Rosanie Soleil et autres textes dramatiques , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2011

EAN13

9782811104887

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

THÉÂTRE
Ouvrage publié avec du Centre national
le concours du Livre.
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Couverture : Théâtre AiméCésaire, Fort-de-France. Création graphique Simon Gléonec.
Éditions KARTHALA, 2011 ISBN :978-2-8111-0488-7
Ina Césaire
Rosanie Soleil etautres textes dramatiques
Textes réunis et présentés par Christiane P. Makward
Éditions KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
INTRODUCTION
«Ensouché fond » Le petit théâtre d’Ina Césaire
Le credo de Télumée Miracle, à l’ouverture du célèbre roman de Simone Schwarz-Bart, est digne d’un sage tibétain :«Le pays dépend bien souvent du cœur de l’homme : il est minuscule si le cœur est petit, et immense si le cœur est grand. » C’est sous le signe d’une telle modeste grandeur que se place l’œuvre dramatique d’Ina Césaire, ethnologue de formation. La diversification de cette œuvre, son humour bienveillant et son regard critique ne sont pas sans rappeler d’autres«»,petits mondes celui de Don Camillo par exemple, oùil fut démontrésans l’ombre d’un doute qu’un village est un univers et que, par voie de conséquence, une «poussière d’île », au prisme d’un œil généreux, peut devenir un cosmos. Les travaux d’Ina Césaire relèvent particulièrement d’une démarche de témoignage et de sauvegarde de la mémoire collective. Ses textes dramatiques constituent le volet le plus important d’une œuvre qui comporte des films, des essais ethnographiques, des nouvelles (parfois en collaboration) ainsi qu’un ouvrage ci-devant romanesque,Zonzon Tête Carrée, lequel est en réalitéun montage de faits divers et de récits d’origine populaire. Certaines de ces trames narratives et situations se retrouvent, ce n’est pas surprenant, dans les textes dramatiques. On trouvera aussi une version«narréet une versione » «théâtralisée » de telle nouvelle, ou encore deux formes (narrative et dramatique) des mémoires (fictives) de la gouvernante de Lafcadio Hearn, Cyrilia. Dans la logique d’un exceptionnel travail d’écoute et de mémoire – qui commence
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1 à être reconnu – sur l’héritage oral martiniquais , le théâtre est apparu à Ina Césaire comme le plus proche du discours spontanéréel et comme le plus apte à entretenir la mémoire vivante encodée dans ces traditions orales qui la passionnent :
«J’étais et j’en suis toujours persuadée : l’ethnologie ne peut accéder à son rôle de révélateur que si elle sort du ghetto des spécialistes. Il s’agit, pour plus d’un chercheur travaillant sur son propre terrain, de restituer au peuple – notre peuple en la circonstance – qui demeure le sujet de la recherche, l’objet même de notre déla prise en compte demarche : nos valeurs, de nos contradictions, de notre passé, de notre devenir. La nécessitéd’une forme spécifique, nécessaire au jeu théâtral, se faisant sentir, il a fallu sortir du strict champ de travail ethnologique et réécrire certains«non-dits ». [...] Quoi qu’il en soit, pour une fois auront eu la parole celles qui se taisent, celles qui agissent, qui ont toujours agi, sans que jamais leur 2 pensée et leurs actions ne dépassent le cadre familial . »
Dans un recueil d’essais intituléLa faim, la ruse, la révolte, Ina Césaire approfondit sa pensée sur le fructueux passage du document ethnographique à la création dramatique (et/ou littéraire). Elle y souligne le fait que les ressources du théâtre (parole, gestuelle, effets sonores et visuels) permettent d’exprimer aussi bien le réetel que l’onirique l’imaginaire. Aussi le théâtre doit-il être l’aboutissement heureux du conte traditionnel, genre en voie de perdition à cause de l’audiovisuel moderne. La théâtralisation du conte – dont un merveilleux exemple dans ce volume estLe Garçon sauvage(alias«– estMari-Baleine ») également un instrument pédagogique précieux, aussi bien pour la mise en valeur de la langue créole que pour le nécessaire travail sur l’affirmation identitaire en milieu scolaire. Certains travaux deLa faim, la ruse, la révolterecèlent de véritables plans de leçon pour les professeurs desécoles. Ina Césaire considère comme un phénomène culturel notable l’engouement actuel pour un théâtre authentiquement martiniquais :«la vocation première de ce nouveau théâtre semble justement être l’expression de l’histoire locale réintégrée par les créateurs culturels endogènes ».
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La bibliographie en fin de la présente introduction signale les principaux sites et articles consacrés à Ina Césaire. «De l’enquête ethnologique à l’expression théinsâtrale », érédu programme de Mémoires d’îlepar le Théâtre du Campagnol, saison 1982-1983.
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C’est donc bien de sa formation d’ethnologue qu’est partie pour Ina Césaire la création qui caractérise son travail littéraire. Elle recueille – elle a enregistrésur le vif pendant plus de vingt années – et elle traite aussi directement que possible les contes antillais liés aux grands rituels de la vie et de la mort (Toussaint, Carnaval), contes de veillées funèbres et contes«à dormir debout » de la vie diurne. De là, du conte à composantes merveilleuses ou irrationnelles, au récit spontanéou au«tout courtdit » qui finira sur scène, le passage est ouvert. C’est par le travail sur des récits de vie qu’Ina Césaire s’est d’abord initiée à la création dramatique en 1980. Une conversation avec le metteur en scène et directeur Jean-Claude Penchenat, héritier du Théâtre du Soleil et directeur du Théâtre du Campagnol, l’amène à créer, avec deux actrices (Mariann Mathéus et 3 Myrrha Donzenac),Mémoires d’île(Maman N. F.et Maman ) en 1983-4 1984. Après une création en traduction anglaise à New York, en 1991 , une version de la pièce aétéreprise en Martinique au printemps 2008 dans une mise en scène de JoséExélis, avec des modifications tendant à contraster davantage les personnages en tant que«etmulâtresse » «négresse », et dans une mise en scène simplifiée. La version donnée dans le présent volume, qualifiée de«définitive », inclut aussi le specta-culaire prologue, ou«Parade des diablesses ».Mémoires d’îleest un dialogue de femmes d’un autre âge, personnages inspirés directement, ou de façon composite, des grand-mères mêmes d’Ina Césaire, mais qui incorporent aussi des témoignages d’autres femmes. Le créole y est mis en scène, comme instrument d’identification et de ralliement, mais aussi bien comme aléa dans une quête de bonheur soumise aux contraintes d’une situation para-coloniale qui continue à faire problème. Dès cette œuvre inaugurale de 1980, et donc plusieurs années avant le fameux manifesteÉloge de la créolité(1989), la question du statut du créole et de la diglossie taraudait les esprits, et les linguistesétaient à l’œuvre. J’en ai faitétat au sujet deZonzon Tête Carrée, oùl’emploi triomphal ou provocateur du créole est une source majeure d’effets insolites. Plus récemment, Stéphanie Bérard analysaitMémoires d’île dans une visée comparable, résumant son propos en des termes qui s’appliquerontégalement bien à«Rosanie Soleil » :«La pièce d’Ina Césaire tente de réhabiliter le créole et de faire se conjuguer les langues, sans séparation nécessaire du créole et du français, sans exclusion mutuelle : de cette union heureuse naît un langage nouveau qui manifeste
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On trouve d’autres orthographes pour ce titre, mais j’emploie celle que désire l’auteure. Voir [disponible en ligne] l’entretien d’Alvina Ruprecht avec Francoise Kourilsky, directrice de l’Ubu Repertory Theatre, sur le site de Francothéâtres.
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la différence et exprime une identitéirréductible à l’unicité, une identité 5 résolument cré. »ole, c’est-à-dire composite Ainsi prise au jeu de la création pour la scène, Ina Césaireélabore ensuite une composition intituléeL’Enfant des passages ou la Geste de Ti-Jean, sur la base de récits saisis lors d’enquêtes ethnographiques. Ce texte, publiéen 1987, n’est pas inclus dans le présent volume. Cette fois encore, on observe la mise enévidence de la diglossie car c’est une suite bilingue de tableaux dramatiques imprimés en vis-à-vis en français et en créole martiniquais. Le spectacle aétécréépar le Centre d’art dramatique de Fort-de-France et il fut repris en particulier par Judith G. Miller à l’Universitédu Wisconsin dans une fort jolie mise en scène inspirée de l’art de la bande dessinée. Le héros deL’Enfant des passagesest l’archétype du débrouillard,«paroleur » à sa façon qui n’a ni feu ni lieu (c’est-à-dire ni foi ni loi) et pas se d’une situation catastrophique à une autre pour en sortir par la force de son verbe et de son esprit. Dans un très 6 bel article paru dansPrésence africaineet repris dansLa Faim, la ruse, la révolte, Ina Césaire a elle-même interprétéde façon magistrale ce héros, peu héroïque si l’on se cantonne à la morale classique. C’est un petit diable astucieux dont les sig nifications fondamentales sont la pauvretéabsolue, le souverain mépris de l’ordre et de la loi, du passéet des valeurs qui en dérivent. Enfant véritablement polymorphe et pervers, athlétique et sans cœur, il incarne le révolté-type. Ti-Jean en réalitéest un «enfant » sans enfance, néadulte et déraciné, c’est le nègre marron qui se déplaceéternellement en dehors de nos repères occidentaux habituels. Pour une nouvelle incarnation de la révolte liée au manque de moyens d’articulation symbolique (impossibilitéde dialogue avec le maître), Ina Césaire a imaginéun carréintimiste de femmes à partir de la trace historique de Rosanie Soleil. Inculpée dans le procès de«la grande révolte » de 1870, dans le sud de la Martinique, la voici désormais sauvée de l’oubli et à la disposition des lecteurs. Conçue pour représenter la réalitéquotidienne féminine aussi bien que la résistance anticoloniale, cette pièce aétécréée au Festival de Fort-de-France de 1989 (mise en scène de Syto Cavé, avec Toto Bissainthe), puis en traduction à New York, dans une splendide mise en scène de Ntozake Shange (dramaturge noire américaine), en 1991. Ina Césaire, en théâtralisant le quotidien et le domestique par un travail serrésur la langue, traite le contexte des grèves du sucre et, secondairement, le rapport entre les sexes, oùl’homme est
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Cf. Bibliographie, Bérard Stéphanie,«Créole et/ou français... ». er «»,La triade humaine dans le conte antillais Présence africaineet121-122, 1 e 2 trimestres 1982.
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décentré, invisible, mais ni absent ni ignoré. Il est même fantasméde façon positive par les jumelles«» car la mère tait leurde père inconnu origine de façonéloquente. PourRosanie Soleil, l’écrivaine a trouvéde nouveaux effets de langue en travaillant un français très imagéà l’instar de ce français haïtien des scribes populaires, dont les extraordinaires fioritures fascinent les critiques et stylisticiens. La superbe mise en scène de Ntozake Shange dotait les actrices d’une vivacitéexceptionnelle (voix, chorégraphie) et démontrait brillamment comment la gestuelle et le mouvement peuvent non seulement signifier maiségalement amplifier l’émotion et le non-dit. Cette pièce est aussi importante en ce qu’elle témoigne de la conscience rebelle martiniquaise et la situe dans le sillage de la révolution haïtienne. Il y est faitétat en particulier du début de l’insurrection (août 1791) et de la conjuration de Bois-Caïman.Rosanie Soleilest un exemple majeur du travail d’Ina Césaire sur la mémoire collective de son pays, et de son entreprise d’inversion des mythes négatifs sur les paysans, avec la mise enévidence et en valeur des traditions orales pour des publics locaux ou non. Hommage à la vitalité des femmes du peuple,Rosanieest aussi une reformulation du grand récit fondateur de la révolution haïtienne, et unéloge du«père, ce héros ». On trouvera une autreévocation visionnaire de cette rencontre de Bois-Caïman – c’est le mythe fondateur par excellence de l’identitécaribéenne – dans la pièce la plus sombre du présent volume : les grandes joutes verbales en sept tableaux intituléesLe Général et le Prisonnier, pièce qui met face à face Toussaint Louverture et le général Caffarelli, son gardien. On ne trouvera pas dans ce volume le substantiel ensemble de textes dramatiques non originaux encore inédits. Il s’agit d’une part des contes théâtralisés (comme cetEnfant des passages ou la Geste de Ti-Jean, évoquéplus haut) à vocation pédagogique et qui, destinés auxécoliers de la Martinique, serontédités sur place. Il existe par ailleurs des adaptations littéraires qui constituent un corpus encore en travail.Àdeux reprises, Ina Césaire a adaptépour la scène des situations dePluie et Vent sur Télumée Miracle; elle a aussi donnde Simone Schwarz-Bart ésous le titreLes Nuits et les Diablessa version deFoliede Marie Chauvet, la romancière haïtienne (voir la théâtrographie plus bas). Elle s’est mesurée avec le plus grand bonheur à Brecht et son célèbreMaître Puntila et son valet Matti, dont une mise en scène à tendance italianisante (d’Omar Porras, 2007-7 2008) faisait déjà ressortir la dimension baroque qui se prête particuliè-
7.«... un mot aussi pour le vieux Brecht vu par Omar Porras, baroque metteur en scène suisse colombien. Adepte des masques, guenilles, de l’irrévérence et de la liberté, goût du conte [...] Puntila, riche propriétaire, n’est bon que lorsqu’il est
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