Une autobiographie tout en fragments… Non parce que la mémoire fait défaut, mais parce que chacun des événements relatés, chacune des pensées consignées, vibre comme un éclat, un rai qui perce l’obscurité. Se donne ainsi à lire une enfance qui aurait pu être anéantie par le décès maternel. Qui retira pourtant du drame le don de contemplation, celui de l’écoute des paroles secrètes, l’art de l’observation des êtres. Où se dévoile une âme chrétienne jamais encline à courber l’échine devant les prescriptions et le « religieusement correct », fustigeant toujours les hypocrisies. Où s’impose enfin la voix d’une enseignante retraitée, curieuse du passé fribourgeois, mais aussi heurtée par les dérèglements du présent. Texte-patchwork dans lequel réminiscences et questionnements contemporains se succèdent, "Ces Riens qui ont tissé ma vie" n’est pas animé par cet intimisme narcissique, par cette auscultation maniaque de l’âme propre au genre autobiographique. Plaçant cette dernière face aux siens, à la société fribourgeoise, à l’Etat, à l’Eglise, la projetant au-devant d’elle, Marie-Anne Heimo construit un récit de vie impliqué, palpitant d’un esprit de contestation – voire de rébellion – qui, nous le prouve-t-elle, n’est pas inhérent à la jeunesse mais bel et bien aux cœurs sensibles.
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