle de voir changer ce chiffre sur le calendrier. On dirait chaque fois une date futuriste, sortie tout droit d’un roman de science-fiction. Le temps passe tellement vite. Tu te rappelles comme si c’était hier où tu étais lors du passage à l’an 2000. Tout en regardant tes enfants prendre des photos avec leur tablette, tu penses à cette époque pas si lointaine où Internet n’existait pas.
Tu es née il y a 39 ans et des poussières.
***
Il fait -18 °C en ce début de janvier. Une température idéale pour te geler les broches dans la bouche. Ou pour que la langue te colle dessus, tiens. Maudites broches. Tu as drôlement hâte que ça soit fini, ce projet ! Ton cadeau de toi à toi pour tes 40 ans : de belles dents droites !
Tu viens de passer un magnifique temps des fêtes en famille au chalet. Jeux de société, patin sur le lac, ski, raquette en forêt, vous êtes même allés faire de la trottinette des neiges, tirés par des chiens de traîneau. Fillette a eu de la misère un peu ; avec ses 10 ans tous frais, elle était trop légère pour l’enthousiasme de son chien. Fiston, au contraire, du haut de ses 12 ans, était prêt pour faire de la grande vitesse. Il a été bien déçu, le chien qui lui avait été attitré ayant manifestement décidé que sa journée était finie et que le temps était venu de s’arrêter pour renifler les sous-bois à droite et à gauche ! N’empêche, vous avez eu bien du plaisir. Une autre bonne idée de Chéri, qui continue de te surprendre et de t’émerveiller après quinze ans de vie commune.
Ça fait changement de la routine de l’année scolaire. De septembre à mai, tu as tout un horaire, avec le karaté trois fois par semaine (tu as commencé à pratiquer avec les enfants et tu y as rapidement pris goût !), les cours de musique de Fiston, l’école de théâtre de Fillette, les activités sportives de fin de semaine en famille… Sans compter que tu aimes voyager, que tu participes aux activités de vente de l’érablière familiale et que tu travailles, quand même, 35 heures par semaine dans la fonction publique.
Bref, tu es une maman occupée, mais comblée.
Tu es heureuse. Pas de ce bonheur factice, qu’on prétend avoir atteint quand on a enfin toutes les bébelles qu’on veut, mais d’un bonheur plus subtil, calme, le bonheur d’avoir trouvé l’équilibre dans ta vie, d’aimer ce que tu as, ce que tu es, ce que tu fais. Ce bonheur qui te fait sourire pour rien quand tu es seule dans ta voiture à l’heure de pointe.
C’est un bonheur construit de petites choses, comme ta retraite des Fêtes en famille au chalet. Des Fêtes reposantes, desquelles tu as l’impression de revenir en pleine forme, contrairement aux collègues qui seront sans doute épuisés d’avoir couru la parenté, les festivités et les microbes pendant deux semaines.
***
Retour à la maison après deux semaines déconnectée. Tu prends tes courriels. Mis à part quelques souhaits de bonne année, il n’y a que de mauvaises nouvelles. On t’annonce que ta collègue de travail absente depuis plusieurs semaines est décédée le 2 janvier – tu ne savais pas exactement ce qu’elle avait, alors c’est tout un choc. Tu apprends la séparation d’un couple d’amis qui te sont chers – un autre choc. Tu lis ensuite qu’un dégât d’eau dans l’édifice où tu travailles a détruit une bonne partie des dossiers qui étaient sur ton bureau. Génial…
Tu décrètes que ça va être une année de merde.
Tu ne croyais pas si bien dire.
***
C’est dimanche. Demain, retour à la routine. École pour les enfants, boulot pour les grands. Tu passes un coup de fil à tes parents. D’un geste machinal, tu poses ta main dans ton cou pendant que tu parles. Tes doigts tombent pile sur une bosse que tu n’avais jamais remarquée. En fait, il y en a une de chaque côté, près des clavicules. C’est symétrique, donc pas vraiment inquiétant. Tu n’avais jamais réalisé que tes ganglions étaient aussi proéminents. Ou peut-être que tu couves simplement quelque chose, alors ils sont un peu enflés, un peu plus gros que d’habitude. Quand tu raccroches le téléphone, tu n’y penses déjà plus.
En soirée, vous soulignez la fin des vacances en famille, avec un bon verre de vin, devant le feu de foyer. Vous vous amusez bien et tu éclates de rire à plusieurs reprises. Tu t’aperçois que tu mets souvent la main sur ton cou quand tu ris lorsque tes doigts rencontrent à nouveau ces deux petites bosses. C’est surprenant que tu n’aies jamais remarqué ces ganglions avant. Tu décides d’en parler à Chéri. A-t-il des ganglions à cet endroit ? Il touche dans ton cou et sursaute. Ouache ! À son avis, ce n’est vraiment pas normal. Une de ses collègues de travail a déjà eu un cancer des ganglions et ça a commencé comme ça. Il pense que tu devrais prendre rendez-vous avec ton médecin.
Ben voyons. Un cancer des ganglions. Chéri a toujours été un peu hypocondriaque. Il est du genre à surfer sur Internet à la recherche de réponses quand il a mal quelque part. Il s’est déjà autodiagnostiqué une méningite, une tumeur au cerveau et la maladie de Crohn, diagnostics qui se sont tous révélés faux, cela va de soi. Tu ne prends donc pas son avis bien au sérieux. Tu te dis que tu en parleras à ton médecin la prochaine fois que tu iras, si c’est encore là. Faut pas virer fous.
***
En ce premier matin du retour des Fêtes, Fillette a rendez-vous à la clinique pour faire brûler ses verrues plantaires. Tu te demandes bien comment elle a fait ça, mais elle en a plein les dessous de pieds. Le traitement est douloureux, Fillette pleure et morve dans son toutou préféré, qu’elle a heureusement apporté avec elle. L’infirmière te dit que ça risque de prendre plusieurs traitements, idéalement toutes les deux semaines. Joie. Tu te demandes comment ça se fait qu’au 21 e siècle, on torture encore les enfants de la sorte. Il doit bien y avoir une autre façon de faire disparaître des verrues, non ?
Le retour au boulot est pénible. Tu passes la première semaine à faire du ménage dans ton bureau humide, à essayer de récupérer ce qui peut l’être, à faire le bilan des pertes. L’ambiance est mortuaire, des fleurs sont déposées sur le bureau de ta collègue décédée.
Ses funérailles ont lieu le samedi suivant. Tu ne peux y assister, tu as une fête de famille à l’autre bout de la ville au même moment. Tu transmets tes sympathies par écrit à la famille de la défunte.
Au retour du week-end, tu discutes avec ta voisine de bureau, qui est allée faire son tour au salon funéraire. Elle a beaucoup parlé avec la sœur de la défunte. À partir du moment où ils ont découvert son cancer, tout est allé très vite. Il faut dire qu’il était un peu tard pour les traitements. Elle a trop attendu avant de consulter. Il y avait déjà plusieurs mois qu’elle avait découvert cette protubérance sur le côté de son abdomen quand elle a finalement vu son médecin. Elle aurait peut-être pu être sauvée si elle avait été prise à temps. Ou peut-être pas. Le foie, ça ne pardonne pas.
Tu écoutes parler ta collègue et tu te fais la réflexion que, si ce n’est pas un message que l’Univers t’envoie, ton nom est cochon. Quand tu te découvres une bosse, tu vas consulter. D’accord. C’est compris.
Puisque ça peut prendre un mois pour avoir un rendez-vous avec ton médecin de famille, tu appelles tout de suite, afin de le voir le plus tôt possible. Ça tombe bien, il y a une annulation ce jeudi. Ça doit être l’Univers qui veut te faire savoir que tu as bien fait de l’écouter…
Tu ne le sais pas encore, mais c’est le début du marathon des rendez-vous. Parce que tes enfants vont aussi se mettre de la partie, histoire que ce soit le chaos bien comme il faut dans ta vie quotidienne.
***
Jeudi 18 janvier. Tu as rendez-v