Une économie politique de la sécurité , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2009

EAN13

9782811100773

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Claude Serfati (éd.)
Une économie politique de la sécurité
KARTHALA
UNE ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA SÉCURITÉ
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture: Paysage nocturne (Berlin de George Grosz, détail. Collection
Südende), 1915, particulière.
© EDITIONSKARTHALA, 2009 ISBN : 978-2-8111-0077-3
Claude Serfati (éd.)
Une économie politique de la sécurité
ÉditionsKARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Cet ouvrage a bénéficié du soutien financier de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
INTRODUCTION
L’économie politique de la sécurité
Claude SERFATI
En dépit – ou peut-être à cause – de la difficulté d’une définition précise, la sécurité occupe une place importante dans la réflexion acadé-mique et dans les politiques gouvernementales. La sécurité est en effet une notion impossible à appréhender sans la mettre en tension dialectique avec son contraire, celle d’insécurité, elle est généralement définie comme l’absence de menaces. Ses contours sont donc nécessairement flous. D’une part, elle ne peut être analysée sans prendre en compte deux dimensions : la réalité des situations et la perception de ces situations et d’autre part, elle concerne à la fois la vie, c’est-à-dire la sécurité physique et les conditions de la vie, ce qui renvoie à de multiples aspects complé-mentaires, la sécurité économique, la sécurité environnementale, la sécu-rité sanitaire, etc. La première partie de cette introduction souligne la relation entre la montée en puissance et le changement des approches à la sécurité d’une part et les transformations géopolitiques et économiques qui caractérisent la période contemporaine de mondialisation d’autre part. La généalogie de la notion de sécurité, et en particulier l’émergence de la notion de sécurité humaine est ensuite abordée. Finalement, ce chapitre décrit la méthodologie du travail collectif de réflexion dont cet ouvrage est un 1 résultat , et qui a servi à l’analyse de l’économiepolitique de la sécurité.
1. Projet ACII TTT 2003-2006 « Pouvoirs, contre-pouvoirs et régulation de la mondialisation : les nouveaux enjeux de sécurité », Ministère de la recherche, coordonné par le C3ED, UMR 063, IRD-UVSQ.
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UNE ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA SÉCURITÉ
Mondialisation et montée de l’insécurité
Les transformations des enjeux de sécurité au cours des années 1990 doivent être mises en relation avec les processus géopolitiques et écono-miques qui composent la mondialisation. Sur le plan géopolitique, on note les immenses bouleversements consécutifs à la disparition de l’URSS et au statut des États-Unis, devenu la ‘seule superpuissance’, mais également à la multiplication des actions de ‘réseaux transnationaux violents’ (maffias, groupes terroristes), ainsi qu’à la poursuite de nombreuses guerres dans les pays du sud. Ces guerres qui offrent une physionomie différente des guerres interétatiques ‘classiques’, sont parfois abusivement qualifiées de ‘conflits ethniques’ (Lebillion, 2007). Ensuite, les progrès technologiques réalisés ‘grâce’ à la course aux armements menés depuis la seconde guerre mondiale, ont permis la production d’armes de destruction massive. Dans le contexte de la mondialisation, leur dissémination est facilitée par le ‘désordre mondial’ qui a succède à l’ordre’ créé à Yalta ainsi que par le désir des pays et/ou des entreprises productrices de ces technologies de les 2 rentabiliser . La dissémination tient également à la difficulté de mise en place de contrôles réglementaires sur ce type d’armes en raison du carac-tère ‘dual’ (usages pour les marchés civils et militaires) des technologies biologiques, chimiques et nucléaires qui sont utilisées pour les produire. Les facteurs économiques ont également joué un rôle important, sinon essentiel dans l’émergence des questions de sécurité. La mondialisation contemporaine traduit un changement radical de l’environnement institu-tionnel socio-économique. Les politiques macro-économiques mises en œuvre à partir des années 1980 ont rompu avec celles menées au cours des trois décennies d’après-guerre qui, du moins dans le pays développés. Les systèmes de sécurité sociale (l’« État-Providence ») qui ont été mis en place ont été des réducteurs de risques (Castel, 2003). Les dépenses publiques ont été considérées comme un indispensable contrepoids aux déséquilibres et inégalités produites par le capitalisme (à cette époque, l’usage du terme, aujourd’hui remplacé par celui demarché, n’était pas frappé de suspicion). Ceux qui critiquent les politiques macroécono-miques, qu’ils qualifient denéolibérales, estiment qu’elles sont foncière-ment porteuses d’insécurité, parce qu’elles sont fondées sur le postulat que les activités sont menées de façon plus efficace lorsqu’elles sont confiées aux ‘marchés’. La privatisation des services publics fondamen-taux, y compris l’éducation et la santé, ainsi que le développement de
2. Le problème est particulièrement sensible dans le nucléaire, puisque les technologies liées à la vente de centrales nucléaires peuvent servir de base au développement d’armes nucléaires.
INTRODUCTION
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droits de propriété privés sur l’activité intellectuelle et même sur les processus de reproduction de la vie (semences, génome) sous l’impulsion de l’OMC sont porteurs des plus grands périls pour la survie quotidienne d’une large partie de la population mondiale. Les politiques gouverne-mentales, en conjonction avec les réformes du ‘gouvernement d’entre-prise’ menées dans les grands groupes industriels, ont également déplacé le risque du capital vers le travail. Les classes et groupes sociaux déjà les plus exploités, sont aujourd’hui les plus touchés (International Labour Office, 2004). D’autres critiques, plus ciblées, soulignent que la liberté quasi-totale de mobilité du capital et l’affaiblissement considérable de la réglementation des transactions financières sont porteurs de nouveaux risques et ont créé une l’« instabilité systémique » sur les marchés finan-ciers (Aglietta, Bertebi, 2007). De fait, la crise des marchés hypothécaires américains montre à quel point le système financier international est proche de la rupture. Des discours plus ou moins tempérés cherchent ainsi à persuader les citoyens de « l’existence de ‘classes dangereuses’ », d’ethnies inassimilables et hostiles » (Bigo, 2006). Les critiques du régime néolibéral de la mondialisation établissent donc un lien entre celle-ci et la croissance de l’insécurité. Ils ne sont pas les seuls. U. Beck et A. Giddens, mettent également l’accent sur les rela-3 tions entre la mondialisation et l’émergence d’unesociété du risque. La croissance des risques sociétaux est produite par la forme réflexive de modernité et l’avancée des savoirs qui caractérise la mondialisation (qualifiée deseconde modernité), où règne à la fois une faible probabilité et de fortes conséquences des risques technologiques. Dans la période précédente, l’État-providence était le garant de la sécurité. Aujourd’hui, selon Giddens«Les mouvements sociaux démocrates ont à modifier les relations entre le risque et la sécurité qui existaient au sein de l’État-Providence, et développer une société de preneur de risques, responsable dans le domaine de l’action gouvernementale, au sein des milieux d’affaires et sur le marché du travail » (Giddens, 2007). Giddens apporte une touche apologétique à l’existence, voire à la montée, de ces risques : « Le risque attire l’attention sur les dangers auxquels nous avons à faire face dont les plus importants ont été créés par nous-mêmes mais égale-ment aux opportunités qui les accompagnent. Le risque n’est pas seule-ment un phénomène négatif, quelque chose qui devrait être minimisé. C’est en même temps un principe énergétique d’une société qui s’est éloignée de la tradition et de la nature » (id., p. 62-63). Il rejoint F. Ewald
3. Il existe certes des différences entre les définitions du risque et de la sécurité. Le premier correspond à l’occurrence d’un événement défavorable, la seconde définit en quelque sorte l’impact sur les individus de cette occurrence (ou non-occurrence). Nous n’entrons pas dans cette discussion ici.
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UNE ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA SÉCURITÉ
sur ce thème du risque considéré comme « principe énergétique » de la mondialisation. Celui-ci estime que l’époque où le salariat était « déchargé de tous les risques en échange de la subordination » est révolue :«le fait que l’épistémè moderne soit une épistémè du risque a conduit l’économie à devenir la discipline dominante parmi les sciences humaines et son paradigme à progressivement annexer l’ensemble de leur champ » (Ewald, Kessler, 2000). Même pour ses défenseurs les plus résolus, par exemple leWorld Economic Forum(WEF), la mondialisation est désormais associée à la forte progression et diversification des risques. La figure 1 indique la pluralité des risques environnementaux, économiques, sociétaux, leur probabilité d’occurrence et leur coût qui sont liés à la mondialisation. On peut estimer que cet exercice témoigne d’une meilleure connaissance et d’une expertise améliorée. Toutefois, l’ampleur des risques globaux qui sont recensés illustre également le désarroi des décideurs. Le WEF souligne d’ailleurs l’inadaptation des instruments de gestion (World Economic Forum, 2007) mais sa forte inclination ‘pro-business’ le conduit également à regretter l’insuffisante audace des chefs d’entreprise 4 à exploiter les opportunités offertes par ces risques .
Brève généalogie d’une notion introuvable
On a souligné la difficulté de cerner la notion desécurité. Traditionnellement, dans le champ des relations internationales, la sécurité nationale était principalement, sinon exclusivement, centrée sur les menaces militaires extérieures, et son exercice légitime était assuré par les États souverains, dans le sens donné par Weber. Le ‘droit de la guerre’ constituait le socle dominant du droit des relations internationales. Une première rupture s’est produite au lendemain de la seconde guerre mondiale. La barbarie de la guerre, les exigences des populations du ‘plus jamais ça’ et les luttes pour l’émancipation coloniales ont conduit à jeter les bases d’un droit international et d’institutions en charge de son application. Cependant, les 5 limites du pouvoir de l’ONU, qui tiennent au privilège conféré à cinq pays de détenir un siège de membre permanent et un droit de veto sont néan-moins apparues avec plus de netteté au cours des années 1990.
4. C’est en tout cas l’opinion de Thierry Malleret, Responsible du réseau “Global Risks” au Forum économique mondial, cf « Le risque le plus grand est de rater une opportunité. Nous craignons les pertes plus que nous n’apprécions les gains » (Malleret, n.d.) 5. Chine, France, États-Unis, Grande-Bretagne, Russie (ex URSS).
INTRODUCTION
Figure 1. Les 26 risques globaux essentiels à un horizon de 10 ans
Note : Consensus croissant sur les risques Source: World Economic ForumGlobal Risks 2008
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Pour le reste, la sécurité intérieure était une affaire de police et de justice, et voisinait sans vraiment la fréquenter avec la sécurité sociale, comprise au sens large des protections accordées par l’État providence et des réglementations du travail négociées. A partir du début des années 1980, la remise en cause de la conception traditionnelle de la sécurité commence à apparaître avec la mobilisation de nouvelles notions : ‘sécurité commune’, ‘sécurité universelle’, sécurité 6 sociétale, etc. . Ces notions soulignent qu’une politique internationale plus positive permettra une définition de la notion de sécurité qui aille au-
6. Voir par exemple, Olaf Palme (Under the Chairmanship) (1982).
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