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pages
Français
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2016
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Publié par
Date de parution
08 juin 2016
Nombre de lectures
1
EAN13
9782342052213
Langue
Français
« J'arriverai un jour à me “recycler”, j'y arriverai j'en suis sûre, mais quand ? Et dans quel état ?... Quand je repense à ce deuxième stage à la gazette de la ville, cursus obligatoire de ma formation compta/informatique, je me revois dans ce petit bureau exigu, enfumé. Je revois cette femme dont personne n'avait que faire, reléguée dans le coin de la pièce. J'ai peine à croire que cette femme, c'était moi... Jamais, au fond de son commerce jadis florissant, elle n'aurait soupçonné autant de situations critiques, de détresses et de malveillances autour d'elle. Par contre, elle n'aurait jamais rencontré autant de gens vrais, aussi solidaires, sincères et compréhensifs que ceux qui sont en souffrance, si elle n'avait pas été elle-même dans cette situation momentanée, le temps de sa reconversion... »
Publié par
Date de parution
08 juin 2016
Nombre de lectures
1
EAN13
9782342052213
Langue
Français
La Reconversion professionnelle d'une femme après quarante ans
Simone Pascal
Mon Petit Editeur
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Reconversion professionnelle d'une femme après quarante ans
La reconversion… Période de recyclage…
Je n’aime pas ce mot, on recycle les déchets, les rebuts ?
Mes priorités actuelles ? Persister, surnager, boire la coupe jusqu’à la lie, assumer ma vie, mon indépendance, mes enfants, me prouver que moi aussi je peux y arriver toute seule, que j’existe…
Maintenir envers et contre tous mes modestes ambitions professionnelles, mes engagements associatifs, faire face à toutes les difficultés et les humiliations qui me submergent.
Donner et redonner des preuves, prouver encore et toujours vos capacités, démontrer et appliquer vos expériences, à des jeunes gens qui pourraient être vos enfants, qui ont la théorie assortie d’un diplôme, qui leur donne le droit de vous juger.
Ces jeunes loups se permettent de jauger vos capacités intellectuelles, de vous mettre en position d’infériorité que favorisent la précarité et la vulnérabilité de la situation personnelle du moment ; ça leur permet de rôder, avec classe, leur influence hiérarchique d’administrateur novice.
Jouer l’étudiante attardée, juste retour des choses, (ironie du sort) ; essuyer les échecs ; encaisser les refus d’embauches ; se justifier devant une incompréhension permanente ; s’abaisser, se faire toute petite confrontée aux différentes administrations, à l’abus de pouvoir de quelques agents sociaux et municipaux, imbus de leur petite personne ainsi valorisée, qui se font un malin plaisir d’enfoncer le clou toujours un peu plus ; ce qui favorise des réactions pas toujours adéquates aux actions malfaisantes.
Actions inamicales : réactions agressives, escalades dans l’incompréhension réciproque.
On naît toujours innocent, on meurt souvent mécréant…
Trop d’angoisses, d’incertitudes, d’insécurités ; trop de choses à gérer.
Vulnérable, te voilà condamnée par les regards, les réflexions, mais aussi les inextricables complications des dossiers qui traînent en longueur de temps, qui te pénalisent… Service social, quand tu nous tiens !
Trop dur de nos jours, pour trouver un travail avec un salaire décent, quasiment impossible pour une femme, la quarantaine passée. Je voudrais tant me prouver à moi-même que j’en suis capable…
Liberté ! T’es hors de prix !
J’arriverai un jour à me ‘‘recycler”, j’y arriverai j’en suis sûre, mais quand ? Et dans quel état ?
Au secours les Administrations !
Dans les locaux de l’ANPE, un lundi matin : un monde pas possible !
Trois guichets sont ouverts.
Des habitués blasés font les cent pas ; d’autres lisent les petites annonces affichées contre les panneaux prévus à cet effet.
Certains prennent des notes.
Les agents de l’ANPE, très à l’aise, entrent et sortent des divers bureaux qui entourent le hall, avec une décontraction déconcertante pour les inquiets qui patientent leur tour.
Pas de panique ! Tout va bien ! Tout le monde passera, à condition d’être patient ; de toute façon, nous n’avons rien d’autre à faire puisque nous sommes presque tous là pour rechercher, justement, ce ‘‘quelque chose à faire”…
Partout des personnes distraites, nerveuses, discrètes, rêveuses, inquiètes, râleuses, gaies, tristes, vont et viennent dans cette grande salle où règne un brouhaha indescriptible.
Dans cette promiscuité, on s’interpelle, on s’esclaffe, des groupes se forment par affinités, par complicités, par solidarités, retrouvailles de compagnons de galères, lieu insolite pour des rencontres, des nouvelles connaissances…
Puis le calme s’installe peu à peu ; toute cette agitation verbale diminue graduellement pour n’être plus que chuchotements, murmures, confidences, secrets d’États…
Chacun a délimité ses propres repères, trouvé sa place, et s’apprête à prendre son mal en patience, ou plutôt, à mettre sa patience à mal.
La plupart des gens sont maintenant assis, un ticket à la main.
Pour moi, c’est la première fois que je me retrouve à l’ANPE.
Effrayée par tout ce monde, je repère une chaise pour attendre mon tour.
Plusieurs personnes entrent après moi ; l’une d’entre elle se dirige, une serviette de cuir à la main, vers la salle de réunion, entraînant avec elle, une flopée de groupuscules gesticulant avec véhémence.
L’autre va droit au bureau n° 4, tout en vérifiant à sa montre, l’heure de son rendez-vous.
La personne suivante arrache un ticket au distributeur ; je réalise que je n’ai pas pris le mien ; je tire le n° 58 ; ouf ! Je n’ai perdu qu’une place dans la longue file d’attente.
Je me rassois ; un compteur appelle un numéro en braillant un son rauque à faire tomber les tympans ; je me retourne et vois clignoter au-dessus de la porte le n° 11…
Les minutes passent… les heures aussi…
Je sors de mon sac ‘‘le 84” spécial petites annonces et commence à cocher les jobs proposés.
Une femme au guichet n° 2, pleure en racontant son histoire que l’employée, écoute d’une oreille distraite :
«… Mon mari m’a laissée… Je n’ai jamais travaillé… j’ai toujours eu tout ce que je voulais dans ma vie… j’étais très heureuse… et maintenant, plus rien… j’ai 55 ans, je ne sais rien faire… je suis désespérée… »
Un homme pousse la porte ; il croise un jeune impatient qui lui tend son ticket :
« Tenez ! Je vous donne mon n° 42 ; moi, je ne peux rester plus longtemps… »
Sans plus attendre, il sort, laissant le monsieur interloqué mais ravi de gagner quelques crans dans l’approche du guichet.
Quelle veine il a ?
Un homme très en colère au guichet n° 1, élève la voix :
«… Et vous croyez peut-être que je vais accepter ça ?… Je suis un bon artisan moi, il n’est pas question, qu’on me paye au ‘‘lance-pierres”…Je sais ce que je vaux ! Alors ceux qui veulent profiter de la situation, je les emmerde !… J’en veux pas de leur CES ! C’est vrai ça ? On ne respecte plus rien maintenant ? On prend les gens pour des C… ? Et la qualité du travail, ça ne se monnaye plus ça ? Et la dignité humaine, où est passée la dignité humaine là-dedans ? Un bon ouvrier, ça ne se respecte plus ? Un bon boulot bien fait, bien récompensé, ça n’existe plus ? Où est passé le temps où il suffisait de remonter les manches pour tomber du boulot en pagaille ? On dégoûte les bonnes volontés… Ras le cul de toute cette merde ! Si on préfère me payer à rien faire, je jouerai le jeu aussi, comme ça j’irai travailler au noir, comme tout le monde et ce sera tout ‘‘bénef” pour moi… Allez, salut ! »
Ça jette un froid… L’approbation muette et compatissante de la plupart des présents contraste avec l’attitude neutre de la conseillère au professionnalisme qui se veut détaché et imperturbable.
Les heures passent… je me plonge dans les mots fléchés.
La salle de réunion relâche enfin les groupes de stagiaires, venus là pour une matinée de formation.
Leurs commentaires vont bon train ; le remue-ménage s’éloigne vers la sortie.
Un air froid et vif s’engouffre entre les portes battantes à tout va, et vient renouveler l’atmosphère surchauffée des locaux qui se vident peu à peu ; un courant d’air frais, prend en écharpe, la rangée centrale de sièges, glaçant d’un seul coup, dos et mollets ; les dernières personnes assises remettent leurs vêtements.
Ce chaud et froid ravive toux et angines et en rajoute à l’inconfort des lieux.
‘‘GROUOUOUNNN” …le n° 58 s’affiche… Guichet n° 3.
« Merde ! C’est à moi ?… Mon ticket !… Où est passé mon ticket ? »
Peut-être dans ma poche ? vite, vite ! Sinon ils vont passer au numéro suivant… Panique de panique !… Ha ! Là ! Il est tombé par terre, sous mes pieds, il était temps !
Au guichet, je brosse, en quelques phrases ma situation toute nouvelle :
Encore sous le choc d’une cassure familiale, professionnelle, sentimentale, je craque…
Fragilisée moralement, déprimée, découragée, c’est un véritable SOS que j’adresse à l’employée de services, conseillère expérimentée, qui, tout comme ses collègues, compatit sans s’impliquer (mot d’ordre nécessaire à leur propre équilibre.)
«… séparée, un enfant encore à charge, aucun revenu, sans travail… Un quart de siècle réduit à néant…
… Femme de commerçant, ayant secondé mon mari dans le boulot avec, parallèlement, trois enfants à élever, sans congés ni vacances… »
L’employée écoute, blasée, tout en tapotant sur le clavier un dossier tout neuf ; elle entre dans l’ordinateur les renseignements fournis :
« Dernier emploi ? »
« Tupperware ! »
« Licenciée ?… »
« Non ! Démission… »
« Dans ce cas, PAS D’ASSEDIC ! »
(C’est bref mais ça a le mérite d’être clair).
« … Bon, résumons, Madame ! Pas de travail, pas de revenus, pas d’ASSEDIC, un enfant encore à charge…
Je vous conseille vivement d’aller voir la CAF pour une éventuelle allocation de parent isolé l’API, et prendre rendez-vous avec une Conseillère en Formation/Orientation pour un bilan de situation.
Voilà, Madame ! Et surtout, n’hésitez pas à revenir nous voir pour consulter les offres d’emploi ? »
Inutile d’épiloguer, la Conseillère n’écoute plus et appelle déjà le numéro suivant
* * *
Sur le chemin du retour, je ressasse tous mes griefs envers TUPPERWARE qui m’a volé mon temps, mon argent, et mes dernières forces.
« TUPPERWARE ? Vous ne pouvez pas ne pas démissionner.
Tupperware ne licencie pas, pas si bête ?
TUPPERWARE, TU PERDS TOUT !
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