Un cri de rage et d’amour dans ce texte dépouillé des cahots de l’âme blessée, éloigné des vagues pathétiques. C’est une histoire de maladie, de tumeur, de chambre aseptisée et de procédures douloureuses… C’est aussi, en creux, celle d’un amour entre Marc, le patient, et Suzy, son épouse. Au couple d’abord séparé par les soins, puis définitivement par les limbes, s’opposent ainsi, inversés, les souvenirs du temps ensemble, des amants qui se découvraient, de la famille qui s’est agrandie… C’est un tombeau que compose donc Joëlle Perelberg. Certes parce que ce texte est placé sous le signe du deuil à accomplir, mais surtout parce que celle qui reste érige, dans une prose à fleur d’âme, un monument dédié à l’un de ces amours tardifs, banals diront certains, extraordinaires d’épanouissement préférons-nous. Avec en arrière-pensée un réquisitoire pour que nos hôpitaux changent. Dépouillé des cahots de l’âme blessée, éloigné des vagues pathétiques, "Toujours j’aimerai la mer" impose à la relation de la perte de l’être aimé un style discret et économe qui laisse ainsi poindre, en notes étouffées, moins lisibles que perceptibles, les sentiments d’alors, la terreur certainement, mais aussi l’admiration pour celui qui supporta le calvaire. Récit d’un amour qui se renforça dans l’épreuve et qui n’a pas perdu en intensité avec le temps et les funérailles, le témoignage de Joëlle Perelberg touche à l’un des curieux ressorts du deuil: laisser partir le défunt tout en le retenant, encore un peu, par le rappel des jours étincelants.
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