87
pages
Français
Ebooks
2019
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
87
pages
Français
Ebooks
2019
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
23 octobre 2019
Nombre de lectures
95
EAN13
9782738149046
Langue
Français
Publié par
Date de parution
23 octobre 2019
Nombre de lectures
95
EAN13
9782738149046
Langue
Français
© O DILE J ACOB , OCTOBRE 2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4904-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Amos, Adam, Suzanne et celles et ceux à venir…
Introduction
« Je vous le dis : il faut encore porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante »
Friedrich N IETZSCHE , Ainsi parlait Zarathoustra , 1883.
« Future’s made of virtual insanity / Now always seem to, be governed by this love we have / For useless, twisting, our new technology / Oh, now there is no sound / For we all live underground. »
J AMIROQUAI , « Virtual Insanity », 1996.
Nous avions une vingtaine d’années quand est apparue une invention qui allait marquer nos réveils matinaux : en 2000, l’entreprise Westclox réinventait le concept du rappel de sonnerie, en l’aménageant dans une fonction : Snooze . Chaque matin et depuis nos 20 ans, grâce à Snooze , nous avons pu reculer de quelques minutes le moment du réveil.
Ponctuant notre quotidien, la fonction Snooze est, par bien des aspects, devenue un symbole de notre génération : nos aînés des années 1970 zappaient , nous, jeunes trentenaires, snoozons !
Il y a un réveil que nous avons beaucoup snoozé , c’est celui de notre rapport à la technologie, que nous refusons de voir en face. Le constat est pourtant clair : bien souvent, nous ne pensons pas notre usage de la technologie, ni en tant qu’individus, ni en tant que société. Au contraire, nous pouvons même dire que nous subissons cet usage, en particulier au moment où un nouveau continent technologique émerge : celui de l’intelligence artificielle.
Clarifions un point d’emblée : nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte autour de l’intelligence artificielle. La stigmatisation des entreprises qui déploient déjà l’intelligence artificielle à grande échelle – les GAFA 1 , NATU 2 ou autres BATX 3 – empêche de penser le sujet dans sa complexité, au-delà de telle ou telle entreprise ou de telle innovation ou actualité technologique du moment. Nous laissons ainsi à d’autres le soin de surfer sur la vague dystopique accompagnant l’intelligence artificielle. Ce livre s’inscrit, en réalité, à l’exact opposé de cette littérature. L’envie de l’écrire nous est venue lorsque nous avons pris conscience que les questions que nous nous posions sur l’impact concret de l’intelligence artificielle dans nos vies quotidiennes n’étaient pas, ou peu, abordées dans la littérature déjà existante sur l’intelligence artificielle.
Nous travaillons tous deux dans des environnements professionnels où l’intelligence artificielle est la clé du futur et nous sommes fiers de participer activement à l’émergence de cette technologie, qui s’annonce fondatrice d’une nouvelle ère. Les opportunités créées par l’intelligence artificielle sont en effet uniques : elle permet déjà de sauver des vies (en affinant les diagnostics médicaux), d’améliorer l’accès à l’information (pensez simplement aux applications vous guidant en temps réel dans les bouchons) et de vous suggérer des décisions possibles dans bien des domaines, parfois même intimes (pensez au nombre de mariages générés par l’intelligence artificielle de Tinder…).
Mais nous ne sommes pas naïfs et nous avons conscience des risques potentiels. Le travail connaît déjà une mutation profonde, qui peut créer des inégalités. Un capitalisme nouveau émerge, vis-à-vis duquel les instruments classiques de compréhension ou de coercition sont à bien des égards obsolètes et inadaptés. Se pose dès lors la question de notre rapport, individuel et collectif, à une technologie dont nous ne saisissons pas encore tous les contours ni les impacts.
Dans un de ses récits, La Fontaine met en scène Ulysse et ses compagnons qui découvrent, après des années d’errance, une île où vit une nymphe, Circé. Celle-ci leur propose un breuvage que tous boivent, sauf Ulysse. À la dernière goutte bue, les compagnons sont transformés en divers animaux : lion, ours ou loup. Ulysse parvient toutefois à convaincre Circé de rendre leur nature première à ses compagnons mais elle lui répond : « Mais la voudront-ils bien, dit la Nymphe, accepter ? » Ulysse se rend auprès de ses compagnons et essuie un refus clair : « Le lion dit, pensant rugir / Je n’ai pas la tête si folle / Moi renoncer aux dons que je viens d’acquérir ! / J’ai griffe et dent, et mets en pièces qui m’attaque. » Et La Fontaine de conclure : « Ils croyaient s’affranchir suivant leurs passions / Ils étaient esclaves d’eux-mêmes. »
Nous avons tous commencé à boire la potion de l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle n’est pas en train d’arriver : elle est déjà là et vous coexistez avec elle tous les jours ! Elle est dans notre téléphone, dans nos montres connectées, dans nos voitures, dans nos choix culturels, professionnels ou sentimentaux. Elle est évidemment au cœur des réseaux dits « sociaux », se nourrissant de nos interactions et informations personnelles. Elle change la façon dont nous travaillons et communiquons. Elle est dans notre salon, sous la forme d’un assistant personnel prêt à répondre à nos questions. Elle influence la façon dont nous nous informons et même parfois la façon dont nous votons. Elle est utilisée par notre banque pour traiter nos dossiers plus rapidement, plus efficacement, mais aussi chez nos médecins lorsqu’ils diagnostiquent certaines maladies ou chez nos avocats lorsqu’ils analysent un point juridique particulier.
Comme dans le récit de La Fontaine, il nous est donc difficile – déjà aujourd’hui et alors que nous n’en sommes qu’aux balbutiements – de nous affranchir de l’intelligence artificielle. Et pourtant nous n’avons pas pensé son impact à venir dans nos vies, notamment dans notre rapport au travail.
Or l’intelligence artificielle n’est pas une technologie comme les autres. Elle pose la question, sans doute pour la première fois en des termes aussi forts, de la place de l’humain : nous sommes face à l’arrivée d’une force non pas physique (comme le furent les trains, les voitures ou les machines-outils), mais essentiellement intellectuelle, qui a vocation à concurrencer l’humain dans certains rôles. Pourquoi ? Parce que tout à coup, avec l’intelligence artificielle, la technologie apprend, certes étroitement, mais elle apprend en continu de nos propres actions. En apprenant ainsi et sans avoir besoin d’être aussi polyvalente que ne l’est l’intelligence humaine, l’intelligence artificielle est déjà amenée à remplacer, partiellement ou complètement, l’humain dans des rôles où elle n’avait encore jamais été capable de prouver sa valeur : ceux où il faut réfléchir, émettre un jugement ou conduire une analyse.
Notre message est donc simple : il est urgent de penser le présent et donc de penser la place du travail humain face à ce nouveau continent technologique qui émerge. Le pire n’est jamais certain, le meilleur est toujours possible ! Mais l’heure tourne pour créer un compagnonnage réfléchi avec l’intelligence artificielle, c’est-à-dire choisi en conscience plutôt que subi.
Nous ne jugeons pas cette technologie. Nous ne sonnons pas l’alarme de la fin de l’humanité. Nous ne cherchons ni à vous effrayer ni à vous convaincre qu’il s’agit d’une technologie libératrice, heureuse ou parfaite. Nous vous décrivons ce que nous voyons émerger, ce à quoi nous participons de l’intérieur, et vous laisserons en évaluer les opportunités et les risques, non sans vous avoir fourni les outils d’analyse que nous utilisons pour nous forger notre propre opinion et construire nos choix.
Nous voulons, avec ce livre, lancer le débat car nous sommes convaincus que le déterminisme technologique n’existe pas et que le chemin se construit pas à pas : « caminante, no hay camino, se hace camino al andar » (« le chemin n’existe pas, il se construit en marchant »), disait le poète espagnol Antonio Machado. Ce livre vise donc à mettre ce sujet à portée de tous, afin que chacun puisse être maître, ou, à tout le moins, acteur de son destin individuel et des choix de société autour de l’intelligence artificielle.
Notre génération, trentenaire aujourd’hui, a un rôle clé à jouer dans cette prise de conscience. Nous sommes le lien unissant nos parents, qui ont connu adultes un monde préservé de la technologie, et nos enfants, qui naissent dans un monde où la technologie est omniprésente dès leur plus jeune âge. Position unique d’une génération-pivot qui a connu le Scrabble physique (et pas l’application), qui a touché de vraies cassettes audio (et pas simplement cliqué sur le lien YouTube). D’autres générations ont bien sûr fait face, avant nous, à l’émergence de technologies innovantes mais, pour les manipuler au quotidien, nous sommes convaincus que l’impact de la révolution de l’intelligence artificielle est d’une puissance qui dépasse toutes les précédentes. Cette position de passeurs , confrontés à une technologie apprenante, légitime la prise de parole par notre génération et la revendication d’un rôle clé dans la conduite de cette réflexion et dans la création des solutions nécessaires.
En ce sens, nous avons pensé ce livre comme un produit vivant, qu’il faut s’approprier et faire évoluer sans cesse. Il ne contient aucune vérité absolue ou immuable et nous ne connaissons pas la fin de l’histoire puisque nous sommes convaincus que le