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A partir du XIXe siècle, l’hôtellerie parisienne devient une véritable industrie, portée par l’essor du tourisme et le développement des voyages, mais aussi par l’embellissement haussmannien, les Expositions Universelles et les grands travaux de la Ve République. C’est dans ce contexte que naissent au XIXe siècle les grands palaces, le Meurice, l’Hôtel du Louvre, le Ritz, qui sont synonymes de luxe, mais qui sont aussi le banc d’essai de la modernité par l’introduction d’innovations, comme l’ascenseur, le chauffage central, le téléphone, l’éclairage au gaz ou électrique. Le XXe siècle voit se développer les chaînes, chaînes de luxe, avec le groupe Taittinger ou les chaînes bon marché avec les hôtels Formule 1. Dans ce livre, ce sont avant-tout des aventures et du rêve, les frères Pereire qui construisent le plus grand hôtel de France, l’impératrice qui participe aux fêtes fastueuses pour l’inauguration du Grand-Hôtel, Proust à l’Hôtel de Balbec, Nana, l’héroïne de Zola qui meurt dans une chambre du Grand-Hôtel, la saga de César Ritz, fils de paysans suisses devenu propriétaire d’une chaîne internationale d’hôtels de luxe, l’arrivée des pétrodollars et la prise de contrôle du Ritz par Mohammed Al Fayed, père de Dodi Al Fayed qui meurt en quittant l’hôtel Ritz en compagnie de la Princesse de Galles Lady Diana. Ce livre retrace aussi l’histoire des fameux meublés et garnis, qui hébergent les ouvriers, les prostituées et les gens louches, rendus célèbres par le fameux film de Marcel Carné, Hôtel du Nord.
Couverture
4e de couverture
Titre
J EAN- M ARC L ESUR
L ES HÔTELS DE P ARIS
D E L'AUBERGE AU PALACE, XIX E -XX E SIÈCLES
E DITIONS A LPHIL
Copyright
Coédition : Editions Alphil et Pole éditorial de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard.
© Editions Alphil, 2005 Case postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse
EAN Epub : 978-2-940489-66-4
Responsable d’édition : Alain Cortat
Conception graphique : Teddy Nusbaumer, graphiste, Delémont
I NTRODUCTION : D E L’ACCUEIL À L’HYGIÈNE ET AU CONFORT
D E L’ACCUEIL À L’HYGIÈNE ET AU CONFORT
Tout au long du XIX e et du XX e siècle, Paris ne cesse de renforcer ses atouts touristiques, et l’activité hôtelière rend possible cette évolution par ses progrès et ses avancées dans les voies du confort, de l’hygiène et du service. L’embellissement haussmannien, les expositions universelles, la politique de promotion du tourisme et les grands travaux de la V e République sont les principales étapes de ce progrès continu. Au terme de cette évolution, le poids du tourisme dans la balance des paiements de la France, qui en fait le premier poste bénéficiaire en devises , témoigne du succès d’une telle continuité. La France est aujourd’hui le premier pays d’accueil de touristes du monde, et dans ce phénomène Paris occupe une place de choix.
Dans la chaîne professionnelle du tourisme, l’hôtellerie, qu’on lui adjoigne ou non la restauration qui souvent complète les services qu’elle offre à la clientèle, a pour étalon la qualité de l’hospitalité qu’elle met à disposition de ses hôtes. L’auberge de l’Ancien Régime est encore bien souvent un humble relais le long des routes de la poste. En haut de l’échelle de la profession, le palace ou grand hôtel, terme d’une évolution au tournant des XIX e et XX e siècles, est moteur de la profession et banc d’essai de la modernité par la mise à l’essai des innovations scientifiques et techniques, comme l’ascenseur, le chauffage central au gaz ou électrique, le téléphone, l’éclairage au gaz ou électrique. La problématique pivot de cette évolution réside dans la diffusion de ces progrès, depuis leur expérimentation jusqu’à leur généralisation, à travers résistances et expansion. Entre ces deux extrêmes de l’échelle du service rendu, les hôtels, pensions et garnis offrent une large gamme de niveaux de qualité divers et en progrès continu. Les racines de cette évolution, de ce progrès constituent le cœur de l’essai ici proposé.
D ES SOURCES FRAGMENTAIRES ET ÉPARSES
Malgré son importance croissante dans l’économie, l’hôtellerie n’est pas une activité dont il est facile de retracer l’histoire. La dissémination de l’activité hôtelière en une multitude de petites entreprises, comme d’autres formes de commerce, a longtemps détourné les historiens de cette profession qui possède néanmoins une spécificité certaine. L’historien de l’hôtellerie, comme de toute activité privée, doit pouvoir accéder aux archives que les entreprises répugnent souvent à ouvrir aux chercheurs. Les sociétés en activité craignent en effet la divulgation d’informations économiques ou financières qui pourraient les déstabiliser. Dans d’autres cas, l’historien se heurte à la disparition de sources anciennes jugées sans intérêt par les exploitants, ou même par la puissance publique comme l’illustre le cas du Service des garnis de la préfecture de police de Paris, en 1979, qui a détruit les registres de clients descendus dans les hôtels et où seuls quelques cartons jugés emblématiques ont été conservés. Il doit également s’appuyer sur des sources extérieures aux entreprises, à commencer par la représentation collective que donne leur profession à travers des syndicats patronaux, organisés depuis plus d’un siècle et qui expriment leurs points de vue dans une presse riche d’enseignement. En outre, l’administration publique chargée de contrôler l’hôtellerie a eu un effet d’entraînement, d’impulsion et d’orientation de l’activité. Enfin, l’histoire des hôtels ne peut se concevoir sans l’utilisation des sources littéraires : les récits de voyages sont essentiels pour juger de la qualité des installations et des services, les romans mettent en scène l’hôtel dans le cadre privilégié des rencontres humaines et sociales, de la sociabilité et de la mondanité. Il n’est pas jusqu’au cinéma qui utilise abondamment l’hôtel dans ses fictions.
U NE DÉFINITION ÉVOLUTIVE : HISTOIRE DE MOTS, HISTOIRE DE NOMS
Le mot hôtel émerge lentement, avec son sens actuel, de l’histoire du langage. A l’origine, on distingue, parmi les professions de la restauration, le cabaret, où l’on ne vend primitivement que du vin, la taverne, définie anciennement comme un cabaret où l’on boit à l’excès, la gargote, petit cabaret où l’on prend des repas à bas prix, et la guinguette, cabaret hors de la ville où le peuple va boire, danser et se divertir les jours de fête 1 . Le café n’apparaît qu’à la fin du XVII e siècle, avec l’introduction de cette boisson dans notre pays 2 . Le bar, d’origine anglaise, où il désigne la barre de comptoir puis le comptoir lui-même, ne se francise que sous le Second Empire. Les populaires zinc et bistrot (ou bistro) ne deviennent d’usage courant qu’à la fin du XIX e siècle.
Les professions de l’hébergement comptent à l’origine les hôtels et les auberges. La distinction est alors la suivante : l’auberge donne surtout le vivre, l’hôtel offre à la fois le coucher et le vivre 3 . Le mot hôtel lui-même naît vers 1050 (ostel = hébergement), et au sens de demeure ou de logis est attesté en 1226 dans la graphie hostel 4 . L’orthographe actuelle date du milieu du XVII e siècle. Le concept vient du bas latin hospitale , chambre pour les hôtes, neutre substantivé de l’adjectif hospitalis , de hospes , hôte. Le sens du mot se fixe au XVIII e siècle et distingue deux éléments : une maison meublée où on loge et où l’on trouve toutes les commodités du service. L’hôtel évince à cette époque l’auberge dans le langage courant. Deux expressions en rendent compte : « le gîte et le couvert » désigne un logement abrité des intempéries, « le vivre et le couvert » y ajoute les aliments permettant de se nourrir 5 . Mais encore, à la fin du XIX e siècle, le mot auberge est employé sur un mode affectueux ou plaisant, comme en témoigne le poème L’Auberge publié par Paul Verlaine en 1895 6 .
Paul VERLAINE : L’Auberge
A Jean Moréas
Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passeport.
Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !
La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.
Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.
Paul VERLAINE : L’Auberge , in Jadis et naguère , Œuvres poétiques complètes, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1957, p. 208.
Toutefois, jusqu’au XIX e siècle, la confusion avec l’hôtel particulier fait qu’on parle d’hôtel meublé : théoriquement, le meublé se distingue de l’hôtel en ce qu’il n’offre pas de service, et il a un aspect péjoratif. « Les pauvres locataires des hôtels meublés n’ont pas de chez soi », écrit Charles-Louis Philippe 7 . On emploie aussi l’expression d’hôtel garni qui a une résonance administrative puisque le service compétent à l’égard de l’hôtellerie de la préfecture de police organisé en l’an VIII s’appelle Service des garnis. Le garni apparaît de nos jours comme vieilli et peu engageant : « Garni, cR